Les textes du bac 2010

19 juillet 2010 0 Par Caroline Sarroul

Le texte des S :

« L’ignorance des causes et de la constitution originaire du droit, de l’équité, de la loi et de la justice conduit les gens à faire de la coutume et de l’exemple la règle de leurs actions, de telle sorte qu’ils pensent qu’une chose est injuste quand elle est punie par la coutume, et qu’une chose est juste quand ils peuvent montrer par l’exemple qu’elle n’est pas punissable et qu’on l’approuve. […] Ils sont pareils aux petits enfants qui n’ont d’autre règle des bonnes et des mauvaises manières que la correction infligée par leurs parents et par leurs maîtres, à ceci près que les enfants se tiennent constamment à leur règle, ce que ne font pas les adultes parce que, devenus forts et obstinés, ils en appellent de la coutume à la raison, et de la raison à la coutume, comme cela les sert, s’éloignant de la coutume quand leur intérêt le requiert et combattant la raison aussi souvent qu’elle va contre eux. C’est pourquoi la doctrine du juste et de l’injuste est débattue en permanence, à la fois par la plume et par l’épée. Ce qui n’est pas le cas de la doctrine des lignes et des figures parce que la vérité en ce domaine n’intéresse pas les gens, attendu qu’elle ne s’oppose ni à leur ambition, ni à leur profit, ni à leur lubricité. En effet, en ce qui concerne la doctrine selon laquelle les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles d’un carré, si elle avait été contraire au droit de dominer de quelqu’un, ou à l’intérêt de ceux qui dominent, je ne doute pas qu’elle eût été, sinon débattue, en tout cas éliminée en brûlant tous les livres de géométrie, si cela eût été possible à celui qui y aurait eu intérêt. »

HOBBES, Léviathan

Le texte des ES:

« La morale de notre temps est fixée dans ses lignes essentielles, au moment où nous naissons ; les changements qu’elle subit au cours d’une existence individuelle, ceux, par conséquent, auxquels chacun de nous peut participer sont infiniment restreints. Car les grandes transformations morales supposent toujours beaucoup de temps. De plus, nous ne sommes qu’une des innombrables unités qui y collaborent. Notre apport personnel n’est donc jamais qu’un facteur infime de la résultante complexe dans laquelle il disparaît anonyme. Ainsi, on ne peut pas ne pas reconnaître que, si la règle morale est œuvre collective, nous la recevons beaucoup plus que nous ne la faisons. Notre attitude est beaucoup plus passive qu’active. Nous sommes agis plus que nous n’agissons. Or, cette passivité est en contradiction avec une tendance actuelle, et qui devient tous les jours plus forte, de la conscience morale. En effet, un des axiomes fondamentaux de notre morale, on pourrait même dire l’axiome fondamental, c’est que la personne humaine est la chose sainte par excellence ; c’est qu’elle a droit au respect que le croyant de toutes les religions réserve à son dieu; et c’est ce que nous exprimons nous-mêmes, quand nous faisons de l’idée d’humanité la fin et la raison d’être de la patrie. En vertu de ce principe, toute espèce d’empiètement sur notre for intérieur nous apparaît comme immorale, puisque c’est une violence faite à notre autonomie personnelle. Tout le monde, aujourd’hui, reconnaît, au moins en théorie, que jamais, en aucun cas, une manière déterminée de penser ne doit nous être imposée obligatoirement, fût-ce au nom d’une autorité morale. »

DURKHEIM, L’éducation morale

Le texte des L :

“Parce que les actes humains pour lesquels on établit des lois consistent en des cas singuliers et contingents, variables à l’infini, il a toujours été impossible d’instituer une règle légale qui ne serait jamais en défaut. Mais les législateurs, attentifs à ce qui se produit le plus souvent, ont établi des lois en ce sens. Cependant, en certains cas, les observer va contre l’égalité de la justice, et contre le bien commun, visés par la loi. Ainsi, la loi statue que les dépôts doivent être rendus, parce que cela est juste dans la plupart des cas. Il arrive pourtant parfois que ce soit dangereux, par exemple si un fou a mis une épée en dépôt et la réclame pendant une crise, ou encore si quelqu’un réclame une somme qui lui permettra de combattre sa patrie. En ces cas et d’autres semblables, le mal serait de suivre la loi établie ; le bien est, en négligeant la lettre de la loi, d’obéir aux exigences de la justice et du bien public. C’est à cela que sert l’équité. Aussi est-il clair que l’équité est une vertu.
L’équité ne se détourne pas purement et simplement de ce qui est juste, mais de la justice déterminée par la loi. Et même, quand il le faut, elle ne s’oppose pas à la sévérité qui est fidèle à l’exigence de la loi ; ce qui est condamnable, c’est de suivre la loi à la lettre quand il ne le faut pas. Aussi est-il dit dans le Code1 : « II n’y a pas de doute qu’on pèche contre la loi si, en s’attachant à sa lettre, on contredit la volonté du législateur ».
II juge de la loi celui qui dit qu’elle est mal faite. Mais celui qui dit que dans tel cas il ne faut pas suivre la loi à la lettre, ne juge pas de la loi, mais d’un cas déterminé qui se présente.”

Thomas d’Aquin, Somme théologique

Le texte des Techno :

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destine?es principalement a? guider votre re?daction. Elles ne sont pas inde?pendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord e?tudie? dans son ensemble.

“La communaute? politique la plus libre est celle dont les lois s’appuient sur la saine raison. Car, dans une organisation fonde?e de cette manie?re, chacun, s’il le veut, peut e?tre libre, c’est-a?-dire s’appliquer de tout son cœur a? vivre raisonnablement. De me?me, les enfants, bien qu’oblige?s d’obe?ir a? tous les ordres de leurs parents, ne sont cependant pas des esclaves ; car les ordres des parents sont inspire?s avant tout par l’inte?re?t des enfants. Il existe donc selon nous une grande diffe?rence entre un esclave, un fils, un sujet, et nous formulerons les de?finitions suivantes : l’esclave est oblige? de se soumettre a? des ordres fonde?s sur le seul inte?re?t de son mai?tre ; le fils accomplit sur l’ordre de ses parents des actions qui sont dans son inte?re?t propre ; le sujet enfin accomplit sur l’ordre de la souveraine Puissance* des actions visant a? l’inte?re?t ge?ne?ral et qui sont par conse?quent aussi dans son inte?re?t particulier.”

SPINOZA

* la souveraine Puissance : l’instance qui de?tient l’autorite? politique. 1. De?gagez la the?se de ce texte et montrez comment elle est e?tablie.

QUESTIONS:

1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.
2.
a) Montrez en quoi l’obéissance de l’enfant et du sujet se distingue de l’obéissance de l’esclave :
b) Pourquoi le sujet agit-il « aussi dans son intérêt particulier » lorsqu’il accomplit « des actions visant à l’intérêt général » ?
c) Quelle est la définition de la liberté sur laquelle s’appuie l’argumentation de Spinoza ? Expliquez-la en vous servant des exemples du texte.
3. Est-on d’autant plus libre que les lois auxquelles on obéit s’appuient sur la raison ?