Du contrat social, Livre II, Chap. 3 et 9

25 avril 2012 0 Par Caroline Sarroul

Rousseau ne veut pas proposer une utopie, mais un idéal politique «  en prenant les hommes tels qu’ils sont et les lois telles qu’elles peuvent être », comme il le dit en préambule, donc prenant en  compte la réalité. C’est pourquoi, après le livre I concernant les principes théoriques du contrat social, il va consacrer les autres livres à la pratique et aux conditions d’application de son contrat :

  • Le LIVRE II    concerne le pouvoir souverain et la volonté :

-il est inaliénable, ce qui fait qu’ « il ne peut être représenté que par lui-même » d’où refus d’un système représentatif  au chap.1 ; il est  indivisible, ce qui fait que c’est « le corps du peuple » qui peut seul faire « acte de souveraineté et fait loi » au chap.2 ;

– elle est « toujours droite » même si « le jugement qui la guide n’est pas toujours éclairé » ( chap 6), même si elle peut errer.

  • Etude Chapitre 3, livre II

Elle peut errer si

  1. « on veut toujours son  bien mais on ne le voit pas toujours » , les délibérations du peuples peuvent confondre l’agréable et le bon, l’intérêt généralisé et l’intérêt général, on se tromper sur son Bien par manque d’information (par 1)
  2. on ne fait bien  la différence entre volonté de tous et volonté générale, la seconde se construisant en ôtant les plus et les moins. Ce qui reste alors, c’est « la somme des différences » ( par 2)
  3.  la société est divisée en « BRIGUES », c’est à dire en grands groupes d’opinion parce que la volonté générale ne se construit donc pas par addition des volontés particulières mais par soustraction de ce qu’il y a de purement particulier dans les volontés particulières, ce qui reste étant du “particulier commun”. Mais pour que ce qui reste soit représentatif, il ne faut pas qu’on ne fasse qu’une soustraction de grandes différences. Il faut que chacun se prononce en son nom avec le sens de l’intérêt général.Sinon, ce qui l’emporte, c’est un intérêt particulier. Cela ne peut donc fonctionner  s’il y a dans la société, des sociétés partielles (Par 4)
  4. Par 4, Il n’y a pas un bon législateur ( d’où le chap 7)

 

– elle a en plus besoin d’un bon législateur, il faut aussi un peuple mûr  et un Etat de bonne stature

Etude chap.9, livre II, 3 premiers paragraphe

Au chap. 9, il traite donc des conditions géographiques et s’interroge sur l’étendue idéale d’un état pour être bien gouverné.

-au 1er par, il commence par une analogie avec la « stature » idéale de l’homme. La nature semble avoir posé un juste milieu pour norme, au-delà (gigantisme) et en deçà (nanisme), on est dans l’anormal, le difforme. Si l’Etat est un artifice humain, il doit prendre modèle sur l’ordre naturel (comme les grecs, pour qui la Nature est « cosmos », ordre de référence). Donc il y aurait une taille-standard d’Etat ni trop grand car impossible à gouverner et tenir, ni trop petit car trop faible pour se défendre contre les autres états. Rousseau est favorable à un Etat plutôt petit, ce que confirmera le chap.4 du Livre III, car dans un grand Etat « le lien social s’étend puis se relâche ». En somme +gd =+ faible, et +petit=+fort.

C’est cette thèse qu’il va défendre ensuite en soulignant quelques unes des « mille » raisons de la faiblesse des gds Etats ou empires.

au  2ème par, il énonce la première : un gd état présuppose une démultiplication des rouages du gouvernement et des relais administratifs à tous les niveaux du pouvoir central aux instances de districts, provenciales et enfin locales : cela coûte cher et peut même mené à la ruine de l’Etat.

au 3ème par, il énonce 5 autres raisons :

1. la multiplication des relais entraîne une lenteur administrative et une difficulté à contrôler la bonne exécution des lois, le décentrement du pouvoir entraîne sa dilution et son affaiblissement.

2. l’Etat apparaît trop loin des gens. Le peuple ne se reconnaît pas dans le pouvoir central, n’a pas d’affection pour lui et donc pas envie de lui obéir et n’est pas prêt à se sacrifier pour lui ( la nation est fondé sur la conscription). Cela met en péril l’unité du peuple car pas de lien vertical unificateur et pas de lien horizontal car : si l’Etat est trop gd, les autres citoyens sont pour chacun « des étrangers », la patrie semble être « le monde », d’où une difficulté à se sentir appartenir à une même communauté malgré ses différences communautaires ( religieuse, culturelle…)

3. bien gouverner, c’est tenir compte du peuple et de ses particularités. Dans un Etat trop gd, on va avoir  à faire à différents peuples déjà constitués. Or il va falloir donner à tous les mêmes lois tout en tenant compte de la particularité de chacun, d’où difficulté pour le législateur d’adapter la loi à chacun.

4. De plus, cette disparité va empêcher le lien social et créer une confusion dans les esprits, car chaque communauté ou peuple appartient au regard du droit au même état, mais pas de fait et il va obéir au quotidien à des lois différentes, adaptées à sa situation géographique, climatique, culturelle. Mais, surtout, s’ajoutent à cette loi commune adaptée, des lois locales sous forme de coutumes qui sont vivaces au plan local. Le citoyen est perdu au milieu de ses différentes législations.

5. il y a aussi un déficit des autorités. Les chefs dépassés délèguent ; les officiers locaux ont tendance à désobéir et à régner en « petits chefs », en despotes à leur niveau, en toute impunité. C’est donc le règne de la corruption.

Donc, Rousseau fait un portrait très critique du grand Etat. Cette critique correspond à :

–       son analyse des empires de son époque

–       une critique d’une idée en vogue au XVIIIème siècle, celle de Société des nations, défendue dés 1713-1719 par l’Abbé de St Pierre dans son projet de paix perpétuelle en Europe avec une force commune, un pacte de paix entre les nations, à travers une alliance de prêtres. Pour Rousseau, ce type de projet est irréalisable vue la nature des états et des hommes.

–       une nostalgie de la Cité grecque à la taille idéale selon Aristote, pour qui si « le nombre d’habitants peut se saisir d’un seul coup d’œil », alors le territoire est défendable, unitaire et économiquement prospère.