Sommes-nous libres quand nous satisfaisons nos désirs ?

17 mai 2010 0 Par Caroline Sarroul

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Sommes-nous libres quand nous satisfaisons nos désirs ?

C’est donc du problème de la définition de la liberté ( en particulier de la pertinence de la vision commune de la liberté comme indépendance) et de la place des désirs dans une existence libre dont nous allons traiter.

I. C’est quand on ne peut les satisfaire que l’on ne se sent pas libre au sens d’indépendant

  1. le désir se distingue de la pulsion involontaire et du besoin nécessaire, vital : c’est déjà une signe de liberté, on semble choisir de désirer, ce qu’on désire et de satisfaire ou non ce désir.
  2. Satisfaire nos désirs, c’est parvenir à ce qu’on s’était représenté comme nous manquant et  comme source de plaisir futur du vide comblé. Donc satisfaire nos désirs, c’est faire ce qui nous plaît, nous procure du plaisir. Et c’est précisément ce qui nous donne un sentiment de liberté (pas d’obstacle déplaisant, pas de contrainte désagréable) et même ainsi que l’on définit spontanément la liberté. C’est quand on ne  peut pas satisfaire ses désirs que l’on ne se sent pas libre, mais sous différentes dépendances.
  3. Si on parvient à la satisfaction, cela signifie que nous avons pu répondre à notre désir : cela présuppose que le monde s’accorde avec mes désirs puisqu’il y a en plus de la liberté de choix et de décision, la liberté de faire. Rien au dehors ne m’empêche de faire ce que je désire au-dedans, pas de résistance. A la liberté intérieure s’ajouterait donc une liberté extérieure d’action qu’une liberté de droit ne viendrait pas limiter avec ses lois. C’est la définition de la liberté que nous devions avoir avant la création de l’Etat et les contraintes de la vie collective, « un droit illimité à tout ce qui tente l’homme et qu’il peut atteindre ».

 

TR : Satisfaire ses désirs, c’est avoir le sentiment d’être à la fois libre, heureux et tout puissant, tout ne dépendant que de nous. Mais justement une telle conception de la liberté est-elle réaliste et indiscutable ou n’est –elle que le fruit du désir, une illusion?

II. Ce sentiment de liberté peut n’être qu’une illusion dérivée des désirs :

  1. Avoir des désirs  peut être vu comme le masque d’une nécessité (qui s’oppose à la contingence du choix libre), c’est ce que souligne Schopenhauer en disant que nous nous pensons attirés devant alors que nous sommes poussés par derrière, par une force  qu’il nomme le « vouloir-vivre » et qui est la raison de nos désirs, si nous en sommes la cause. Donc on pense pouvoir désirer librement, alors que l’on ne peut pas ne pas désirer. Face au désir, nous sommes comme face au besoin : face à la nécessité, non vitale, mais essentielle. Platon souligne la même idée avec l’idée de manque ontologique ou Hegel avec le désir de reconnaissance qui est la conséquences du fait que nous sommes des sujets conscients de l’être mais aussi conscients de la précarité de cette existence et du fait qu’on ne peut être pleinement sujet qu’au milieu d’autres sujets.
  2. Croire que satisfaire ses désirs c’est être libre est la marque de la soumission au principe de plaisir, c’est  le signe qu’on est encore prisonnier de  la toute-puissance infantile. ( La toute-puissance infantile, c’est du narcissisme primaire  (qui se crée entre l’ego naissant de l’enfant et le narcissisme renaissant des parents qui attribuent à leur enfant toutes les perfections, « sa majesté bébé ») qui amène à croire que  tout dépend de soi et tourne autour de soi, ne pas reconnaître que le monde est séparé de nous, obéit à sa logique et que nous ne sommes pas lui, que les autres sont. C’est croire que tout nous est du, être semblable à ces enfants décrits par Rousseau dans L’Emile, qui, lorsqu’ils ne parviennent pas à saisir un objet,  crient pour leur donner l’ordre de venir. Ils croient que les choses sont comme eux doués de volonté et de vie, ils ignorent encore que les choses ne les entendent pas, qu’elles sont soumises à des contraintes qui leur échappent. C’est le temps où le moi est l’idéal avant l’idéal du moi, qui se constitue avec le Surmoi et l’intégration du principe de réalité. 
  3. Satisfaire nos désirs peut être vu comme le masque de l’hétéronomie, d’une contrainte (qui s’oppose au choix libre, autonome, être libre, c’est s’auto-déterminer, se donner sa propre loi) : désir mimétique de René Girard ( déterminé par et soumis au désir de l’autre), désirs périphériques et tristes chez Spinoza ( par ignorance de soi et du monde), Bergson et le « courant social » qui détourne de soi-même.
  4.  « Puisque l’homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire, me dit un fou, je veux aussi que tout m’arrive comme il me plaît. » disait Epictète. En effet, on peut penser que cette représentation de la liberté est folle, insensée. Car c’est oublier que tout ne dépend pas de nous, que nous ne pouvons faire que ce qui nous plaît, il y a des contraintes naturelles auxquelles on ne peut échapper : impossible de ne pas prendre le temps de manger, impossible de ne pas vivre en société, impossible de ne pas mourir… C’est ce que Sartre appelait la condition humaine «  des limites a priori » communes à l’existence humaine.
  5. On peut même penser que non seulement elle est folle mais qu’elle est aussi dangereuse car cela peut nuire à la liberté dans la société.

TR : Donc c’est être ignorant de notre réalité, de l’origine de nos désirs et de la réalité que d’associer immédiatement la liberté au fait de  satisfaire ses désirs, d’où au nom de la liberté, l’éloge de l’ascétisme, de la maîtrise du désir par la raison, qui revient en somme à renoncer au désir pour se contenter de la satisfaction des  besoins, dit « désirs naturels et nécessaires » chez Epicure. Mais ne peut-on pas être libre en satisfaisant nos désirs, en faisant ce qui nous plaît et ce que l’on veut ?

 

III. A. on dit en général que finalement être libre, ce n’est pas ne faire que ce qui nous plaît, mais que c’est ne faire que ce que l’on veut, distinguant ainsi  l’autonomie d’une volonté raisonnable de  l’indépendance illusoire du désir. Et bien souvent ce qu’on veut n’est pas ce qui nous plaît !

    B. mais on peut voir dans cette vision des choses  un excès :

  1. Associer le désir au superflu, au vice est discutable (Spinoza, « le désir est l’essence de l’homme » « effort pour persévérer dans son être », puissance divine) et s’inscrit dans une logique de castration, de domination  (Nietzsche) ou de manipulation ( on laisse croire que le désir se contente de satisfactions faciles et médiocres, alors qu’il peut élever en ne se contentant pas de ce qui est, en ne se satisfaisant pas de la réalité)
  2. La liberté peut être dans le désir, si on ne l’oppose pas à la nécessité mais à la contrainte, dans ce cas même si je ne choisis pas d’être un être de désir, je peux au lieu de subir cela , m’efforce de le comprendre et de désirer en accord avec ma nature, à satisfaire des désirs centraux.
  3. C’est quand nous satisfaisons nos désirs ( en accord avec notre nature d’homme et d’individu) que nous sommes libres au sein d’autonomes car maîtres d’eux et donc de nous-mêmes : ils sont choisis, réfléchis et voulus.