L’écriture du mémoire 2

Quand c’est un peu embrouillé dans la tête

Pour reprendre les paroles de Tim Ingold, anthropologue anglais dans le feu de l’actualité, « la tâche de l’enseignant ne consiste pas à expliquer le savoir à ceux que l’on suppose, par défaut, ignorants en la matière, mais à leur fournir l’inspiration, les conseils et les critiques utiles pour les guider vers la vérité » (Tim Ingold, L’anthropologie comme éducation, PUR, 2018, p. 10). Voilà une première idée du contenu de son dernier livre, traduit en français. J’en lis actuellement la préface et j’aimerai arriver au bout avant d’en dire davantage…

Le projet de Tim Ingold est ambitieux. Il part du principe que lorsqu’un ethnologue travaille sur un terrain d’étude, il travaille avec, et non se contente de faire des observations, comme ont pu le faire des ethnologues de la première génération. Dans cette formulation, « nous n’étudions pas les autres, mais avec les autres » (Ibid.) la relation à l’autre devient source de sens.  Il en est de même dans la relation de transmission, si l’on considère enseigner avec. Au passage, c’est tout l’intérêt d’enseigner avec et non à distance (même si parfois il y a des interactions possibles). C’est tout à fait l’esprit du séminaire : celui de s’enrichir mutuellement. Effectivement, nous communiquons beaucoup par mail avec les étudiants.

Il n’y a pas d’un côté celui qui sait et de l’autre celui qui ne sait pas, mais un ensemble qui fait cohérence parce que tous apprennent de tous, et réciproquement. Ce point de vue se rapproche énormément du travail de Clémentine Laborderie qui mène sa thèse au LRA sous la direction de Pierre Fernandez et de mon assistance pour la partie anthropologique. Du moins, c’est ce que j’en pense.

L’écriture du mémoire est donc une écriture à quatre mains, si l’on peut dire, bien que l’étudiant soit quand même le plus investi dans son travail de rédaction. L’enseignant relit le travaille, conseille sur le plan, sur les lectures, mais écrit rarement. Les pairs ont aussi leur importance, et non des moindres, puisque je conseille une relecture par les pairs et un travail d’aller-retour entre leurs productions. Se motiver, fixer des échéances et des objectifs à atteindre, organiser son planning, voilà des activités effectuées en-dehors du cadre du séminaire, mais effectuées tout de même. Car la dimension pédagogique n’est pas que le résultat du travail en atelier.

L’écriture du mémoire

Pierre Bourdieu, sociologue, 1930-2002

Dans son cours de sociologie générale (1983-1986), Pierre Bourdieu revient longuement sur la notion de violence symbolique qu’il utilise à propos de la fabrication littéraire. Je ne peux résister à écrire cette citation qui caractérise bien Pierre Bourdieu et sa façon de penser.

« Le sociologue qui prétend comprendre le monde dans lequel il est compris n’a quelque chance de le comprendre scientifiquement qu’à condition de comprendre à partir d’où il comprend et de prendre en compte dans sa compréhension le fait qu’elle est produite quelque part, comme les autres, avec cette différence que la compréhension du point de vue à partir duquel se produit la compréhension scientifique a des effets scientifiques » (p. 52)

Cela place le chercheur dans la théorie des champs et les rapports de domination que les champs entretiennent entre eux, celle-ci maintenue par une certaine violence symbolique. Pour celle-ci, rappelons-le, « la violence symbolique est une violence qui s’exerce sans en avoir l’air » (p. 40).

La production du mémoire de Master dépend du champ dans lequel elle s’inscrit. Le rapport de domination s’effectue d’une part entre l’évaluateur et l’évalué, entre l’évalué et le champ des évalués, et entre l’évaluateur et le champ des évaluateurs.

Pourquoi je veux parler de violence symbolique au sujet du mémoire de Master ? À propos du classement ou de l’appréciation par exemple. Pierre Bourdieu nous dit qu’il « n’y a pas de mot classificatoire qui n’implique pas un jugement de valeur ». Le rapport d’autorité qui fait autorité dépend donc de l’autorité autorisée et légitime qui elle-même dépend du degré de légitimité qu’on lui autorise (c’est de moi). Le « on » étant dans le champ de l’école le premier cercle faisant autorité, c’est-à-dire possédant le capital symbolique le plus proche du champ (réputation, renommée, célébrité). Ce cercle définit les règles qui font autorité.

Les forces qui poussent l’étudiant à rédiger son mémoire ont parfois des poussées contradictoires et opposées. « Faire de la sociologie ne serait pas si difficile si l’intention de comprendre n’était pas si difficile ; l’objet est pour une part quelque chose qu’on n’a pas envie de comprendre » (p.110). C’est-à-dire que l’étudiant est conduit par des forces invisibles à ne pas terminer son mémoire, non pas parce que le temps lui manque, mais parce qu’il a déjà compris ce qu’il n’accepte pas de comprendre. Cela vient s’interférer entre la règle et les enjeux (l’intérêt), mais « dès le moment où une règle existe, il existe un intérêt à être en règle » (p. 121). S’il n’y avait pas d’évaluation, beaucoup n’écriraient pas leur mémoire, car ils se rendent compte de la difficulté qui les place à un endroit inconfortable dans l’espace social.

Les sciences sociales font partie des régions dominées dans le champ des écoles d’architecture. « Pour affirmer son appartenance au champ, il faut affirmer la reconnaissance des gens reconnus dans la région dominante du champ au sein duquel on occupe une position culturellement dominée » (p. 138). Cela dit, à une époque où l’architecture se trouve désemparée face à la situation du monde de demain, des forces s’exercent pour maintenir cette sorte de suprématie dans le champ. « Plus les structures objectives d’un espace sont floues, plus le pouvoir symbolique pourra s’exercer » (p. 138).

Voilà une des conditions de production du mémoire. L’étudiant en est-il vraiment conscient ?

Une frontière invisible : la radioactivité

Une association indépendante qui surveille la ville, les territoires et les personnes

Il n’y a pas de frontière pour la radioactivité et son invisibilité la rend d’autant plus dangereuse. Cette énergie invisible est utile et efficace dans le traitement de certaines maladies, comme le cancer, mais lorsqu’elle est mal utilisée, ou non contrôlée, elle peut être nocive.

Au détour d’une recherche sur mon mini-compteur Geiger Quartex, je tombe sur la mise en garde au sujet d’une publicité relative à un collier énergisant, très facile à trouver sur les sites de vente aux enchères.

Pendentif Quantum Science

Il existe différents modèles se ressemblant. Vraisemblablement, tous ces modèles contiennent des éléments radioactifs en plus ou moins grande quantité. La CRIIRAD a effectué deux tests à partir de cinq modèles.

Exemple de pochette Quantum Science

L’association a mesuré le flux radioactif émis par ce type de pendentif, et  a conclu à un objet dangereux, contenant de l’Uranium, du Radium et d’autres éléments radioactifs (voir la fiche).

Contrôle de l’émission radioactive

Le contact permanent avec l’objet directement sur la peau peut entrainer à plus ou moins long terme le risque de développer un sarcome. Pour plus de détails, voir la fiche complète sur ce lien.

Ce n’est pas nouveau d’utiliser la radioactivité comme source d’énergie. A la fin du XIXème siècle, l’on trouvait des objets contenant du Radium censés apporter bienfaits et revitalisation. La crédulité n’a pas changé elle non plus, cependant que les associations concourent à démasquer ces pratiques. Nous vivons toujours dans un monde de croyances où la rationalité a ses propres limites.

Par analogie nous voyons que la ville recèle parfois des dangers invisibles que seule la recherche peut mettre à jour. Cela nous enseigne aussi que le danger n’est pas forcément là où on penserait qu’il est.

A signaler, la parution en trois tomes du « journal d’un travailleur de la centrale nucléaire 1F », écrit par Kazuto Tatsuta et intitulé Au cœur de Fukushima. Editions Kana – Dargaud, 2016. Ce manga est passionnant et très détaillé.

Retour sur le 22 mars

Sous le chapiteau du Lido, hier soir, photo NJ

Soirée cirque. Comme nous pouvons le voir sur l’image, le chapiteau était bondé pour cette soirée de restitution entre les élèves des associations Music’Halle et du cirque du Lido. Un échange de compétences, de dispositions, de cultures aussi. C’était génial !

A priori on peut penser que les arts du cirque et la musique actuelle ont beaucoup de points communs, et qu’il est facile d’associer ces deux formes artistiques. Bon, alors quoi faire avec des architectes ? J’étais parti avec cette idée et je me suis dit que le plus important était de mettre ensemble deux « manières-de-voir-le-monde » et d’en tirer quelque chose. On en a discuter avec Mohammed qui était présent, lui.

J’aurais aimé avoir le point de vue des étudiants à ce sujet, mais comme ils n’étaient pas là hier soir… Étaient-ils devant leur écran, se préparant à une nuit de charrette pour réaliser leur projet ? C’est possible.

Un mur de briques, photo NJ

Nous sommes devant un mur de briques. Chacun doit trouver sa place, chacun doit pouvoir se faire un petit espace à lui. Dedans ou dehors. L’ensemble forme un mur stable, une société séparée par des limites sur lesquelles il est possible d’agir. Sur ce principe, pourquoi des élèves de l’école du cirque n’auraient-ils rien à retirer d’une expérience avec des élèves d’une école d’architecture ? Et réciproquement. N’appartiennent-ils pas au même monde, à la même société ? N’appartiennent-ils pas à la même classe d’âge, cette génération Y dont on nous dit que « les Y ont tous en eux une culture commune qui en fait véritablement une génération unique  » (Olivier Rollot, La génération Y, PUF, 2015, p. 15).

Quoi qu’il en soit, le métier d’enseignant doit permettre de proposer des solutions et des ouvertures car « les Y sont autant plus en quête d’un sens à donner à leur vie qu’ils n’ont guère le temps d’y réfléchir (ibidem, p. 7).

 

Limites et frontières entre cirque et musique

Le Lido est une école de cirque à Toulouse, métro Argoulets

Dans l’idée de développer le séminaire à d’autres formes d’écriture et de langage, je souhaite favoriser les échanges interdisciplinaires.
Le cas se présente mercredi prochain, avec une soirée organisée au Lido, espace circassien, en collaboration avec l’association Music’Halle de l’Espace Job.

J’ai déjà parlé de Carla Bley qui a dit que pour elle le jazz était comme de l’architecture en mouvement, fluide, ou liquide si on peut rapprocher cette idée avec les théories de Zygmunt Bauman (1925-1917). Cependant, je tombe hier soir sur une phrase de John Coltrane qui dit que « la musique est un instrument qui peut amener les gens à penser différemment » (Franck Kofsky, John Coltrane Conversation, Lenka Lente, 2017, p. 18).

Nous repoussons ici les frontières avec cette double participation musique/cirque, lors de cette soirée gratuite.

Retour sur la séance du 14 mars

Anaëlle Mahéo sous l’écoute attentive de Mohammed Zendjebil.

Deux belles interventions ce matin devant un atelier plein. Nous avons eu l’agréable surprise de voir une habitante du quartier venir écouter les interventions. C’est une des douze représentantes du conseil citoyen de quartier. Signe d’ouverture ou réseau informel qui fonctionne ?

Anaëlle Mahéo nous a présenté son parcours de chercheuse doctorante depuis Berlin et Nantes. Les friches soumises à la vox populi deviennent des aires de jeu social et politique. « Adopter la méthode à la problématique » nous dit-elle, en parlant de ces occupations transitoires des friches et nombreux délaissés dans le contexte de la réunification de l’Allemagne.

Un Lucas Kanyo décontracté devant une assistance attentive.

Il était également question de gentrification, lorsque Lucas Kanyo nous a fait profiter de son expérience du dedans avec Brasilia et les grandes mégapoles du Brésil. Son questionnement sur les frontières visibles et invisibles a été passionnant et formateur. Un découpage très clair entre classes sociales. La ville de Lucio Costa qui affiche une certaine modernité en façade cache une réalité plus troublante.

Les étudiants se sont bien retrouvés dans ces approches, tant du point de vue de la démarche et la méthode, avec Anaëlle, que du questionnement et des limites personnelles, avec Lucas, et réciproquement.

Les limites de la perception et la mémoire défaillante

Occupation de l’espace urbain devant la place du Capitole, Toulouse, juin 2009, photo NJ

Nous sommes tous munis d’une mémoire défaillante, et l’aide des moteurs de recherche n’est parfois pas si précieuse que cela. Qui se souvient de cette occupation de l’espace urbain en 2009 ? Le mouvement DAL (Droit Au Logement), soutenu entre autres par Albert Jacquard et l’abbé Pierre, installe une quarantaine de tentes devant le Capitole, place symbolique de Toulouse.

Dans un article portant sur l’histoire de la tente, France Poulain relate l’expérience de DAL au moment de la campagne de sensibilisation pour un logement digne du canal Saint-Martin à Paris. Elle remarque que la célèbre marque des tentes « deux secondes » ne souhaite pas être associée au mouvement. « Les barrières entre loisir et précarité sont respectées. Ainsi, si au premier jour de reportage, les journalistes ont indiqué que les tentes utilisées par les SDF du Canal Saint-Martin étaient des Décathlon; la marque n’a pas tardé pour leur indiquer qu’elle ne souhaitent plus être citée. De la même manière aucun lien n’est fait entre les « chalets » utilisés pour reloger les SDF et les mobile-homes vendus pour les vacanciers de l’été » (Anthropologie des abris de loisirs, ss la dir. Gilles Raveneau & Olivier Sirost, PUPO, 2011, p. 266).

Ce qui pose problème c’est l’amalgame possible entre l’habitat de loisir et son utilisation illégale dans l’espace urbain. France Poulain écrit que « le système, en laissant une large place à la tolérance de pratiques alternatives, tient bien actuellement parce que nul ne fait de rapprochement entre ces habitats précaires et leur existence officielle de loisir (ibidem, p. 267).

En tapant « DAL Capitole » sur le moteur de recherche, on trouve quand même un grand nombre d’images se référant à cet événement. Cependant que les événements se succèdent, notre mémoire efface ou brouille nos souvenirs. D’où l’indispensable photographie.

Conférence du 14 mars 2018 – Lucas Kanyo et Anaëlle Mahéo

Tous deux sont doctorants au LRA EA 7413. Le Laboratoire de Recherche en Architecture de l’ENSA de Toulouse a été reconnu comme équipe d’accueil (EA) par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (2016-2020).

Lucas parlera de son expérience à Brasilia, sa ville natale. Anaëlle quant à elle, abordera la question des zones délaissées à Berlin, et leur récupération par des collectifs d’habitants. (Atelier H si non squatté.)

L’après-midi sera réservé au suivi des étudiants, à la demande.

Pédale douce sur la ville

Hong Kong, Gobee Bike, 2017

La guerre des territoires et la conquête de l’espace urbain en jeu

Que se joue-t-il en ce moment lorsqu’une compagnie « start-up » chinoise vient implanter sa « flotte » de bicyclettes sur le territoire français ? L’article de wikipédia parle de « destruction massive » à propos de la dégradation d’une partie des cycles. Mais ce ne sont pas les seuls. Arrivée en octobre 2017 en France, l’entreprise Gobee Bike déploie son principe novateur dans quatre grandes villes dont Lille, Paris, Lyon et Reims, respectivement en octobre puis en février 2018.

Le principe du « free-floating » repose sur la possibilité de récupérer un vélo via une application qui répertorie chacun d’eux et le positionne dans l’espace urbain. Car la bicyclette peut se trouver n’importe où dans l’espace urbain. Le système d’attache reste fixé sur la bicyclette qui la rend non solidaire d’un point fixe. Le vélo est dit « flottant ». D’autre part, il n’est pas prévu d’attacher le vélo à un point fixe comme il est d’usage en France.

Rapidement, la presse s’empare de cet événement pour distinguer deux catégories de cycles en location, celle des vélos fixe comme Vélib à Paris, et celle des vélos « flottants », qui sont tous proposés par un pays d’Asie. Encore appelé vélos « papillons» par opposition aux vélos « moutons » stationnés aux bornes fixes, cette « offensive » est souvent qualifiées à partir de termes pris dans le registre du vocabulaire de la guerre.

Très rapidement, ces vélos sont victimes de dégradations. Lorsqu’ils sont abandonnés sur les trottoirs, à même le sol, personne ne les relève. Certains sont jetés dans la Seine, et d’autres sont « privatisés » selon les termes employés par l’entreprise. Aux côtés des vélos à stationnement fixe, nous trouvons des vélos en « free-floating » dont la location est encore assurée par Ofo et Mobike sur Paris. Ces deux géants chinois disposent de plus de 10 millions de vélos à travers le monde.

Gobee Bike à Paris, 2017

Posons-nous la question de savoir que reproche-t-on à ces vélos ?
Techniquement, ces vélos ne sont munis que d’une seule vitesse, ils sont moins cher à fabriquer que les vélos Vélib et ont des pneus pleins, évitant la crevaison. Qualifiés de bas de gamme, et aussi moins lourd qu’un Vélib qui pèse 22 kg, nous ne savons pas combien pèse un vélo vert. Les vélos Mobike sont de meilleure facture, équipés de freins à disque, et d’un design moderne. Par contre, l’offre commerciale est réellement une nouveauté. Il se profile en effet la question d’un abonnement national qui permettrait de pouvoir profiter du service sur tout le territoire. Voilà, à mon sens, l’invention qu’il faut combattre puisque depuis 2005, date de l’implantation des premiers services de stations vélos, rien n’a été fait pour permettre cette qualité de service. De plus, une levée de fonds de 9 millions de dollars rend crédible cette initiative (Business Insider, 5 octobre 2017). Gobee Bike s’est donc lancée dans la course.

Page d’accueil d’Ofo/fr, 2018

Qui est responsable de la dégradation de ces vélos ?
Le profil des voleurs ou des emprunteurs ne semble pas spécifique à ces types de bicyclettes. Au rang des incivilités, le vandalisme cycliste sévit depuis l’installation des parcs de vélos en libre service depuis leur installation. C’est d’ailleurs pour JCDecaux une somme importante dépensée chaque année, qui touche plus de 4% de son parc, soit grosso modo un millier de vols par an. L’entretien du parc est assuré par 290 salariés, dont une centaine de mécaniciens. Cela permet d’imaginer l’importance de la maintenance : crevaisons, dégradations, etc. Certains vélos sont même retrouvés dans le canal Saint Martin, à l’occasion de la vidange (Le Parisien, 3 mars 2018) . Ainsi, en 2009, un article nous apprend que près de 16.000 vélos, soit la flotte entière, ont été vandalisés après les deux premières années de service. 8.000 vélos auraient été volés (Le Parisien, 7 janvier 2013) . On nous dit encore que la plupart des actes de vandalisme sont commis par des adolescents, le tout engendrant un coût dépassant les 15 M€. En novembre 2008, un article tiré du Parisien indiquait que les salariés de l’entreprise Cyclocity touchaient entre 900 et 1000 euros par mois, alors que la flotte dépassait les 20.000 bicyclettes et que les abonnés se chiffraient en centaines de milliers (200.000)(Le Parisien, 15 novembre 2008) . Voilà pour les chiffres. De son côté, Gobee Bike propose dès novembre 400 vélos à Reims, d’où il ne restera deux mois plus tard que 20 en état de rouler (Le Parisien, 3 mars 2018). Petite flotte peu impressionnante pour les grandes entreprises, qui fera se retirer la start-up avant la fin de l’hiver.

Qui profite de ces dégradations ?
L’annonce le 5 octobre 2017 de l’arrivée de la start-up de Hong Kong, pilotée par un Français (Raphaël Cohen), fit vibrer les deux principales entreprises de marketing publicitaire et de transport que sont Clear Channel et Jean Claude Decaux (Business Insider, 5 octobre 2017). L’offensive annoncée est de supplanter le marché des vélos stationnaires. Ici, le « free floating » permet de laisser le vélo emprunté n’importe où, et c’est d’ailleurs là le problème tout comme l’avantage. Directement, les propriétaires des stations fixes profitent de ces dégradations, même si de leur côté, le coût de l’entretien annuel reste également élevé. Dans un autre registre, les vendeurs de cycles peuvent se frotter les mains, car tout nouveau vélo représente la perte d’une vente. Cela ne signifie pas pour autant que les détériorations sont commanditées, préparées ou organisées. Ce genre d’accusation sans preuve équivaut à une diffamation. Loin de nous cette idée. Cependant, mettre en rapport le grand nombre de préjudice et l’inefficacité d’une surveillance ou d’une politique d’action en faveur de ces incivilités relève du jeu politique des espaces urbains. Remarque-t-on un laisser aller en matière de sécurité des biens dans l’espace urbain ? Mais peut-être faut-il se demander ce que représente un vélo sans propriétaire ?

Sur le site de Mobike/fr, 2018

A qui appartient l’espace urbain ?
Cela pose aussi la question de savoir à qui appartient l’espace urbain, plus communément appelé espace public lorsqu’il s’agit des portions partagées du territoire. Ainsi, lorsque la ville de Paris annonce la mise en place d’une réflexion sur une taxe de stationnement, on s’aperçoit vite que l’espace dit public appartient à la ville. Sans être mathématicien, un rapide calcul d’aire nous fait comprendre qu’une saturation est envisageable à court terme si la croissance du nombre de vélos augmente sur le modèle des Pays-Bas. A Copenhague, l’effort des politiques en matière de circulation à bicyclette place cette ville au premier rang des villes cyclables (http://www.cycling-embassy.dk/). Avec 26% des utilisateurs réguliers, la gestion des espaces urbains de stationnement reste un problème de première importance. Que faire du vélo lorsqu’il ne roule pas ? Ce n’est pas le très faible pourcentage des vélos pliants qui réglera le problème et l’arrivée sur le marché et donc dans l’espace urbain, des vélos à assistance motorisées devrait voir fleurir le parc des garde-corps dans la ville. Dès novembre, la Ville de Paris annonçait l’idée de demander une redevance aux opérateurs dans le cadre de l’utilisation de l’espace public. Ce dernier appartient à la ville qui l’entretient et le gère. L’idée d’une taxe n’est pas nouvelle puisqu’elle s’est généralisée pour le stationnement des véhicules motorisés depuis les années 1990 un peu partout en France. Son origine date du décret du 21 août 1928 qui pause la question de la légitimité du stationnement dans l’espace public (Sylvie Mathon. Le stationnement résidentiel sur l’espace public: état des lieux, problèmes et perspectives: une application à l’agglomération lilloise. Géographie. Université Paris-Est, 2008. Français. <NNT: 2008PEST3012>. <tel-00576142v2>). Une question qui s’est posée tardivement pour la voiture, se pose aujourd’hui pour la bicyclette. Et ce n’est qu’à l’occasion des déconvenues d’une start-up que l’on s’en rend compte. Cela pose aussi la question de la responsabilité des usagers et de leur sens civique. Peut-on laisser le vélo n’importe où ? Doit-on laisser un vélo en mauvaise posture ou bien rétablir l’équilibre ?

Sans une politique efficace contre les incivilités, les vélos en libre stationnement vont devoir relever un sacré défi.

Un modèle économique, un modèle écologique, Mobike/fr, 2018

En quoi ces dégradations concernent-elles ceux qui dégradent ?
Au rang des « dégradeurs », la presse reste assez floue pour ne citer que des adolescents. Un article parle même de jeunes adultes, à propos du vol d’un Vélib (Le Parisien, 1er novembre 2017). Un autre article parle d’un Vélib découvert en Roumanie (Le Parisien, 18 juin 2008). Cependant, le Vélib se transforme au pluriel et devient un phénomène de bande organisé, ce qui n’est pas prouvé. L’article nous informe également qu’après une année d’exercice, près d’un millier de Vélib ont déjà été volés. Ce phénomène n’est donc ni transitoire ni exceptionnel. Les vols de vélos ont toujours eu lieu, dès la fin du XIXe siècle d’ailleurs. Mais s’en prendre massivement à un nouveau venu devrait questionner davantage. S’agit-il d’un phénomène de rejet dont les médiateurs seraient des adolescents, c’est-à-dire les agents sociaux dépourvus d’une responsabilité personnelle, mais agissant pour le compte de la société ? Laisser faire c’est cautionner. L’absence d’une politique répressive ou pédagogique à l’égard des voleurs soulève la possibilité d’un laisser-faire qui agit certainement de manière inconsciente. L’invasion chinoise n’est-elle pas au centre des peurs véhiculées par la presse ?

Du point de vue de la recherche, il manque encore beaucoup d’informations, et certains points sont rendus obscures (nombre réel de vols, poids du vélo notamment) intentionnellement. C’est ce que Normand Baillargeon appelle la « suppression de données pertinentes » et qui montre que nous sommes bien ici au centre d’enjeux importants.

Journée du 7 mars 2018 – Journée partagée

Une journée partagée dédiée au travail en commun. Une journée collective où chacun s’intéresse au travail des autres. Pour ce faire, la matinée sera consacrée à la préparation des « exposés » de l’après-midi. Les étudiants mettront de l’ordre dans leurs notes, leur documentation et leurs sources. L’idée principale est de proposer en quinze-vingt minutes un exposé sur leur sujet, une sorte d’état des lieux à un moment crucial puisque nous arrivons bientôt à l’étape de la rédaction du mémoire.

L’après-midi, les étudiants seront réunis par petit groupe de trois ou quatre, en fonction de la thématique ou du sujet (liste pré-établie). Un enseignant accompagnera les groupes, et à tour de rôle, chaque étudiant fera sa présentation orale en s’accompagnant d’une carte mentale ou d’images réfléchies. Les documents qui accompagnent ces présentations auront été imprimés le matin, car nous ne disposons pas de quatre vidéoprojecteurs. Il faut savoir s’adapter et limiter leur nombre.

Le rôle de l’enseignant sera de contrôler la bonne marche du dispositif, et de maintenir le niveau du débat. Mais pour l’essentiel, ce sont les étudiants entre eux qui poseront leur regard sur le travail de leurs pairs. Attention ! Il ne s’agit pas d’évaluer, mais de discuter la démarche, les enjeux, les méthodes et les résultats avec un esprit constructif et positif.

En fin de journée, une synthèse sera dressée collectivement pour mesurer la progression du séminaire. La journée aura-t-elle été bien remplie ?

Rogers Carl. R., Le développement de la personne, Paris : Dunod, 1968

Paru en 1968, puis réédité en 1988, cet ouvrage fait partie des ouvrages qui ont changé ma vision du monde et de mon rapport aux autres. L’ouvrage et aussi la personne. Carl R. Rogers propose d’inscrire son rapport aux autres en ayant soin, au préalable, de bien se connaître soi-même. « Dans mes relations avec autrui, écrit-il, j’ai appris qu’il ne sert à rien à long terme, d’agir comme si je n’étais pas ce que je suis » (p. 15). Ou encore cette phrase : « J’attache une valeur énorme au fait de pouvoir me permettre de comprendre une autre personne » (p. 17). Tout cela parce que la personne s’inscrit dans un processus en perpétuel devenir. Nous ne sommes pas ce que nous avons été et nous ne seront pas non plus les mêmes demain.

Carl Rogers a été longtemps mis sur la touche parce que son côté iconoclaste le plaçait en mauvaise posture face aux spécialistes des apprentissages. Ainsi, dans sa réflexion sur la pédagogie, il écrit : « J’en suis arrivé à croire que les seules connaissances qui puissent influencer le comportement d’un individu sont celles qu’il découvre lui-même et qu’il s’approprie » (p. 198). C’est une posture est dérangeante car dans sa conclusion, il affirme que « les résultats de l’enseignement sont ou insignifiant ou nuisibles » (ibid.).

 

Sa méthode repose sur une connaissance de soi et une liberté pédagogique, contrôlée certes, mais nécessaire. « Donnez le degré de liberté que vous êtes capable de donner » (p. 114), revient à poser ses propres limites. Enfin, son approche du développement de la personne est soumis à cette question essentielle : « Est-ce que notre système d’enseignement nous prépare à vivre comme des êtres responsables, capables de communiquer avec autrui, dans un monde où augmentent les tensions internationales en même temps qu’un nationalisme absurde ? (p. 23). Il écrit cela en 1969 !

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