Affrontement entre les EUA et la Chine à propos de la pandémie et du changement climatique.

Affrontement sino-américain à la tribune virtuelle de l’ONU

Xi Jinping a dénoncé, mardi, le repli sur soi prôné par Donald Trump

NEW YORK (NATIONS UNIES), WASHINGTON – correspondants

La forme, le fond, tout a opposé Donald Trump à Xi Jinping, mardi 22 septembre. S’exprimant l’un comme l’autre depuis leurs pays respectifs dans le cadre virtuel de l’Assemblée générale des Nations unies, les deux présidents se sont affrontés à distance, confirmant les craintes exprimées par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Ce dernier venait de redouter une « grande fracture » entre les « deux plus grandes économies », annonciatrice d’« une nouvelle guerre froide ».

Presque absente du premier discours onusien de M. Trump, en 2017, la Chine avait subi une première attaque en règle de la part du président des Etats-Unis en 2019, lorsqu’il s’en était pris à ses pratiques commerciales. Il s’est cette fois-ci posé en procureur dès la troisième phrase de son discours en dénonçant le « virus chinois » à l’origine de l’actuelle crise sanitaire et économique mondiale.

« Nous devons tenir responsable la nation qui a fait se répandre ce fléau sur le monde : la Chine », a-t-il affirmé. « Dans les premiers jours du virus, la Chine a verrouillé les voyages intérieurs tout en permettant aux avions de quitter la Chine et d’infecter le monde (…) Le gouvernement chinois et l’Organisation mondiale de la santé [OMS], qui est pratiquement contrôlée par la Chine, ont faussement déclaré qu’il n’y avait aucune preuve de transmission entre humains. Plus tard, ils ont faussement dit que les personnes sans symptômes ne propageraient pas le virus. »

Donald Trump n’a pas limité son réquisitoire à la crise sanitaire. Alors que son mandat a été marqué par la suppression de dizaines de règlements protégeant l’environnement, le président des Etats-Unis s’est présenté en champion de l’écologie pour mieux stigmatiser la pollution maritime massive dont la Chine serait responsable et la hausse des émissions de carbone chinoises. Il les a opposées à la baisse américaine, sans préciser qu’elle s’est expliquée, en 2019, par la baisse du recours au charbon qu’il a longtemps défendu. Il a également revendiqué pour son pays un rôle de « leader pour les droits de l’homme », une formule qu’il utilise rarement, comme pour mettre en évidence l’autoritarisme chinois.

La brièveté de l’intervention de Donald Trump, nettement plus courte que celle de son homologue, a témoigné également de son dédain de l’assemblée devant laquelle il s’exprimait. « Si l’Organisation des Nations unies veut être une organisation efficace, elle doit se concentrer sur les vrais problèmes du monde. Cela comprend le terrorisme, l’oppression des femmes, le travail forcé, le trafic de drogue, le trafic humain et sexuel, la persécution religieuse et le nettoyage ethnique des minorités religieuses », a-t-il ainsi déclaré, en laissant entendre qu’elle n’y prêtait aucune attention aujourd’hui.

Son discours ayant été enregistré à l’avance, Xi Jinping n’a pas pu répondre point par point à la charge de son homologue américain. Les tensions croissantes entre les deux pays lui avaient cependant permis d’anticiper une partie des critiques, à commencer par la gestion de la crise sanitaire par Pékin. « Le Covid-19 ne sera pas la dernière crise que l’humanité aura à affronter. Nous devons unir nos efforts et nous préparer, ensemble, à davantage de défis planétaires », a-t-il dit, se faisant le chantre d’une « vision d’une communauté d’avenir partagé où tous les êtres humains sont interdépendants ».

« Il faut en finir avec la mentalité des blocs et du jeu à somme nulle. Il nous faut poursuivre la voie du multilatéralisme. Défendre le système international centré sur les Nations unies. Les grands pays doivent agir comme de grands pays », a-t-il assuré dans une allusion transparente aux Etats-Unis, avant de prendre la défense de l’OMS. « Toute pratique de politisation et de stigmatisation doit être rejetée », a-t-il dit.

Nationalisme exacerbé

Il s’est ensuite attaqué à la tentation d’endiguement américaine que traduit la multiplication des mesures visant des intérêts économiques chinois, notamment numériques. « Le Covid-19 nous rappelle que la mondialisation économique est une réalité incontestable et une tendance historique. Se cacher la tête dans le sable comme une autruche, ou la combattre en brandissant sa lance comme Don Quichotte vont à contre-courant de l’histoire. Le monde ne reviendra plus jamais à la fermeture et à l’isolement », a-t-il affirmé.

Tentant plus que jamais de profiter du retrait des Etats-Unis justifié par Donald Trump au nom de « l’Amérique d’abord », Xi Jinping s’est posé en protecteur de l’ONU, profitant de l’occasion pour annoncer de nouvelles contributions financières de son pays. Il a promis que la Chine parviendrait à la neutralité carbone en 2060, un hommage concret à l’accord de Paris auquel Donald Trump a tourné le dos. Présentant la Chine comme une des « économies principales » qui aidera les autres pays en développement, il a dressé un portrait particulièrement flatteur du soft power chinois.

« Nous continuerons de partager avec tous les pays nos expériences en matière de contrôle des épidémies, de diagnostic thérapeutique, d’apporter soutien et aide aux pays qui en ont besoin, d’assurer les chaînes d’approvisionnement mondiales du matériel médical, et de participer activement à la recherche mondiale sur l’origine du virus et ses modes de transmission », a-t-il dit, en esquivant la question des responsabilités posée par Donald Trump.

Le président chinois a de même assuré que les vaccins contre ce virus seront un bien public mondial et qu’ils seront fournis gratuitement aux pays en développement, alors que son pays refuse pourtant de faire partie de Covax, la plate-forme créée conjointement par l’OMS et l’Alliance du vaccin. Il a de même tenté de rassurer ceux qui s’inquiètent de cette influence chinoise croissante. « Nous poursuivons la voie d’un développement pacifique, ouvert, coopératif et partagé. Jamais nous ne rechercherons l’hégémonie, ni l’expansion, ni des sphères d’influence. Nous n’avons aucune intention de mener une guerre froide ou déclarée avec quelque pays que ce soit », a affirmé le président chinois en masquant le nationalisme exacerbé qui s’exprime par exemple en mer de Chine méridionale sous les habits d’une diplomatie présentée comme bienveillante.

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