De la ville rêvée au rêve d’une ville meilleure, la notion de rêve est convoquée d’un bout à l’autre du discours sur la ville. Qui fait rêver ? Comment rêver sa ville, et comment faire rêver ?
Voilà quelques questions qui vont nous accompagner cette année dans le séminaire Voir la Ville. Pour nous aider, notre semaine intensive de novembre sera réalisée dans le cadre d’une immersion à la Halle des Machines de la compagnie La Machine. S’il existe un lieu où le rêve appartient au quotidien, c’est bien à la Halle de la Machine. Tout du moins, c’est un souhait très « cher » de nos élus et un pari sur le quartier de Montaudran.
D’un côté, nous avons un quartier qui n’en finit pas de sortir de terre, avec une première phase d’habitat collectif construite voilà plus de dix ans, et de l’autre un nouveau quartier baptisé pour le moment « écoquartier », en phase deux de la labellisation. Au centre, un dispositif muséal dont l’objectif à l’échelle du quartier est de l’animer, et à l’échelle de la métropole de rayonner simplement par sa présence.
Nous sommes plongés, immergés, dans un quartier en devenir. Les paris sont ouverts, et en attendant de voir comment ces éléments vont s’enchevêtrer pour former un « vrai quartier », nous le parcourrons à la recherche des rêves. Qui rêve dans ce quartier, est-il à la hauteur des rêves, etc. ?
A partir du questionnement de savoir comment la ville nous fait-elle rêver, nous pouvons nous demander également pourquoi la ville essaie-t-elle de nous faire rêver ? Ou bien, la ville a-t-elle encore la capacité de faire rêver ?
Pour se faire, chaque enseignant nous fera suivre un cheminement personnel issu de sa discipline. Pour ma part, j’utiliserai l’ouvrage de Bernard Lahire, L’interprétation sociologique des rêves, Paris : La Découverte, 2018, dont voici le résumé de l’éditeur :
« Le rêve peut-il être appréhendé par les sciences sociales ? Objet devenu indissociable de la psychanalyse, étudié par la psychologie et les neurosciences, il était jusqu’à ce jour largement ignoré des sociologues. Certes, quelques chercheurs ont pu s’interroger sur la manière dont le rêve a été perçu selon les époques et les milieux. Mais ce que propose Bernard Lahire ici, c’est d’entrer dans la logique même de sa fabrication et de relier les rêves aux expériences que les individus ont vécues dans le monde social.
L’ambition de cet ouvrage, inédit en sociologie, est d’élaborer une théorie générale de l’expression onirique. En partant des acquis du modèle d’interprétation proposé par Freud, Bernard Lahire s’efforce d’en corriger les faiblesses, les manques et les erreurs, en tirant parti des nombreuses avancées scientifiques accomplies depuis L’Interprétation du rêve.
À l’issue de cette recherche, le rêve apparaît, à l’opposé de ce que croyait Freud, comme l’espace de jeu symbolique le plus complètement délivré de toutes les sortes de censure, tant formelles que morales. La communication de soi à soi dans laquelle s’exprime le rêve fait de lui le plus intime des journaux intimes. Il livre, à qui veut s’y intéresser, des éléments de compréhension profonde et subtile de ce que nous sommes. Son étude permet de voir frontalement ce qui nous travaille obscurément, et de comprendre ce qui pense en nous à l’insu de notre volonté.
Cette théorie de l’expression onirique contribue aussi à la transformation de la sociologie en lui donnant de nouvelles ambitions. Si le rêve fait son entrée dans la grande maison des sciences sociales, ce n’est pas pour laisser le lieu en l’état, mais pour en déranger les habitudes et en agencer autrement l’espace. »
=> Sigmund Freud, L’interprétation des rêves, (Point Seuil, 2013
=> Rem Khoolaas, New-York délire, Marseille : Parenthèses, 2002
=> Michel Jouvet et Monique Gessain, Le grenier des rêves : essai d’onirologie diachronique, Odile Jacob, 1997
=> Bernard Lahire, Interprétation sociologique des rêves, Paris : La Découverte, 2018
=> David Mangin, La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine, Paris : Editions de la Villette, 2004
