Chroniques d’un printemps perdu (5)

Edward Hopper, Morning sun, 1952, © DR

par Marine Pradon

Dimanche 10 mai 2020, Fer à cheval, Toulouse

J-1. Ça y est, l’heure est au compte à rebours. Demain ressemble au moment qu’on aurait rêver toute notre vie. Bien qu’à mon avis, il en sera autrement. La pluie va s’abattre sur le pays entier et inonder nos rues. Cela ressemble presque plus à un ultime avertissement qu’à un retour à la normale. Si quelqu’un pouvait m’expliquer pourquoi il a fait beau durant 7 semaines (sur 8) et que le jour de notre sortie tend à ressembler aux images du film le jour d’après de Roland Emmerich (2004).

La solitude est pesante, quoique parfois apaisante. Je crois que j’ai compris une chose dans ce confinement : la musique et les livres ont ce pouvoir de combler le vide. Le vide dans notre quotidien, ou le vide dans notre cœur. Et j’écris ce texte avec en fond les douces paroles de Living in a ghost town des Rolling Stones. Je crois qu’il n’y a pas vraiment de chanson plus appropriée aux circonstances que ce tube sorti il y a quelques semaines.

Demain devrait être un jour presque historique, après 56 jours de confinement, nous sommes « libres ». Mais au final, pour ma part il ne s’agit que d’un déconfinement à moitié. Le télétravail continue et je ne sais pas encore pour combien de temps. Je reste enfermée dans moins de 20m2 à travailler sur un ordinateur bien trop grand pour si peu d’espace. Ces conditions me donnent de plus en plus l’impression que mes pensées sont aussi enfermées dans 20m2. Comment l’architecte (ou l’architecte en devenir), qui puise sa créativité au contact des autres et de l’extérieur peut-il travailler efficacement dans une pièce de 17m2 tout au plus ?

Alors j’ai dû apprendre à m’adapter. Peut être aussi car je savais que cette situation serait temporaire. J’ai pu m’impliquer dans mon travail et rester concentrée, mais cela ne peut pas durer éternellement, je le sais. Cette date de véritable déconfinement, je ne la connais pas encore, et c’est frustrant. Frustrant d’apprendre ce métier au travers d’échanges téléphoniques et de visio-conférences.

Nous avons tous dû apprendre à gérer le confinement. Certains dans moins de 20m2 seul, d’autres dans des maisons à la campagne, mais avec 3 enfants à qui il faut faire école; d’autres sur la route entre la maison et le service Covid de l’hôpital où chaque jours on enfile une blouse et un masque 200 fois par jours. Et au final, toutes les situations sont différentes, autant qu’il y a d’individus confinés. Nous ne réagissons pas de la même façon à cette situation. Mais ce qui est sûr, c’est que nous avons tous pris conscience que la vie ne ressemblerait plus à celle que nous avions 2 mois plus tôt. En tout cas, pas en 2020. On retentera notre chance en 2021, peut-être sera-t-elle plus clémente cette fois.

Je n’ai pas vraiment envie de faire de plan sur la comète, imaginer à quoi pourrait bien ressembler cette journée du 11 mai 2020, je risquerai d’être déçue.

« I’m a ghost, living in a ghost town, i’m going nowhere »

 

Rue Cany, Toulouse, © Marine Pradon 2020

 

=> Edward Hopper, Morning sun (1)

=> Edward Hopper, Morning sun (2)

=> Rolling Stones, Living in a ghost town

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