Une journée comme une autre
On se demande parfois ce qu’on peut bien avoir à raconter. Prof après tout, c’est simple. Cours-cours-récré-cours- pause midi- cours- trou-cours. Une routine bien rodée, pour peu que vous fassiez ça depuis plusieurs années (Avec sa passionnante variante cours-trou-récré-cours-cours-pause midi- cours-cours). Alors, quand on a envie d’écrire une chronique un peu souriante, un peu croustillante, un peu intéressante et pas trop tarti-chiante, tout à coup, c’est l’angoisse.
Et pourtant, tous les jours, pour qui a l’œil et l’oreille bien aiguisés, l’imprévu se cache au détour d’un couloir, d’une langue qui fourche en classe, d’un pas de côté…
Aujourd’hui, par exemple, il y a un tas de petits riens imperceptibles qui ont rendu ma journée de prof si particulière. Et finalement, c’est un peu comme ça tous les jours :
- Le parent d’élève mal garé qui prend 2 places, dans un parking bondé, parce qu’il n’en a que pour 2 minutes. Alors que vous, vous en avez pour la journée ! (Ah mais qu’est-ce que c’est que cette prof qui arrive 2 minutes avant la sonnerie un jours de rentrée !)
- L’élève qui entame sa rentrée en vous annonçant qu’il a compté le nombre de semaines qui restent avant les grandes vacances (et vous n’osez pas lui dire que vous aussi ! Ah ! Les choses que nous disent nos élèves, et que nous partageons sans oser leur dire !)
- L’élève qui avait déménagé et qui est revenu. Et qui est tellement content de vous revoir qu’il vous fait la bise en vous voyant, comme ça, dans un élan spontané. (Ah ! Ces petits moments choupinou, qui font du bien à votre petit cœur d’indécrottable prof bisounours)
- Le regard sévère du chef d’établissement qui vous surprend à racler 10 secondes après la sonnerie avant de rejoindre vos élèves (Ah ! ces petits moments… Euh, non, oups).
- La salle des profs qui sent bon le café et l’encre de la photocopieuse qui ne bourre pas, miraculeusement, en ce jour de rentrée (Ah ! Les coulisses de la vie de profs en salle des profs !).
- L’élève qui négocie point par point sa note alors que vous venez de rendre les copies et qui vous oblige à détailler chaque quart de point du barème jusqu’à ce que vous n’en puissiez plus et que vous n’ayez plus qu’une envie : lui faire bouffer sa copie (Ah ! Ces élèves qu’on adore détester).
- Le collègue qui vous demande la place sur l’ordinateur relié à l’imprimante, parce qu’il en a pour 2 secondes pour imprimer un document et qui, 15 minutes plus tard, est toujours en train de lire ses mails (Ah ! Ces collègues qu’on adore détester).
- Le parent qui vous poursuit à la sortie pour vous redemander si vous avez un professeur particulier à lui recommander, alors qu’il en a déjà épuisé 4 cette année (Ah ! Ces chers parents d’élève qui nous croient de la famille de la fée clochette et du Père Noël !)
- La secrétaire qui vient vous annoncer un changement d’emploi du temps en raison du brevet blanc – qui vous oblige à vous lever plus tôt – et qui a attendu la dernière minute pour le faire (Ah ! Les joies et mystères de l’administration).
- L’élève qui vous appelle 3 fois Monsieur au lieu de Madame, et qu’on finit par appeler Gaston au lieu de Léo, parce que bon, ça va bien 2 minutes. Fou rire général de la classe, et… que c’est bon ! (Ah ! Les grosses marrades qu’on peut avoir – si, si ! – avec ses élèves).
- Le surveillant qui vient vous expliquer la dernière prouesse du caïd de la classe dont vous êtes professeure principale (Ah ! les malheurs d’une PP ! – les bonheurs, j’en ai déjà parlé !)
- L’exercice de maths que vous aidez vos élèves à résoudre le soir pendant l’aide au devoir, ce qui vous permet de vérifier votre maîtrise des équations (Eh oui ! Je suis une prof d’espagnol qui sait compter !)
Il y a sans doute eu encore plein de ces petits riens auxquels je n’ai pas fait attention. Ceux qui font qu’une année scolaire n’est jamais la même que la précédente, ceux qui font que deux classes ne se ressemblent pas, et que deux cours ne sont jamais les mêmes… et qui finalement, au bout de la journée, font de la vie de prof une passionnante chronique (n’est-ce pas ?!).