Peut-on dire que l’artiste crée et que le savant découvre ?

12 mai 2010 0 Par Caroline Sarroul

Peut-on dire que l’artiste crée et que le savant découvre ?

 

I. il semble en effet possible de dire que l’artiste, étant producteur d’objet d’art ou d’expérience esthétique, ce qui n’existait pas encore à partir de ce qui existe déjà (matière, nature) et que le savant se contente de mettre à jour les lois de la nature, donc ce qui existe déjà, préexiste à son étude, l’ordre mathématique et déterministe du réel ( Descartes, Galilée, Einstein…).

 

II. mais on peut dire qu’une telle généralisation n’est pas légitime car seuls certains artistes sont de véritables créateurs d’œuvre unique et originale ; ce sont ceux qui ont du génie ( Kant) et qui serviront de modèles aux artistes- reproducteur, qui copient le maître ou la nature (pour ce qui réduisent l’art à une imitation de la nature intéressante et plaisante selon Aristote, stérile et futile selon Hegel). Quant aux savants, peu découvre ( les autres restent prisonniers du paradigme du moment) et on peut même penser qu’ils recouvrent la réalité d’une représentation inévitable ( Kant), rassurante (Nietzsche), efficace et avantageuse (W.James) dont on ne peut assurer qu’elle corresponde au réel en soi ( limites de la vérification, bien décrire n’est pas nécessairement expliquer, métaphore de la montre fermée d’Einstein)

 

III. On peut cependant dire que l’artiste inspiré, génial dé-couvre, dé-voile le réel ( Klee, Bergson, vision qualitative…) et que le savant crée ( la science n’est pas empiriste et inductiviste, elle est rationaliste et déductive, les progrès de la science dépendent donc de la créativité théorique, du génie du savant, de son inventivité pour monter des expérimentations, qui ne sont parfois que des expériences mentales. Comme le dit encore Einstein, « les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur ». On peut ici souligner la place de l’imagination en science. Longtemps considérée comme « une puissance trompeuse » (Pascal) et comme « un obstacle épistémologique », elle a été réhabilitée comme une qualité du scientifique en tant que capacité non pas à former des images ou en se rappeler du passé ( imagination reproductrice) mais comme «  la faculté de déformer les images  » fournies par la perception ou tout autre source et par là de libérer des images premières en les changeant. Le scientifique voit d’abord puis démontre (d’ailleurs théorème vient théoremo : contempler ; orao : voir)