Le migrant

Le repas touchait à sa fin quand monsieur Dambreville prit la parole.

– Et bien mes amis, ce dîner fut un régal, mais je pense que vous y êtes pour autant de chose que les mets délicieux. Mais comment savourer le bonheur quand le malheur s’abat sur d’autres que nous ? Et c’est le cas mes amis, c’est le cas ! Ici même, dans notre pays, des gens souffrent. Ces gens n’ont plus de maisons, n’ont plus de femmes, n’ont plus d’enfants ! Mes amis, ayez une pensée pour ces migrants qui sont seuls, loin de leur pays.

Il se rassit sur ces mots. Ce fut la jeune madame Rossignolle qui prit le relais :

– Et bien mon ami, sachez que vous, et quiconque le voudrait bien autour de cette table peut aider ces migrants. En effet, l’association dont je fais partie recherche activement des personnes au bon cœur qui auraient la gentillesse d’accueillir l’un de ces pauvres gens chez eux. Et au vu de votre engagement et de votre bonté, je vous le demande à vous, monsieur Dambreville.

Il y eut alors, chez tous les convives mais particulièrement chez monsieur et madame Dambreville, un grand moment de gêne. Au bout d’un long silence, monsieur Dambreville reprit la parole mais avec bien moins d’assurance qu’auparavant. Il bredouilla :

– Euh… et bien… c’est-à-dire que… c’est une proposition à laquelle il faut réfléchir…

– Mais bien entendu ! Prenez tout votre temps et donnez-moi votre réponse quand vous en serez sûr.

La soirée se termina ainsi, chaque convive étant gêné à l’idée de se voir lui aussi proposer d’accueillir un migrant chez lui, tout le monde fut soulagé d’enfin quitter cet appartement et de laisser les Dambreville seuls avec leurs problèmes.

Dès que tous les invités furent partis, madame Dambreville s’énerva contre son malheureux mari.

– Mais quelle idée as-tu eue toi aussi ! Pourquoi avais-tu besoin de parler de ces foutus migrants ?

– Mais c’est que… je ne savais pas que madame Rossignolle faisait partie de cette association…

– Mais on ne sait jamais ! Regarde dans quelle mouise tu nous as mis avec tes beaux discours ! On ne peut pas refuser, mais on ne peut tout de même pas accueillir un migrant chez nous !

– Mais… on va trouver une solution… je te le promets ma biche.

– Ah oui ? et où ça ? et puis pourquoi « on » ? je ne vois pas pourquoi je devrais chercher une solution, ce n’est pas de ma faute !

– Et bien… j’en trouverai une…

– Super ! bah vas-y, trouve-la !

Monsieur Dambreville réfléchit plusieurs jours, mais il ne trouva aucune excuse acceptable qui leur permettrait d’expliquer leur refus.

– Mais finalement ma biche… on pourrait peut-être l’accueillir ce migrant… il ne resterait pas longtemps…

– Ah oui ?! Mais tu es idiot ma parole ! Tu penses qu’il va aller où le migrant ! Alors écoute, je vais être très claire, c’est ta biche ou le migrant.

Il semblerait que, face à cet ultimatum, monsieur Dambreville ait choisi la biche car il n’y eut jamais de migrant chez lui. Après, était-ce un bon ou un mauvais choix, à vous de voir.

Félix d’Assumçao

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