Bref retour sur la dernière séance

Daniel et la participation des habitants

 

Ce mercredi 24 janvier, nous avons commencé par les soutenances des mémoires.

Audrey nous est revenue, après une interruption, en pleine forme pour nous présenter son mémoire sur Varna (2016). Dans son mémoire sur la ville en évolution, Audrey a travaillé sur un quartier de Varna (au nord est) et aux questions liées à l’appropriation des espaces urbains. Je n’étais ni lecteur ni relecteur, mais sa présentation était convaincante.

Tous les étudiants ne réussissent pas toujours du premier coup leur mémoire. Audrey finalise le sien après trois ans. C’est un travail qui nécessite une mise à distance, une prise de recul, et un engagement certain. C’est une étape personnelle. Parfois, l’étudiant n’atteint pas les objectifs de la réussite. C’est difficile pour tout le monde de devoir refuser un mémoire, mais avant tout et surtout pour l’étudiant.

Candida nous dit au revoir

Venue du Brésil, Candida va y repartir. Elle nous a présenté les résultats de son semestre qui a consisté à arpenter le quartier des Sept Deniers. Elle nous a montré que ce quartier tient sa richesse de son enclavement. C’est un travail assez sensible et fin qui lui a permis de comprendre une caractéristique que l’on pourrait peut-être retrouver ailleurs.

Laury assise sur une chaise

Le truc de Laury c’est le banc, qu’elle scrute de tous côtés. Avec l’histoire, nous sommes descendus bien avant J.C. pour revenir à nos jours. Une exploration s’impose dans les rues de la ville à la recherche du banc. Cet objet absent des espaces urbains qu’il faut fluidifier devient un objet de recherche complexe et politiquement incorrect.

Moment de concentration intense

Toute la journée s’est déroulée de manière assez dense, et chaque étudiant et étudiante ont brillamment marqué l’étape de la fin du premier semestre. Bravo à Juliette, Yvanna, Daniel, Romane, Vincent et Ginette pour cette journée et leur participation au repas partagé. Une pensée pour Carl et Rosemarie en convalescence, Benjamin sous la neige de Val d’Isère, Guillaume dans une des dimensions de l’espace (que l’on espère revoir la semaine prochaine), et enfin Fanny et Gaëlle que nous sommes heureux de retrouver.

Marge et centralité

https://www.grizette.com/patisseries-galette-des-rois-toulouse/

Il y a deux thèmes que je souhaiterai rapidement développer sur ce blog, c’est la question des classes sociales et celle de la centralité.

Pour l’heure, voyons en quoi la centralité permet de réfléchir sur la marge ou la limite.

A l’occasion de la nouvelle année, je me suis demandé dans quelle boulangerie j’allais trouver la meilleure galette des Rois. Sous son aspect trivial, cette quête allait me mettre sur la piste d’un effet de centralité assez évident.

Une simple recherche sur le puissant moteur à inférences me renvoie à plusieurs sites, dont un magazine féminin qui m’indique où trouver la meilleure galette à Toulouse.

https://www.toulouscope.fr/vie-pratique/566-ou-trouver-les-meilleures-galettes-des-rois-de-toulouse/

Un site d’ailleurs affiché en premier référencement, c’est-à-dire en lien commercial. Le magazine Grizette propose donc une liste de cinq adresses toulousaines, toutes circonscrites au centre-ville. Qui plus est, ces boulangeries-pâtisseries se situent toutes dans les quartiers bourgeois et petit-bourgeois du centre-ville. Un effet de centralité, c’est-à-dire de convergence vers le centre (et si l’on regarde par rapport au statut social tel que la société le définit, vers le haut) qui édicte une règle selon laquelle le meilleur est ce qui est le plus proche (de quoi ?) du pouvoir, des classes dominantes, des élites, du haut ? Le centre a toujours un pouvoir attracteur, et si l’idée qu’une enseigne  placée dans tel ou tel « beau » quartier c’est forcément mieux, renvoie à des prénotions qu’il faut savoir dépasser. Par extension, ce sont aussi les rues adjacentes qui profitent de ce capital symbolique.

Un deuxième site, « Je veux tout goûter », nous donnera la même liste des cinq boulangeries-pâtisseries préparant les « meilleures galettes ». Les critères énoncés sont tous très subjectifs comme peuvent l’être les critères en matière culinaire. Qualité du feuilletage, aspect, goût… A-t-on comparer d’autres galettes d’autres boulangeries-pâtisseries ? Nous n’en savons rien.

Un troisième site nous renvoie sur les mêmes établissements, hormis une exception, sortie du cadre de la centralité. Il s’agit là d’un simple référencement basé sur quoi ? Il y a trop de concordances pour un produit aussi difficile à classer. Peut-être que l’article de La Dépêche du 9 janvier 2016  conduira les lecteurs sur une piste. Les résultats de l’enquête annoncée aboutissent à la fameuse liste des cinq boulangeries-pâtisseries. En remontant le temps à travers les sites, nous arrivons peut-être là à la source de cette information.

Lucie Paimblanc, la journaliste en question, fait un reportage sur ce thème et dresse la liste des cinq boulangeries-pâtisseries dont il était question plus haut. Un « reportage » dites-vous, mais cette journaliste n’est pas inconnue, puisqu’elle anime son blog « Je veux tout goûter ». Ainsi, une même source peut se diluer à travers l’internet et contribuer à fabriquer une information qui sera rapportée de sites de sites et qui relève davantage d’enjeux stratégiques que d’une objectivité scientifique. Dame ! Internet n’est pas une source scientifique. N’est-ce pas encore cette journaliste qui, l’année dernière, était à l’honneur dans un article du magazine Grisette ? S’agit-il d’un échange de bons procédés, d’un renvoi d’ascenseur ? Un travail sur le réseau social pourrait nous en dire plus… Voilà un peu l’idée de la démarche.

Pour aller plus loin, j’utilise le site « Société.com » qui référence l’ensemble des entreprises et des sociétés civiles immobilières (SCI) en France. Par croisement d’informations et avec un peu de patience, on arrive à faire des connections entre les noms de familles, leur lieu d’habitation et leurs différentes activités. Savoir si la personne possède plusieurs activités connexes, ou bien, plus simplement des biens immobiliers. Et tout cela pour montrer que l’effet de centralité répond parfois à des besoins économiques ou à une stratégie.

Parce qu’à bien réfléchir, peut-on penser juste un instant que le centre-ville serait le centre de production des meilleurs galettes ? Il existe des artisans sérieux dans leur démarche qui produisent d’excellentes galettes en périphérie toulousaine. Mais c’est plutôt le bouche à oreille qui permet d’en découvrir l’existence.

Nous sommes, me semble-t-il au centre de l’enquête que Nicolas Jounin a réalisé avec ses étudiants de Paris 8 et qu’il livre dans Voyage de classes (éditions La Découverte, 2014). Ou bien encore dans ce que Pierre Bourdieu appelle un rite d’institution et dont la fonction est de consacrer. « En marquant solennellement le passage d’une ligne qui instaure une division fondamentale de l’ordre social, le rite attire l’attention de l’observateur vers le passage (d’où l’expression rite de passage), alors que l’important est la ligne. » (« Les rites de passage comme acte d’institution », ARSS, 43, 1982, pp. 58-63)

Ici, évidemment ce n’est pas la galette qui compte mais l’implantation géographique des établissements.

Le bienfait des reportages radiophoniques

Les chaînes de radio de Radio France, France Culture et France Inter proposent l’écoute de reportages quotidiennement pour l’une, hebdomadairement pour l’autre. La plupart sont « podcastables », c’est-à-dire que l’on peut les réécouter plusieurs années après. Interception propose des reportage sur des grands thèmes de société comme le climat ou la précarité à l’échelle du globe. Les Pieds sur terre revient à une échelle plus centrée sur l’homme et son quotidien.

https://www.franceinter.fr/emissions/interception

https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre

Les Pieds sur terre, ce sont des centaines de reportages sur tous les thèmes de la société, surtout les plus en marge. Chacun trouvera un reportage capable de l’intéresser. L’intérêt lorsqu’on est à l’écoute réside dans le fait que l’absence de l’image permet de se concentrer sur le récit, et ne pas être pollué par l’image.

Les reportages audios sont utilisables au même titre qu’un livre ou qu’un entretien (sauf qu’il n’est pas de vous). Il suffit de noter en pas de page les références précises, c’est-à-dire le nom de l’émission, le titre du reportage, le nom du reporter, le nom de la chaîne, la date du reportage et la durée. Par exemple :

Emission Les Pieds sur terre, « La cité radieuse », Elodie Maillot, France Culture, première diffusion 8 septembre 2005, 28 mn

France Culture propose également d’autres émissions centrées sur la société, comme Sur les docks,

https://www.franceculture.fr/emissions/sur-les-docks/saison-31-08-2015-04-07-2016

A découvrir si vous ne connaissez pas cette dimension de l’espace public…

Qui est Patrick Gaboriau ?

Docteur en psychologie (1982) et en sociolinguistique (1983), docteur d’Etat en anthropologie sociale (1988), Patrick Gaboriau est originaire d’une petite ville du côté de Cholet. Remarqué par son travail sur les Sans domicile fixe au début des années 1990 avec Clochard, il va rejoindre le CNRS et le Laboratoire d’Anthropologie Urbaine du CNRS, UPR 34, dirigé à l’époque par Colette Pétonnet et Jacques Gutwirth. Avec Daniel Terrolle, il va fonder le Groupe de recherche sur la Pauvreté (GREP), qui sera l’occasion d’un travail collectif dans lequel viendront prendre part : Carole Amistani, Noël Jouenne, Dominique Lebleux, Gilles Teissonnières et Claudia Turra-Magni. Un livre collectif sera publié en 2003 sur la question des rapports de domination des populations paupérisées.

Comme tout chercheur, Patrick Gaboriau travaillera de son côté sur problématique des sans-logis, notamment à travers les archives de paris. La civilisation du trottoir (1995) est certainement le livre le plus utilisé dans les écoles d’architecture car il aborde la question des espaces publics d’une façon singulière et humaine.

SDF à la Belle époque (1999), offre une dimension historique qui permet d’ouvrir le regard sur les SDF, et de voir que le traitement de la pauvreté a parfois des airs de ressemblance. Il poursuit son enquête sur le territoire moscovite durant plusieurs années, et enjambe l’atlantique pour rejoindre Los Angeles, où il enseigne comme invité à l’université de Santa Barbara.

Avec Daniel Terrolle, ils publient un ouvrage de synthèse (2007) qui obtiendra le prix décennal Bigot de Morogues, en 2008.

Le regard épistémologique ne quitte jamais le chercheur et dans ce livre (2008), Patrick Gaboriau établit un plaidoyer pour une recherche exempte de collusion avec le pouvoir politique. Un ouvrage qui malheureusement n’est plus édité.

Plus proche de l’être, l’ouvrage publié en 2016 renvoie à une expérience personnelle intime et commune à tous, celle de la perte de son père, conjointement aux premières années de la vie de son fils Pablo. Cela me rappelle un peu le livre de Marc Augé, Une ethnologie de soi. Le temps sans âge, paru en 2014.

Dernière livraison (2017), pour un ouvrage plus intime et personnel. Cette fois-ci, Patrick Gaboriau met en place un rite d’écriture, à la manière d’un jeu, il écrit chaque jour un texte qu’il place dans une boîte en carton. Huit ou neuf mois plus tard il en exhume le texte de ce livre. Moments personnels, prises de conscience, éléments de recherche, quête ou simplement mise à distance de soi au monde. Il viendra nous en parler.

 

Récapitulation des ouvrages de Patrick Gaboriau

Patrick Gaboriau, La pensée ensorcelée. La sorcellerie actuelle en Anjou Vendée et en Vendée, Ouest France, 1987
Patrick Gaboriau, Clochard, Juillard, 1993
Patrick Gaboriau, La civilisation du trottoir, Austral, 1995
Patrick Gaboriau, SDF à la Belle époque, Desclée de Brouwer, 1998
Patrick Gaboriau & Daniel Terrolle, Ethnologie des sans-logis. étude d’une forme de domination sociale, L’harmattan, 2003
Patrick Gaboriau & Daniel Terrolle, SDF : Critique du prêt à penser, Privat, 2007
Patrick Gaboriau, Le chercheur et la politique, Aux Lieux d’Etre, 2008
Patrick Gaboriau, La présence et l’absence. Brève introduction à l’existence, L’Harmattan, 2016
Patrick Gaboriau, Méditations urbaines, L’Harmattan, 2017

Une conférence à venir

Là, je suis en train de travailler sur l’affiche de cette fameuse conférence de l’anthropologue Patrick Gaboriau. J’attends la validation, mais nous pouvons encore changer pas mal de choses. Comment définir un anthropologue qui a commencé sa carrière en travaillant sur la sorcellerie en Vendée, puis sur les SDF à Paris, avant de travailler à Moscou sur la question de la pauvreté et à Los Angeles sur les homeless people ?

Près d’une dizaine d’ouvrages à son actif, cela peut paraître peu au regard d’autres disciplines, mais suffisamment pour éclairer notre vision du monde. Leonardo Piasere le dit lui-même, à peu près dans ces termes, comment ne pas perdre la face lorsqu’un anthropologue écrit un livre alors qu’un journaliste en écrit trois ? Le temps de maturation est plus important chez l’anthropologue qui se pose des questions à toutes les étapes de la recherche, à commencé par l’origine et la question des sources.

Second semestre

Voici le programme du second semestre.

 

Un rythme différent de celui du premier semestre car il aboutit à la production du mémoire de Master et à sa soutenance.

Dans la première partie, nous poursuivrons sur l’apport théorique et méthodologique, notamment tourné sur la rédaction du mémoire. De la logique de démonstration à l’écriture, nous poursuivrons sur le suivi individuel des mémoires par les directeurs de mémoire.

Le semestre est entrecoupé de rendez-vous, comme la journée d’échange avec l’atelier S10 MAUP, ou la semaine de la recherche qui nous permettra de présenter le travail effectué cette année.

Un rythme soutenu donc, et assez rapide, qui commencera par un rendez-vous déjà présenté avec la venue de Patrick Gaboriau, directeur de recherche du CNRS, dès février.

Mais qu’est-ce qui ne va pas ?

Le site de la fondation Abbé Pierre

Ce matin, France Culture diffuse une information sur la production du 22ème rapport annuel sur l’état du mal-logement de la fondation Abbé Pierre.

La France ne construit pas suffisamment de logements (sociaux et privés d’ailleurs), et nous savons que cela n’est pas une nouveauté. Cependant, le graphique ci-dessus met en évidence la progression de la force dans l’éviction des logements.

Au mauvais endroit au mauvais moment

Ainsi, les forces de l’ordre ne sont pas absentes des quartiers, mais le sont-elles au bon moment ? L’article que nous lisons ce matin dans la Dépêche pourrait indiquer le contraire.

L’article fait référence à une pétition qui circule en ce moment et qui a pour but d’alerter le préfet de région sur la situation du quartier de Borderouge, suite à un incendie survenu début décembre. Les riverains ont peur pour leur sécurité et font état d’un sentiment d’insécurité grandissant.

L’insécurité est un thème de recherche que j’ai pu cerner à travers une enquête que j’ai menée en 2005-006 en Haute-Loire. Le rapport a été déposé sur le site d’archives libres en ligne HAL-SHS, sous le nom : une certaine jeunesse.

« Ce travail est le résultat d’une étude pour une communauté de communes. Il porte sur les questions d’incivilités et d’insécurité en lien avec la population 12-25 ans. L’enquête basée sur la démarche ethnologique fait apparaître les particularités de chaque commune, en termes de population et de spécificités culturelles. Dans un département qui reste un des plus sûr de France, le sentiment d’insécurité reste ancré à des conflits de rapports entre personnes, d’origines culturelles et sociales différentes.  »

La pétition que chacun pourra lire, nous interpellera sous le signe de l’idée reçue et du non-dit. Ne pas vouloir devenir un « nouveau Mirail » renvoie à une image négative sur fond de chômage, de précarité et de l’accumulation de nombreuses difficultés sociales. La ZAC de Borderouge vit depuis quinze ans sont démarrage (bientôt, nouveau, développement urbain…). Tant que les gens penseront en terme d’opposition, rien ne pourra avancer.

Dernier espoir en date, le prix de la pyramide d’argent pour un immeuble de studios pour étudiants qui reflète exactement le problème sous-jacent de la parcellisation du programme. Cette juxtaposition d’histoires individuelles et sociales ne peut se rencontrer que dans les espaces urbains, véritable nœuds architecturaux.

Résidence Newton, groupe LP promotion, Borderouge, 2018

Cette année, aucun étudiant n’a voulu se pencher sur ce quartier. Une première approche aurait consisté à définir les limites (sociales, mentales, typologiques) du quartier de Borderouge et de questionner les habitants sur ce que signifie « nouveau Mirail », alors que le quartier jouxte celui des Izards. Ensuite, nous aurions dressé la carte des services et de leur implantation (les écoles dans leurs typologies). Pourquoi implanter une résidence universitaire si loin des lieux d’enseignement supérieur (mais ce n’est pas le seul exemple) ? Puis nous aurions parcouru le quartier…

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