Le progrès technique est-il la condition du bonheur ?

18 novembre 2009 0 Par caroline-sarroul


I. le progrès technique (c’est-à-dire le perfectionnement des outils et des savoir-faire) est la condition de notre bien être matériel et source de plaisirs. D’où l’idée d’un millénarisme technologique dès le XVIIème siècle : Descartes ou Bacon avec l’utopie techno-scientifique de la Nouvelle Atlantide

1. on peut penser qu’il y a des conditions objectives (santé) et minimales pour bien vivre. Ces conditions font que le monde répond à nos besoins naturels, s’accordent avec eux. Le progrès technique facilite cela, nous met à l’abri du besoin et nous libère en quelque sorte des nécessités naturelles et du travail qu’elles exigent.

2. il nous permet de jeter sur le futur un regard moins inquiet, il rassure et en un sens permet une paix de l’âme, l’homme est « comme maître et possesseur de la nature » et de sa vie. Il semble mettre à l’abri du hasard, des coups du sort.

3. Pour l’homme bien vivre ne se réduit pas à survivre mais à satisfaire ses désirs, or il semble que le progrès technique soit aussi ici une réponse à nos attentes. Le désir est le moteur de ce progrès, il en détermine les buts et l’illimité du progrès technique semble être l’image de l’illimité de nos désirs. Le progrès technique peut être source de plaisir pour ceux qui en bénéficient et source de satisfaction pour ceux qui en sont les auteurs : cogito pratique de Hegel (satisfaction aussi bien personnelle qu’en tant qu’homme qui se définit comme homo faber ( homme fabricateur) et sujet, niant la nature, le donné) et reconnaissance sociale.

II. Mais le bonheur n’exige pas qu’un bien-être matériel et des plaisirs, il est un état de totale, pleine et entière satisfaction. Or,

1. si le progrès facilite la satisfaction de certains désirs, il nous fait aussi entrer dans une sorte de servitude. Et une satisfaction totale en tant qu’homme semble sans liberté difficilement envisageable. On devient dépendant des outils et machines, du bien-être matériel. Et cela crée des contraintes, comme la  peur de perdre, de ne pas avoir assez, qui font qu’on ne peut s’avancer sereinement vers l’avenir quand le superflu est devenu accessible et donc nécessaire au mépris même parfois du nécessaire. On s’attache à des choses qui ne dépendent pas que de nous ce qui  nous empêche de parvenir à l’ataraxie : sérénité de l’âme et besoins comblés.

2. le fait que le progrès technique nous facilite la vie (la prise) peut devenir source de déplaisir ( pas à chasser) ; si nos désirs sont comblés, on s’ennuie, fin du  divertissement  et retour sur soi (Pascal) et souffrance, on voudrait encore désirer, alors on se met à désirer n’importe quoi, à tort et à travers ( on demande la lune comme des enfants gâtés). En rendant possible bon nombre de nos désirs, le progrès technique favorise aussi la dé-cristallisation et entraîne la frustration.

3. Le progrès technique ne saurait combler tous nos désirs. On peut penser au désir de trouver sa moitié, aux désirs de l’âme, ou au désir de reconnaissance qui reste frustré. Il y a donc d’autres conditions pour être heureux et il peut sembler qu’il ne soit pas possible de les réunir au regard de la diversité et la subjectivité des désirs de l’homme, au regard du manque que l’homme s’efforce de combler et du véritable objet du désir qu’est l’absolu.

III. Non seulement le progrès technique n’est pas la seule condition du bonheur, mais en plus, il est source de souffrances qui sans lui n’existeraient pas. Il ajoute à notre malheur

1. en nous faisant croire que le progrès se réduit au progrès technique et que dès lors, tout est là pour que nous soyons heureux, ce qui décuple notre souffrance si nous n’y parvenons pas.

2. en triomphant et ne faisant triompher ses valeurs au mépris d’autres valeurs plus humaines et en faisant qu’on finit par se satisfaire de la réalité, alors que le désir est par définition, ce qui ne saurait se satisfaire de la réalité.

3. en décidant de nos fins, la technique ne donne plus simplement des moyens au service de nos fins, elle décide des fins dans une sorte d’auto-croissance, « on n’arrête pas le progrès ! »

4. en coupant les « ailes » du désir, comme si l’absolu se trouver dans les choses visibles et matérielles

5. en nous mettant face à de nouvelles libertés et responsabilités ( d’où choix à faire et angoisse). Nous avons désormais le pouvoir de modifier la nature, de la détruire.