De la certitude

11 août 2012 0 Par Caroline Sarroul

De la Certitude – Ludwig Wittgenstein from Nitroglobus on Vimeo.

« Enfants, nous apprenons des faits, par exemple que tout homme a un cerveau, et nous y ajoutons foi. Je crois qu’il y a une île, l’Australie, qui a telle forme, etc., je crois que j’ai eu des aïeux, que les gens qui se donnaient pour mes parents étaient réellement mes parents, etc. Cette croyance peut ne jamais avoir été exprimée, et même la pensée qu’il en est ainsi peut ne jamais avoir été pensée. L’enfant apprend en croyant l’adulte. Le doute vient après la croyance. J’ai appris une masse de choses, je les ai admises par confiance en l’autorité d’êtres humains, puis au cours de mon expérience personnelle, nombre d’entre elles se sont trouvées confirmées ou infirmées. Ce qui est écrit dans les manuels scolaires, dans le livre de géographie par exemple, je le tiens en général pour vrai. Pourquoi ? Je dis : Tous ces faits ont été confirmés des centaines de fois. Mais comment le sais-je ? Quel témoignage en ai-je ? J’ai une image du monde. Est-elle vraie ou fausse ? Elle est avant tout le substrat de tout ce que je cherche et affirme. Les propositions qui la décrivent ne sont pas toutes également sujettes à vérification. Y a-t-il quelqu’un pour jamais vérifier si cette table qui est la y reste lorsque personne ne lui prête attention ? Nous vérifions l’histoire de Napoléon, mais non si tout ce qui nous est rapporté de lui repose sur l’illusion ou l’imposture ou autre chose de ce genre. Oui, même si nous vérifions, nous présupposons déjà ce faisant quelque chose que l’on ne vérifie pas. Vais-je dire maintenant que l’expérimentation à laquelle je me livre, p. exemple pour vérifier une proposition, présuppose la vérité de la proposition selon laquelle l’appareil que je crois y voir (et autres choses de ce genre) y est réellement ? Vérifier, cela n’a-t-il pas un terme ? Un enfant pourrait dire à un autre : « Je sais que la terre est vieille de plusieurs centaines d’années » et cela voudrait dire : Je l’ai appris. La difficulté, c’est de nous rendre compte du manque de fondement de nos croyances.

Ludwig Wittgenstein (1889-1951), De la certitude (1950-1951), fragments 158-166, trad. Fauve, coll.Idées », Éditions Gallimard, 1976, p. 61-62.