Sur le libre arbitre, à vous de choisir!

1 février 2010 0 Par caroline-sarroul

Texte 1 – Thomas d’Aquin

« L’homme possède le libre arbitre, ou alors les conseils, les exhortations, les préceptes, les interdictions, les récompenses et les châtiments seraient vains. Pour établir la preuve de la liberté, considérons d’abord que certains êtres agissent sans aucun jugement, comme la pierre qui tombe vers le bas, et tous les êtres qui n’ont pas la connaissance. D’autres êtres agissent d’après un certain jugement, mais qui n’est pas libre. Ainsi les animaux telle la brebis qui, voyant le loup, juge, qu’il faut le fuir ; c’est un jugement naturel, non pas libre, car elle ne juge pas en rassemblant des données, mais par un instinct naturel. Et il en va de même pour le jugement des animaux. Mais l’homme agit d’après un jugement ; car, par sa faculté de connaissance, il juge qu’il faut fuir quelque chose ou le poursuivre. Cependant, ce jugement n’est pas l’effet d’un instinct naturel s’appliquant à une action particulière, mais d’un rapprochement de données opéré par la raison. C’est pourquoi l’homme agit selon un jugement libre, car il a la faculté de se porter à divers objets. En effet, dans le domaine du contingent, la raison peut suivre des directions opposées, comme on le voit dans les syllogismes dialectiques et les arguments de la rhétorique. Or, les actions particulières sont contingentes ; par suite, le jugement rationnel qui porte sur elles peut aller dans un sens ou dans l’autre, et n’est pas déterminé à une seule chose. En conséquence, il est nécessaire que l’homme ait le libre arbitre, par le fait même qu’il est doué de raison. »

Thomas d’Aquin, Somme théologique (1267), I, q. 83.

Texte 2 – D’Holbach

« L’homme est un être physique, soumis à la nature et par conséquent à la nécessité. Nés sans notre aveu, notre organisation ne dépend point de nous, nos idées nous viennent involontairement. Notre action est une suite de l’impulsion d’un motif quelconque.

J’ai soif, je vois une fontaine, il m’est impossible de ne pas avoir la volonté de boire. J’apprends que cette eau est empoisonnée, et je m’abstiens d’en boire. Dira-t-on que je suis libre ? La soif me déterminait nécessairement à boire. Le second motif me paraît plus fort que le premier, et je ne bois pas. Mais, dira t-on, un imprudent boira. Alors la première impulsion se trouvera la plus forte. Dans l’un ou l’autre cas, ce sont deux actions également nécessaires. […]

Le choix ne prouve point la liberté de l’homme ; son embarras ne finit que lorsque sa volonté est déterminée par des motifs suffisants, et il ne peut empêcher les motifs d’agir sur la volonté. Est-il maître de ne point désirer ce qui lui paraît désirable ? Non : mais il peut, dit-on, résister à son désir, s’il réfléchit sur les conséquences. Mais est-il maître d’y réfléchir ? Les actions des hommes ne sont jamais libres. Elles sont les suites nécessaires de leur tempérament, de leurs idées reçues, fortifiées par l’exemple, l’éducation et l’expérience. Le motif qui détermine l’homme est toujours au-dessus de son pouvoir.

Malgré leur système de liberté, les hommes n’ont établi leurs institutions que sur la nécessité. Si l’on ne supposait pas des motifs capables de déterminer leur volonté, à quoi servirait l’éducation, la législation, la morale, la religion même ? On veut donner par là des institutions aux volontés des hommes ; ce qui prouve qu’on est convaincu qu’elles agiront sur leur volonté. Ces institutions sont la nécessité montrée aux hommes.

La nécessité, qui règle tous les mouvements du monde physique, règle aussi tous ceux du monde moral, où tout est par conséquent soumis à la morale ».

D’Holbach, Du vrai sens du système de la nature (1770), chap. XI

[L’opuscule en question est un résumé du Système de la nature de d’Holbach, il a été édité sous le nom d’Helvétius, mais l’attribution est douteuse, de même que l’attribution à d’Holbach ; l’important est toutefois que les idées présentées sont bien celles de d’Holbach, même s’il n’est peut-être pas l’auteur de l’opuscule]