C’est Cloaca!

11 septembre 2010 0 Par Caroline Sarroul

  

CLOACA (????????)

 Large canal souterrain, fait de maçonnerie ou de briquetage, et qui servait à emporter les eaux pluviales des rues d’une ville et les ordures des maisons particulièrespour les verser dans quelque rivière voisine      

    

CLOACA de W.Delvoye       

Cloaca, 2000, 1ère version d'une série de 8

 

  On peut se demander si cette « installation »  est  encore une oeuvre d’art ( question que soulève plus largement l’art contemporain venant bousculer notre définition « classique » de l’oeuvre d’art) ; on peut aussi se demander si on épuise la question de la technique et de son devenir en étant simplement confronté, dans l’émotion et le simple vécu, à la matérialisation d’un certain jugement sur la technologie, mais ce cloaca et sa vanité ne peuvent laisser insensible;  et peut-être que déclencher une réaction quelle qu’elle soit et de tous ordres ( plus seulement d’ordre esthétique) est désormais la finalité de l’art et ce qui fait son intérêt.  

 

 « Cloaca, dont il existe aujourd’hui huit versions, est une machine qui reproduit le système digestif. Lorsqu’elle est exposée, Cloaca est alimentée et produit des fèces. Wim Delvoye a imaginé cette machine et a collaboré avec des ingénieurs et des scientifiques pour la réaliser. Ces machines ne sont pas à vendre. C’est leur production qui est à vendre. Cloaca fonctionne comme une entreprise dans le sens où Wim Delvoye émet des obligations sur celle-ci. Cloaca est ainsi cotée en bourse, et les obligations engendrent des dividendes annuels pour les détenteurs.L’entreprise Cloaca produit et distribue au sein du marché de l’art des produits, comme toute entreprise soucieuse de dégager un maximum de bénéfices sur sa marque, tout en favorisant sa promotion. Sont ainsi disponible des T-shirts Cloaca, du papier toilette Cloaca, des livres sur Cloaca, et la poupée Wim Delvoye, qui n’est en toute logique ni signée ni numérotée. Lors des expositions de Cloaca, ces produits dérivés sont vendus dans des Cloaca shop, c’est-à-dire des boutiques entièrement dédiées à Cloaca.Notons aussi, et cela n’est pas anodin, que Cloaca, a son propre site internet : www.cloaca.be . Le visiteur peut y voir les obligations de Cloaca, des photos des différentes versions de la machine et pouvait y commander des étrons emballés sous vide et estampillés du logo Cloaca, le premier par exemple, détournant ceux de Ford et de Coca Cola. Le visiteur y trouvera également des informations sur les expositions passées et biographiques, ainsi que des articles sur Cloaca, téléchargeables. On peut se risquer à avancer que la partie la plus intéressante est la partie appelée Seen on TV. Elle consiste en des témoignages d’acquéreurs d’étrons de Cloaca, à la manière des publicités pour les régimes miracles et autres objets indispensables à la ménagère. » Aurélie Bousquet sur Art et flux     

Cloaca n°5, 2006, Win Delvoye, artiste plasticien belge,http://www.wimdelvoye.be/

 

   Regardez: http://www.arte.tv/fr/Videos-sur-ARTE-TV/2151166,CmC=1729786.html     

 Wim Delvoye s’explique dans le  Monde ( 26.08.2006)     

    » Revenons sur la naissance de Cloaca. De quelle lignée est-elle ? J’ai d’abord eu l’idée de faire une machine nulle, seule, avant de concevoir une machine à faire du caca. J’ai pensé aux Temps modernes, à Chaplin, à sa machine à manger, à cette fascination du début du XXe siècle pour la machine. Des artistes comme Piero Manzoni, avec sa merde d’artiste en boîte, et Marcel Duchamp, avec La Mariée mise à nu par ses célibataires même et La Broyeuse de chocolat, ont plutôt été une source de légitimation de mon travail. Tous mes souvenirs étaient comme des films : La Planète des singes, avec ces humains devenus un peu cons qui adorent une espèce de fusée trouvée dans la jungle. La dernière bombe atomique était devenue leur dieu. J’ai trouvé très impressionnant comme image ce truc technologique qui devient religieux, qui devient transcendant. Les Temps modernes, Metropolis de Fritz Lang et d’autres petits films m’ont marqué. Des amis m’ont fait lire Ruth Goldberg, des Français m’ont parlé de Villiers de L’Isle-Adam : j’ai acheté L’ Eve future, mais c’était trop difficile à lire, la langue…     

S’agissait-il d’associer l’argent et le caca, comme en psychanalyse ?Peut-être, plus généralement, l’idée de faire beaucoup d’effort pour arriver à rien. Quand j’étais étudiant, j’avais l’exemple de Christo. Il m’épatait. Je n’avais pas compris que lui et d’autres vendaient des dessins autour de leurs grands projets. Je me disais que je ne pourrais jamais travailler pendant des années pour installer une œuvre qui doit durer six semaines. J’étais fasciné par ce choix de l’éphémère, mais j’avais un peu trop d’ego pour l’accepter pour moi-même. Je n’ai jamais oublié ces artistes. Cloaca est peut-être une façon de faire comme eux. J’ai cherché un truc compliqué, difficile à faire, et cher, et qui ne mène à rien.     

 Ça n’explique pas le caca…   Quand j’ai commencé à dessiner Cloaca, en 1992, je faisais des mosaïques à décor d’étrons. Cette idée de caca venait d’une autre histoire : j’avais découvert que c’était le meilleur garant de l’égalité. Je parlais toujours d’égalité, c’était ma période des « objets démocratiques ». Plébéiens. Prolétariens. J’en faisais beaucoup. Ils tombaient très bien dans cette époque de fascination pour l’objet. C’était le moment où Baudrillard parlait de l’objet qui nous séduit. Les néogéos étaient fascinés par Baudrillard.  »