Le chant du rossignol et l'art

6 janvier 2010 1 Par caroline-sarroul

A l’attention toute particulière de mes élèves de TS4 qui m’avaient mise au défi de faire le chant du rossignol suite à une pitoyable et regrettable confusion avec le roucoulement du pigeon. Et dans l’attente d’une « prestation avec instrument », puisque ce qui était en jeu c’étaient les propos de Kant, concernant une imitation ridicule et laide de ce qui dans la nature est beau. Or il parle d’une imitation « avec à la bouche un roseau ou un jonc ». Ouf !

 

« D’une façon générale, il faut dire que l’art, quand il se borne à imiter, ne peut rivaliser avec la nature, et qu’il ressemble à un ver qui s’efforce en rampant d’imiter un éléphant. Dans ces reproductions toujours plus ou moins réussies, si on les compare aux modèles naturels, le seul but que puisse se proposer l’homme, c’est le plaisir de créer quelque chose qui ressemble à la nature. Et de fait, il peut se réjouir de produire lui aussi, grâce à son travail, son habileté, quelque chose qui existe déjà indépendamment de lui. Mais justement, plus la reproduction est semblable au modèle, plus sa joie et son admiration se refroidissent, si même elles ne tournent pas à l’ennui et au dégoût. Il y a des portraits dont on a dit spirituellement qu’ils sont ressemblant à vous donner la nausée. Kant donne un autre exemple de ce plaisir qu’on prend aux imitations : qu’un homme imite les trilles du rossignol à la perfection comme cela arrive parfois, et nous en avons vite assez; dès que nous découvrons que l’homme en est l’auteur, le chant nous paraît fastidieux; à ce moment nous n’y voyons qu’un artifice, nous ne le tenons ni pour une oeuvre d’art, ni pour une libre production de la nature. »

HEGEL, Introduction à l’esthétique

En effet au paragraphe 42 du Livre II de la critique de la faculté de juger, Kant écrivait:

 « quoi de plus apprécié par les poètes que le joli chant, si charmant, du rossignol dans un bosquet solitaire, durant un calme soir d’été, sous la douce lumière de la lune? Pourtant, on connaît des exemples où comme on ne pouvait trouver un tel chanteur, quelque hôte jovial est parvenu à tromper , à leur trés grande satisfaction, ses invités venus chez lui jouir de l’air de la campagne, en dissimulant dans un buisson un jeune garçon malicieux sachant imiter (avec à la bouche un roseau ou un jonc) ce chant de manière parfaitement conforme à la nature. Mais, dès que l’on prend conscience qu’il s’agit d’une tromperie, personne ne supporte longtemps d’entendre ce chant tenu auparavant pour si attrayant; et il en va de même pour tout autre oiseau chanteur. Il faut que la nature ou ce que nous tenons pour elle, soit en cause, pour que nous puissions prendre au beau comme tel un intérêt immédiat. »

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Pourtant certains artistes ce sont risquer à cette « imitation ». C’est le cas de Stravinsky et de son ami Stephan Mitousov qui  préparent le livret d’un opéra, ou plutôt d’un conte lyrique

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=FbVkQvBtWBE[/youtube]

à partir du conte Le Rossignol et l’Empereur de Chine de Hans Christian Andersen, que voici:

En 1919, ils demandent  à Henri Matisse de faire décor et costumes pour une représentation à Londres. 

Le rossignol inspirera aussi  Miró en 1940 dans cette constellation:

 

J. Miró, Le chant du rossignol à minuit et la pluie matinale