Présentation et découpage du texte ( avec résumé)

26 avril 2012 0 Par Caroline Sarroul

20 minutes d’oral ( avec 20 minutes de préparation) :

Il faut

  1. faire une présentation générale du dialogue
  2. restituer l’extrait
  3. expliquer

1. présentation générale

 Socrate (468-399 av-JC, condamné à mort : Meletos (poète), Anytos (politique, commerçant), Lychon (orateur) ont porté plainte pour 2 crimes : corruption de la jeunesse et impiété (« Daïmon » : conscience morale)) / Euthyphron

 C’est un dialogue appartenant aux 5 dialogues concernant l’accusation, le procès et la condamnation de Socrate.

THEÉTÈTE (savoir) : il s’achève par le départ de Socrate pour le portique de l’archonte roi :

EUTHYPHRON : se déroule  devant le portique

APOLOGIE DE SOCRATE : c’est le procès de Socrate

CRITON : prison – évasion ? (devoir) ( Socrate contre Antigone)

PHÉDON : âme, mort : « ce que vous ensevelissez ce n’est que mon corps. Criton, nous devons un coq à Esulape.

Il meurt en buvant la cigüe

La MAÏEUTIQUE, c’est l’art d’accoucher les esprits. En deux étapes : ignorance (se rendre compte qu’on ne sait pas => désir de savoir) puis le savoir (réminiscence)

Objet du dialogue : la piété

dialogue aporétique : on finit sur une aporie (on a l’impression qu’on a pas avancé), mais on a progressé (on se rend compte qu’on ne sait pas).

  • Plan du dialogue :

*Prologue :

1. Affaire de Socrate (p.251-254)

2. Affaire d’Euthyphron (p.254-257)

3. Problème : Qu’est-ce que le pieu ? (p.257-258)

*Développement :

1. 1ère « définition » : PLATON : « c’est moi » (p.258-261)

2. 1ère vraie définition (c’est ce qui est cher aux Dieux) et sa critique (p.261-268)

3. Rectification (c’est ce qui est cher à tous les Dieux) (p.268-273)

4. 2ème définition par Socrate (c’est ce qui est juste) (p.273-286)

*Épilogue (p.286 à fin)

  • Eléments principaux de chaque texte.

 1. Prologue et Affaire de Socrate (p.251-254)

Ce premier texte situe le lieu, les personnages et l’enjeu. On se trouve devant le portique royal qui est le siège de l’archonte roi, un des 9 magistrats qui s’occupent de l’application des lois, qui président les tribunaux, et l’archonte roi est lui chargé des affaires religieuses. C’est chez lui qu’on dépose plainte, que l’accusé est reçu (après le dépôt de plainte) et c’est lui qui décide de la tenue du procès, pour éviter un procès inutile ou une diffamation prévisible. Dans le droit athénien il y a 2 types de procès, des procès privés et des procès publics (l’État contre un particulier). C’est le cas du procès de Socrate (public), ses 3 accusateurs portent plainte au nom de la cité. Ici un seul des 3 est présenté : Meletos, un jeune poète. Socrate souligne le paradoxe : un créateur accuse un autre créateur puisque Socrate fabriquerait des Dieux. Et Socrate souligne que malgré sa jeunesse, Meletos a une conscience politique puisqu’il défend le bien commun à travers la jeunesse, et un grand savoir puisque on doit savoir ce qui est juste pour accuser un autre d’injustice. On retrouve les 2 chefs d’accusation : la corruption de la jeunesse (p.252) et la création de Dieux (p.253). Euthyphron voit immédiatement à quoi fait référence cette création : au « Daïmon » de Socrate, qu’il (Eut) interprète comme un signal divin. Pour Socrate cette affaire pourrait être beaucoup plus sérieuse qu’elle n’y paraît : on l’accuse de créer un nouveau Dieu, de faire du prosélytisme (secte) mais en réalité, il se pourrait bien qu’on ait entrevu une double menace :

1) Socrate remettrait en question la religion elle-même parce que ce Daïmon n’a rien à voir avec un oracle et pourtant il semble s’imposer avec la même autorité, la même transcendance qu’une parole divine. Et si on l’interprète comme la voix de la raison, alors Socrate est en train de placer au même niveau que Dieu, à la place de Dieu, la raison. Son impiété est en réalité un athéisme.

2) À la différence des sophistes qui prétendaient posséder un savoir et se faisaient payer pour l’exposer ou pour prononcer des discours, Socrate est un ignorant qui met gratuitement ses interlocuteurs face à leur propre ignorance et remet par là en question ceux qui savent ou ceux qui savent bien parler. Socrate sa distinguerait de tous les autres discours qui cherchent à mystifier le peuple et il développe chez ses interlocuteurs l’esprit critique donc il est un danger pour la société, pour le politique. Euthyphron comme sans doute l’opinion commune interprète plus simplement l’enjeu du procès en associant le DAÏMON de Socrate à un signal divin. Du coup il voit en Socrate un confrère qui lui aussi est un initié dans un rapport privilégié avec le divin. Il voit aussi un frère d’infortune puisque tous deux sont accusés à tord. Ce premier texte se clôt sur une prédiction du devin Euthyphron selon laquelle Socrate gagnerait son procès ou empêcherait qu’il ait lieu. Or quand on sait l’issue réservée à Socrate on comprend ici que Platon ironise sur les talents divinatoires d’Euthyphron.

2. Affaire d’Euthyphron (p.254-257) : « …sur le pieux et l’impie ».

Ce texte 2 présente l’affaire Euthyphron qui s’apprête à porter plainte contre son père qui est involontairement responsable de la mort d’un criminel. Ce criminel ayant tué un domestique de la maison considéré comme un membre de la famille. Mais Euthyphron veut laver la souillure infligée par son père à toute la famille. Ce qui est original dans cette affaire c’est que Euthyphron accuse son père, un membre de sa famille, celui à qui on doit obéissance et respect, au nom d’un étranger. En ce sens Euthyphron reflète la société grecque qui remet en question les traditions au nom d’une égalité devant la loi. Le père d’Euthyphron a fait le mal en voulant faire le bien mais pour Euthyphron ce qui compte l’acte non pas les intentions. Un crime reste un crime. La souillure est d’ordre religieux et pour la laver Euthyphron utilise un procès à la place d’un rite purificateur d’ordre religieux. Là encore le fait de se tourner vers l’État souligne la modernité d’Euthyphron. Mais pour oser un tel procès il faut qu’Euthyphron soit certain de bien faire donc il doit savoir précisément ce qu’est la piété.

3. (p.257-258) : »…être le pieux et l’impie »

Ce texte met en place une situation pédagogique, Socrate se définissant par se docte ignorance, il sait qu’il ne sait pas, se trouve face à EUTHYPHRON qui visiblement sait. Conscient de son ignorance, Socrate a le désir de savoir et en plus ici l’intérêt donc il place logiquement EUTHYPHRON en position de maître et lui se place comme élève. Il attend de lui une définition du pieux, c’est à dire qu’Euthyphron définisse les caractères essentiels du pieux, ce qui fait que le pieux est pieux, et en même temps les caractère distinctifs : définir le pieux, c’est dire en même temps ce qu’il ne peut pas être. Donc définir c’est partir à la recherche de l’essence, de l’idée, de l’ « eidos ».

4. (p.258-261) : « …Mais bien sûr que c’est mon vœu »

Alors qu’Euthyphron avait validé les exigences de Socrate, en guise de définition il donne un exemple, ce qui est évidemment insuffisant. Un exemple étant de l’ordre du particulier et même si on multiplie les exemples on ne parviendra qu’au général mais jamais à l’universel (Popper). Pour justifier de se donner en exemple, EUTHYPHRON se place dans la lignée de CHRONOS et ZEUS qui dans la théogonie d’Hésiode ont eux aussi corrigé leur père. Socrate fait remarquer à EUTHYPHRON qu’un exemple ne peut être une définition et que ces récits sur les Dieux ne sont peut-être que des histoires qui remettent en question la divinité des Dieux. Comment un Dieu parfait, bien heureux pourrait-il connaître la haine, faire la guerre etc… il s’agit sans doute d’une projection anthropomorphique (de forme humaine), irrespectueuse des Dieux. Et comme ces récits sont au fondement de la religion, Socrate semble suggérer que la véritable piété n’est peut-être pas dans la religion. Ceci étant dit, Socrate rappelle à EUTHYPHRON qu’il attend une définition, un modèle, une essence qui permettra ensuite d’identifier ce qui appartient au pieux.

5. (p.261-268) : « …je te libère de cette tâche ».

Ici EUTHYPHRON donne une définition digne de ce nom. Le pieux serait ce qui est cher aux Dieux au sens de ce qui est aimé des Dieux. Le problème est de savoir si cette définition est juste en particulier si elle est discriminante, c’est à dire si elle permet bien de distinguer le pieux et l’impie. Or EUTHYPHRON a admit plus haut que les Dieux peuvent être en conflit, comme les hommes peuvent être en désaccord. Il y a deux types de désaccord. 1) Il y a ceux qui concernent des jugements de vérité au sens de correspondance avec la réalité ou de cohérence. Socrate prend l’exemple du calcul ou de l’évaluation d’un poids. Ces conflits peuvent être réglés parce qu’il y a un instrument de mesure objectif et commun. 2) Ceux qui concernent les jugements de valeurs : le juste l’injuste, le beau le laid, le bon le mauvais. Ici chacun a son évaluation subjective selon ses désirs, intérêts. D’où l’impossibilité de s’entendre sauf si on se met à un plan rationnel, si on remonte jusqu’à l’idée. En attendant de saisir les sens, les hommes comme les Dieux si ils s’accordent sur le principe que l’injustice doit être punie, ils ne s’accordent pas sur l’application de ce principe, sur ce qui est juste ou injuste. Du coup, quelque chose peut être « chère à Hephaïstos et hostile à Héra » (p.265) donc la même chose peut être pieuse et impie. Donc cette définition n’est pas discriminante donc elle n’est pas acceptable.

6. (p.268-273) : « … ce qu’est le pieux et l’impie ».

L’enjeu de ce texte est de savoir si l’amour des Dieux est la cause du pieux et par là une caractéristique essentielle ou si cet amour est la conséquence du pieux et par là une caractéristique accidentelle. EUTHYPHRON reconnaissant confusément que le pieux est une valeur, va affirmer que si les Dieux l’aiment c’est parce qu’il est pieux, donc parce qu’ils reconnaissent cette valeur qui s’imposent à eux et donc qui se place au-dessus d’eux. Pour illustrer cela SOCRATE prend des exemples d’action (porter, conduire, voir) pour bien distinguer l’agent et le patient, la cause et la conséquence et EUTHYPHRON reconnaît que tout ce que les Dieux aiment n’est pas nécessairement pieux, et que leur amour n’est qu’une conséquence du pieux, donc la définition est insuffisante.

7. (p.273-282) : « …précision ce qu’il en est de toutes ces choses »

Face aux définitions infructueuses EUTHYPHRON est dérouté. Il accuse SOCRATE d’être Dédale. Ce sculpteur qui a conçu le labyrinthe de Cnousos et qui est à l’origine d’une nouvelle statuaire puisqu’il a ouvert les yeux des statues, leur a donné un mouvement pour une illusion de vie. SOCRATE lui retourne le compliment et affirme que si il est Dédale il est aussi Tantale, qui est un personnage de la mythologie grecque condamné soit pour avoir volé les Dieux (nectar) soit pour les avoir défié par orgueil, à être plongé dans un fleuve entouré de fruits qui s’éloignent quand il tend la main, le fleuve s’asséchant quand il veut boire. SOCRATE avait le besoin et le désir de savoir, il avait un savant face à lui qui se dérobe. Ce moment est un classique des dialogues de PLATON, c’est la douleur de l’accouchement de l’ignorance, douleur nécessaire pour qu’il y ait le désir de savoir.

Face au découragement d’EUTHYPHRON « finie la maïeutique, fini le temps des petits pas » selon l’expression de PHÈDRE, c’est SOCRATE qui propose une nouvelle définition : « tout ce qui est pieux est juste », et il commence par interroger la réciproque : est-ce que tout ce qui est juste est pieux ? Et comme EUTHYPHRON ne comprend pas la démarche de SOCRATE il prend deux exemples :

1) Tout ce qui est respecté est craint parce qu’on se soumet, parce qu’on a peur de mal faire. Mais tout ce qui est craint n’est pas pour autant respecté. Donc le respect n’est qu’une partie de la crainte.

2) Tout nombre impair est un nombre mais tous les nombres ne sont pas impairs. Donc les nombres scalènes, c’est à dire boiteux, ne sont qu’une partie des nombres.

À partir de là SOCRATE va proposer à EUTHYPHRON que le pieux n’est qu’une partie du juste. Celle qui correspond au soin des Dieux, l’autre correspondant au soin des hommes (p.277).

Prendre soin des Dieux pourrait avoir 2 sens :

1) soigner, rendre service aux Dieux. Pour SOCRATE il est évident que ce premier sens n’est pas le bon parce que cela signifierait qu’on peut rendre meilleur les Dieux, ce qui est contradictoire avec la perfection qu’ils sont censés incarner, d’où :

2) Faire le service des Dieux, les assister. Même si ce deuxième sens pose en un sens problème puisque les Dieux sont censés être tout puissant, il reste acceptable parce que les Dieux restent les producteurs.

Mais se pose alors la question de ce que produisent les Dieux et EUTHYPHRON se contente d’affirmer qu’ils produisent de grandes et belles choses en nombre. Faisant constater à EUTHYPHRON que tout artisan considère son œuvre comme utile, grande et belle, il faut préciser ce que produisent les Dieux. Et EUTHYPHRON contourne la question en disant qu’il faut être initié pour le comprendre donc il est impossible de préciser ces productions.

8. (p.282-286) : « …apparemment »

Pour finir EUTHYPHRON est contraint de se rabattre sur la définition commune de la piété comme dévotion. Être pieux c’est respecter la pratique traditionnelle définie par l’institution religieuse. Cette définition est insuffisante dans le sens où EUTHYPHRON définit la piété à nouveau par des actes et non par une idée. On en revient à l’idée que le pieux c’est ce qui est agréable aux Dieux mais SOCRATE décide malgré tout d’examiner cette « définition ». Comme sacrifier c’est faire un don et prier c’est faire une demande, SOCRATE va présenter la relation aux Dieux sur le modèle d’un échange commercial, un troc. Pour qu’un troc soit juste il faut qu’il y ait de chaque côté une offre et une demande. Or si on est en demande envers les Dieux, on peut se demander ce qu’ils pourraient attendre de nous. Une demande présuppose un besoin donc un manque donc une imperfection à combler. Si il y a offre que d’un côté, cela signifie que l’échange est unilatéral donc que nous lésons les Dieux. Ils nous donnent gratuitement puisqu’il n’y a pas de retour. Donc la seule solution de ne pas dénigrer les Dieux, c’est de penser qu’ils ont un retour, nos louanges et nos sacrifices leurs sont agréables. Mais ce qui leur est agréable, c’est ce qui leur est cher donc on retombe sur la première définition. Et comme EUTHYPHRON ne veut pas tout reprendre à zéro, officiellement faute de temps, mais peut-être au fond parce que cette remise en question de son prétendu savoir, de la définition traditionnelle est trop douloureuse, incompréhensible pour lui. On finit sur une aporie (une absence de dialogue), un échec ?