Fiche de révision: la technique

15 mai 2011 0 Par Caroline Sarroul

  La réflexion sur la technique a pour objet principal de combattre  deux « erreurs » sur le développement de la technique et d’analyser leurs conséquences

  • 1ère erreur: on pourrait penser que la machine est un perfectionnement de l’outil dans la logique continue du progrès technique. Mais ce qui caractérise l’outil, c’est qu’il est le prolongement de la main, son serviteur. C’est elle qui détermine le mouvement, le rythme du travail. C’est pourquoi selon Hannah ARENDT, “on ne s’est jamais demandé si l’homme était adapté à ses outils” autant se demander s’il était adapté à ses mains. Mais la machine est, elle, un outil autonome par son indépendance énergétique, puis opératoire, puis régulatrice et enfin organisatrice. Du coup, la machine n’est plus un outil et il y a rupture plutôt que continuité et cela a des conséquences négatives ( et non positives comme attendu du progrès technique: développement : mouvement en avant ? progrès : avancée vers un mieux):

  1.  l’homme en tant qu’utilisateur doit s’adapter à la machine.
  2. il peut  y avoir une perversion des fins et des moyens dans le sens où la machine peut en partie décider des fins, alors que l’outil était au service des fins pensées par l’homme, réduit à un moyen. En donnant de nouveaux moyens, la technique offre aussi de nouvelles fins et sous certaines conditions, les impose: Loi de Gabor « tout ce qui est techniquement possible sera réalisé »
  3. cela accroît la rupture entre le savoir technique et l’utilisation de la technique. L’ouvrier se trouve face à une machine dont il ignore le fonctionnement. C’est la théorie de SIMONDON et de SIMMEL avec la tragédie de la culture.
  4. il y a aliénation du travail avec le machinisme: dépossession du savoir-faire, de la production individuelle, de la production collective ( exploitation) = fin du cogito pratique de Hegel, l’homme ne peut plus s’affirmer comme celui qui nie la nature, transforme le donné naturel.
  5. cela change notre rapport au temps libre dévoué au délassement, au divertissement et au développement de soi ( qui permettrait de récupérer là ce qui est perdu au travail, quand il est aliéné)
  6. Les rapports sociaux sont intimement liés aux forces productives. En acquérant de nouvelles forces productives, les hommes changent leur mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux. Le moulin il bras vous donnera la société avec le suzerain; le moulin il vapeur, la société avec le capitaliste industriel. Les mêmes hommes qui établissent les rapports sociaux conformément à leur productivité matérielle produisent aussi les principes, les idées, les catégories, conformément il leurs rapports sociaux. » Marx, Misère de la philosophie
  7. cela peut aussi changer l’ordre des choses dans notre représentation, d’où une “barbarie technologique” ( la tyrannie de l’inférieur ? la tyrannie du supérieur = angélisme) quand les valeurs techniques l’emportent, pourrait-on dire. Analyse de Comte-Sponville dans Le capitalisme est-il moral?, où il reprend l’idée de Pascal d’une distinction des ordres, même si Pascal en distingue 3 ( la chair, la raison, le Cœur) et lui 4 ( ordre matériel, ordre politique, ordre moral, ordre éthique)
  • 2ème erreur : on pourrait aussi penser que la technique moderne n’est qu’un perfectionnement de la technique traditionnelle, mais là aussi, il y a rupture et nouveautés:
  1. on est passé , selon Heidegger , d’un certain mode de dévoilement de la nature ( elle est la cause première que nous accompagnons comme cause efficiente, en l’entourant de soi; distance respectueuse) à l’arraisonnement et à la provocation ( nous sommes la cause première, elle est simple cause efficiente)
  2. on a acquis de nouveaux pouvoirs: détruire,( bombe atomique) partir ( conquête spatiale = Hannah Arendt), se substituer, modifier à la racine ( génétique) alors que l’homme s’était jusqtue là penser comme habitant de la nature, de la Terre ( mère) et comme dépendant de celle-ci. Ces nouveaux pouvoirs ont des effets qui dépassent nos capacités de prévision : l’homo faber a pris le pas sur l’homo sapiens et a les moyens de provoquer une catastrophe globale, que l’on pressent d’où une certaine technophobie
  3. si on ajoute à cela le triomphe de la science et de la raison calculatrice (comme le souligne Max Weber, l’esprit du capitalisme ( ascétique au départ)  s’est échappé de sa cage et qu’il ne reste plus qu’une cage d’acier sans cause ni limite transcendante. « le souci des biens extérieurs ne devait peser sur les épaules de ses saints qu’à la façon d’un léger manteau qu’à chaque instant on peut rejeter, mais la fatalité a transformé ce manteau en une cage d’acier » quand il y a « mécanisation bureaucratique », rationalisation, calculabilité et que cette rationalité ( et son efficacité) vaut pour elle-même, quand le capitalisme allié à la technique sont parvenus à « imposer une approche méthodique de l’homme tout entier ») et un vide éthique (l’Aufklärung a détruit la foi, le sacré, idée de transcendance ( homme-Dieu), relativiser la morale : la question de « savoir si sans le rétablissement de la catégorie du sacré qui a été détruite de fond en comble par l’Aufklärung scientifique nous pouvons avoir une éthique capable d’entraver les pouvoirs extrêmes que nous possédons aujourd’hui et que nous presque forcés d’acquérir et de mettre constamment en œuvre. ») : Dès, il y a danger, car le pouvoir technique est sans garde fou, les normes et valeurs étant les siennes, pour la nature et l’homme, d’où la nécessité de l’éthique (et en particulier l’éthique environnementale: l’écologie.) quand la nature n’est plus l’objet d’un respect immédiat ( comme œuvre divine, comme cause première, objet de contemplation – si le rapport a elle est purement technique- comme objet de crainte – face à sa toute-puissance).

ATTENTION !!

Préserver n’est pas respecter d’où la différence entre éthique inclusive qui rappelle à l’homme qu’il est inclus dans la nature qui est son environnement et a donc une valeur pour lui et une éthique extensive où les êtres vivants ont une valeur en eux-mêmes qui implique un respect au sens kantien du terme. En tant qu’être sensible, il pose des valeurs ( le bon et le mauvais pour eux) en tant qu’être finalisé, ils poursuivent des fins, ne serait-ce que celle de se maintenir en vie, en tant qu’être ayant une vie psychologique, ils sont les sujets-d’une-vie. Tout cela en fait des sujets, des sujets de droits face auxquels nous avons des devoirs.