


Web 2.0, éducation 2.0, entreprise 2.0, management 2.0… les 2.0 fleurissent sans que l’on sache toujours véritablement de quoi il s’agit.
Il semblerait que tout ait commencé en 2005 lors d’une conférence de geek (obsédé d’informatique) dans laquelle Tim O’Reily, commentant l’éclatement de la bulle internet des marchés financiers, aurait pronostiqué l’émergence d’un nouveau web conceptuellement différent du web initial (voir « what is Web 2.0 » par Tim O’Reilly – en français). Dans ce contexte, le 2.0 signifie qu’il s’agit d’une nouvelle version en rupture par rapport au web précédent comme pour un logiciel (voir la note le système de notation des logiciels).
Ce schéma est-il transférable à l’éducation ? Parler d’éducation 2.0 a-t-il du sens (voir par exemple la discussion du forum apprendre 2.0) ? Cela veut-il dire que l’éducation est en train de se réformer pour passer (enfin) à la version 2 ? Dans quelle version étions-nous avant ? La version 1.512 ? Car, après tout, l’éducation est aussi vieille que la volonté humaine de partager du savoir, processus qui a dû émerger environ en même temps que l’humanité, non ? (Oui je sais, je fais partie de ces dinosaures qui pensent que la transmission du savoir est ce qui donne toute sa noblesse aux hommes, loin devant l’acquisition d’un iphone). Est-il raisonnable de penser que nous n’en sommes qu’à la première version ? Alors pourquoi ne pas parler de l’éducation 1024.0 ? Le raisonnement s’applique aussi, évidemment, à l’entreprise et au management.
Bien entendu, ce 2.0 a pris progressivement un autre sens. Pour le comprendre, il faut revenir à ce qui caractérise le web 2.0 (voir le billet du web 2.0 à l’éducation 2.0 ?). Pour résumer, le web 2.0 est un web ouvert, centré sur l’utilisateur. Dans le modèle de web initial, le contenu et la navigation étaient pensés par le créateur du site. Dans le web 2.0, le contenu et la navigation sont modelés par l’interaction entre les utilisateurs. Schématiquement, les sites 2.0 sont des coquilles vides que les internautes remplissent à leur guise en ajoutant du contenu (flickr, youtube, etc.) où en mixant plusieurs contenus (netvibes, wikio etc.). Un site 2.0 est donc un site ouvert, vivant tant qu’il y a du trafic. C’est son usage qui lui donne de la valeur, contrairement aux sites 1.0 qui contiennent de l’information en eux-même. Le contenu diffusé par un site 2.0 dépendra de son utilisation : il émerge des interactions entre les utilisateurs.
Il me semble que quand on rajoute un 2.0 à un système (l’éducation, l’entreprise, le management, etc.) on souligne cette caractéristique des objets 2.0 : ils se renouvèlent continuellement et leurs propriétés sont émergentes. Elles ne sont pas « pensées » à priori. Elles émergent des interactions entre les acteurs.
Cette approche de la réalité n’est pas complètement nouvelle et « inventée » à travers le web 2.0. Elle prend ses racines dans les courants de pensées systémiques et émergentistes. Cette propriété des systèmes à se renouveler en permanence n’est pas sans rappeler les systèmes vivants : un organisme vivant ne le reste que tant qu’il interagit avec son environnement (nous ne survivons pas plus de quelques minutes si nous cessons de respirer) et ces interactions lui permettent de se renouveler constamment (nos cellules sont régulièrement renouvelée s comme nous le rappelle un vendeur d’eau minérale). Les propriétés d’un organisme vivant émergent de la dynamique d’interaction entre sa dynamique interne (son matériel génétique) et son environnement. Il me semble qu’un site du web 2.0 répond parfaitement à ce schéma : son code (en l’occurence informatique et non génétique) ne prend sens qu’à travers les interactions qu’il entretient avec son environnement (les autres sites, les internautes). Pour moi, ce 2.0 signifie que l’on cesse de penser l’objet indépendamment de son environnement : il s’agit d’adopter une approche écosystémique dans laquelle l’accent est mis sur les interactions de l’objet plus que sur ses propriétés intrinsèques.
En ce sens, parler d’éducation 2.0 n’est pas absurde. Il s’agit de penser l’écosystème favorable au transfert intergénérationnel. L’éducation 1.0 correspond au modèle du prof qui détient un savoir face à une classe qui a tout à apprendre de lui. Dans l’éducation 2.0, le prof est un écologiste du savoir (l’écologie c’est l’étude des relations) qui s’attache à créer l’environnement favorable à sa floraison. Il favorise les interactions fertiles qui permettent l’émergence du savoir. Il ne s’agit plus de penser en terme de transmission (dans laquelle le savoir se répliquerait à l’identique) mais en terme d’émergence (dans laquelle le savoir se renouvelle à travers l’interaction entre les individus).