LES ECHANGES

9 juin 2010 0 Par Caroline Sarroul

Les échanges ( économiques!)

( sachant qu’il y a aussi les échanges de mots, d’idées avec les autres hommes mais également des échanges entre les êtres vivants que nous sommes et la nature!)

Du latin excambiare, « échanger », «troquer» (de cambiare, «changer »). Acte par lequel deux personnes se livrent mutuellement des objets considérés comme équivalents 

1. Les échanges sont divers :

En droit, contrat par lequel deux parties se donnent respectivement une chose pour une autre. En économie, transfert réciproque de biens ou de services, soit directement (troc), soit indirectement (par l’intermédiaire de la monnaie). Pour sa survie même, tout être vivant entre en relation avec son milieu. La plante, par exemple, puise les nutriments nécessaires à son développement du sol. Sans échanges, toute forme de vie serait impossible. Ce qui caractérise tout organisme vivant, aussi simple soit il, c’est qu’il est le lieu d’un perpétuel échange de matière. Il ne peut se développer, se reproduire sans échanger avec le milieu extérieur les éléments dont il a besoin pour vivre. Par économie du vivant, on désigne cette capacité adaptative et évolutive à transformer en énergie vitale les propriétés physiques et chimiques de la matière inerte. L’échange obéit à une logique Les choix de l’individu rationnel, dans le domaine économique, obéissent au principe de maximisation, autrement dit, l’échange doit procurer le plus grand avantage. Ce principe de «maximisation» peut être donc étendu aux domaines extra-économiques. Chez l’homme, les échanges ne sont pas simplement bornés à la survie biologique et s’étendent jusqu’à la sphère du culturel. Les hommes échangent des choses (dimension économique) mais aussi et surtout des mots (dimension symbolique).

 2. L’échange économique crée un faux lien :

Les hommes échangent pour la même raison qu’il ya division du travail : cette raison, c’est comme le dit Platon « l’impuissance où se trouve chaque individu à se suffire à lui-même et le besoin qu’il éprouve pour une foule de choses ». Et ce n’est que la renaissance de ces besoins qui font qu’on reste dans un rapport éco. Pas de lien commun mais les mêmes chaînes individuelles naturelles !

Comme le dit  Durkheim, soutenant pourtant un solidarité organique via les échanges et le travail,  dans De la division du travail social :

« Si l’intérêt rapproche les hommes ce n’est jamais que pour quelques instants ; il ne peut créer entre eux qu’un lien extérieur. Dans le fait de l’échange, les divers agents restent en dehors les uns des autres, et l’opération terminée, chacun se retrouve et se reprend tout entier. Les consciences ne sont que superficiellement en contactsi même on regarde au fond des choses, on verra que toute cette harmonie des intérêts recèle un conflit latent ou simplement ajourné. »

 D’où les textes d’Adam Smith (1723- 1790) et Montesquieu :

– A. Smith : même si les échanges favorisent l’opulence générale ( théorie de la main invisible) , les hommes n’échangent pas dans ce but général, mais par « un penchant qui les porte à trafiquer, à faire des trocs et des échanges d’une chose pour une autre ». Ce penchant à passer des « conventions », des « contrats » est proprement humain ( les animaux n’agissent ensemble que par accident ayant le même but ) et il vient du fait que l’homme sait qu’il ne peut suspendre sa vie à espérer les faveurs des autres, leur bienveillance pour satisfaire ses besoins ( par flatterie ou amitiés) ; donc il préfère plutôt que de se mettre en position de demande, se mettre en position d’offre (« ce n’est jamais de nos besoins dont nous leur parlons mais c’est toujours de leur avantage ») : il est dans ton intérêt de me donner ce dont j’ai besoin. Donc l’échange est fondé sur l’intérêt privé, chacun défend son intérêt privé, simple rencontre d’intérêts privés différents ( on n’échange pas du même !), pas d’intérêt commun ! (« ce n’est pas à leur humanité que nous nous adressons mais à leur égoïsme »)

Montesquieu : les échanges économiques sont facteurs de paix au plan international ( car les échanges n’ont pas intérêts aux conflits) mais « l’esprit de commerce, lui, pervertit les hommes : rien de gratuit , tout est achetable et vendable !

De l’esprit des lois, Livre XX, chap 2

« L’effet naturel du commerce est de porter à la paix . Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes: si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels(1). Mais, si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particu­liers. Nous voyons que, dans les pays  où l’on n’est affecté que de l’esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales: les plus petites choses, celles que l’humanité demande, s’y font ou s’y donnent pour de l’argent. L’esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d’un côté au brigandage, et de l’autre à ces vertus morales qui font qu’on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité, et qu’on peut les négliger pour ceux des autres. La privation totale du commerce produit au contraire le brigandage, qu’Aristote met au nombre des manières d’acquérir. L’esprit n’en est point opposé à de certai­nes vertus morales: par exemple, l’hospitalité, très rare dans les pays de commerce, se trouve admirablement parmi les peuples brigands. C’est un sacrilège chez les Germains, dit Tacite, de fermer sa maison à quelque homme que ce soit, connu ou inconnu. Celui qui a exercé  l’hospitalité envers un étranger va lui montrer une autre maison où on l’exerce encore, et il y est reçu avec la même humanité. Mais, lorsque les Germains eurent fondé des royaumes, l’hospitalité leur devint à charge. Cela paraît par deux lois du code des Bourguignons, dont l’une inflige une peine à tout barbare qui irait montrer à un étranger la maison d’un Romain; et l’autre règle que celui qui recevra un étranger, sera dédommagé par les habitants, chacun pour sa quote-part.

(1) chap IX:  « La vraie maxime est de n’exclure aucune nation de son commerce sans de grandes raisons. Les Japonais ne commercent qu’avec deux nations, la chinoise et la hollan­daise. Les Chinois gagnent mille pour cent sur le sucre, et quelquefois autant sur les retours. Les Hollandais font des profits à peu près pareils. Toute nation qui se con­duira sur les maximes japonaises sera nécessairement trompée. C’est la concur­rence qui met un prix juste aux marchandises, et qui établit les vrais rapports entre elles.Encore moins un État doit-il s’assujettir à ne vendre ses marchandises qu’à une seule nation, sous prétexte qu’elle les prendra toutes à un certain prix. »

 

Dans l’échange économique, le travail et l’utilité sont la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise.

 – Ainsi la valeur d’une denrée, résultat d’un travail,  pour celui qui la possède et qui n’entend pas en user ou en consommer lui-même, mais qui a l’intention de l’échanger pour autre chose, est égale à la quantité de travail que cette denrée a mis en état d’acheter et de commander.

– La valeur utilité, selon Say, « Je dirai que créer des objets qui ont une utilité quelconque, c’est créer des richesses, puisque l’utilité de ces choses est le premier fondement  de leur valeur, et que leur valeur est de la richesse. Mais on ne crée pas des objets : la masse des matières dont se compose le monde ne saurait augmenter ni diminuer. Tout ce que nous pouvons faire est de reproduire ces matières sous une autre forme qui les rende propre à un usage quelconque qu’elles n’avaient pas, ou seulement qui augmentent l’utilité qu’elles pouvaient avoir. »

 4. PERVERSIONS :

1. la CHREMATISTIQUE : C’ est l’art de s’enrichir, d’acquérir des richesses.Il y en a deux formes : la « chrématistique naturelle » ou « nécessaire »  ET la « chrématistique » proprement dite ou « commerciale ». ARISTOTE associe la première  à la nécessité de l’approvisionnement de la famille. Il l’accepte, car elle est nécessaire à la survie. On distingue dans cette chrématistique naturelle l’art naturel au sens propre, celui relié à la prise de possession directe ou à l’utilisation du travail des esclaves pour s’auto-suffire, de l’art naturel par l’échange nécessaire. Ce dernier est indispensable puisque l’autosuffisance reste difficile à maintenir. Aristote admet le troc et l’échange pratiqué par la monnaie comme important, mais insiste sur le fait que cette dernière ne doit pas être accumulée, qu’elle ne doit être utilisée que pour réaliser l’échange. Selon Aristote, l’accumulation de la monnaie pour la monnaie qui est la « chrématistique » dite « commerciale » est une activité contre nature et qui déshumanise ceux qui s’y livrent : suivant l’exemple de Platon, il condamne ainsi le goût du profit et l’accumulation de richesses. Le commerce substitue l’argent aux biens ; l’usure crée de l’argent à partir de l’argent ; le marchand ne produit rien : tous sont condamnables pour Aristote et Platon.

2. Alors que le travail est producteur de valeur (d’échange et d’usage, en transformant la  matière en chose utile), ajoute de la valeur, s’il « donne de loin la plus grande partie de leur prix aux choses dont nous jouissons en ce monde » selon Locke,  et donc alors qu’il est étalon de valeur ( et donc au-dessus de ce qu’il permet d’évaluer), il devient à son tour une MARCHANDISE qui a un coût et qui peut être vu comme ce qui grève le profit ! Renversement des valeurs !

3. A l’origine, l’économie politique se contentant d’estimer les volumes de productions et des échanges; la mesure de ces mouvements fournissait des indices valables sur l’activité d’une époque ou d’une région. Mais avec le temps, les indices ont pris plus d’importance que l’activité qu’ils devaient mesurer ; la nature des échanges et des productions cédait le pas dans l’échelle des valeurs, à leur volume. Aussi on s’inquiète de l’économie qui stagne quand le taux de croissance du PNB  augmente de moins de deux pour cent par an; or ce chiffre qui n’indique que le volume des activités ne dit rien sur leur qualité ou leur répartition.

4. La rationalité économique exclut tout sentiment, mais coupe aussi de la réalité ou de la vie :

– on ne voit plus nécessairement les choses pour ce qu’elles sont mais pour ce qu’elles valent et non pas en argent sonnant et trébuchant mais en billets, chèque

– on entre dans une logique quantitative plutôt que qualitative : « je dépense donc je suis » Beigbeder dans 99 fr. On cherche à réduire l’acheteur à un consommateur, à une « subjectivité vide et avide ».

– alors que l’argent n’est qu’un intermédiaire ( un signe qui ne vaut pas en lui-même mais pour ce à quoi il renvoie, comme un mot) et qu’il ce qui permet la circulation des biens , la vitalité du marché du travail, on dévitalise l’échange en en faisant une fin, un objet de spéculation.

La logique de profit est différente de la logique de richesse qui elle donne du travail et des échanges

Heureusement ! Comme le dit A. de Tocqueville De la démocratie en Amérique

« Quoique le désir d’acquérir des biens de ce monde soit la passion dominante des Américains, il y a des moments de relâche où leur âme semble briser à tout à coup les liens matériels qui la retiennent et s’échapper impétueusement vers le ciel. » !

 

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