Peut-on considérer la culture comme un luxe inutile?

29 juillet 2013 0 Par Caroline Sarroul

Peut-on considérer la culture comme un luxe inutile ?

2 mots à double sens :

  1.   1. inutile

  • l’utile, c’est d’abord l’utilitaire, ce qui donne le moyen de réaliser une fin pratique et technique. Un luxe, c’est quelque chose dont on pourrait se passer qui ne correspond pas à un besoin vital. Pléonasme que de parler de luxe inutile.

  • l’utile, c’est aussi ce dont on pourrait se passer pour survivre, mais pas pour vivre. L’utile, c’est ce qui s’accorde avec notre nature et nous procure un sentiment de joie. L’homme ne se réduit pas à un animal, à un corps, c’est aussi un esprit, des désirs auxquels peuvent répondre les productions culturelles.

  1. Culture :

    1. « être un être culturel » : transformation du donné naturel en l’homme et hors de lui par laquelle l’homme se fait homme ( ce qui nous unit tous les hommes)

    2.« avoir une culture » : ensemble de traditions, de croyances, de représentations, de techniques, d’usages qui appartiennent à une communauté ( ce qui distingue les hommes et peut les diviser)

    Selon VICO, on retrouve cependant 3 coutumes dans toutes les cultures : le mariage, les sépultures et la croyance religieuse. On pourrait ajouter « la règle des règles » qui est la prohibition de l’inceste, selon Lévi-strauss.

    3. « être cultivé » : formation de l’esprit par la connaissance et  la fréquentation des arts, des lettres, des productions spirituelles de la culture ( ce qui peut à nouveau réunir les hommes au travers d’œuvres, d’émotions et de savoirs universels, le beau et le vrai n’ont pas de frontières culturelles)

    La culture peut être prise ici aux sens 1 et 3 de la fiche de synthèse. Sens 2 évocable.

Plans possibles :

  1. on peut considérer la culture comme quelque chose d’inutilitaire

    A) autant la culture au sens 1 est vitale pour l’homme, car sans les artifices de la culture que sont outils, ordre religieux-social, langage, l’homme n’aurait pu survivre ( homme prométhéen)

    B) autant on peut penser que les productions spirituelles que sont art, lettres, sciences pures n’apportent rien de nécessaire à la survie de l’homme. On considère parfois que les budgets alloués à la culture sont inutiles et qu’ils devraient être consacrés à améliorer les conditions de vie des hommes

    C) on peut même les considérer comme des divertissements dangereux qui détournent l’homme de l’urgence vitale ( philosophe perdu dans ses pensées, Thalès   « dans son désir de connaître ce qu’il y a dans le ciel, il ignorait ce qu’il y avait devant lui et sous ses pieds» et tomba dans un puits, selon Platon dans le Théétète

    Transition : ceci dit on trouve dans toutes les cultures ces productions spirituelles, elles sont même ce qui marquent le passage à l’homo sapiens sapiens  pour certains :  le « big bang culturel » de l’art des cavernes, il y  a 35000 ans. ( Thèse de Davidson, discutée cependant). Ce qui est utile à l’homme se réduit-il à l’utilitaire, à l’utile à sa survie

  2. mais la culture est très utile

    A) l’homme n’a pas que des besoins vitaux et animaux. Ce qui le caractérise même, c’est de pouvoir nier l’animal ( ce qu’il fait régulièrement en donnant une expression culturelle et maîtrisée à ses élans et instincts) au point de pouvoir ne pas répondre à ses besoins vitaux au nom de valeurs jugées supérieures. On peut penser à la grève de la fin pour défendre une cause, au sacrifice de sa vie pour défendre sa liberté. Donc l’homme n’a pas que des besoins en tant que corps, il a aussi des besoins et des valeurs spirituels.

    B) la culture au sens de formation de l’esprit par la science , les arts et les lettres sont un luxe au regard des priorités de la survie, mais elles sont aussi de précieuses nourritures spirituelles pour l’homme. Ex de l’art : il peut répondre à un désir de beauté, de se divertir ( de la dure réalité), de découvrir d’autres cultures…

    C) la culture permet de juger, de développer l’esprit critique et de penser par soi-même et donc de lutter contre certaines logiques qui voudraient nous faire croire qu’on peut se contenter de nourritures terrestres, de consommer et survivre, comme des animaux.

    C) selon l’IBM de Pierre Le Roy , bien que discutable, le développement culturel fait partie des éléments qui favorisent le bonheur des hommes , preuve qu’il correspond à un de leur besoin.

    D) si les cultures ( sens 2)  peuvent diviser  les hommes , la culture ( sens 3 donc) peut les réunir car le beau et le vrai n’ont de frontières.

    Transition : la culture s’avère donc utile dans les sens 1 et 3. Mais ne reste-t-elle pas un luxe pour beaucoup et ne doit elle pas en rester un pour tous ?

  3. Profondément utile, la culture est cependant menacée de 2 côtés :

    A) malgré les politiques culturelles favorisant l’accès à la culture et l’école, elle reste source d’inégalité ( capital culturel de Bourdieu) ;  pour pouvoir s’adonner à la culture, il faut que les besoins soient satisfaits, et donc pour avoir d’autres priorités que celle de survivre.

    B) cependant si elle ne doit pas être un luxe ( réservé à une riche élite) , elle doit rester un luxe dans le sens où elle ne doit pas être réduite à un moyen et à la logique utilitaire. On peut s’inquiéter de ceux qui ne veulent savoir que pour pouvoir et considèrent que la connaissance n’a pas de valeur en elle-même, pour elle-même. On doit de même se méfier de ceux qui veulent faire de l’art un simple commerce, un faire-valoir social ou le porteur d’un message, alors que la contemplation de la beauté ou des œuvres de l’esprit humain valent pour eux-mêmes.

    La culture doit donc rester un luxe utile et on doit en faciliter l’accès et en donner le goût.