Le langage

20 janvier 2010 0 Par caroline-sarroul

Introduction : communiquer, parler et dire

  1.  La communication est la transmission via un canal (un code commun ou  une langue) d’un message par un émetteur (le locuteur) à un récepteur (l’auditeur) et consiste en une opération de codage/décodage dont l’objet est le contenu du message.
  2. la parole est la communication via le langage articulé humain ou une langue de signes. On pourra montrer que si les animaux communiquent, ils ne parlent pas et que les sourds et muets , même s’ils n’articulent pas des sons, parlent.
  3. on peut parler pour ne rien dire. Dire, c’est faire usage d’une des fonctions du langage ( la fonction référentielle) ou une communication réussie ( l’autre a saisi ce qui était transmis)

Cette représentation de la communication proposer par Jakobson peut engendrer différentes erreurs d’interprétation :

  • croire que l’émetteur et le récepteur préexistent à toute communication or je ne suis sujet communicant que par et dans la communication et même sujet que par l’usage du mot « je »
  • faire de la communication un système de codage/décodage , c’est croire que communiquer et en particulier parler, c’est mettre en mots un contenu antérieur à ces mots, une sorte de texte infra-linguistique , une pensée sans mots

OR comme le dit Hegel : ”Nous n’avons conscience de nos pensées, nous n’avons de pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons une forme objective, que nous les différencions de notre intériorité, que nous les marquons de la forme externe.(…) C’est le son articulé , le mot, qui seul nous offre une existence où l’externe et l’interne sont  si intimement unis.

Par conséquent, vouloir penser sans les mots est une tentative insensée. (…) Il est également absurde de considérer comme un désavantage  et comme un défaut de la pensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot. On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu’il y a de plus haut, c’est l’ineffable… Mais c’est là une opinion superficielle et sans fondement ; car en réalité l’ineffable, c’est la pensée obscure, la pensée à l’état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu’elle trouve le mot. Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. Sans doute, on peut se perdre dans le flux des mots sans saisir la chose . Mais la faute en est à la pensée imparfaite, indéterminée et vide, elle n’en est pas au mot. Par conséquent, l’intelligence en se remplissant des mots, se remplit aussi de la nature des choses”.     

  • penser que le centre et l’objet de la communication est le message. Or ce n’est pas forcément le cas, la fonction référentielle qui cherche à indiquer quelque chose dans la réalité n’est qu’une des 6 fonctions du langage selon Jakobson. Il y a aussi par exemple la fonction phatique dont le but est uniquement de maintenir un contact acoustique avec l’auditeur quelque soit ce qui est dit, ou les fonctions expressive ou impressive où le centre de la communication n’est pas le message en lui-même mais notre position par rapport à lui ou susciter chez le récepteur une certaine impression, un état d’esprit ( on va jouer par exemple plus sur l’intonation que le contenu)

 

 On peut ajouter à ces fonctions, la fonction performative avec  les linguistes Austin et Searle. C’est “quand dire, c’est faire”. C’est le oui du mariage, le fait de baptiser par un nom quelque chose, la déclaration de guerre ou encore le Verbe créateur Divin. “Que la lumière soit” dit Dieu et elle est!! C’est d’ailleurs parce que les mots ne s’opposent pas aux actes, que l’on a tant de mal avec les beaux parleurs ou les menteurs!

  • I. Parole humaine et langage animal

 Si communiquer c’est échanger des messages il est incontestable que les animaux communiquent. Comme le disait Montaigne, « il y a entre les bêtes une pleine et entière communication » non seulement entre celles de même espèces mais entre celles d’espèces différentes. Mais comme le souligne Descartes parler, c’est autre chose, c’est « arranger ensemble diverses paroles », « composer un discours qui fasse entendre sa pensée ». Or les bêtes ne pensent pas, alors elles ne parlent pas. Et  parler est un acte de communication qui se différencie radicalement de tout autre type de communication, pour différentes raisons :

EXEMPLE 1 : le langage des Abeilles étudié par Karl Von Frish

“Après s’être débarrassée de sa charge, la pourvoyeuse entame une sorte de ronde. Elle se met à trottiner à pas rapides sur le rayon, là où elle se trouve, en cercles étroits, changeant fréquemment les sens de sa rotation, décrivant de la sorte un ou deux arcs de cercle chaque fois, alternativement vers la gauche et vers la droite. Cette danse se déroule au milieu de la foule des abeilles, et est d’autant plus frappante et attrayante qu’elle est contagieuse. (…) Si l’on regarde attentivement une des ouvrières qui escortent la danseuse, on peut observer qu’elle se prépare à l’envol, fait un brin de toilette, se faufile vers le trou de vol et quitte la ruche. Dès lors, il ne faut pas longtemps pour que d’autres abeilles viennent s’associer, sur notre table d’expérience, à la première qui l’a découverte. Les nouvelles venues dansent aussi, lorsqu’elles rentrent chargées à la ruche, et plus les danseuses sont nombreuses, plus il y a d’abeilles qui se pressent vers la table. La relation ne peut-être mise en doute : la danse annonce dans la ruche la découverte d’une riche récolte. Mais comment les abeilles qui en sont averties trouvent-elles l’endroit où il faut aller la chercher ? (…) Si nous nous arrangeons pour que des abeilles numérotées, appartenant à une ruche d’observation, aillent récolter au voisinage de celle-ci, et qu’au même moment d’autres bêtes marquées, de la même colonie, remplissent leur jabot à un endroit beaucoup plus éloigné, les rayons de la ruche seront le théâtre d’une scène surprenante : toutes les ouvrières qui butinent près de la ruche exécutent des rondes et toutes celles qui récoltent loin font des danses frétillantes. Dans ce dernier cas, l’abeille court en ligne droite sur une certaine distance, décrit un demi-cercle pour retourner à son point de départ, court de nouveau en ligne droite, décrit un demi-cercle de l’autre côté et cela peut continuer au même endroit pendant plusieurs minutes. Ce qui distingue surtout cette danse de la ronde, ce sont de rapides oscillations de la pointe de l’abdomen, et elles sont toujours exécutées pendant le trajet en ligne droite (appelé pour cela trajet frétillant). Si l’on éloigne progressivement le ravitaillement qu’on avait placé près de la ruche, on observe que quand il est distant de 50 à 100 mètres, les rondes des pourvoyeuses font place à des danses frétillantes. De même, si l’on rapproche petit à petit celui qui était loin, les danses frétillantes sont remplacées par des rondes lorsqu’on arrive à une distance de 100 à 50 mètres de la ruche. Les deux danses représentent donc deux expressions différentes de la langue des abeilles ; l’une indique la proximité d’une récolte, l’autre son éloignement, et, comme on peut le démontrer, c’est bien dans ce sens que les abeilles les interprètent. (…) Il serait de peu d’intérêt pour les abeilles d’apprendre qu’à 2 kilomètres de la ruche il y a un tilleul en fleur, si ne leur était communiquée en même temps la direction dans laquelle il faut chercher. Et effectivement, la danse frétillante comporte également des indications sous ce rapport. Celles-ci sont données par l’allure de cette danse, et en l’occurence par la direction de son parcours rectiligne. Pour faire part de leurs directives, les abeilles recourent à deux méthodes bien distinctes, selon qu’elles exécutent leur danse sur le rayon disposé verticalement dans la ruche – cas le plus fréquent -, ou sur une surface horizontale, par exemple sur la planchette d’envol (…). Nous nous souviendrons d’abord du rôle de boussole que joue le soleil. Si, pour voler de la ruche jusqu’au ravitaillement, l’ouvrière a le soleil sous un angle de 40° à gauche et vers l’avant, elle observe ce même angle par rapport au soleil lorsqu’elle danse, et stipule ainsi directement le lieu de la récolte.”           Karl Von FRISCH, 1927

Les analyses du linguiste, Emile Benveniste.

Malgré l’efficacité et la sophistication de cette danse ( indiquant la position spatiale au degré près des fleurs à butiner) , on ne peut pas dire que les abeilles parlent car :

  1. pas d’usage de sons articulés
  2. pas de dialogue , ni de capacité de transmettre un message reçu
  3. pas de composition, code stéréotypé d’où limite, ce qui sort de la situation stéréotypée n’est pas exprimable (ex. idée de verticalité)
  4. pas d’expression sans “passion”: les abeilles ne communiquent que sur la nourriture ou presque, et elles ne peuvent pas en parler sans être confrontées à une situation. La communication n’est pas libre et volontaire. L’homme a la capacité de se taire, de prendre la parole sans raison, sans passion, ni attente, ni récompense.
  5. mais surtout usage de SIGNAUX mais pas de SIGNES.

C’est cette différence fondamentale qui fait que l’on peut réserver la parole à l’homme.

 Le langage des abeilles est un langage de signaux, c’est-à-dire qu’il consiste à envoyer et à recevoir des signaux, qui sont des signes avertisseurs. La danse est comprise comme un signal, c’est-à-dire une association de 2 faits physiques : la vision de la danse et l’action de partir butiner. Ce qui explique l’absence de dialogue. La danse est l’équivalent d’un feu rouge (rouge/Stop/ appuyer sur le frein). Et pour comprendre un feu rouge, il suffit d’avoir des yeux (fonction sensori-motrice) et une mémoire pour associer vision et action. Comprendre un signe , c’est tout autre chose : un mot est un signe linguistique qui est , selon Ferdinand de Saussurre (1857-1913), composé d’un signifiant ( image acoustique d’un son) et d’un signifié ( concept défini à la  fois positivement comme dans une définition et négativement par rapport aux autres concepts. Par ex. une table , c’est un plan horizontal avec pieds permettant de poser qlque chose ; voilà la définition par abstraction ; mais c’est aussi pas un tabouret, ni un plan de travail, ni……., définition par la différence au sein de la langue ) . Le rapport entre le signifiant et le signifié est arbitraire ou plutôt immotivé, tout comme le rapport entre le signe et le référent, objet dans la réalité.  En ce sens, un signe n’est pas un symbole. Un table ne s’appelle pas ainsi parce que le son ressemble à la table, c’est une convention comme le disait déjà Hermogène à Cratyle dans Le Cratyle de Platon. C’est aussi le cas des onomatopées ( par ex. cocorico n’est pas une symbole, la preuve :les coqs chantent tous pareils, mais ils ne poussent pas le même cri dans toutes les langues). Du coup, pour comprendre un signe, il faut certes le lire ou l’entendre, mais surtout une « faculté de représentation ». Il faut être capable d’associer à un fait physique (son, lettres écrites) un sens, qui présuppose pas simplement une mémoire ,ni même une imagination (son/image de…)  mais une capacité conceptuelle à maîtriser des catégories, à se représenter une chose en dehors de sa présence et de toute caractéristique particulière. Il faut associer un son à un concept , dc avoir la capacité d’abstraction , de généralisation, de penser.

OR comme le dit Benvéniste , il semble que seule l’humanité ait franchi le seuil de la représentation. Et c’est cette capacité symbolique qui fait que seul l’homme parle, mais aussi est technicien ( manipule des outils et tire de la nature des outils) et échange ( la monnaie présuppose cette capacité symbolique) .

Et, c’est cette différence qui nous distingue encore des animaux même quand ils semblent comprendre notre parole, comme les singes.

Ils voient des signaux , là où nous comprenons et émettons des signes, sauf  le bonobo KANZI mais parle-t-il pour autant ?

 

EXEMPLE 2 : les singes et la parole humaine :

cliquez:    http://lewebpedagogique.com/terminale-philo/2009/12/11/langage-animal/

Faire parler les singes est un fantasme de l’homme depuis les Lumières, depuis une dissection opérée par Edward Tyson sur des Oran-outangs, révélant des analogies entre leur larynx et celui de l’homme. A l’époque, conflit entre la position de Descartes (les singes ne peuvent parler car dénués de pensée !) et celle de La Mettrie pour qui le singe peut acquérir le langage.

A partir du XXème siècle, on soutient la seconde.

Au départ, on essaie de faire acquérir aux singes la parole. Tentative des Hayes en 1951 sur le chimpanzé VICKI. Echec , après des années d’apprentissage, elle ne prononce de manière indistincte que quatre signaux : papa, mama, cup et up. Constatant que l’appareil phonatoire des singes est incapable de produire des sons de la parole, la recherche s’oriente selon 2 axes :

-faire acquérir le langage sourd et muet (l’ASL).

 C’est le choix des Gardner sur Washoe à partir de 1966. En 1969, il possède 68 signes, consistant essentiellement en injonction (encore !, viens !, dehors !….). Au final, 100 signes et la capacité de former des combinaisons de 3 ou 4 signes ( vous/moi/ sortir/vite) . (travail équivalent sur des dauphins en 1984 avec signaux visuels et acoustiques). Mais Terrace , travaillant  sur le chimpanzé Nim , souligne en 1979 que  1. Ces « phrases construites » ne suivent pas de règles syntaxiques déterminées même élémentaires                 2.  les signaux ne sont utilisés que sur demande de l’expérimentateur ou que pour demander quelque chose     3. Les signaux ne sont jamais utilisés pour interpeller ou attirer l’attention.  4. Plus qu’une compréhension des signaux , on assiste à une pure et simple imitation. D’où nouvel axe !

faire manipuler aux singes de véritables signes linguistiques.
MySpace Images
1er essai par Premack en 1971 avec Sarah. Sur un tableau magnétique, elle manipule des formes plastiques colorées associées à des objets, à des actions, à des caractéristiques d’objets ou d’action. Elle est capable de faire des associations ( verticales sans règles de grammaire) de 3  « mots » donc a la performance d’associer un objet et un substitut arbitraire aux formes contradictoires avec l’objet ( pomme= triangle bleu). Elle comprend l’analogie, la proportion, utilise l’impératif et pose des questions comme par exemple une interrogation sur un signe nouveau.

2ème essai  par Sue Savage –Rumbaugh en 1977-78 sur deux chimpanzés , Sherman et Austin. Associations entre objet et lexigramme, une figure géométrique arbitraire apparaissant par simple contact sur un écran. 1 lexigramme pour différents objets, pour une classe d’objets : « nourriture » et « outil ». D’où performance de catégorisation.(performance identique chez les pigeons, avec Hermstein en 1976, qui entraînés à séparer et recompensés si « avec » sont capables de faire le distinguo entre des diapositives  « avec ou sans arbre », « avec ou sans poissons », « avec ou sans  A », « avec ou sans 2 »).     

 Mais, contexte expérimental douteux car chaque objet désigné est soit utilisé ou consommé , donc difficile de dire s’il s’agit d’une dénomination ou d’une simple demande.

Ceci dit , ces expériences ont mis à jour une capacité référentielle (relier un lexigramme et un objet), une capacité symbolique (indiquer quelque chose d’absent à un autre) et une capacité de dialogue.

3ème essai sur le bonobo Kanzi en 1980. A la différence des autres singes, il n’est pas « dressé » à parler ; il est seulement exposé au langage parlé et aux signes, comme un enfant jusqu’à six mois. A 18 mois il comprend la parole orale élémentaire ; à 2ans ½ , il maîtrise 2800 combinaisons de lexigrammes ; à 5 ans ½  il possède plus de milles mots. Il est capable de comprendre uniquement par des mots une situation portant sur une chose dont il ignore le mot (ex ; un monstre).

 Mais  seulement 4% de ses énoncés sont référentiels et 96% restent des requêtes.

 Descartes n’a donc pas été totalement démenti. L’animal ne communique que des passions, des affections pas des pensée, donc il ne parle pas même si il comprend les mots comme des signes. Et, à Descartes, un linguiste américain ,Chomsky ajoute un autre argument qui semble retirer la parole aux singes définitivement ,qui est le suivant : parler est une « performance » qui exige au départ une compétence . Cette compétence est une organe mental innée , qui est « la grammaire universelle », qui est à la base de toutes les grammaires de toutes les langues. Cette grammaire est « l’essence du langage humain ». Elle consiste à connaître  les universaux linguistiques  avant même de parler (substantifs, adjectifs,…) ainsi que des règles de grammaires élémentaires permettant de former des phrases grammaticalement correctes sans avoir appris ces règles. En somme avant même de faire l’apprentissage de la parole, les structures sont là, potentiellement ne demandant qu’à être développées. Or l’animal ne les possèdent pas virtuellement au départ, d’où la différence radicale et les limites de son apprentissage.

Cependant, la thèse de Chomsky pose le problème de l’immersion de l’enfant dès le départ dans la parole ; avant de parler, on lui parle alors comment savoir ce qui est innée et ce qui est acquis ? Et donc vérifier la thèse de Chomsky ?

II. les mots et la pensée

On peut penser que les mots et la pensée sont extérieurs, on pense d’abord et on parle ensuite. Les mots ne sont alors qu’expression de la pensée déjà constituée et indépendante d’eux. C’est ce que signifie le fameux mot de Boileau dans L’art poétique: “ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisèment” ou Descartes, qui dit qu’on peut trés bien penser clairement et distinctement et formuler sa pensée en bas breton, une langue plutôt grossière. Il faut lui-même usage du français dans son Discours de la méthode non pas parce que cette langue sera plus adaptée à la réflexion philosophique que le latin, mais juste parce que cette langue permet de rendre accessible ses textes à un plus large public.

Mais on peut remettre en question cette extériorité de la pensée et des mots, en rappelant comme Platon que   la pensée est  un  «discours silencieux que l’âme se tient tout au long à elle-même », un dialogue intérieur.

  • Hegel confirme cela en disant que “vouloir penser sans les mots est une entreprise insensée”.Comme le dit Hegel, contrairement à ce que l’on croit la pensée la plus haute, la plus élaborée n’est pas celle qu’on ne peut exprimer. En général ce qu’on n’arrive pas à dire clairement, c’est ce qu’on ne pense pas non plus clairement. Faire un effort pour exprimer ce qu’on pense dans une langue accessible, c’est faire un effort pour clarifier sa pensée, la préciser. La pensée a aussi besoin des mots pour être consciente d’elle-même, les mots l’objectivent, lui donnent une existence matérielle qui nous permet d’en prendre conscience car elle devient objet pour un sujet.

  

  • Les mots «  sont des sources de concepts » et permettent d’organiser le monde en catégories conceptuelles, dc de le penser. « les noms filtrent le réel, le rendent pensable et dicible ».

Toute idée générale est purement intellectuelle ; pour peu que l’imagination s’en mêle, l’idée devient aussitôt particulière. Essayez de vous tracer l’image d’un arbre en général, jamais vous n’en viendrez à bout, malgré vous il vous faudra le voir petit ou grand, rare ou touffu, clair ou foncé, et s’il dépendait de vous de n’y voir que ce qui se trouve en tout arbre, cette image ne ressemblerait plus à un arbre. Les êtres purement abstraits se voient de même, ou ne se conçoivent que par le discours. La définition seule du triangle vous en donne la véritable idée : sitôt que vous en figurez un dans votre esprit, c’est un tel triangle et non pas un autre, et vous ne pouvez éviter d’en rendre les lignes sensibles ou le plan coloré. Il faut donc énoncer des propositions, il faut donc parler pour avoir des idées générales ; car sitôt que l’imagination s’arrête, l’esprit ne marche plus qu’à l’aide du discours.”

Rousseau. Le discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.

Dans ce discours, Rousseau s’efforce de penser l’origine des mots et de la pensée, et tente une histoire de la naissance du langage articulé, qui le contraint à admettre que l’homme n’a pu penser sans parler et n’a pu parler sans penser. Ce qui le condamne à penser une naissance simultanée de la pensée et des mots

Après les cris de la nature, une langue de noms propres, puis une langue métaphorique, les hommes ont construit une langue de noms communs, d’adjectifs et enfin des mots correspondant à des choses qui ne peuvent être pensées sans eux: les concepts. Une idée générale est purement intellectuelle, c’est-à-dire abstraite, elle est conçue par l’esprit sans qu’il ne s’y mêle aucune image. Une idée particulière, c’est l’idée ou la représentation de quelque chose de particulier, à savoir l’image d’une chose car les images sont toujours images d’une chose singulière. Idée ne signifie donc rien d’autre ici que représentation de quelque chose en général. L’esprit se représente les idées générales tandis que l’imagination se représente les idées singulières. L’imagination singularise et par conséquent est inapte à représenter une idée générale. On pourrait dire la même chose des perceptions : on ne perçoit que du singulier. Les idées générales ne se représentent donc que sous la forme de mots et non d’images parce que l’image est incapable de représenter le général tandis que les mots sont capables d’exprimer l’idée générale. Seule la définition, c’est-à-dire la verbalisation, donne une représentation d’une idée générale. Les mots expriment des idées, des représentations abstraites ou générales des choses. Ce qui en nous renvoie aux choses, mais dans leur singularité, ce sont les images, oeuvres de l’imagination. Les mots eux renvoient aux représentations abstraites des choses. Les mots ne désignent pas des groupes de choses ou des genres de choses homogènes entre elles, mais des idées générales et abstraites qui sont les représentations que nous avons des choses. Entre les mots et les choses, il y a l’idée des choses, de sorte que ce à quoi renvoient les mots, ce sont aux idées des choses et non aux choses elles-mêmes.

Pour le dire autrement, les mots renvoient à leurs définitions et non à des choses directement. Lorsqu’on rencontre un mot dans un discours et qu’on se demande ce qu’il désigne, on se demande quel sens il a, c’est-à-dire quelle est sa définition.

 Mais alors si les mots sont en quelque sorte une des conditions de l’élaboration de la pensée et de son expression, ils peuvent aussi être des limites, voire des obstacles:

  • Pour les hommes si le monde possède une existence, c’est parce que leur langue donne un nom à ce que leur sens peuvent percevoir. S’il importe peu aux choses d’avoir un nom ou pas, pour l’espèce humaine, c’est très important. Nommer n’est pas reproduire, mais classer. Donner un nom  aux choses, ce n’est pas leur donner une étiquette qui serait une photographie de celles-ci. Les langues ne sont pas des inventaires.

Une langue correspond donc à un certain découpage de la réalité et la parler, c’est penser le monde selon ce découpage. Benvéniste disait «le langage reproduit le monde en le soumettant à sa propre organisation » ou encore «nous pensons un univers que notre langue a modelé ».

Bref, comme le dit Martinet, «nous habitons notre langue ». En effet, le découpage linguistique correspond avant tout à un découpage utilitaire et commun du monde. « On a découpé le réel selon nos besoins », les étiquettes sont donc propre à une culture et à ses besoins communs (ex de  O.Klineberg : il fait remarquer que dans la langue arabe il y a plus de 6000 mots sur le monde du chameau, en langue esquimaude des dizaines pour la neige, en Tchouktchees des dizaines pour le renne ; cela montre bien que leur vision de ces centres culturels est plus précise que la nôtre et qu’ils ont donc une vision, une pensée plus précise et fine que nous sur cette réalité ; Ex. de Martinet sur un dialecte breton qui a une couleur de mot que bous dans le spectre des couleurs le « glas » étant à la fois le bleu et le vert).

  • Ce découpage du réel peut nous amener à nous interroger sur notre façon de voir le monde, ou à nous tromper sur ce réel.

 

1. C’est ce qui est en jeu dans le dialogue de Platon, le Cratyle, sur l’origine des mots:

A partir de cette distinction, Socrate va s’opposer à la fois à Cratyle et à Hermogène : Cratyle veut que les mots soient des symboles des choses qu’ils désignent pour qu’il y ait un lien naturel, permettant de dire que c’est bien de la réalité que l’on désigne quand on la nomme. Mais pour Hermogène, les mots ne sont que conventions immotivées, comme le soutiendra Saussurre. Socrate va rallier la position d’Hermogène en disant contre Cratyle,  que le rapport entre les mots et les choses est conventionnel et non naturel. Il en veut pour preuve la diversité des langues. Mais il ajoute que si les mots étaient conformes aux choses, c’est-à-dire l’image fidèle des choses, ils ne seraient plus des mots mais des doubles de la chose. Donc, si les mots étaient conformes par nature aux choses, ce ne serait que par rapport à leur apparence et non par rapport à leur être, leur essence. D’ailleurs, les mots que Cratyle cite pour illustrer sa thèse en témoignent : ce sont des onomatopées (mot dont le son suggère le son émis par la chose qu’il dénomme). Mais contre Hermogène, il soutient que s’il est exact de dire que les mots sont conventionnels, il est faux de dire qu’ils sont conformes aux choses telles qu’elles sont. Socrate s’en prend donc à l’idée de conformité mot-chose : les mots ne sont pas conformes aux choses qu’ils désignent, mais aux apparences des choses qu’ils servent à désigner. Les mots ne désignent pas les choses telles qu’elles sont en réalité, mais ils désignent les choses telles qu’elles apparaissent. Par exemple, on dira de telle chose qu’elle est grande. Mais c’est relativement à l’observateur ou à une autre chose qu’elle sera dite grande, en elle-même, elle n’est ni petite ni grande. La grandeur n’appartient pas à son essence, elle n’est qu’une apparence relative à quelque chose d’autre qu’elle-même. Par exemple encore, comme le fait remarquer Descartes, on peut dire d’une pierre qu’elle est chaude, mais ce n’est qu’une apparence, la pierre n’est pas chaude en elle-même, elle a une température supérieure à celle de la surface du corps. Autre exemple : eau, vapeur et glace : trois mots qui semblent désigner trois choses distinctes, mais qui en fait correspondent tous à la même chose sous trois apparences différentes, c’est-à-dire dans trois états différents. Trois apparences, mais la même essence, ici, la même composition chimique.

C’est pourquoi Socrate, après avoir reconnu le caractère conventionnel des mots, dénonce une mauvaise institution de la langue, c’est-à-dire un mauvais législateur en matière de mot : au lieu de faire correspondre l’essence des choses aux mots qu’on emploie, il leur a fait correspondre les apparences des choses. C’est pourquoi aussi il imagine un bon législateur en matière de langue, un être qui établirait entre les mots et les choses une réelle conformité.

2. Pour Bergson, les mots ne correspondent ni aux choses elles-mêmes, ni même à leur apparence.

Pour tout dire, nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s’est encore accentuée sous l’influence du langage. Car, les mots (à l’exception des noms propres) désignent tous des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même. Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d’âme qui se dérobent à nous dans ce qu’ils ont d’intime, de personnel, d’originalement vécu. Quand nous éprouvons de l’amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience, avec les milles nuances fugitives et les milles résonances profondes qui en font quelque chose d’absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais, le plus souvent nous n’apercevons de notre état d’âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leu aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu’il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l’individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles, comme en un champ clos où notre force se mesure utilement à d’autres forces ; et, fascinés par l’action, attirés par elle pour notre plus grand bien, sur le terrain qu’elle s’est choisi, nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement aux choses, extérieurement aussi à nous-mêmes.

BERGSON. Le rire.

Ce que reproche donc Bergson aux mots, c’est d’être toujours plus gros que les choses, c’est-à-dire d’avoir une généralité qui occulte la singularité des choses, qui dissimule leur individualité. Au fond, il n’était même pas besoin d’expliquer que les mots sont liés au besoin, à la survie donc, pour comprendre que les mots dissimulent la singularité des choses, il suffisait de noter que les mots sont toujours généraux pour le comprendre. Ce qu’il reproche aux mots, c’est de ne pas être utiles à celui qui au lieu d’agir contemple les choses dans leurs singularités.Comme le dit Bergson, à cause de la langue, on peut se tromper sur «le caractère d’une sensation » ou croire en «une invariabilité de nos sensations », car si chaque sensation est particulière, elle porte le même nom. Les mots finissent donc par nous éloigner du monde et de nous-même.

 3. La conséquence de ceci , c’est que les langues influencent donc notre rapport au monde et notre conception de celui-ci.

C’est l’hypothèse de « Sapir- Whorf », deux linguistes du début du XX. Comme le dit Sapir « « le monde réel » est dans une large mesure construit à partir de l”habitus linguistique des différents groupes culturels ». Les individus sont condamnés à penser le réel à travers le découpage du réel propre à leur langue et manier une langue, c’est mettre en œuvre différents mécanismes mentaux.

Ex.1 : les langues européennes font la différence entre adjectif et substantif, qui est la même qu’entre accident ou attribut et substance, entre  réalité permanente, idéale et diversité variable , sensible . La table reste permanente, mais elle peut être une table carrée, ronde, bleu, verte. En chinois, cette différence entre adjectif et substantif n’existe pas, on compose différents termes au même statut. Ex : un cheval blanc est l’association de cheval et blancheur. D’où la difficulté pour un chinois de penser  Dieu comme « La substance qui enveloppe tous les accidents », ou l’être.

Ex .2 : Et il y a même une autonomie des langues par rapport à la logique. Par ex. en logique , une tautologie n’apporte rien de plus au point de vue de l’information, mais des proverbes comme il faut ce qu’il faut, ou ce qui est dit est dit, ou les affaires sont les affaires veulent dans un contexte particulier dire quelque chose de plus, un effet de renforcement. En pure logique, « pas très » veut dire « pas du tout », dans une phrase non comme dans « il n’est pas très malin ». En pure logique, deux termes opposés veulent dire le contraire, dans une phrase pas forcément, comme « c”est un accident dont on imagine la gravité » et « c”est un accident dont on ne peut imaginer la gravité », dans les 2 cas, c’est grave.  D’où la méfiance face aux langues si peu logiques, qui ne sont pas un savoit mais une pratique, qui ne vise pas le vrai mais l’échange. Et l’idée d’une langue universelle parfaite logique correspondant à un ordre naturel et permettant de dire le vrai.

Ex. 3: L’ordre des mots ne correspond pas à l’ordre du monde , ni à un ordre naturel de voir le monde comme par exemple : la phrase avec S (sujet)-V (verbe)- O (complément d’objet). En langage sourd et muet, c’est SOV ou OVS comme dans la récitation gestuelle, on voit le lièvre (O), poursuivi et donc chasser (V) par le chien (S). OVS correspondrait à l’ordre de la vision, et à l’ordre du monde où les effets ne précèdent pas les causes.

Dès lors, le drame de la Tour de Babel prend toute sa mesure. La diversité des langues ne condamne pas seulement les hommes à avoir des difficultés à se comprendre, elle les condamne à habiter des univers différents, cloisonnés.

 Génèse, 11, La Bible

“Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. Comme ils étaient partis de l’orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Schinear, et ils y habitèrent. Ils se dirent l’un à l’autre : Allons ! faisons des briques, et cuisons-les au feu. Et la brique leur servit de pierre, et le bitume leur servit de ciment. Ils dirent encore : Allons ! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre. L’Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Et l’Éternel dit : Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté. Allons ! descendons, et là confondons leur langage, afin qu ’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres. Et l’Éternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre ; et ils cessèrent de bâtir la ville. C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Éternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Éternel les dispersa sur la face de toute la terre.”

« Qu’est-ce qu’un mot ? La représentation sonore d’une excitation nerveuse. Mais conclure d’une excitation nerveuse à une cause extérieure à nous, c’est déjà le résultat d’une application fausse et injustifiée du principe de raison. Comment aurions-nous le droit, si la vérité avait été seule déterminante dans la genèse du langage, et le point de vue de la certitude dans les désignations, comment aurions-nous donc le droit de dire : la pierre est dure – comme si « dure » nous était encore connu autrement et pas seulement comme une excitation toute subjective ! Nous classons les choses selon les genres, nous désignons l’arbre comme masculin, la plante comme féminine : quelles transpositions arbitraires ! Combien nous nous sommes éloignés à tire-d’aile du canon de la certitude ! Nous parlons d’un « serpent » : la désignation n’atteint rien que le mouvement de torsion et pourrait donc convenir aussi au ver. Quelles délimitations arbitraires ! Quelles préférences partiales tantôt de telle propriété d’une chose, tantôt de telle autre ! Comparées entre elles, les différentes langues montrent qu’on ne parvient jamais par les mots à la vérité, ni à une expression adéquate : sans cela, il n’y aurait pas de si nombreuses langues. La « chose en soi » (ce serait justement la pure vérité sans conséquences), même pour celui qui façonne la langue, est complètement insaisissable et ne vaut pas les efforts qu’elle exigerait. Il désigne seulement les relations des choses aux hommes et s’aide pour leur expression des métaphores les plus hardies. Transposer d’abord une excitation nerveuse en une image ! Première métaphore. L’image à nouveau transformée en un son articulé ! Deuxième métaphore. Et chaque fois saut complet d’une sphère dans une sphère tout autre et nouvelle. On peut s’imaginer un homme qui soit totalement sourd et qui n’ait jamais eu une sensation sonore ni musicale : de même qu’il s’étonne des figures acoustiques de Chiadni dans le sable, trouve leur cause dans le tremblement des cordes et jurera ensuite là-dessus qu’il doit maintenant savoir ce que les hommes appellent le « son », ainsi en est-il pour nous tous du langage. Nous croyons savoir quelque chose des choses elles-mêmes quand nous parlons d’arbres, de couleurs, de neige et de fleurs, et nous ne possédons cependant rien que des métaphores des choses, qui ne correspondent pas du tout aux entités originelles. Comme le son en tant que figure de sable, l’X énigmatique de la chose en soi est prise, une fois comme excitation nerveuse, ensuite comme image, enfin comme son articulé. Ce n’est en tout cas pas logiquement que procède la naissance du langage et tout le matériel à l’intérieur duquel et avec lequel l’homme de la vérité, le savant, le philosophe, travaille et construit par la suite, s’il ne provient pas de Coucou-les-nuages, ne provient pas non plus en tout cas de l’essence des choses. (…) Etre véridique, cela signifie employer les métaphores usuelles ; donc, en termes de morale, nous avons entendu parler de l’obligation de mentir selon une convention ferme, de mentir grégairement dans un style contraignant pour tous. L’homme oublie assurément qu’il en est ainsi en ce qui le concerne ; il ment donc inconsciemment de la manière désignée et selon des coutumes centenaires – et, précisément grâce à cette inconscience et à cet oubli, il parvient au sentiment de la vérité. (…)Sa méthode consiste à prendre l’homme comme mesure de toutes choses ; mais de ce fait il part de l’erreur de croire qu’il aurait ces choses immédiatement devant lui, en tant  que purs objets. Il oublie donc les métaphores originales de l’intuition en tant que métaphores et les prend pour les choses mêmes. »

 Vérité et Mensonge au sens extra-moral , NIETZSCHE (1873)

Rappel sur le rapport entre les mots et la pensée:

– si les mots sont extérieurs à la pensée comme pour Boileau et Descartes, alors la langue que l’on parle n’a pas d’influence sur nos pensées.

– si les mots sont l’étoffe dans laquelle se fait notre pensée, alors il y a un rapport d’intériorité et les mots s’ils permettent la pensée ( Hegel), ils la déterminent en partie ( Bergson, Martinet, Benvéniste.. et Nietzsche qui ici intérroge l’origine des mots et leur rapport avec la réalité en soi et la question de la vérité. Dire que ce que nous disons est vrai ou faux, a-t-il un sens?)

– si on adopte la 2ème option alors on doit reconnaître que par les mots ont peut déterminer notre pensée: d’où 1984 de G.Orwell et la Novlangue, les régimes totalitaires qui manipulent aussi le langage, d’où l’idée que le lutte politique est d’abord une lutte sémantique et que comme “Discours est tyran” selon le sophiste Gorgias, celui qui a le pouvoir des mots et sur les mots a le pouvoir tout cours.

  • III. Pouvons-nous dire tout ce que nous voulons dire?

Plan possible : I et II articuler sur la capacité de dire au sens d’articuler à travers des mots ou de signifier par divers moyens et III sur le second sens de pouvoir : avoir le droit aussi bien positif ( au regard de la loi de l’Etat) que coutumier ( habitudes et usages dans une société non écrits) ou moral.

I. non, nous ne pouvons pas dire tout ce que nous voulons dire par des mots:

– la perception ou le sentiment ( Bergson et les limites d’un langage centré sur une communication purement utilitaire, le voile)

– le divin “ce dont on peut parler, il faut le taire” Wittgenstein

– l’inhumain “le silence est l’exacte mesure du silence de l’homme” A. Rémond ou l’art après la seconde guerre mondiale et sa barbarie qui s’en tient à l’abstraction ou s’efforce de dire l’insignifiance de toute parole et l’échec de la culture ( elle n’a pu empêcher l’horreur, elle a été même à son service (rationalité de l’extermination) et elle n’est rien face à une vie humaine)  par le vide dans la peinture ou le silence ( Beckett).

– le traumatisant, le  refoulé d’où le langage du corps et la difficulté de la libération par la parole dans le cadre d’une psychanalyse

– la pensée à l’état de fermentation, informe ( Hegel)

II. mais ce qui ne peut être dit par des mots peut être signifier par d’autres moyens ou peut-être même par des mots injustement tenus pour responsable de l’indicible:

A. – l’art qui est plus que représentation, expression : Kant et les idées esthétiques dans la création du génie; l’artiste qui lève le voile

– langage du corps et des gestes: maladie psychosomatique, danse

– le silence: cliquez ici

 B. principe d’exprimabilité absolue de Searle:

– on peut améliorer sa maîtrise de la langue

– on peut travailler le contexte pour éviter les malentendus dus à la polysémie.

– on peut inventer de nouveaux mots ou faire un usage poétique des mots ordinaires, pour faire apparaître un sens qui n’est pas seulement dans la signification pure de chaque mot. D’ailleurs même dans un usage ordinaire, les mots signifient plus que ce qu’ils sont sensés dire. Par ex; “ah mais, Marc c’est Marc!”

III. Même si on peut dire davantage que ce que l’on pensait pouvoir dire, on n’a pas le droit de tout dire:

– limites de la liberté d’expression au nom du respect de la liberté

– règles de bienséance, de la politesse, de la conversation qui semble condamner à l’hypocrisie, au silence.

– peut-être un devoir de stricte véracité qui oblige à dire même ce que nous ne voulons pas dire! Ou condamne à dire plus que ce que nous voulions dire, comme dans un lapsus, selon l’analyse de Freud.

D’où a-t-on le droit de mentir et l’analyse de l’opuscule de Kant: pour en savoir plus cliquez ici: http://lewebpedagogique.com/sarroul/2010/01/09/analyse-dun-pretendu-droit-de-mentir-par-humanite-de-kant/