Le complexe de Perceval ou le devoir d’oser la question dans notre éducation

La droiture chevaleresque repose-t-elle sur la discrétion ou sur l’audace ? Notre devoir de personnes « adoubées » (professionnellement) est-il de questionner ou de freiner les curiosités ? L’exemple de Perceval peut nous instruire.

Ce Perceval[1], fut par sa mère, dit-on, mis à l’écart du monde, son père et ses deux frères étant morts en des combats de chevaliers, Naïvement, il prend cependant le large un jour et dans les campagnes moyenâgeuses, il est amené à se saisir d’armes et à se battre par souci de justice ; il fait si bien qu’il est amené bientôt auprès du Roi Arthur qui l’ordonne chevalier à l’encontre de la volonté de sa mère.

Il pourrait rester tranquille à la cour du Roi Arthur, mais là, comme dans tous les autres lieux de son errance incohérence, il s’en va. Au hasard des chemins et des rivières, il rencontre sur un bateau un homme infirme à propos duquel il ne s’informe pas. Mais celui-ci l’invite dans sa demeure, par delà une colline. Perceval découvre alors un superbe château dans lequel il est alors noblement accueilli. De multiples serviteurs s’ingénient à le débarrasser de sa cuirasse, de ses cottes de mailles et de ses armes. Il se voit alors invité à la table de son hôte. Des mets succulent se succèdent.

Chaque fois qu’ils sont à portée, Perceval voit passer devant leur table une demoiselle tenant une coupe (Le « Graal » ) suivie d’un homme tenant une lance dont perle une goutte de sang : il entrevoit également dans une pièce voisine un malade, mais à propos de tous ces faits surprenants, il s’abstient (poliment ?) de poser des questions. Car il a reçu une solide formation de bienséance. Il importe de ne pas être indiscret, ni de se montrer curieux. Mais il faut prendre les choses telles qu’elles sont.

Toutefois, Perceval se propose d’éventuellement questionner son entourage, sur ces faits qui l’ intriguent et le troublent dès le lendemain.

Cependant, le lendemain, Perceval se retrouve tout seul dans le château, toutes les portes sont fermées sauf celles qui le conduisent vers la sortie. A peine a-t-il dépassé le pont-levis que celui-ci se referme. Perceval doit continuer son erre qui le conduit bientôt vers une « pucelle » en « gran’douleur » tenant couchant sur elle le corps d’un chevalier dont la tête est tranchée.

Comme il indique à cette pucelle qu’il vient du château, celle-ci lui révèle que c’est celui du riche Roi pécheur qui perdit l’usage de ses jambes au cours d’une bataille ; elle lui demande alors s’il a questionné le Roi à propos du défilé répété des personnes tenant le Graal et la lance. Il répondit qu’il n’avait rien osé dire. Et se souvient alors de son propre nom : « Perceval le Gallois ».

Courroucée, la demoiselle, d’un coup se dresse devant lui, et le traite de Perceval « le chétif », lui révélant que s’il avait posé les questions utiles, il aurait redonné la santé à ce Roi qui était son parent et lui révèle aussi qu’elle est sa cousine germaine et que sa mère est morte de douleur pour lui. Perceval comprend alors qu’il a manqué de recevoir le saint Graal et la lance qui lui étaient destinés et qu’il lui faudra errer de combat en combat, de détour en détour, ne restant jamais un jour de plus aux endroits où il lutte et demeure vainqueur, avant de retrouver parents, Graal et lance.

C’est-à-dire pour Chrétien de Troyes et ses successeurs au terme de milliers et milliers de vers !

Se frotter à l’incertitude et à autrui, des principes pour la formation

Cet exemple fâcheux d’un silence qui condamne à l’errance fut proposé par un participant d’un séminaire de formation, faute de n’avoir pu ou su ou oser poser la question qui s’imposait pourtant pour lui.

Lors des Journées de l’innovation, organisée au siège de l’UNESCO à Paris en 2011 (video) par le Ministère de l’Education Nationale (Dgesco),  en conclusion de tables rondes et de présentations d’équipes sélectionnées pour leurs pratiques, Edgar Morin reprend le haut intérêt pour tous, élèves comme adultes, d’apprendre l’incertitude, le questionnement méthodique et la compréhension d’autrui. Il répond de certaines manières à la résolution du complexe de Perceval. Oser questionner, varier les questionnements,  analyser sur plusieurs niveaux ce qui nous parait pourtant s’imposer, pour en discerner ce qui peut changer, ce qui peut s’améliorer, ce qui aura de l’intérêt pour nous, pour la suite, pour d’autres.

La fonction publique  requiert une responsabilité de réflexion et d’interpellation, pour assurer correctement l’application de procédures et de réglementations. Tout ce qui pose question doit être examiné sans délai, avec initiatives responsables. A défaut de quoi, la fonction publique dégénère en bureaucratie : en ce que celle-ci se bloque pour une application stricte, sans question ni ajustement, les processus et règlements, enrayant les possibilités d’une correcte solution.

Il nous faut, à nous enseignants, toujours savoir poser la bonne question à temps, sans perdre les justes occasions. Ce peut être pour la vie de la classe, l’interprétation des programmes, l’évaluation de nos élèves, l’organisation même de nos équipes. Mais la préparation et la mise en œuvre des changements adéquats nous importent au premier titre.

Comme un répertoire de questions roulantes…

Ainsi, parce que Perceval est resté interdit devant une scène qu’il ne parvenait pas à comprendre, il nous faut nous saisir des questions pour interroger notre propre cadre, notre propre organisation; et que les réponses s’élaborent progressivement, créativement, rappelait Edgar Morin.

A titre de répertoire de questions,  nous vous proposons les 120 questions du « Jeu du changement« , en forme de carte à tirer aléatoirement.


[1] Héros du romain de Chrétien de Troyes, Nous ne savons presque rien de ce grand écrivain du XIIème siècle. Au service de Marie de Champagne (fille de Louis VII) et de Philippe d’Alsace (comte de Flandre, il est mort en croisade), son activité littéraire est située entre 1164 et 1190. Homme d’église puisqu’il sait écrire, Chrétien de Troyes est un écrivain de cour, puisqu’il a lié son activité aux besoins intellectuels et esthétiques d’une élite aristocratiques qui lui commandait des romans. Cinq œuvres font de Chrétien de Troyes le plus grand romancier du Moyen Age et le véritable fondateur du genre romanesque. Ces œuvres sont: Erec et Enide , Cligès , Lancelot ou Le chevalier à la charrette , Yvain ou Le chevalier au lion, Perceval ou Le conte du Graal . Ce dernier roman reste inachevé, ce qui rend difficile son interprétation. écrit vers 1180 en langue romane. De nombreuses continuations furent entreprises par ses successeurs. L’intention de Chrétien de Troyes est d’illustrer un idéal chevaleresque fondé en grande partie sur des valeurs religieuses. Avec ce roman, la quête chevaleresque change d’ordre, l’épanouissement social et individuel de Perceval qui est naïf n’est qu’une étape, la perfection mondaine doit être dépassée par le perfectionnement spirituel. La quête du Graal doit le conduire à recouvrer la grâce. Ce récit, en racontant l’initiation et les aventures chevaleresques de Perceval, est à l’origine du mythe du Graal.

Une page synthétique est disponible sur http://www.educanet.ch/home/bac3m3/autre/Perceval.htm ; une étude plus exhaustive sur http://yz2dkenn.club.fr/chretien_de_troyes__perceval_ou_.htm

Rêver son Ecole, c’est maintenant… et c’est en NZ (épisode 10)

Trois ans plus tard, les écoles sont sorties de terre sur de nouveaux concepts d’apprenance

[youtube]https://youtu.be/8lOKS8Mv-8M[/youtube]

_______________________________

Le fantasme de la « table rase » surgit ça et là, quand tout va mal, quand c’était « mieux avant », quand ce serait mieux « aprés »;  c’est une tendance récurrente de  notre pensée française, depuis (au moins) notre Révolution, mais laquelle, 1789, 1793, 1794, 1799, 1801, 1815, 1830, 1848,  ad libitum.  Dans cette période pré-électorale, les propositions fusent, et s’arcqueboutent,  et se renforcent, selon que l’on perçoit le changement possible ou dangereux, selon que l’on analyse la situation en bilan actif ou passif. Cependant, les leçons de l’Histoire, ici et là, nous apprennent que cette politique de table rase n’a jamais été bénéfique, et faire fi de la continuité du passé, nier les héritages prégnants dans l’organisation, dans la routine des pratiques, dans les esprits et dans les concepts,  se retournent contre les instigateurs du changement, tôt ou tard.

C’est pourquoi il devient intéressant de s’attarder quelque peu sur une situation exceptionnelle, inédite, où la « table rase » n’a pas été le fait d’une « émotion » (dixit XVIIème siècle) populaire ou révolutionnaire, mais la conséquence d’un fait naturel catastrophique, le tremblement de terre de Christchurch en Nouvelle-Zélande au printemps dernier.  Catastrophe en grec a du sens: c’est mettre dessus-dessous. Quand tout est dévasté, par terre, bâtiments, infrastructures évidemment, mais aussi structures de commandements, réseaux matériels et immatériels, il faut donc tout reconstruire.  Oui, mais comment ? Et derrière le « comment », c’est le « pour quoi » qui jaillit;  il faut assumer cette question, la faire rouler, la partager au risque de tout faire comme « avant »; et de signifier que plus cela change, moins cela change.

Shaking up Education (bouleverser l’Éducation)

J’avais rencontré cet été lors du séminaire « créativité » à Hamilton des collègues enseignants de Christchurch, démunis en tout bien matériel et en toute structure scolaire, s’impliquaient pour leurs élèves, pour que tout vive et revive, dans l’invention d’une Ecole où on apprend. Quand les murs tombent, qu’est-ce l’Ecole ?

En septembre 2011, un groupe Shaking Up Christchurch Education (SUCE) se mobilise, coordonné par  Cheryl Doig, consultant de CORE-EDU, pour créer une vision pour l’avenir d’études dans la ville, en tentant de penser l’alternative  ‘au retour’ à leurs sites originaux et la reprise de leurs routines normales. C’est une occasion unique de  repenser l’éducation à un niveau systémique,  de mise sur des expériences nouvelles, et aussi de proposer à l’échelle locale des dispositifs à échelle mondiale.

Le groupe SUCE vient de mettre en ligne et à notre disposition les premiers éléments de leur travail: il me semble intéressant d’en livrer quelques extraits, en en reprenant esprit, termes et formalisation.

Une approche globale et système de l’Education dans son territoire

Le groupe s’interroge d’abord sur les facteurs qui influent et conditionnent le fonctionnement de l’Ecole, et sur les modalités et processus: non seulement les ressources physiques, mais aussi les ressources humaines, le degré d’équipement technologique, la conception des écoles, ou encore (et surtout) le mode de gouvernance, tout en prenant en compte la dimension de la communauté à supporter budgétairement ces transformations.

Cette approche système a été aussi fondée sur un mode large de consultation des personnels et des acteurs pendant tout l’été, un processus toujours ouvert, nettement affiché dans leur conclusion: « In a networked world, the power is in individuals working together to co-create the future. It is a time for taking action. Education is a key driver in the recovery of our city – let’s make it extraordinary. »

Dans un monde en réseau, le pouvoir réside dans le travail collectif des individus, à créer ensemble le futur. Il est temps de passer à l’action. L’Education est la clé qui conduit à la restauration de notre Cité. A nous d’en faire quelque chose d’extraordinaire ».

Plusieurs facteurs conditionnent le futur en NZ (et seulement la NZ ?):

– le vieillisement de la population: qui travaillerai ? Qui paiera les impôts ?

– l’accroissement de la diversité ethnique: quels seront nos collègues, nos voisins ?

– la répartition de la population: où vivront les personnes ? Sera-ce une répartition mixte urbaine/rurale ? Quel mode d’habitat sera privilégié ?

– le fait migratoire : peut-on lutter contre la fuite des cerveaux ? Quel sera l’impact en cas de changement de flux migratoires ?

– la mutation des emplois:  quels seront les besoins en emplois manuels ? Est-ce que l’agriculture restera le fer de lance de notre économie ? Qu’en sera-t-il du chômage des jeunes ?

– La question « sociale » : serons-nous capable de diminuer les troubles qui touchent les enfants (pauvreté, abus, santé) ? Qu’en sera-t-il des questions de violence et de suicide chez les jeunes ?

– Les nouvelles technologies:  quelles seront leurs évolutions et comment devons-nous nous adapter ? Quelles en sont les implications sociales, légales mais aussi éthiques ?

– développement durable: serons-nous capable de supporter notre économie, notre bien-être, notre environnement ?

Ces facteurs « sociétaux » sont à prendre en compte dans un système d’éducation NZ qui affiche clairement des objectifs ambitieux du XXIème siècle dans l’équivalent de notre « Socle commun ». Cependant, la région de Christchurch connait des difficultés scolaires avérées: en 2009, seuls 69,8 % des écoliers atteignent le niveau 2 du NCEA, les résultats des filles sont meilleurs que ceux des garçons. Mais seulement 47 % pour les écoliers maoris et 59,7 % des enfants « pasifika ».

He waka eke noa: A canoe where we are all in without exception
Ministry of Education 2010 Statement of Intent – Karen Sewell, Secretary for Education

 

L’analyse de la réalité et des besoins, et d’abord des élèves, permet dans une deuxième phase d’inviter les acteurs à « imaginer »; nombreux témoignages sont donnés. Ils permettent ainsi de définir quelques principes fondateurs du système éducatif:

– il sera clairement orienté vers l’apprenance

– il sera centré sur le futur

– il sera structuré en un système cohérent

– il sera durable dans son fonctionnement et dans ses coûts

Une approche orientée « apprenance »

Le « learning » est un principe fondateur du système NZ (depuis 1989, nous l’avons déjà signalé); ici, à Christchurch, la « refondation » permet d’en avoir une déclinaison actualisée:

  • il implique les apprenants en tant que partenaires dans leur apprentissage
  • il intègre la dimension culturelle des apprenants
  • il crée et offre des occasions d’apprendre aussi variées qu’il est possible
  • il définit le rôle des enseignants en fonction des besoins des élèves
  • il fournit explicitement les résultats définis pour l’apprentissage des élèves
  • il encourage la participation des élèves dans une série d’expériences diverses, conçues en fonction de résultats exigés et selon des pratiques efficientes
  • il assure la réflexion individuelle et institutionnelle; l’action est suscitée et soutenue par les données relatives aux apprentissages des élèves et aux performances institutionnelles
  • il met l’accent sur l’apprenance des étudiants dans les processus de recrutement, d’embauche, d’orientation, d’évaluation et de développement personnel
  • il conserve son attention sur le « learning », qui est constamment repris dans les documents institutionnels, dans la politique éducative, dans les efforts collectifs et dans le mode de management.
  • il garde une vision à long terme, en en garantissant ainsi l’investissement
  • il bénéficie d’une forte adhésion de la communauté qui encourage les étudiants à prendre des risques, à essayer de nouvelles choses et à persévérer.
  • Il promeut une conduite au niveau de l’institution cohérente et alignée sur la mission apprenante de celle-ci.

 

L’Ecole du futur, c’est pour aujourd’hui

“Mo tatou, a, mo ka uri a muri ake nei –(Pour nous et pour nos enfants aprés nous)

Le deuxième principe structurant est d’organiser le « futur », selon plusieurs domaines:

– une vision du curriculum (ou du parcours) qui évolue en s’ajustant au contexte

– de nouveaux modèles de direction et de rôles

– de nouveaux modèles de gouvernance

– de ré-imaginer des lieux et des places pour apprendre

– de nouveaux rôles pour les enseignants (qui il est et ce que nous faisons)

– une vision renseignée sur le rôle des technologies

– de nouvelles façons de penser et d’apprendre

– soutenir un apprentissage tout au long de la vie

– développer des capacités mentales et de résilience  afin qu’ils puissent répondre positivement au changement

Quelques développements suivent sur la politique éducative et sa prise en charge, de sorte à aboutir à la construction d’un modèle sous forme de HUB interreliés:

 

Le chantier est donc ouvert à Christchurch; faire en sorte que le « shake up » tellurique soit aussi un « shake up » sur la façon d’apprendre et d’organiser l’Ecole. Les propositions affluent et convergent sur l’intérêt et la nécessité de prendre appui sur une base trés large, incluant d’évidence les élèves dans l’opération.

A suivre donc.

 

Précautions méthodologiques.  et une vidéo pour commencer

Juste « « l’autre bout du monde », quelque éléments pour (re)trouver ses repères.

Des élèves qui réussissent, ce sont des profs qui apprennent.

Conduire le changement en éducation, les voies néo-zed.

Entre « exploration » et « exploitation » dans les démarches d’innovation

Trouver un équilibre entre « exploration » et « exploitation » dans les démarches d’innovation  

« Dans un de ses rapports typiquement brillants, James March (1991) indiquait que toutes les organisations ont besoin d’une combinaison de ce qu’il appelait « l’exploration » (un autre terme pour innovation) et « l’exploitation » (désignant l’amélioration systémique fondée sur des façons éprouvées d’obtenir des résultats). March soulignait qu’une organisation qui n’innove pas est appelée à disparaître, mais que trop d’innovation est également une mauvaise chose. Les véritables profits d’une organisation – qu’il s’agisse des résultats financiers d’une entreprise ou de meilleurs résultats des élèves des écoles – proviennent, selon March, non pas de l’innovation, mais de la mise en place (« exploitation ») d’éléments efficaces connus dans les organisations. Trop d’innovation peut nuire à l’exploitation. Comme le dit March : (traduction) Les systèmes adaptatifs qui s’engagent dans l’exploration à l’exclusion de l’exploitation sont susceptibles de constater qu’ils subissent les coûts de l’expérimentation sans en obtenir les avantages. Ils manifestent trop de nouvelles idées sous-développées et trop peu de compétence distinctive. (1991, p. 71) L’équilibre précis à établir entre l’exploration et l’exploitation différera selon les contextes, mais dans la plupart des cas, la formulation de March laisse entendre que l’utilisation efficace de ce que nous savons déjà constitue un élément beaucoup plus important.

Cependant, il semble que dans le cas des écoles, l’innovation ait été un élément prépondérant à l’ordre du jour, mais que peu d’innovations aient été étendues ou aient duré. Il faut très peu d’efforts pour se rappeler de nombreuses innovations largement promues et adoptées en éducation, mais qui ne se sont pas propagées ou n’ont pas produit des avantages durables. Pensons aux classes ouvertes préconisées il y a quelques décennies et à l’éducation compatible avec le cerveau prônée aujourd’hui. Les enseignants de longue date peuvent invariablement décrire toute une série de programmes, de projets ou de politiques qui ont été promus comme des innovations miraculeuses, mais qui sont disparus après quelques années. Je ne soutiens aucunement qu’elles étaient toutes de mauvaises idées.

Mon argument, c’est qu’elles n’ont pas changé l’ensemble du système d’éducation et n’ont donc pas engendré une amélioration durable. Un tel résultat est de la nature même d’une innovation. La majorité des innovations finissent par être inefficaces ou très difficiles à réaliser, ou encore très coûteuses. Les technologies de l’information constituent un exemple particulièrement intéressant, car il s’agit de l’un des motifs les plus fréquemment invoqués pour exiger des changements approfondis dans les écoles.

Depuis cinquante ans, nous entendons que les changements technologiques transformeront fondamentalement la prestation de l’éducation. Cet argument a été fait au sujet de la télévision, puis des ordinateurs et maintenant des appareils personnels comme les ordinateurs blocs-notes, l’iPad et le réseautage social. Mais ces cinquante ans d’histoire ont démontré que la promesse n’a jamais été tenue. Il y a une décennie, Cuban (2001) a présenté en détail cet échec. Depuis, nous avons eu plus d’exemples – tels les tableaux électroniques au Royaume-Uni (Moss, et al., 2007) et les portables individuels. Des revues de la recherche ont conclu qu’aucune de ces technologies n’avait eu un impact discernable sur l’apprentissage des élèves (Burns & Ungerleider, 2003). On pourrait soutenir que l’effort continu déployé pour instaurer les technologies dans les écoles a été l’une des plus grandes pertes de temps et d’argent de l’histoire récente de l’éducation – tout ça au nom de l’innovation.

La solution de rechange à l’emphase mise sur l’innovation consiste à mettre l’accent sur l’exploitation (au sens de March) de ce que nous savons. Un sceptique pourrait demander si nous disposons de connaissances fiables suffisantes en éducation pour les exploiter. Je réponds fermement oui. Évidemment, il y a encore beaucoup à apprendre sur les bonnes pratiques en éducation, mais nous en savons déjà beaucoup – je parle ici des pratiques confirmées par des quantités substantielles de preuves empiriques provenant de sources multiples montrant toutes des directions similaires. J’avance le point de vue que si nous utilisions dans pratiquement toutes les écoles tout ce que nous savons déjà au sujet de la scolarisation efficace, nous réaliserions de très grands gains sur le plan des résultats.

Source : extrait du discours de Ben Levin « L’amélioration, et non l’innovation, est la clé d’une plus grande équité ». Colloque Canada-États-Unis Réaliser l’équité par l’innovation Toronto, 27 et 28 octobre 2010 Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, Université de Toronto

Faire l’inventaire collectif des pratiques pour innover, Les Cahiers de l’innovation

A partir des remontées régulières des actions inscrites dans la base nationale de l’innovation, Expérithèque, (plus de 2000 en novembre 2012), il est possible de procéder à une méta-analyse des données, et de distinguer quelques changements tendanciels ou encore d’interroger le corpus selon des problématiques actuelles.

Ainsi, à la requête de plusieurs bureaux ou services de la DGESCO, ou encore de certains partenaires (recherche, associations etc…), le DRDIE a élaboré une série de « Cahier de l’innovation ».  Certains sont accompagnés d’une notice de synthèse; tous proposent une typologie qui permet de situer les pratiques et dispositifs dans une gamme variée. Sur une même approche, les actions sont variées et différentes selon leur niveau ou seuil de développement. Elles montrent l’engagement des équipes dans la recherche d’une amélioration significative des organisations scolaires et des pratique au service de tous les élèves. Elles révèlent de la même manière l’intérêt stratégique pour les équipes locales comme pour l’institution d’accompagner ces changements et d’en affermir la cohérence, en renforçant notamment leur propre ingénierie en évaluation (voir la partie auto-évaluation ou onglet 3 sur Expérithèque).

Toutes les actions sont présentées dans leur version résumé; les fiches complètes peuvent être consultées sur Expérithéque.

Références citées dans le texte

Burns, T.C. & Ungerleider, C.S. (2003). Information and communication technologies in elementary and secondary education: State of the art review.  International Journal of Educational Policy, Research, & Practice, 3(4), 27-54.

Cuban, L. (2001).  Oversold and underused: Computers in the classroom.  Cambridge, MA : Harvard University Press.

Moss, C., Jewiitt, C., Leavcic, R., Armstrong, V., Cardini, A. & Castle, F. (2007).  The interactive whiteboards, pedagogy and pupil performance evaluation: An evaluation of the Schools Whiteboard Expansion Project.  London: Department for Education and Skills.  Research report 816.

Amélioration de l’école et développement professionnel des enseignants, video d’Helen Timperley

Un trés récent rapport de la DEPP note des progrès importants en matière de résultats scolaires, quand la formation des enseignants s’organise d’une certaine manière, sur un temps donné …….(extrait de la DEPP) sur l’expérimentation PACEM

« Un investissement spécifique de formation et d’accompagnement des enseignants peut conduire, sans modifications des moyens alloués, à une amélioration sensible des performances scolaires des élèves », révèle une étude de la DEPP.  Ce travail se base sur l’expérimentation PACEM. Durant deux années des écoles de l’académie d’Aix Marseille ont bénéficié d’une formation des enseignants en mathématiques accompagnée de tests des résultats scolaires des élèves. Les enseignants bénéficiaient de 18 heures de formation sur un point du programme ainsi que d’une plate forme de documentation et mutualisation. Les résultats des élèves sur les deux années ont été évalués par rapport à un échantillon témoin. L’étude montre que les élèves ont sensiblement progressé grâce au travail de formation de leurs maîtres. Les progrès ont été particulièrement bons chez les enfants de milieu modeste.  »

On retrouve ici les éléments de  ce qui est à l’oeuvre dans plusieurs pays dans le monde, sous le concept de « développement professionnel continu », c’est à dire un couplage organisé entre besoins des élèves, pratiques des enseignants, expérimentation,  dispositif de formation, articulation avec la recheche, et évaluation des impacts. Un cycle vertueux travaillé en particulier en Nouvelle-Zélande depuis plusieurs années par Helen Timperley et Brian Annam que nous avions rencontré l’an dernier à Auckland.

Voir la video en VOST (entretien F. Muller, réal: Th. Foulkes, traduction: Ruth Bourchier).

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=cYeBx4WCTRo&list=PL1tu1UO10ih7opq4VJuGL3eKXwLmJZbrD&index=1&feature=plpp_video[/youtube]

Modélisation du dispositif de « développement professionnel »

Les résultats de la recherche conduite conjointement avec Brian Annan sur le « school improvment » et Helen Timperley (Université d’Auckland) sur la literacy auprès de 400 équipes ont été publiées ; certaines conclusions ont été tirées que nous pouvons ici reprendre avec l’aide de Romuald Normand, IFE Lyon .

La recherche internationale a confirmé l’importance des pratiques d’enseignement sur les acquis des élèves, à côté d’autres facteurs plus contextuels ou sociaux, c’est rassurant d’une certaine manière ; mais cela pose la question alors de l’efficacité de leur propre formation.

En la matière, il a été également montré qu’il fallait s’affronter à deux fausses évidences : d’une part, penser que les enseignants disposent des ressources nécessaires pour s’auto-réguler comme de bons professionnels ; d’autre part, qu’il suffisait de s’en remettre à des experts donnant les bonnes recettes pour ce que cela fonctionne. La convergence de plusieurs méta-analyses montrent que ces deux propositions peuvent être amendées : les résultats seront nettement améliorés d’une part les enseignants se mettent en situation d’être les enquêteurs de leurs propres pratiques, d’autre part s’ils s’appuient sur des savoirs non seulement disciplinaires mais aussi pédagogiques.

Le dispositif de « développement professionnel » n’est pas nouveau en lui-même, mais en combinant plusieurs éléments, il agit en système plus cohérent et plus efficace :

–          Un centrage sur un contenu spécifique

–          Des pratiques collectives partagées pour des enseignants similaires

–          Des analyses de situations, des évaluations, des observations

–          Des connaissances issues et traduites de la recherche

–          Des combinaisons de modalités de formation

–          Un processus de formation continuée

10 principes ayant fait leur preuve dans la recherche pour un développement professionnel efficace des enseignants

1.      Se centrer sur les résultats évalués des élèves

Des expériences d’apprentissage professionnel se centrant sur le lien entre certaines situations d’enseignement et les résultats évalués des élèves sont associées à des impacts positifs en termes de résultats.

2.      Des contenus intéressants

Les connaissances et les compétences à développer sont celles qui ont été considérées mme efficaces dans les résultats évalués des élèves .

3.      L’intégration des connaissances et des compétences

L’intégration des connaissances et des compétences essentiels à l’enseignant facilite un apprentissage approfondi et un changement dans les pratiques pédagogiques.

4.      L’évaluation comme enquête professionnelle

L’information sur ce que les élèves ont besoin de savoir et de faire est utilisée pour identifier ce que les enseignants ont besoin de savoir et de faire.

5.      Des multiples occasions d’apprendre et de mettre en œuvre l’information

Pour opérer des changements significatifs dans leurs pratiques, les enseignants ont besoin de multiples occasions d’apprendre une nouvelle information et comprendre ses implications pour la pratique. De plus, ils doivent rencontrer d’autres opportunités dans des environnements qui offrent à la  fois de la confiance et des défis à relever.

6.      Des approches réactives aux processus d’apprentissage

La promotion de l’apprentissage professionnel nécessite différentes approches selon que les idées sont en accord ou non avec les conceptions des enseignants sur les élèves et la meilleure façon d’enseigner.

7.      Des occasions d’apprendre avec d’autres

Des interactions collégiales centrées sur les résultats des élèves peuvent aider les enseignants à intégrer de nouveaux apprentissages dans leur pratique.

8.      Une expertise bien fournie

Une expertise externe au groupe des enseignants participants est nécessaire pour remettre en cause les conceptions existantes et développer le genre de connaissances et les compétences associés à des résultats positifs des élèves.

9.      Un leadership actif

Des leaders éducatifs conçus comme un facteur clé du développement des attentes pour améliorer les résultats des élèves et assurant l’organisation et la promotion d’un engagement dans le cadre de situations d’apprentissage professionnel.

10.  Maintenir la dynamique

Une amélioration soutenue des résultats des élèves nécessite que les enseignants disposent d’une connaissance théorique solide, de compétences à l’enquête fondée sur des preuves, et de conditions facilitées en termes d’organisation.

Source : Timperley, H. (2008) Teacher Professional Learning and Development. International Academy of Education. International Bureau of Education. Paris: UNESCO

« Les formateurs doivent reconnaître la complexité des pratiques professionnelles et apporter de la valeur ajoutée en accompagnant les enseignants dans la satisfaction des besoins d’un public hétérogène, notamment les élèves dont les résultats sont inférieurs à ceux des autres. Il est indispensable d’englober les pratiques des enseignants plutôt que de les contourner et d’apporter des visions et pratiques alternatives par des exemples. Les enseignants ont besoin d’une offre de contenus pédagogiques pertinents et d’un enrichissement de leurs connaissances sur l’évaluation par un mélange de théorie et de pratique. Enlevez n’importe lequel de ces éléments et l’impact a toutes les chances de diminuer.

Une enquête systématique éclairée par des sources fiables est au cœur de tout processus de formation professionnelle continue. Si les enseignants refusent de s’engager dans ce processus, ils n’ont guère d’informations sur ce qu’ils doivent apprendre et faire pour améliorer les résultats des élèves ; ils ne savent pas non plus si les changements qu’ils opèrent ont l’effet désiré.

Le préalable à la réussite de ce processus est que les enseignants soient convaincus que leur propre formation relève de leur responsabilité professionnelle, y compris le souci de vérifier l’efficacité de leurs pratiques sur les résultats des élèves. Ainsi, des cycles renouvelés d’enquête, de renforcement des capacités et d’amélioration deviennent partie intégrante des pratiques quotidiennes. «

L’innovation, toute une histoire (1)

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=_gWbHB3u_s8&feature=youtu.be[/youtube]

 

A suivre patiemment, durablement, les acteurs de l’innovation, nous sommes toujours surpris des mots qu’ils donnent à leur vécu, à leur réalité; ce sont des histoires, leur histoire, et à la fois l’histoire de l’éducation qu’ils écrivent.  Chacune est singulière, contextuelle, spécifique, et si vous les rejoignez les uns aux autres, elles dessinent un mouvement et un changement, elles  convergent.

Voici les premiers éléments d’une série « L’innovation, toute une histoire »: à partir de 10 questions, toujours les mêmes, à 10 acteurs reconnus de l’innovation, nous en organisons les rencontres.  Entretien: François Muller, réalisation: Thiery Foulkes

Ces vidéos sont trés complémentaires des travaux que nous avons engagés par ailleurs; dont le trés récent livre édité par le CNDP,  « L’innovation, une histoire contemporaine du changement en éducation », une analyse transversale de 300 actions remarquables, décryptées en 10 tendances du changement en éducation.

L’innovation pédagogique, dix mots, dix actes, dix acteurs.

Dix clips video pour dix mots de l’Ecole quand elle bouge, on dit parfois « innover »; mais attracteur étrange, le mot masque des réalités plus complexes;  nous sommes en train de nous intéresser de trés prés aux processus du changement dans nos équipes;  l’Ecole est en train de changer, ce sont les acteurs, dont les élèves, qui en parlent le mieux.
A partir de l’analyse des actions et dispositifs innovants ou expérimentaux en France (une base de plus de 2000 actions, 300 sont plus particulièrement à l’étude, cela fait l’objet d’une édition prochaine),  en soumettant à plusieurs tamis de lecture les écrits des acteurs, en relevant les gestes, les actes, les organisations de leur travail, dix mots jaillissent pour éclairer  les changements en cours dans l’Ecole aujourd’hui.
La série est encore trés expérimentale et s’amendera dans les prochaines semaines de témoignages nouveaux (dont des chefs d’établissements, des directeurs d’écoles, des IEN, des chercheurs).
concept et interview: François Muller, réalisation Thierry Foulkes
(si les liens sous Netblog ne fonctionnent pas, retrouvez les vidéos sur la playlist YOUTUBE « DIX MOTS POUR L’INNOVATION »
  1. 1 Miniature 5:56  EVALUER
  2. 2 Miniature 6:02 COOPERER
  3. 3 Miniature 6:32 ORGANISER
  4. 4 Miniature 5:43 EXPERIMENTER
  5. 5 Miniature 5:47 TRADUIRE
  6. 6 Miniature 6:16 ANALYSER
  7. 7 Miniature 6:11 FAIRE EQUIPE
  8. 8 Miniature 5:51  ACCOMPAGNER
  9. 9 Miniature 5:42 REGULER
  10. 10 Miniature 6:14 ENRÔLER

Le changement, entre rupture, continuités et développement professionnel

Cette nouvelle affiche , intitulée le « Jeu du Changement », que nous avons développé cette année dans le cadre de nos séminaires  consacrés aux dynamiques du changement en éducation et en formation,  restera encore un projet d’édition. Le changement, c’est aussi à nous-mêmes que nous nous l’appliquons.

Je rejoins pour la rentrée l’équipe du DRDIE (Département Recherche et Développement en Innovation et en Education) au Ministère -DGESCO, aprés quinze années  au service de l’académie de Paris.  Il s’agira d’amplifier ce que nous avions à maintes reprises expérimenté: accompagnement du changement,  efficacité en formation, analyse du système, productions de ressources, mise en réseau; et plus si affinités °)

Le présent blog perdra sa dimension parfois « parisienne » (c’est à dire ici, locale !) pour s’engager plus fermement sur le développement de ressources à l’attention du plus grand nombre, comme nous l’avons fait par ailleurs. (Le site Diversifier) ou encore sur ce blog depuis trois ans.

extraits des dernières contributions du blog « Chroniques parisiennes »

Carte au trésor pédagogique

à l’adresse 11:34 Liens vers ce message

Pour l’heure, je pars à la découverte du système d’accompagnement du changement … en Nouvelle-Zélande; nous l’avions fait venir à Paris en décembre; je vais à sa rencontre à présent.  J’y reviendrai sans doute dans les prochains billets.

Merci encore dans ce bilan d’étape aux 361 000 lecteurs (le compteur fait foi).

Ce que l’innovation peut dire, 100 actions passées à la loupe

Derrière l’appellation d’innovation, et sous couvert de l’expérimentation pédagogique se cachent des actes et des pratiques professionnelles, des organisations en changement long, et des enjeux pour notre éducation. Une analyse transversale de 100 actions suivies dans l’académie pour disposer des clés du changement.

Le livret est consultable en ligne sur le site de Paris ou encore Le livret  se feuillette ici sur ce lien

Depuis, 2006, l’article 34 relatif au droit à l’expérimentation pédagogique (Loi d’orientation pour l’avenir de l’Ecole) a permis de procéder dans l’académie de Paris à quatre campagnes d’appel à projet. En prolongement du livret « 10 tendances » édité l’an dernier, voici la version 2011.

Au moment où la DGESCO repositionne à un haut niveau stratégique l’innovation et l’expérimentation, il semble intéressant de relire les travaux engagés depuis quelques années avec les équipes des écoles et des établissements de l’académie de Paris.

Méthodologie pour l’analyse

Sur la base de 100 dispositifs actuels dont les bilans d’étape sont mis régulièrement en ligne sur le site académique, nous avons fait le choix de les passer au crible d’une volée de questions [1]. Les items prennent appui sur des recherches conduites en France et ailleurs en matière de conduite du changement et de recherche d’efficacité dans l’enseignement. 76 réponses sont ainsi engrangées, concernant 100 dispositifs ou actions inscrits et suivis par la CARDIE.

Nous aurions pu proposer à chaque responsable d’équipe, coordonnateur ou chef d’établissement, de renseigner lui-même ce questionnaire. Nous avons fait le choix de le compléter au niveau de la Cardie, de sorte à croiser plusieurs sources d’information :

– les écrits et traces de l’activité de l’équipe

– les consultations sur site avec les personnels et directions

– les éléments d’évaluation compilés dans le cadre de formations et de séminaires

La base des données n’est donc pas que déclarative, mais elle prend en compte une analyse transverse des pratiques, L’effort d’objectivation pourra s’atténuer par la relative difficulté cependant à accéder à certaines données ou encore par la nature même des écrits qui ne renseignent pas forcément sur les domaines analysés. Pour cela, les conclusions sont donc exprimées en termes de tendances et d’intensité.

Consultation sur trois domaines

La consultation est structurée en trois domaines: 1- autour des pratiques pédagogiques, 2 – autour de l’analyse de l’organisation, 3 – autour du développement professionnel des enseignants.

  • Tout au long des analyses, un petit signe vous donne un accès direct à un exemple de pratique en ligne.

Retrouvez les travaux, les documents, écrits et photos des équipes,  sur le site académique http://www.ac-paris.fr, rubrique « pédagogie » puis « innovation et expérimentation »


[1] Le formulaire est libre d’accès sur la page https://spreadsheets.google.com/spreadsheet/viewform?hl=fr&formkey=dEZ4V3B6UVJnbTFoQkgya3pnTmlTVlE6MQ#gid=0


Le livret se feuillette ici sur ce lien.

Autant de clefs pour relire votre propre action.

Le « manuel » scolaire, le futur d’un genre dépassé ?

ECOLE ET MANUEL, UNE FAUSSE EVIDENCE ?

Marc Wilmet, professeur à l’université libre de Bruxelles, interpellait brillamment l’assistance dans sa conférence inaugurale du Forum de Bucarest en 2006 : « Les manuels sont mauvais », « Les manuels incitent les élèves à faire des fautes », « les solutions viendront de l’espace francophone ». Un écho plus récent en 2011  prône le futur des manuels (http://lectureslab.ch/blog/le-futur-des-manuels-scolaires)

Avec humour, et en ne traitant que des manuels connus de lui, il soulignait cependant un problème récurrent, rencontré en Roumanie, que celui de la pertinence et de l’efficacité des manuels d’apprentissage du français.

On pourrait noter en contrepoint que dans une vision historique de notre Ecole occidentale, il y a bien eu une Ecole, première, sans l’existence d’aucun manuel. L’outil, le support, le concept n’est apparu que relativement tardivement, dès lors qu’il s’est agi de compilation et de faire discourir sur, plutôt que de faire (environ Vième siècle après J.C, et surtout fin XVIème siècle).

PHOTOLANGAGE : un manuel en photos ?

Afin de faciliter les échanges et d’en appeler à la contribution de chacun des participants, nous avons eu recours à la technique de formation, identifiée comme « photolangage »

Vous pouvez retrouver la fiche technique, et quelques séries de photos, sur le site INNOVATIONS de l’académie de Paris, http://innovalo.ac-paris.scola.ac-paris.fr rubrique « former », puis « faire émerger les représentations » ou sur le site consacré à la diversification en pédagogie http://francois.muller.free.fr/diversifier requête « photolangage »

La technique est d’ailleurs porteuse de sens au regard de la problématique de l’atelier, même, isomorphique, dans la mesure où il n’existe pas spécifiquement de « manuel » de photolangage ; la technique a été présentée dans un recueil fondateur il y a 30 ans, mais les vues en noir et blanc ont beaucoup vieillies ; il devient intéressant grâce à la technologie des réseaux de l’internet et aux performances remarquables des moteurs de recherche de constituer sa propre base de vues, en ajustement aux questions et problématiques que nous souhaitons aborder avec des élèves, avec nos collègues en formation.

Deux questions ont été abordées dans l’ordre :

1-     En vous fondant sur votre pratique actuelle d’enseignement du français en Roumanie, en prenant appui sur votre expérience en classe, quelle serait la photographie qui répondrait le plus à votre représentation, votre questionnement ?

2-     Si vous aviez à trouver une expression visuelle ou graphique d’un manuel idéal, quel que soit son support physique, en privilégiant sa ou ses fonctions, quelle « vue » prendriez-vous ?

Pour chaque question, le groupe a du se déplacer autour d’une vaste table centrale où ont été disposées les vues, envisager dans un premier temps son choix, puis au signal de l’animateur, prendre la photo. Une fois les places regagnées, chacun a du présenter en une courte description d’une part la photographie choisie, puis d’en expliciter la transposition en réponse à la question donnée[1].

LE MANUEL COMME PRODUIT « FINI » (acception polysémique)?

Le premier tour de table a permis d’identifier une certaine de difficulté relative au manuel intrinsèque et à son utilisation ; alors, sous forme de liste recensée, en paradoxes oscillant souvent entre pôles contraires, sans en trouver le juste moyen.

Eviter ou aggraver la difficulté

  • Le manuel amplifie ou minimise les difficultés réelles de la langue

Entre ouverture et finitude

  • La technicité est trop lourde
  • Il semble propose un circuit intégré, à la fois « fini » et « intégré » . L’image du labyrinthe est souvent revenue.
  • Le manuel semble requérir du temps d’utilisation et beaucoup de patience ; cela peut convenir à certains profils d’élèves, surtout pas pour d’autres.

Entre vieillissement accéléré et effets de modes

  • Les manuels semblent être « subjectifs ».
  • Le manuel vieillit vite ; la prise sur l’actualité et les tendances n’est pas assurée.

Entre exigences démesurées et niveaux réels des élèves, des formations

  • Leur ambition est « totalisante », il y a tout et même trop.
  • Dans le même temps, il peut s’avérer incomplet sur des thèmes désirés, des besoins identifiés
  • Certains semblent inadaptés au niveau des élèves, au volume horaire des différentes formations.

Dans la suite directe du questionnement, certains critères de réussite ont déjà été évoqués. Comme par exemple :

  • Il est déclencheur
  • Il permet l’ouverture, à tous points de vue (espace, temps,…)
  • Il s’inscrit dans une « pédagogie de la douceur » et éviter les trucs trop techniques.
  • Il permet l’immersion.
  • Il doit offrir une « grammaire instructionnelle ».
  • Il peut présenter un aspect ludique.
  • Il doit veiller à s’articuler avec les ressources TICE
  • Il peut aider à mobiliser rapidement les connaissances
  • C’est un outil de pilotage pédagogique de son enseignement et de ses élèves.
  • Il doit permettre d’accompagner les élèves, de façon plus autonome.

Des résultats corrélés à une enquête récente

Menée par Marina Muresanu, directrice du département de français, Université « Al.I.Cuza » de Iasi (ROUMANIE)

Un questionnaire a été proposé aux professeurs de français de la ville et du département de Iasi. Une trentaine, provenant de différents types d’établissement scolaires, ont répondu. Les questions ont été les suivantes :

1. Quels sont les critères selon lesquels vous chosissez un manuel de français ?

2. Quelles sont les qualités d’un manuel idéal ?

3. Mentionnez les points forts et les points faibles des manuels roumains de français (evec des exemples)

4. Pourrait-on se passer de manuel ? Qu’est-ce que l’on mettrait à sa place ?

5. Indiquez le meilleur manuel roumain de français (selon vous)

Les réponses ont conduit aux conclusions suivantes :

Les critères invoqués pour le choix du manuel représentent à la fois les qualités d’un manuel idéal. L’énumération est éloquente :

–         méthodes adaptées et innovantes, à même de développer la compétence de communication, centrée sur des actes de langage bien précis ;

–         créativité, interactivité, caractère ludique, facteur de motivation ;

–         déclencheurs : documents sonores, écrits et visuels, photos, images de qualité, chansons ;

–         la présence des documents authentiques ;

–         adéquation des contenus aux programmes scolaires et aux documents émis par le ministère de l’éducation ;

–         grand nombre d’exercices qui permette un  large choix ;

–         structuration « double page » ;

–         aspect graphique attrayant ;

–         présence d’un mémo-grammaire à la fin du manuel ;

–         un cahier d’exercices pour les élèves et un livre du professeur accompagnant le manuel ;

–         logique de la progression, cohérence, possibilité d’enseigner les 4 compétences ;

–         bon parcours linguistique ;

–         clarté, précision des explications, concision ;

–         structure aérée, simplicité ;

–         bon équilibre texte – image – schémas ;

–         textes « sympas », d’actualité ;

–         adaptés aux tranches d’âge et aux différents niveaux ;

–         accessibilité et stimulation de la motivation.

Idée importante qui se détache : on ne croit pas au manuel idéal et on ne doit pas en accréditer l’idée car un manuel doit ne pas être fixe mais se renouveler perpétuellement, être ouvert, souple, capable de s’adapter aux besoins réels qui peuvent varier d’une étape a l’autre.

Se passer ou  non du manuel ?

Pour certains (peu nombreux) le manuel est indispensable puisque les élèves doivent avoir un support commun, accessible à tous, pour l’apprentissage mais aussi pour l’évaluation et dans la perspective des examens à passer (bac et autres). L’enrichissement du manuel peut se réaliser par des outils supplémentaires : internet, revues, moyens audio-visuels et multimédias, etc.

Beaucoup de professeurs pourraient facilement se passer du manuel car tout professeur est un potentiel auteur de manuel. On peut se construire soi-même le parcours à condition de respecter les documents du ministère, programme, curricula, etc. On peut utiliser à la place une bonne méthode de français (on fait donc la différence entre manuel et méthode) ou bien des textes authentiques et d’autres documents bien choisis. Il est également indispensable de disposer de moyens techniques adéquats : photocopieuses, magnétoscope, lecteur DVD, ordinateur, etc.

Le grand rêve : avoir accès à une grande base de données (toute sorte de documents écrits, audio, vidéo) classées par niveaux, par compétences, par thèmes, que le professeur pourrait combiner à son gré. L’absence du manuel stimule la créativité du professeur et sa capacité de renouveler perpétuellement  ses stratégies et ses démarches pédagogiques.

Au delà du « manuel »,  professionnaliser le métier d’enseignant

Finalement, après le tour de table, le groupe a pu sentir qu’en s’intéressant de plus près à la problématique du manuel scolaire, il pouvait sans trop d’efforts toucher le socle du métier d’enseignant et identifier quelques compétences très contemporaines et évolutives du métier.

C’est ce qui explique en grande partie les sentiments très controversés projetés sur le ou les manuels scolaires. Non tant responsables de tous les maux de l’Ecole, que symptômes de décalage produits par les réformes programmatiques comme par les évolutions rapides de nos jeunes élèves, d’avec les pratiques enseignantes.

S’intéresser de près aux ressources et aux utilisations du manuel scolaire, c’est tout à la fois, interroger :

  • les capacités créatives en ingénierie pédagogique, au sens que l’enseignant reste et affirme sa compétence identitaire forte d’ingénieur et non d’O.S. de la pédagogie, réduit à la simple fonction de transmission; en la matière, des outils, nouveaux ou moins nouveaux, sont toujours plus efficaces et plus présents. La plus-value de l’enseignant est bien sa médiation bienveillante et exigeante pour l’élève. Pour cela, il doit être capable d’ajuster toute ressource utile, dont des manuels, entre autres.
  • La nécessaire diversification de la pédagogie, en variant alternativement ou successivement supports, temps, groupes, espaces, rôles etc…: il n’y a pas de vie sans variété, pas d’enseignement sans images requises, pas d’apprentissages sans prise de rôles. Les manuels scolaires trouvent ici généreusement leur place et leur fonction, pourvu qu’ils soient bien conçus et réalisés. Variété requise, images, authenticité, utilisation plurielle etc…. Il s’agit de contredire dans les actes l’usage traditionnel d’un manuel unique, monotone, univoque. Il revient à l’enseignant de marquer la voie ou les meilleurs chemins, pas au « manuel ».
  • La difficile et exigeante individualisation des parcours (par gestion différenciée des groupes) et de l’enseignement (par tutorat). Problème actuel de notre Ecole, à l’unicité traditionnelle de la réussite,…. et des échecs scolaires, il faut répondre au défi difficile de l’organisation de la diversification des parcours d’élèves, comme du devoir de présence auprès de ceux des élèves qui en ont le plus besoin. En quoi un « bon » manuel serait utile et plus efficace dans ces deux domaines que les enseignants ont à investir ?
  • L’évolution du cadre du métier qui se régule de plus en plus par les pratiques et le contexte spécifique que par les instructions; l’exercice professionnel est finalement très libre, si ce n’est parfois « libéral »; objectivement, il y a très peu d’instances de « contrôle », si ce n’est celles reconnues institutionnellement: inspecteur, chef d’établissement. Leur « fréquence » de rencontre à l’enseignant, leur présence à la classe s’avère à l’épreuve des faits, menue, menue. Il devient alors facile ou difficile, justement, de « calibrer » sa pratique et de réguler son action sans aucun retour significatif. Finalement alors, le manuel devient par défaut le seul « référent significatif », posant le cadre de tout: programme, discipline, devoir, cadre de pensée etc… Pour des raisons éthiques donc, et professionnelles, il devient stratégique de varier les approches et d’interroger la place et les rôles du manuel scolaire.
  • L’émergence de communautés de pratiques professionnelles, rendant compte des autres points ci-dessus. L’ouverture de l’horizon technologique est aussi garantie d’élargissement du cadre professionnel de référence. Ainsi, enseigner en français, ce n’est plus se référer au seul petit manuel imparfait et vieillot, conseillé et disponible dans l’établissement, c’est surtout aujourd’hui prendre appui sur les cadres, références, ressources et questionnements partagés non seulement par tous les collègues de la discipline, mais par bien des côtés par tout enseignant. La question du manuel n’est pas une question didactique; certes, elle peut l’être; c’est d’abord une question de professionnalité, de rapport à son savoir.

Quelques touches pour peindre le manuel « utopique »

2ème tour de table : Si l’on fait abstraction de ce que sont les manuels actuels, vers quoi pourrait-on tendre pour obtenir un manuel utopique ?

Les participants prennent une seconde vue correspondant cette fois à la projection de ce que serait  une éducation « futuriste ».

Plusieurs images sont venues illustrer en imagination créative les caractéristiques de ce qui pourrait être un futur et hypothétique manuel, idéal jamais atteint. Mais c’est là tout le paradigme de l’utopie dans l’histoire des hommes.

Une main sur le clavier Concilier écrit, authenticité et pratiques variées des TICE. Comment organiser la formation et les apprentissages linguistiques par (et non pour) les TCE ?

A retenir: pédagogie du « détour », pédagogie de la production, pédagogie du projet

Un spectacle dansé en goupe La métaphore a été dite du « bouger » en pensée; l’image permet de signaler un aspect aussi souvent négligé: apprendre ensemble, rapidement et de manière harmonieuse.
Un livre sortant ou entrant d’un album Comme une métaphore d’interaction, d’interpénétration souhaitable et recherchée entre Vie et Ecole; l’Ecole permet un décodage de la vie; en cela le « manuel » ou toute autre ressource peut y contribuer.
Le circuit technologique électronique fermé A l’instar d’une mécanique systémique, analytique, avoir pu identifié les mécanismes et implications psychiques, cognitives, en terme d’apprentissages et de mémoire;
Une affiche « bâtir » Une construction progressive et parfois alternative, de compétences et d’instrumentation pour faire autre chose
Des instruments de musiques, variés dans un registre Pouvoir lire, mais aussi faire de la musique, en faire ensemble, mettre en musique. Le manuel doit permettre tout cela.
Un laboratoire de langues vivantes En toute modernité, pouvoir travailler avec des matériaux authentiques, et communiquer pour de vrai.
« Le plus grand livre du monde » Intéressant non pour la taille, mais pour l’ouverture nécessaire où toute occasion est bon pour apprendre; on ne peut le réduire à un livre unique.
La main sur le volant d’une voiture Assurer une bonne conduite, en maîtrise de son itinéraire, en veillant sur quelques indicateurs (rétroviseurs), en ayant les deux pieds libres pour intervenir sur accélérateur et frein selon les cas.
« la page blanche » En revenant au document original, il importe d’adopter quelques questions originelles, telles que:

Faut-il absolument en tout moment, en tout lieu, pour toute activité un manuel scolaire ?

Existe-t-il un manuel ou DES manuels ?

Pourquoi faire ?

Ces quelques images nous disent qu’en ayant porté notre attention sur l’instrumentation de l’enseignant moderne, nous portons par la même obligatoirement notre regard non tant sur l’objet ou les ressources elles-mêmes que sur les pratiques et nos propres objectifs.

Ainsi, donc, poser la question du manuel, c’est poser la question implicite de nos finalités d’éducation pour nos élèves, comme celle de la professionnalité de l’enseignant comme « ingénieur » pédagogique.


[1] D’ailleurs, avant de traiter des conclusions des échanges, nous pourrions nous autoriser à faire trois remarques sur l’exercice de la technique au sein des groupes, ici d’adultes :

1-       une difficulté toute partagée à respecter la consigne donnée ; certains ont pris plusieurs vues ; d’autres ont anticipé à la réponse à l’autre question.

2-       La courte phase descriptive, celle d’une  identification des éléments de la vue, d’une d’un titre possible par exemple, a, la plupart du temps, été gommée. Or, elle est indispensable, car l’expérience a montré que les regards portées sur une même vue sont toujours différents. Vous signalez aussi ce que vous retenez.

3-       Le passage à la transposition, à l’application à sa pratique toute personnelle et professionnelle, n’est pas immédiat ; on observe une tendance récurrente à la généralisation, parfois abusive, à la difficulté de dire « je »  Les réalités sont alors quelque peu masquées.

Toutes proportions gardées, on peut retrouver ces mêmes travers à l’usage des manuels scolaires et de leurs contenus.

« Développer l’autonomie de l’élève », faire que cela soit plus qu’un voeu

Quelle est la question ?

Est-ce le hasard ou la nécessité ?  Plusieurs établissements ou instances de formation se sont signalés récemment dans une quête difficile, longue et déjà ancienne pourtant : « développer l’autonomie de l’élève », tels sont les termes récurrents pour des équipes dont les publics sont objectivement différents, entre des étudiants en BTS et de jeunes élèves des conservatoires franciliens. Et pourtant, au-delà, de ces spécificités, toujours mises en avant (par peur d’une éventuelle communication ?), il s’agit bien de la même chose ; une interrogation désormais franche sur les compétences du métier d’enseignant et sur l’organisation du travail dans l’établissement. La question que l’on pose est une question que l’on se pose.

En préparation de ces modules de formation, avec André de Peretti nous avons fait « rouler » les mots pour retrouver les principes actifs d’une autonomie véritable pour les élèves, les étudiants, les enseignants.

Pour une éducation responsabilisante et organisatrice

La question ne peut se départir d’une analyse plus globale incluant les dimensions d’organisation du travail, de sa division entre le temps avec l’enseignant, et le temps du travail personnel.

Une variété requise : c’est bien l’unicité d’un traitement qui va poser problème. Le travail individuel ou duel avec l’enseignant, avec l’instrument peut être combiner avec d’autres modalités. Apprentissage vicariant, collectif, coopératif, ouvert. Imaginer en dispositif. Rendre possible le choix par les élèves, en leur restituant une dimension d’action, d’acteur collectif ; hors toute uniformité jacobine.

Principe d’une organisation : tout groupe doit s’organiser, en sous-groupes, et en regroupant avec d’autres éléments extérieurs au groupe. Eviter la tendance à l’auto-enfermement collectif.  Penser qu’une autre organisation est possible ; éviter l’éparpillement sur toute une année, mais pourquoi pas rassembler des moments plus intenses, plus marquants au niveau de l’expérience, de la coopération, du goût ?

Viser à la coopération entre classes, entre élèves ; on apprend avec les autres, pour les autres et pour soi en même temps. Possibilité d’initiatives créatives, dans le parcours d’apprentissage des élèves.

Avoir recours aux éléments positifs du voisinage : la société doit aux enseignants un soutien ; éviter le splendide isolement ; richesse de l’environnement proche, des milieux professionnels, artisanaux, industriels ; la mise en contact des personnes jeunes ou en formation continue, avec le monde tel qu’il est.

La dimension esthétique et culturelle est envahissante ; elle est omni-présente dans les oreilles des jeunes, dans l’environnement proche ; elle est recherchée. Elle fait partie de la vie, mais sans grande possibilité d’identifier les référents culturels. Résonance, consonnance : la terminaison (-ance) indique le mouvement.  On risque un néologisme comme inversance, c’est-à-dire le mouvement contrariant toutes les inerties, toutes les dérives. La plus grande étant celle du Christ. Mieux qu’inversion : car le mouvement est continu, il continue.

Objectif pour l’élève, questions pour l’enseignant

Qu’est ce qui est utile de faire pour faciliter l’amélioration de leur attention, de leur toucher, de leurs gestes ? de leur souffle ?

Poser la question de l’autonomie nous Interpelle quant à nos  modèles d’apprentissage : interroger sur le « comment on apprend ? » et donc « comment on enseigne ? » ; non les mettre en rivalité ou en réduction d’un minimum, mais en concordance,  C’est un processus d’accession, d’ascension longue et durable, très loin de la minimisation des horaires, du surajout des disciplines, de l’émiettement du temps. Mixer l’imitation, l’expérimentation, le travail personnel, l’accompagnement présentiel du professeur ou non, la relation avec les familles, le statut de la musique dans la musique. Travailler sur les postures de l’accompagnement.

Permettre à un jeune de s’autonomiser, c’est aussi  faire  émerger les différents types de mémoire (A. LIEURY[1]) : variété de mémorisation intellectuelle, mais aussi gestuelle,  esthético-sensorielle ; j’ai personnellement été surpris par la mémoire kinesthésique des mains à des moments délicats d’un fugue de Bach  ; non tant que les mains ont une mémoire, mais le cerveau parvient à enregistrer des opérations qui dépassent le stade de la conscience, jusqu’à atteindre des degrés d’automatisme, dans une zone de sub-conscience, assez surprenantes. : il est d’autre part efficace de travailler avec la mémoire de contexte, celle qui encode l’information avec son contexte ; partant du fait que l’individu possède des ressources limitées d’attention. Le progrès vient de la plus grande vitesse de traitement de l’information, et d’acquisition d’automatisme requérant moins d’attention, permettant d’alléger la charge cognitive.[2]

Une petite ingénierie pédagogique viendra utilement en instrumentation des professeurs, en outillages, en mementos, à l’attention des enseignants, varier la gamme des activités suivant le degré des élèves,  Des petits moments de dialogue, et avant, ou après, des questionnaires, et non plus sur la seule pratique technicienne, mais sur le sens de la musique, la connaissance de l’arrière-fond culturel, sa curiosité, afin de  soutenir l’attention : le questionnaire peut permettre une ouverture, des souhaits, des possibles : sur l’environnement de la famille, des camarades, dans l’accord avec d’autres instruments, sur la fréquentation de la musique vivante ; en la matière, sans chercher des réalités absolues, des approximations peuvent être utiles ; elles permettent des petits progrès pour l’élève, comme pour le professeur.

Connaître pour apprendre, apprendre pour connaitre

La formation doit supposer la connaissance de formes diverses, mais demande qu’il y ait ajustement avec les possibilités locales,  avec les réalités de l’enseignant.

Dans la musique, on ne peut dire que chacun fait la même représentation ; il y a l’interprétation ; dès le début , la différence est acceptée.  Le succès vient de l’originalité, ce n’est pas comme les autres.  Il  y a d’évidence une tension entre le respect, la reproduction et l’interprétation. Ce que Edgar Morin identifie comme « dialogique » : une fidélité affichée et respectueuse à l’écriture de l’auteur, mais une interprétation sur le « comment », afin de permettre la création. Fidélité et originalité, respect et choix se combinent.  Pourrait-on introduire l’approche par la créativité en musique, telle qu’on peut la trouver dans d’autres domaines, comme facteur favorisant l’autonomie.

L’enseignant peut inviter à la confrontation : rigueur de la fidélité, et soutien recherché d’une approximation originale et personnelle. La mise en débat, l’analyse croisée, la mise en mots, l’expérimentation deviennent des processus actifs d’une autonomie bien construite. Le fait même que l’élève perçoive l’intérêt de son professeur pour cette approche peut avoir des effets sur sa propre motivation.

Pour faire de la musique, la notion de note est significative de la différence nécessaire pour exprimer la réalité ; variété nécessaire, mobilité, réalités lyriques et non seulement pragmatique.  Tonalités et intensité rythment la musique.

Pour aller plus loin

Voir la page spéciale « autonomie » sur http://francois.muller.free.fr/diversifier/autonomieeleve.htm (textes, images et graphes)

Voir la page spéciale du LYKES, à Quimper,(photos et tags) http://www.likes.org/spip.php?article1788


[1] LIEURY A., FENOUILLET. 1996. Motivation et réussite scolaire. Dunod., LIEURY, A. 1999. L’intelligence en 40 questions, Dunod., LIEURY, A. 1998. La mémoire en 50 questions, Dunod

[2] Voir les contributions riches des travaux de J.M.  MONTEIL  à partir de http://francois.muller.free.fr/diversifier/analyse_du_contexte_d%27apprentissage.htm

L’Air du « Génie du Froid » ou l’évaluation de l’école par l’Ecole

Let me freeze again to Death.

Il fait froid en hiver ( !?)

Notre époque glaciale, d’un retour d’hiver blanc et gelé, à défaut d’être glaciaire, nous rappelle en mémoire plusieurs autres images ; l’air du Génie du Froid dans The Indian Queen, où de manière saccadée et répétitive, en une voix de basse profonde, le Génie demande qu’on le laisse tranquille (again to Death) ; cet air a servi de bande musicale dans le film Molière d’Ariane Mnouchkine, avec Philippe Caubère.

Mais c’est aussi l’évocation du thermomètre. Instrument de mesure des températures, en différentes échelles, Farenheilt ou Celsisus ; déjà des problèmes d’unités de mesures apparaissent, en fonction des univers culturels et historiques dont nous sommes issus.

C’est aussi une métaphore employée dans le registre de l’évaluation dans le monde scolaire : mesurer, prendre la température, trouver les bons indicateurs, casser aussi l’instrument ; et …. Le climat scolaire. Réchauffement ?

Notre épisode neigeux (et parisien ?) nous fait regarder autrement ce curieux instrument. Pour filer la métaphore

Racontons-nous la petite histoire

La petite famille a besoin de se sentir bien au chaud dans l’appartement. « Quelle température fait-il ? » dit le cadet d’un air soupçonneux. Il fonce observer la station méteo intégrée, réglée à l’heure universelle, et qui reporte les températures et hygrométries du dedans comme du dehors, avec un historique remarquable et très visuel.

« J’ai froid » renchérit l’ainé, tout droit sorti d’une longue nuit (ou d’une courte matinée). Le cadet confirme : « 18,3 °C ».

Nous devons alors pousser un peu les radiateurs pour revenir à un niveau convenable et attendu, 19°, 20° C. Au bout d’une heure, et après déjeuner ; le grand consent enfin à enlever le pull. Tout va mieux.

Transposition au lexique de l’évaluation

La mini-scénette familiale n’aurait aucun intérêt pour nos chers lecteurs si elle n’était pas précisément la démarche de toute évaluation, en faisant intervenir ici les étapes et gros mots que nous manions sans trop de discernement dans le monde pourtant « expert » de notre Ecole.

Reprenons pas à pas l’histoire en décodant les étapes :

Approche métaphorique Transposition au lexique de l’évaluation démarche
Se sentir bien dans son appartement Priorité, finalité, axe (non mesurable) Objectif de l’évaluation
Je  veux vire dans mon appartement sans mon pull Objectif (mesurable)
Température Critère ou

domaine d’observation

méthodologies
Thermomètre pour la mesure Outil ou Instrumentation de l’évaluation
Chaud ou froid Indication (qualitative, subjective)
+ 18,3 ° celsius Indicateur (avec référentiel)
J’attends 20°C Résultats attendus Résultats de l’évaluation
J’enlève le pull Effets (inattendus)

Se doter d’une ingénierie en instruments d’évaluation régulatrice pour les équipes

Ce retour aux définitions sémantiques et méthodologiques dans l’évaluation nous semble plus que nécessaire quand à présent les équipes s’intéressent aux effets de leur politique éducative, aux résultats de leurs pédagogie, dans le cadre de leur projet d’école/ d’établissement, plus encore, dans le cadre de l’évaluation de l’expérimentation.

Toujours, les finalités sont présentes, et généreuses (pour l’autonomie, pour la responsabilité, pour le développement des élèves) ; mais déjà la détermination des objectifs laisse à désirer. C’est une phase du travail d’explicitation essentielle que de pouvoir répondre, collectivement, à une simple question pourtant : « que souhaitez-vous concrètement faire évoluer ?  quel niveau ? pour qui ? »).

Les difficultés et les doutes apparaissent quand il s’agit alors de savoir comment on pourrait bien rendre compte de ce à quoi pourtant les équipes s’attachent (autonomie, etc…) ; nous pourrions dire que le thermomètre reste encore à inventer dans l’éducation à la française. Comment par exemple évaluer le sentiment de bien-être ou encore le sentiment d’appartenance ?

Enfin, à défaut d’une variété d’approches et d’instruments en évaluation, les personnels sont enclins par défaut, ou par dérive, à trop focaliser sur les seuls indicateurs de résultats bruts dont ils perçoivent bien à la fois les limites et le caractère insatisfaisant pour rendre compte de la plus-value de la formation donnée aux élèves. On pourrait même signaler la tendance, quasi-institutionnellement organisée, à observer le résultat et omettre les effets. En quoi le résultat en notation exprime une compétence ? Toute la problématique de l’approche compétence développée par l’application du socle commun se trouve résumée ici.

LES METHODES D’EVALUATION  PROPOSEES AUX ETABLISSEMENTS[1]

Typologie des méthodes utilisées pour l’auto évaluation

Portfolio

Portfolio, analyse de documents produits par les élèves

Discussions

  • Examen collectif par les enseignants de documents produits par les élèves ;
  • Groupes thématiques (Focus groups) ; Discuter avec des employeurs potentiels pour connaître leurs attentes ; En petits groupes, les élèves se racontent «une fois où je me souviens bien d’avoir appris quelque chose» ;
  • Avec un enseignant, les élèves discutent en petits groupes de leurs attentes en terme de carrière professionnelle ;

Questions

  • Questionnaires pour mesure des aspects du développement personnel et social des élèves, Q sort, Questionnaire à destination des anciens élèves sur l’adéquation de l’enseignement reçu à leur situation présente,
  • Questionnaires aux employeurs potentiels sur leurs attentes ;
  • Calendrier et analyse du temps passé aux devoirs à la maison pendant une semaine ;
  • Questionnaire aux élèves sur la qualité de l’enseignement ; Questionnaire aux élèves sur la qualité du soutien reçu en cas de difficultés d’apprentissage ;
  • Questionnaire aux élèves sur les caractéristiques du climat scolaire qui sont favorables aux apprentissages ;
  • Questionnaire sur les qualités des conditions matérielles et du cadre social à l’école ;
  • Questionnaire au personnel sur la formation continue, la participation aux décisions et d’autres aspects des conditions de travail ;
  • Questionnaires sur les relations familles-école ;

Observations

  • Observation de l’utilisation du temps en classe ; Des enseignants mettent au point une grille d’observation des cours, puis s’observent les uns les autres en utilisant cette grille ;
  • L’école ouvre un «registre des besoins», dans lequel les membres du personnel inscrivent les noms des élèves chez lesquels ils ont repéré tel ou tel besoin spécifique ; Les élèves tiennent un journal de leurs difficultés quotidiennes ;
  • « Champ de forces » (On demande aux élèves d’observer, puis de noter les forces qui, dans l’école, s’exercent pour et contre tel ou tel objectif de la scolarité) ;
  • Photo-évaluation (un groupe d’élèves photographie des lieux qu’ils aiment/n’aiment pas dans l’école ;

Epreuves scolaires et Autres

  • Mesure des connaissances des élèves par des épreuves ;
  • mesure de la «valeur ajoutée » par l’école en termes de connaissances scolaires ;
  • Jeu de rôles ;
  • analyse des procès verbaux des réunions parents enseignants ;
  • Analyse de contexte pour visualiser les relations de l’école avec les différents systèmes sociaux qui l’entourent ;
  • Analyser la façon dont l’école est présente dans les média locaux
  • Enquêtes faites par les élèves sur la façon dont l’école est évoquée dans les commerces ou les lieux publics ;

Processus vertueux en évaluation

Il devient intéressant ensemble de faire le tour des méthodes d’évaluation que nous pourrions proposer aux établissements, en guise de « possibles » ; telle ou telle méthode sera d’autant plus efficace que son choix, son instrumentation, son application sera le fait de l’équipe elle-même.

La recherche de la « valeur » (fondement étymologique et éthique de  toute évaluation) conduit les enseignants à regarder autrement, de manière plus analytique, plus questionnante, plus bienveillante, les réalités parfois insondables qui se présentent à eux. En faisant le pari de la valeur, ils génèrent pour eux et pour leurs élèves un processus dynamique et enrôlant qui produit d’ores et déjà des effets par et pour les élèves.

L’évaluation transformée ici en enquête sur la valeur changent nos équipes en enquêteurs sur leurs propres pratiques et sur les effets qu’ils produisent. Des petits pas, des petits recalages ; en régulations progressives, méthodiques, aidés en cela parfois par des accompagnateurs (formateurs, consultants, inspecteurs, agissant non en experts des contenus mais en ingénieurs des méthodes).

Précautions méthodologiques

On dit aussi qu’il ne faut surtout pas casser le thermomètre car il contient du mercure, métal liquide fort nocif pour la santé des humains et la vie en général. La science serait-elle à la fois une chance et un risque pour nous-mêmes ? A utiliser donc avec précaution et discernement[2].

  • Les objectifs et le public doivent être précisés
  • Mesurer et reconnaître l’ensemble des résultats
  • Les indicateurs de performance ne sont pas exhaustifs
  • Ne pas surévaluer les résultats quantifiables aux dépens de ceux qui  le sont moins
  • Mesurer les caractéristiques durables des établissements et identifier des tendances
  • Des indicateurs doivent être largement compréhensibles
  • L’information ne doit pas être collectée seulement parce qu’elle est disponible
  • Les indicateurs doivent prendre en compte des questions de qualité, d’équité et d’efficacité
  • Avoir trop peu d’indicateurs conduit à des difficultés d’interprétation. Trop d’indicateurs tuent l’information.

En savoir plus :


[1] D’après un écrit de l’Université de Bourgogne, sur mais le lien est cassé.,  Extrait de :

« Quelques conditions de succès de l’auto-évaluation d’un établissement scolaire : leçons d’une expérience à l’échelle européenne »  Denis Meuret & Sophie Morlaix (Irédu), Commulication aux Journées d’études « La régulation des systèmes éducatifs »,  Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris, 26-27 mars 2001  http://www.u-bourgogne.fr/LABO-IREDU/1999/99082.pdf (13 p.) – voir aussi les références sur http://crdp.ac-besancon.fr/uploads/media/L_EPLE_L_evaluation_de_l_EPLE_03.pdf

[2] D’après Stoll L., Fink D., 1996, Changing our Schools, Buckingham, Open University Press

Une « autre école », une autre planète (voyage exploratoire)

Le 17 novembre 2010, au collège Aimé Césaire, à Paris,  qu’on aurait pu rebaptiser, pour l’occasion, base de Kourou, une centaine de personnes sont volontaires pour une mise en orbite sur des planètes lointaines dans laquelle les conditions de vie peuvent être radicalement différentes des nôtres. Les voyageurs, venus des quatre coins de l’Académie mais aussi de Lyon, Bordeaux, et même Pondichéry,  ont pour mission de recueillir toutes les informations possible sur la manière dont, dans ces autres mondes, la connaissance s’acquiert, se partage, se transmet, se conserve.

En sont-ils revenus ? Mais d’abord, comment en est-on arrivé là ?

Entre « voyage pédagogiques » et rencontres créatives

VOYAGES – Le projet du voyage nait d’abord d’une tradition du « voyage pédagogique », initié par  de la Mission Académique Innovation et Expérimentation (MAIE), renommée depuis cet automne CARDIE[1], mais s’actualise aussi dans une rencontre.

Notre affiche de la « Carte au Trésor pédagogique » était déjà un « voyage au pays des compétences » d’une équipe ; chaque lieu d’éducation inscrit dans le réseau est conçu pour être potentiellement un lieu de formation partagée ; des séminaires annuels permettent de réunir les équipes autour d’un thème ou d’une question en travail, occasion de rencontres, d’échanges, de réflexion, et de découvertes. Chaque fois, nous faisons le pari de renouveler non seulement l’objet sur lequel nous travaillons (Innovation écriture,  évaluation, expérimentation, développement professionnel ou encore créativité), mais aussi le genre du travail. Nous avons retenu pour cette année le thème du changement en éducation.

RENCONTRES : c’est celle de François Taddei, : la lecture d’une interview de ce chercheur dans un grand quotidien national avait résonné pour beaucoup d’entre nous. Diplômé de Polytechnique et des Eaux et Forêts, François Taddei est devenu biologiste et directeur d’une unité de recherche à l’Inserm. Fondateur du Cri (Centre de Recherches Interdisciplinaires) , il est l’auteur d’un rapport à l’Unesco sur la créativité en éducation.

CREATIVITE – Avec son équipe de doctorants, nous nous sommes engagés dans une démarche créative pour ce temps fort du changement, à partir d’un scénario encore inédit pour tous :

Inviter au voyage – c’est-à-dire ouvrir la réflexion aux changements possibles en éducation, en s’affranchissant dans un premier temps de toute limite, de toute contrainte matérielle, avant d’organiser un « retour progressif sur Terre » et un questionnement sur ce qu’on pouvait rapporter de ce voyage lointain.  Développer chez les participants, toutes catégories confondues, une capacité à la projection, à la vision, à la prospective.

S’autoriser à travailler les représentations pour soi et pour les autres – travailler en confrontation – de sorte à guider son action. Ce registre, dans le domaine professionnel, est un des éléments-clés d’un travail d’équipe efficace dans une organisation apprenante – de même nature que d’autres pratiques plus usitées,  la régulation, l’analyse de la pratique, la démarche de projet. Cette capacité, cependant, est négligée dans l’organisation du travail enseignant, alors qu’elle est valorisée en sciences (c’est la démarche créative de rêverie poétique dont Bachelard, par exemple, et Einstein ont souligné la fécondité).

Partir ensemble loin et s’autoriser

VARIETE REQUISE DES GROUPES – Accueillis dans la très grande et nouvelle salle du tout nouveau collège expérimental Césaire, aménagée pour l’occasion en un grand cercle de chaises sans tables symbolisant la planète Terre, les participants ont reçu, à leur arrivée à la base de Kourou, une carte d’embarquement personnalisée : elle leur indiquait par une lettre la planète qu’ils auraient à découvrir, ainsi que la consigne : « Vous débarquez ensemble sur une planète lointaine et inconnue… où les modes d’être, de relation, de communication peuvent être radicalement différents des nôtres. Vous enquêtez sur la manière dont, sur cette planète, on apprend : acquisition, transmission, partage, capitalisation des connaissances… Votre tâche sera de rendre compte de cette enquête. »

Après une brève présentation de l’organisation et de ses objectifs, , les participants étaient invités à rejoindre leur planète par équipage de cinq personnes, sans se connaitre les unes les autres, toutes d’horizons divers (1er degré, 2e degré, enseignants, non enseignants, personnels de direction…). Distribuées dans des salles du collège, les planètes étaient symbolisées par de petits cercles de cinq chaises, sans tables. Un paperboard était mis à disposition des voyageurs et, en guise de carburant, le café et le thé étaient servis à intervalle régulier dans les différentes planètes.

ENRÖLEMENT DES ACTEURS – Chaque planète disposait d’une heure et demie pour se préparer à rapporter  les modes d’apprentissage, de transmission, d’échange et de conservation des savoirs qu’elle avait imaginés. Des rôles devaient être assumés, relatifs au fonctionnement du groupe, mais aussi à la restitution : ainsi, un « voyageur » pouvait à tout moment quitter sa planète pour aller voir ce qui se passait sur une autre et venir en faire le compte rendu de retour chez lui ; un rapporteur objectif aurait à charge le compte-rendu lors du regroupement en galaxie ; un réacteur subjectif témoignerait, quant à lui, de ses ressentis….

ELABORATION PROGRESSIVE – Au terme de ce temps d’élaboration collective , les planètes se regroupaient en galaxies (trois galaxies en tout, symbolisées par un cercle de chaises sans tables, toujours, d’une vingtaine de personnes). Chaque galaxie disposait d’une heure de temps.  L’animation de chaque galaxie était prise en charge par un doctorant de l’équipe de François Taddei – jeunes chercheurs travaillant dans le cadre du Cri.  On attendait de chaque équipe de voyageurs un récit de son voyage sur sa planète (compte-rendu objectif), un exposé de ses ressentis (compte-rendu subjectif d’une personne du groupe) et la composition d’un court message au grand groupe.

Puis c’était l’heure du retour sur Terre. Les participants retrouvaient la disposition en « planète Terre » (grand cercle) ; on procéda ensemble à une analyse croisée des scénarios du changement : faisabilité, innovation, expérimentation, processus en jeu, ouverture, éclairages internationaux.

La journée s’achevait par des échanges informels autour d’un buffet offert par la Mission.

Pour revenir

DEBRIEFING

Le dispositif proposé aux participants était inhabituel, décalé et pour tout dire, nouveau ; il a éprouvé certaines « résistances » propres à nos métiers et à notre culture propre en éducation.

Surmonter l’étonnement : certains s’étaient inscrits sur le nom de François Taddei, d’autres par intérêt pour le thème ; ils étaient surpris que l’Institution porte un travail de ce type, très éloigné des modèles scolaires et universitaires, et de leur propre représentation d’une journée « académique ».

S’autoriser à imaginer – Une fois à l’étape dite « des planètes », beaucoup de participants ont reconnu leur difficulté à « décoller » : l’imagination peinait à se défaire des conditions qui, non seulement caractérisent l’Ecole en France, mais déterminent l’organisation des d’apprentissage, les modes de vie et de relation entre les êtres vivants sur Terre. Le décentrage demandé était en effet considérable, à la mesure du voyage intergalactique !

Se décentrer – Cette « pesanteur » à se projeter dans un ailleurs lointain et radicalement autre s’augmentait de celle, pour certains participants très investis professionnellement, à se décentrer momentanément des actions dont ils sont porteurs au quotidien.

Assumer un rôle – au sein des « planètes », il n’a parfois pas été facile d’assumer les rôles prescrits par la consigne.  Certains équipages ont joué le jeu de la distribution, d’autres ont fait confiance au « laisser faire » ou encore à « ceux qui savent ».

Accueillir l’étrangeté – A l’étape dite « des galaxies », s’est parfois faite jour la difficulté à accepter l’autre, à écouter l’étrangeté : les participants s’investissaient parfois militants de leur planète avant que d’être accueillants des autres.

Jouer le « passeur » – Enfin, partir d’idées vagues à leur mise en forme recevable par un auditoire – travailler sur la communication de son projet – a parfois posé problème.

TOUS ONT APPRIS

Les impressions recueillies à chaud auprès des participants, ou communiquées plus tard, confirment un sentiment partagé de satisfaction sur divers points :

Identifier la convergence – la découverte d’un dispositif imprévu, favorisant l’imagination et la créativité, articulant des modalités de travail diverses dans des groupes à géométrie variable ; mais aussi la découverte que les préoccupations sur le changement en éducation font l’objet d’une réflexion intense et transfrontalière ; les restitutions des galaxies, en présence de Jérôme Teillard, responsable du DRDIE (DGESCO), ont montré combien les personnels, équipes engagées ou non dans l’innovation, sont prêts ou déjà impliqués dans trois dimensions du travail scolaire[2] :  des modes d’apprentissages plus imbriqués et interactifs entre élèves et enseignants, et partant, une nécessaire réflexion à conduire sur l’organisation scolaire, tant sur les temps et rythmes scolaires, alternatifs au cloisonnement tayloriste en cours, que sur les espaces de l’Ecole, plus variés, plus ouverts sur la Ville.

Parier sur la « fertilisation croisée » : la Mission est fidèle en cela à sa tradition d’organisation de temps de rencontre, d’échange, de partage ; le dispositif choisi pour ce 17 novembre, en ce qu’il abolissait les frontières (entre les disciplines, les degrés, les fonctions) pour stimuler une réflexion plus profonde sur l’école, a sans doute potentialisé les rencontres entre les participants ;

Faire du temps organisé une variable du travail en équipe – le partage d’un temps plein (pas de perte de temps) : parce qu’elle était construite sur un canevas qui imposait un rythme de travail assez soutenu et fortement scandé par les passages d’un groupe à l’autre, mais aussi parce qu’elle requérait de chacune et de chacun un investissement dans la réflexion collective, la journée a été vécue comme pleine, sans temps mort ;

Mesurer l’effet de l’ergonomie dans le travail – le bien-être dans des lieux nouveaux et plaisants : le collège Aimé Césaire, implanté dans un quartier parisien très populaire, offre un espace architectural original et beau, d’inspiration zen.  La  convivialité de l’accueil et de la réception reste un facteur important, toujours souligné par la mission.

Expérimenter pour soi – En outre, la journée a été l’occasion, pour l’équipe du collège Aimé Césaire qui a ouvert à la rentrée 2010 (avec quatre classes de sixième), de tester ses locaux, de découvrir ses partenaires extérieurs : « tout le monde a appris en même temps ».

Et « demain », c’est…

Ce type de journée s’inscrit, à l’instar d’autres dispositifs mis en place, tels que les « mardis de l’expérimentation » ou encore les groupes de formation consacrés à la créativité, à l’étude des organisations apprenantes ou à l’approche heuristique, dans une logique de l’empowerment : une ressource professionnelle pour oser, s’autoriser, collectivement, à explorer, à développer.

En conséquence, pour maintenir le lien, plusieurs suites sont envisagées dès à présent, telles que :

  • La constitution d’un Google group, ouvert, , http://groups.google.com/group/xpedu
  • Des rencontres et des appariements inédits, par exemple entre une école hôtelière et un lycée général à vocation littéraire
  • Le développement de ce type d’activités créatives avec des élèves, pour aménager le cadre spatial et temporel de leur collège
  • La formalisation de méthodes de créativité en éducation qui feront l’objet d’articles, de communications, au titre de l’ingénierie pédagogique déjà bien présente sur le blog de l’innovation

Bachelard nous invite encore une fois : « toute culture scientifique doit commencer par une catharsis intellectuelle et affective »[3]

François Muller et Frédéric Teillard – CARDIE , académie de Paris


[1] A l’instar de la création à la DGESCO en septembre 2010 d’un « Département Recherche et Développement en Innovation et en Expérimentation » (DRDIE) , transversal aux grandes directions, chaque académie reconstruit son organisation en accueillant une « Cellule Recherche et Développement en Innovation et en Expérimentation » ou CARDIE.

[2] Les productions sont visibles sur
http://picasaweb.google.com/fmullewh/PlanetesEtGalaxiesEnEducationNov2010#

[3] in La Formation de l’esprit scientifique, Gaston Bachelard, éd. Vrin, 1938, p. 18

L’expérimentation, ou le passé du futur (1910) ?

L’exposition en ligne de la BNF sur l’Utopie comprend une image de  VILLEMARD qui projette depuis son époque qu’on disait « belle » (1910)  une représentation de l’Ecole qui peut nous intriguer, nous amuser, ou  encore nous interroger.

voir sur http://expositions.bnf.fr/utopie/images/3/3_95b1.jpg

Comme toute prospective, elle peut s’avérer fausse; elle nous  renseigne sur nous-mêmes: ici, le rôle du Professeur dispensateur de  savoir pour des écoliers bien sages, écouteurs en ligne. L’innovation  ne vient surtout pas remettre en cause les schémas mentaux et
l’organisation ou ordre scolaire. Tout ce les TICE sont en train de  faire; mais en l’état, est-ce que 2010 est-il si éloigné de 1910 ?

Invitation au voyage « stellaire » en éducation

A l’occasion de notre Forum de l’Expérimentation organisé le 17 novembre à Paris à l’attention des personnels de l’académie de Paris, nous avons élaboré en collaboration avec le CRI (Centre de Recherches interdisciplininaires), animé par François TADDEI, chercheur à l’INSERM,  une invitation au voyage.

Des petits groupes à la composition mixte et variée, reçoivent une « carte d’embarquement » avec la consigne suivante :

« Vous débarquez ensemble sur une planète lointaine et inconnue… où les modes d’être, de relation, de communication peuvent être radicalement différents des nôtres. Vous enquêtez sur la manière dont, sur cette planète, on apprend : acquisition, transmission, partage, capitalisation des connaissances… Votre tâche sera de rendre compte de cette enquête… »

« Une autre planète », d’abord des rôles à prendre (pour apprendre)

L’objectif dans cette projection stellaire est aussi de réintégrer dans la sphère de la formation les dimensions non scolaires, non formelles pour les jeunes. Engager à une projection « votre école dans 20 ans, comment la voyez-vous ? » permet  par technique de prospective  de s’autoriser une prise sur les réalités, en faisant abstraction des contraintes actuelles. Une technique, comme une autre, de se donner un cap, le plus sûr des réflexes quand on veut aller (plus) loin.

En commençant déjà en petits groupes, il s’agit déjà de montrer qu’il est possible de s’organiser en petite société, de réflexion, d’apprentissage et d’acquisition de connaissances ; des rôles peuvent alors être pris : celui d’organisateur des relations à l’intérieur de la classe, à l’extérieur ; mais aussi celui de transmettre des savoirs dans les conditions les plus ajustées possibles, de faire retravailler des choses venant d’être vues.

Il  y a bien d’autres façons de faire que la situation magistrale et parfois archaïque ; il s’agit de penser alternativement et non mécanique, mais prendre appui sur un modèle vivant, multicellulaire, amené à constituer des moments, des organes, sur un mode biologique. Envisager aussi les rôles de communicant entre les groupes (sur le mode de la communication rotative) ; il existe d’autres manières : par exemple, l’enseignant fait un topo puis P/M (nombre de personnes/nombre de minutes), par exemple 5 mn par perso,, puis réaction d’une minute par personne. Ou encore sur un modèle américain, de Philip (groupement hétérogène de 2 bons, 2 en difficulté), ou encore sur la construction de 6 X6. Le rôle de porte-parole est alors pris pour penser la communication aux autres groupes au moment du regroupement.

Nous avons aussi retenu le principe  de la variété de la composition par décimation, ou par tirage au sort. Comme le principe de la variété des rôles (à indiquer sur le tableau de salles : multiplicité de rôles indicatifs, avec une permission de souplesse en fonction). Les interactions peuvent être visibles symboliquement, d’où le rôle des dessinateurs des propos. L’explicitation des actes, l’attribution de rôles à des personnes permettent de donner une réalité au travail du groupe.

Ces petits groupes seront réunis dans une seconde phase en « galaxie » composée de cinq groupes ; Comment dominer la difficulté d’un trop grande nombre d’informations ou remontées des grandes ?  Insister sur un MESSAGE ou sur une DEVISE : prendre des idées de façon rassemblée, comme par exemple le ballon, le ballon (un guidage qui permet authenticité des choses) ; il convient dans ce cas de faire son deuil de l’exhaustivité.

Participer activement et collaborativement à l’analyse de son propre cadre

Le message peut être libre, ou encore en préparant quelques rubriques. Nous y reviendrons la journée passée .

Finalement, le dernier message pourrait être sur la métaphore du VELO : qu’avons-nous à éclairer, quels sont les points d’appui ? Comment percevoir le cadre du travail. ? Sur quoi faire porter l’’effort ? Qu’est-ce qui a nous soutenir ? Comment utiliser les possibilités  de l’environnement ?

Dialogique, ou changer de point de vue

Cette invitation au voyage, au déplacement métaphorique et tout professionnel peut sans doute faire apparaitre des contradictions apparentes, parfois évidentes, entre notre perception et nos projets (du latin, se projeter). Sommes-nous capables, le voulons-nous ?, de penser ensemble ce qui parait contradictoire ?

L’apparition du concept de dialogique[i], selon Edgar Morin, nous permet de nous confronter à des situations dont les réalités nous paraissent divergentes et opposées, mais qui se nourrissent aussi l’un e de l’autre. De la même façon, notre Ecole est faite à la fois pour le développement des personnes dans leur individualité, mais en même temps, une pression vers l’altruisme et la rencontre des uns et des autres ; ainsi, une poussée vers un projet de l’instruction, comme aussi un projet d’éducation pratique et vivre en société. Une dialogique de la civilisation qui nous apporte des moyens (matériels, sécurité, logistique), mais aussi opposée à elle, une autre logique de la Culture (ce qui permet de s’accrocher personnellement et collectivement dans la société).

Identifier ces dialogiques dans notre monde peut être aidant pour nos métiers et structurant pour comprendre les enjeux de notre temps :

p. 45 dans « Pour l’honneur de l’Ecole »


Cela permet de revenir à des choses moins cassantes et scindées ; en faisant attention aux incertitudes et aux approximations de chaque proposition. C’est le cas pour les sciences, tenté un moment par le scientisme immodéré. En acceptant le complexe, en tolérant l’approximation comme une méthode scientifique tout à fait valable, ainsi que Carl Rogers le signalait, l’approche, mais on ne saisit pas complètement les choses ; on tâte, on palpe, mais on n’écrase ni les idées ni les êtres.

Retour à nos réalités contemporaines, plusieurs modalités sont possibles

–          « cherchez l’erreur » : si en sciences on ne remet pas en cause sa démonstration, son écriture, on ne pourra jamais rien trouver ; la science s’est construite souvent par les erreurs réalisées. Par exemple, Davisson et Germer  en abimant le miroir ont découvert la diffraction des électrons ; c’est dans la brisure que la nouveauté apparait. L’erreur est pensée comme une source du progrès, et permet d’éviter l’enfermement.

–          Tester  la « reliance » (d’après Paul Bolle de Bal) : ce n’est plus la dissection cartésienne, mais des dialogiques, des rencontres inattendues dans des champs de savoirs connexes avec des gens non conformes. La compatibilité entre les personnes doit être rendue possible pour varier les interactions et la variété des combinaisons entre ces éléments de nature variée.

–          Trouver le « bon » clinamen, l’interstice, le possible changement, souvent impensé, souvent comme « allant de soi », pour s’autoriser à de petits décalages qui permettent de grands changements plus durables. Sinon, tout est impossible.


[i] La dialogique d’après Edgar MORIN :  in « Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Paris, Le Seuil, 2000 : par exemple « La recherche d’un avenir meilleur doit être complémentaire et non plus antagoniste avec les ressourcements dans le passé » «Une définition courte : «  Unité complexe entre deux logiques, entités ou instances complémentaires, concurrentes et antagonistes, qui se nourrissent l’une de l’autre, se complètent, mais aussi s’opposent et se combattent. A distinguer de la dialectique hégélienne, extrait de l’Identité humaine,

Le socle commun ou la métaphore de la forêt

D’abord un conte en guise de promenade automnale

« La lisière d’une belle forêt allait être ouverte à des visiteurs. Il fallait compter une quinzaine de jours normalement ou en gros pour la traverser. Mais pouvait-on laisser s’aventurer des personnes dans son univers, inconnu pour elles, même s’il s’agissait d’une forêt européenne, sans les munir de quelques informations et d’un savoir-faire idoine ? Et sans se prémunir contre des risques éventuels de poursuites juridiques en cas d’accident dans leur traversée.

Des experts élaborèrent donc,a près de nobles disputes et de mutuelles concessions, un Programme de formation. Celui-ci par souci didactique était formulé dans les termes chaleureux et convaincants que voici :

« Vous allez traverser une très belle région boisée. Notre souci est de vous aider à retirer de votre parcours, si vous êtes seul, les meilleures expériences et la découverte du plus grand nombre de savoirs, tout en vous sauvegardant de certains risques éventuels.

Sur ce dernier point, comme vous le vérifierez sans peine, qui dit forêt, dit arbre et donc racines. Il n’est pas invraisemblable que, parvenu en huit jours au beau milieu de la forêt, vous butiez malencontreusement sur une racine et que vous vous cassez votre jambe gauche. Il est pas possible de vous laisser subir une telle éventualité sans secours. En conséquence, notre première intervention de formateur va être ici même de plâtrer votre jambe gauche, d’avance par précaution.

Dans le même esprit, il nous faut aussi faire l’hypothèse que vous puissiez vous sentir indisposé ou malade au milieu de notre forêt. Il importe que vous puissiez, en votre solitude, trouver la nature de votre mal. A cet effet, nous allons placer dans votre sac un dictionnaire médical Larousse. Et comme vous le savez, dans le risque des termes médicaux trop habituellement incompréhensibles, nous ajouterons, à votre disposition, un Robert en sept volumes. Mais comme l’a soutenu avec force un de nos experts, on ne peut se dispenser de placer aussi un Littré en cinq volumes pour vous aider à en savoir le sens dans votre sac. Comme cela, nous serons sûrs d’avoir fait tout ce qu’il vous fallait en vue de votre équilibre sanitaire au cours de votre progression dans la forêt.

Au fait, en celle-ci, il peut y avoir des mares, et par suite, des moustiques qui vous assaillent. A défaut d’abri pour la nuit ou le jour, il nous est apparu, comme plus simple solution, de vous enduire le visage et les mains, voire les genoux, d’une excellente pommade par laquelle vous serez protégé. Voila qui est effectué sans délai avec le plâtrage de votre jambe gauche.

Votre sécurité ainsi assurée, continuons le déploiement modeste de notre Programme. Nous connaissons vos soucis culturels. Il nous importe donc de pouvoir vous procurer une bonne connaissance de la variété de tous les arbres des forêts modèles, telles que les forêts australienne et amazonienne, afin que vous puissiez faire d’intéressantes comparaisons, notamment en raison des différences de météorologie avec l’Europe. Il nous a aussi paru utile de joindre, à ces données scientifiques, un cours précis sur les climats de toutes les régions de notre planète ainsi que sur la problématique actuelle relative au trou d’ozone.

Vous allez pouvoir de suite commencer votre saisie de ces connaissances, dans le mois qui vient, afin que nous puissions vérifier leur parfaite acquisition ; l’enseignement, comme la noblesse oblige.

Au cours de votre studieux et agréable apprentissage, s’il vous vient l’idée d’un savoir non encore présent dans notre Programme, nous nous ferons, en débonnaire pédagogie, un devoir de vous mettre en condition optionnelle afin de l’obtenir.


Ceci posé, vous ne pouvez ignorer qu’actuellement se déplacent, au voisinage de nos forêts, en Europe, des cirques avec des ménageries. Il est hautement vraisemblable que vous puissiez vous trouver nez à nez avec un lion ou un tigre (le romancier humoriste Jérôme K. nous avait bien dit : «  there is a lion in the way ». Mao en avait déduit que c’était des tigres en papier.

Voire, comme nous en préviennent les médias, qui auraient échappé à leurs gardiens. Nous ne pouvons vous laisser dedans cette perspective sans armes ni défense. Un expert médiéviste, consulté, nous a offert un boulet de pierre qui a servi mémorablement à la destruction d’un château fort ; nous allons le placer dans votre sac. Bien sûr, vous ne disposeriez pas d’une quelconque bombarde ni d’un savoir-faire pratique de son emploi,  mais, votre culture générale aidant,  nous sommes certains que vous saurez faire bon usage de ce beau boulet.

Au surplus, soucieux des techniques et des technologies les plus modernes, nous plaçons également, sous vos yeux, dans votre sac un obus de canon de 105 sans recul, sûrs là encore que vous saurez en faire un bon emploi offensif, associé à celui du boulet de pierre.

Ceci posé, maintenant que vous avez acquis les connaissances fondamentales et que vous disposez d’un bagage très conséquent dans votre sac, il importe de se préoccuper de la restauration de vos forces au cours des quinze jours de votre traversée. A 4000 calories par jour au minimum économique prévisible, cela fait 60 000 calories qu’il vous faut absorber de suite sous notre contrôle vigilant.

Maintenant, nous sommes sûrs que vous êtes convenablement préparés et formés ; nourri et protégé, sûr du contenu de votre sac, plâtré et bien enduit de pommade : bon voyage alors dans notre forêt. Cognitivement vôtre désormais. »

extrait de


Transposons

Ce que cet apologue de la forêt, ainsi que la fable des animaux précédente dénoncent aimablement, c’est notre propension nationale à conjuguer ensemble, et radicalement, une standardisation (les mêmes cursus et contenus pour tous) et l’encyclopédisme (ne rien laisser ignorer par chacun).

Selon nos vœux et valeurs communes, chaque élève est censé, quel qu’il soit, tout savoir, acquérir et pratiquer d’un « vaste programme », comme aurait dit le Général de Gaulle à propos de l’éviction des gens bornés, qui ne cesse généreusement de s’étendre et par rapport auquel chaque enseignant doit tout faire travailler à tous sur un niveau rigoureusement égal (ou plutôt identique) pour tous : et donc, au plus haut, par nationale et marseillaise fierté, Allons, enfants…. Le jour de gloire…

Et dès lors, si belle et réputée est notre offre de programme, pourquoi se soucierait-on des différences entre les élèves ? Les animaux distinguaient-ils entre le canard, l’écureuil, l’aigle, le lapin et l’anguille ? Et n’excluaient-ils pas noblement taupes, blaireaux et sangliers débiles ? Leur serions-nous inférieurs ? Que non pas ! Tous à la même toise !, ironisait Léon Blum en déportation. De même, pourquoi se soucier des différences, dans les libellés des programmes et enseignement des connaissances.

Dans notre imaginaire collectif, notre projet légal, républicain, ne doit en conséquence souffrir aucune dérogation aux exigences de savoirs et savoir-faire dûment identiques et compactés. Ce qui serait, sous peine de meurtrir notre dessein historique, dévolu à l’absolu, décliné en langage radical, en centralisation,, en jacobinisme éclairé, en normalisation supérieure assenée (ah, ENS !)

Alors, qui se préoccuperait des talents divers de nos élèves, de leurs différences de santé ou d’origine, de leurs marges d’handicaps ou de leurs aptitudes, de leur style différents de mémorisation, de leurs goûts et a fortiori de leurs besoins et de leurs motivations. Qu’ils apprennent…(perinde ac cadaver[2])

[2] « Comme un cadavre » : Saint Ignace de Loyola fit de ce mot la base de la discipline de son institut. Il voulut faire entendre par là que les membres de la compagnie de Jésus doivent être soumis aveuglément aux volontés de leurs supérieurs, sans opposer plus de résistance qu’un cadavre. Il est juste d’ajouter que cette obéissance passive n’était pas aboolue ; le fondateur y avait mis cette restriction : In omnibus ubi peccatum non cerneretur? dans toutes les choses où l’on ne voit pas de péché.

Il est « républicain » de se détourner des modalités d’une « pédagogie différenciée ». qui tiendrait compte des différences entre les individus. Et il ne doit pas être possible de nous laisser inquiéter, au nom de la démocratie, (par un souci de « pédagogie personnalisée », invoqué par un ministre devant l’opinion.)

Il faudrait se boucher les oreilles aux sirènes qui voudraient nous faire croire à la  juste liberté pédagogique de tout enseignant ; qui lui conférerait le droit et la responsabilité de choisir, afin de faire trouver en son accompagnement, et avec l’entraide des camarades à chaque élève, le terrain, les connaissances, les chances de réussite, les possibilités de son approfondissement personnel : pour condition qu’ait été construit et acquis le socle commun à tous, avec le temps et l’organisation des classes idoines. Devrait-on se préoccuper d’une orientation des élèves ?

Et bien oui, osons démocratiquement dire que le programme ne saurait se réduire à une standardisation des données indispensables pour participer à une civilisation et y trouver sa place individuelle. De même, il n’est pas non plus l’extension indéfinie de connaissances touches à tout, ni de faire subir aux élèves le risque de surcharges et d’un brouillage des « lumières » qu’une culture est destinée à leur apporter.

Mais regardons encore le programme dans l’esprit de ceux qui les rédigent, ne serait qu’en socle.

Il souligne qu’on ne peut  s’en remettre donc au seul appui sur des experts (« les experts font des impairs »), qui n’ont de souci que d’amplifier la surcharge.

Car le caractère de surcharge signale des ambitions pseudo-enclycopédiques et même contre-encyclopédiques. Il faut choisir ! Un socle alors ?

En contrepoint du rapport Thélot : l’idée de socle, équilibrée par celle d’options, est bonne comme sur le modèle anglo-saxon : au minimum, acquérir des connaissances « ordinary » ; puis des « advanced », le tout simultanément pour se développer sur une ou plusieurs disciplines par lesquelles on tâte son orientation, on essaie de se projeter,  on élabore des projets originaux.. Il s’agit bien d’organiser la diversité des parcours. On ne peut exiger des approfondissements sur tout et pour tous. Il faut aider chacun à composer et à projeter le sien.

Sous leur inertie, les savoirs se rigidifient en réalités déterminées et figées, ce que symbolise le plâtre. On s’éloigne de la connaissance (naître avec) vivante. La notion de « contenu », par définition laisse de côté le « contenant » et la synthèse des savoirs à réaliser en combinatoire.

Mais notre fable souligne l’utilisation exagérée l’alibi culturel. Celui-ci permet trop souvent de mettre en avant la formation d’un esprit critique défensif, fermé à tout dialogue, à toute lecture. On met en défiance. C’est la dérive de la  notion de critique : suraccentuer des limites,  des difficultés, au lieu de s’exercer à faire émerger des choses essentielles.

Mais les medias attirent l’attention vers des données négatives : défensives, « négatrices » comme le signale Ardoino et destructives des motivations. Ces négations apportent des prétextes à  des lourdeurs des précautions prises.

Avant tout programme, c’est l’état d’esprit initiateur qui est en cause, forcément suspicieux.

On peut leur reprocher un faux souci de modernité (« l’obus de 105 » de notre apologue), sans réfléchir à mettre en relation vraie les individus avec ce qui se fait effectivement dans la société.

On remarquera aussi la toute petite part d’ajout personnel au programme, concédé (exemple de la consultation des élèves qui a donné les TPE, supprimés pour les Terminales intempestivement en 2004.

La fable ironise finalement sur l’excès d’une formation antérieure abstraite, refoulant le projet d’une formation en marchant (expression de Machado) ; où la connaissance scientifique s’élabore « la main à la pâte ».  Faire regarder les fruits et les champignons, prendre des précautions eut été peut-être adéquat, pertinent dans l’immédiat !

Mais les programmes cherchent trop souvent à transmettre des connaissances non immédiates, décalées des réalités, et non opérationnelles, non mobilisables sur les besoins ressentis, avec des tendances archaïsantes permanentes.

On peut remarquer également l’absence d’une recherche de l’orientation ; pas de « carte », pas de « boussole » !: que faudrait-il dans notre système éducatif pour réguler les cursus des élèves dans leurs différences ?

Identifions les « noms » de nos changements et éclairons nos choix nationaux

Revenons ( et nous reviendrons encore) à des considérations relatives à la culture et au « socle commun », porté par la Commission Thélot, puis par la Loi pour l’Avenir de l’Ecole en 2005,  puis mollement promu par l’Institution, au point que le Rapport Grosperrin de l’Assemblée nationale en 2010 rappelle le Ministère et toute la structure hiérarchique à ses propres obligations et aux nécessaires évolutions non seulement de contenus, de structures, d’organisations, mais encore de cohérence interne !

Texte  de compromis entre plusieurs instances, traduisant des rapports de force  de quelques lobbies dsiciplinaires, ou parfois professionnels, , à la fois de portée générale, et d’application particulière et contextuée (le propre de toute compétence), d’inspiration nord-européenne, il ne trouve pas le consensus au niveau local, faute de débat contradictoire, faute de conceptualisation sans doute, faute de relais vrainsemblablement.  Nous aurions les outils et les techniques, mais peut-être pas les hommes et les femmes aux compétences requises pour  les manier.

Dans toute « conduite du changement », puisque que cela en est un, un vrai, la première clef est d’en analyser la portée; serait-ce un simple réglage, ou plus, une réforme, parmi d’autres; pour que cela change et que rien ne change; serait plus avant une restructuration de notre système; irait-on au degré 4 du changement, une refondation ?

Selon la réponse, assumée par l’institution, l’accompagnement du changement devrait être différent; si on fait passer l’approche par compétence et l’application d’une culture commune comme une réforme, les considérations , les domaines visés et les acteurs mobilisés le seront comme dans toute autre réforme; les expériences anciennes ou encore trés récentes en la matière nous invitent à beaucoup de relativité, de précaution et de questionnements sur les potentiels du changement de nos écoles et de nos établissements en la matière. La mobilisation est molle, les circuits d’information et de relais institutionnels fonctionnent sans conviction marquée, et rien ne vient requestionner l’ordre des choses, ni les équilibres des forces (en termes par exemple de personnels, de compétences, de statuts, mais aussi de moyens horaires, de DHG, de quota par disciplines etc…).

Si aprés analyse partagée, vous pensez que cette démarche plutôt alors d’une franche restructuration, voire d’une refondation, alors, franchement, assumons-le, permettons à tous les acteurs de s’approprier les concepts, les enjeux, le sens, pour qu’ils puissent bouger localement, site aprés site, leurs cadres, reformuler des hypothèses d’organisation, envisager des scénarios alternatifs, tester et expérimenter des modes de validation et de certification; donnons-leur les moyens (non pas tant financiers) conceptuels, intellectuels, professionnels, de s’approprier, collectivement et intercatégoriellement, de modifier leur voilure;  quand en Ecosse, en Angleterre, en Finlande, mais aussi en Nouvelle-Zélande, des pays, des régions, ont désiré changer les contenus d’enseignement, les objectifs de formation, ils ont assumé pleinement la restructuration de leur fonctionnement, à tous les étages de la maison, et d’abord par le haut, en forces d’accompagnement au changement, en quadrillage des territoires, en confiance exigeante manifestée auprès des acteurs collectifs, établissement, équipes, enseignants. (voir le dispositif écossais sur le site de l’ESEN).

En France, nous différons, nous patinons, faute sans doute d’assumer les changements de culture, de structure, de métiers, en inertie, ou en résistances, quand les diagnostics, les analyses internes (IGEN, HCE, rapport Grosperrin) et externes (PISA) sont bonnes.  Faut-il que les enjeux soient forts et les risques tellement élevés pour que les résistances soient proportionnées ? Ces indices témoignent à eux seuls qu’il ne s’agit pas que d’une réforme.

Pour rassurer les personnels et acteurs de ce système, il conviendrait sans doute d’avoir une politique de communication vraie, de questions et d’implications, comme cela est dû à tout acteur responsable, professionnel, en capacité de faire des choix raisonnés, , plus que de minimisation et formalisme qui conduisent les équipes à chercher l’impossible résolution du cercle et du carré, ou encore, pour reprendre la métaphore de la randonnée dans la forêt, à s’alourdir de sorte à rendre impossible tout autre mouvement.

Reprenons alors le début de l’histoire: vous êtes à la lisière de la forêt : quelle serait la carte, quelle serait votre boussole ?

Recherche et développement professionnel, du « nouveau » dans l’éducation ?

La reconfiguration de l’organigramme de la DGESCO au Ministère de l’Education nationale en cette rentrée 2010 fait émerger un novueau « Département Recherche et Développement Innovation et Expérimentation », placée directement aux côtés du Directeur, et en supervision ou en transversalité des deux grandes autres directions. D’une certaine marginalité au centre de décision ?

Quelle interprétation peut-on en tirer au regard de l’histoire institutionnelle  de l’innovation dans l’Education ? Nous avons en libres propos échangé avec André de Peretti, qui avait été à l’époque consulté sur cette première « innovation » dans l’Institution.  Une reconnaissance, un pari, un métier ….


De I’innovation, première formule en 1994 ….

En 1994, création d’une sous-direction ministérielle chargée de la valorisation des innovations pédagogiques. A cet effet était placé auprès de chaque recteur un délégué académique à l’innovation. Et des comptes rendus importants, diffusant les procédures et les résultats d’innovations réalisées dans les établissements étaient en conséquence publiés dans chaque académie. L’encouragement, l’animation des initiatives, souvent associées à des recherches ou prolongées par celles-ci, s’avéraient et s’avèrent indispensables à la santé des corps enseignants.

Quoi qu’en pensent certains, la pédagogie, au cœur de l’acte d’enseignement, est l’art de la fraîcheur et du renouvellement pertinent ; elle est aussi l’expression d’une responsabilité créatrice. Et sa réalisation innovante a été soutenue par les enseignants français, sur le terrain. » Extrait de André de PERETTI, Pour l’honneur de l’École, Paris, 2000, p.165

Le titre originel était « innovation pédagogique et valorisation des réussites » :  le principe d’origine était fondé sur « valorisation » :  que soit positivement sanctionné une action, un dispositif,  de manière à mettre l’accent sur la réussite, plus que sur une sanction évaluative.

On retrouve ce principe chez  Lena ou  Charpark, à l’occasion de leur dispositif «  la Main à la pate »: faire que les jeunes puissent être en état d’expérimentation et de réalités innovantes, et non pas en mode d’action répétitive, de mots, de définitions, de syntaxes. La pédagogie répétitive existe et produit des résultats, mais pas ce n’est pas nécessairement  le seul mode possible ;  Alain nous le signalait déjà en 1931 dans ses « Libres Propos » en différenciant savoir et savoir, en mettant au centre de l’apprentissage l’observation, le doute, l’analyse et la démarche expérimentale.

Ce symbolisme de la liaison entre innovation et réussite était déjà très fort. Le dispositif dans les académies a vécu différemment en fonction des hommes et des femmes qui ont pu ou ont su le faire vivre, avec le soutien du haut encadrement ou parfois malgré les ruptures constatées.

…. A la mutation en 2010 :  en DRDIE

Créer un Département de RECHERCHE parait un signe intéressant. Le MEN était antiquement intéressé par la recherche, en 1970 (INRDP) , puis en 1976 (fondation de l’INRP). Mais la dominante du Ministère était plutôt de réguler plus que de chercher des perspectives d’adaptation continue d’une réalité de la vie scolaire et universitaire ; c’était une « administration » dominante et de gestion immédiate et non de regard sur l’avenir.

Le mot de Département et de RECHERCHE parait tout à fait opportun : les institutions sont obligées d’être en situation de recherche du changement, quand les évolutions sont de plus en plus intenses. C’est une honnêteté : oui, le MEN soutient de la recherche et ne reste pas étranger aux initiatives des chercheurs. L’INRP est certes repositionné dans le supérieur et situé à Lyon, quand la France reste colbertiste, si ce n’est dans les faits, au moins encore dans les esprits. L’enjeu est sans doute une redistribution de la recherche, une liaison plus étroite entre la sphère politique et les acteurs locaux. La Recherche doit se faire plus partagée en irrigation des politiques et des pratiques des personnels.

Avec la notion de DEVELOPPEMENT, l’idée d’une réalité rigide ou statutaire évolue enfin dans une perspective tout au long de la vie, pour toutes les catégories d’acteurs, élèves comme adultes ;  le développement des techniques et des sciences engendre un besoin d’une formation de plus en plus développée, affinée, cela suppose une réflexion au cœur du MEN.

A plus court terme, il y a le besoin que soit encouragé dans les établissements, dans les écoles ou ailleurs encore à ne pas être uniquement des lieux de répétition  mais des lieux de développement d’innovation. L’innovation est indispensable dans un système d’apprentissage ; Charpak invitait à innover et expérimenter. Ce couple est dialogique :  à la fois une expérimentation de choses déjà faites, reprise de pratiques et de conception antérieure, ET une innovation qui permette de s’adapter à une situation pas toujours prévue dans la totalité des cas.

R&D et innovation

Dans le langage courant, la confusion entre la recherche et développement (R&D) et l.innovation est fréquente. Pourtant, ces deux notions correspondent à des réalités différentes qu.il convient de distinguer précisément, en particulier s.il l.on veut mesurerces deux phénomènes afin de soutenir leur mise en oeuvre séparément ou simultanément. Ainsi, la R&D s.inscrit en amont de l.innovation ; elle constitue sa source principale. Elle est définie par le manuel de Frascati (OCDE, 1993) comme l.ensemble des « travaux de création entrepris de façon systématique en vue d.accroître la somme des connaissances. »

En aval de la R&D, l.innovation s.apparente, quant à elle, à la mise au point d.un service, d.un produit ou d.un procédé nouveau. Néanmoins, l.innovation n.émane pas toujours des efforts de R&D. En effet, elle peut également avoir pour origine l.apprentissage par la pratique, l.imitation ou l.achat de technologie.

Par ailleurs, l.innovation peut tout simplement correspondre à l.adaptation d.un produit existant à un nouveau marché (la bicyclette qui se transforme en « vélo tout terrain ») ou au repositionnement d.un produit sur un segment de marché différent (commercialisation à destination des mamans des shampooings pour bébés). L’innovation peut alors s’appuyer en partie seulement sur des travaux de R&D.

Enfin, une entreprise sera également considérée comme innovante si elle s.approprie un procédé ou met sur le marché un produit / service développé par une autre entreprise ou un autre organisme. Au préalable, elle n.aura alors mis en oeuvre aucun travaux de recherche et développement.

Extrait de http://cisad.adc.education.fr/reperes/telechar/ni/ni0255.pdf , Note d’information, NOTE D’INFORMATION 02-55, source MEN

La dialogique[1], combinatoire plus qu’antagonisme, entre innovation et expérimentation

Ne réduisons pas par des identifications réductrices des manières de faire, d’enseigner ; quand on expérimente, qu’est-ce qu’on va garder, et aussi changer ? Tenir compte des variétés de situations, de moyens, de moments ;  le mythe identitaire détruit les possibilités d’équité et de justice, et tue la variété requise.

Cette dialogique entre innovation et expérimentation permet de comprendre d’une part la rigueur scientifique dans l’expérimentation, mais aussi la capacité d’innover en s’appropriant les données, en ajustant. L’innovation vient s’opposer à ce qu’il y a de répétitif ; et l’expérimentation vient s’opposer à l’innovation en demandant de tenir compte des savoirs acquis, il faut tenir compte des expériences passées. C’est une déontologie du métier d’enseignant, comme pour notre organisation toute « nationale ». La dialogique ainsi comprise permet de sortir d’un vieux débat entre conservatisme et nouveauté. Apparait de même la vieille tension entre Jacobins et Girondins : un besoin d’harmonisation nationale et d’autre part, un devoir d’ouverture et d’interactions au niveau local.

La Loi pour l’Avenir de l’Ecole en 2005 comprend un étonnant « droit à l’expérimentation » (article 34) reconnu aux équipes, quand la démarche d’innovation est forcément locale, située. Cela avait été une ancienne revendication des mouvements pédagogiques il y a plus de vingt ans, repris par le feu CNIRS en 2000; elle reconnait désormais que dans le cadre nouveau (et européen) du Socle commun pour les élèves, dans cette nouvelle organisation du métier (référentiel du métier enseignant, 2007), il devient stratégique de repenser l’organisation du travail au niveau local, dans ses spécificités, ses richesses, ses contraintes, variables d’un lieu à l’autre.

L’équilibre est ente le besoin de fédération et la nécessité de variété ; il faut imaginer des souplesses et comprendre que le besoin d’originalité en chaque élève, en chaque enseignant soit consolidé par un besoin de reconnaissance mutuelle.  Les corps d’inspection doivent être plus soutien des aspirations qu’impliquants des modélisations de leur choix.  Un accueil des idées, des originalités des décisions prises, et un équilibre avec d’autres expériences.  Ce sont d’autres postures, et derrière elles, d’autres compétences pour assumer cette fonction.

Autour du concept de  développement, la métaphore biologique

Dans le registre biologique, le concept de développement est riche : pour faire advenir un être nouveau , combien de mises en relation, en interconnexion d’éléments différents, puis des fragmentations d’ensemble qui se recombinent pour aboutir à une réalité biologique d’une grande complexité.

C’est un processus dynamique, très évolutif et mutant. Il suppose la simultanéité d’une croissance de vie avec une mort nécessaire : les cellules meurent pour que le corps vive ; c’est le processus d’apostose ; les choses peuvent être changées et remplacées. Ce concept est important pour étudier le cancer par exemple.  Le cancer, ce sont des cellules qui auraient du accepter de mourir mais qui persistent à vivre en se développant dans l’organisme.

Toute organisation sociale est vivante ; où rien n’est éternel (cf. Paul Valéry).  Dans notre administration, la tendance à la bureaucratisation peut être assimilée à une sorte de cancer comme la dégénérescence du pouvoir, sa rigidification qui provoque cette désorganisation. L’application stricte et répétitive, à la lettre, exprime ce phénomène ; mais la mesure et le bon sens sont des réalités plus vivantes, avoir le devoir de faire des choix, et éviter l’automaticité qui dénie la responsabilité. Le développement est le meilleur garant contre le mythe bureaucratique.

Autour du développement professionnel

Le développement professionnel est lié à l’évolution de la nouvelle civilisation ; la notion de profession doit être honorée, et son développement mis en exergue ; en France, la notion de profession n’est pas toujours considérée positivement. La formation professionnelle des enseignants est encore mise à mal, dans une institution dont c’est pourtant le cœur de métier.

Dans l’Encyclopédie au XVIIIème s, comme la  notion de profession fut interdite à la noblesse,  cette interdiction s’est étendue partout ; d’après d’Alembert : « « La société en respectant avec justice les grands esprits qui l’éclairent ne doit point avilir les mains qui la servent ». « C’est peut être chez les artisans qu’il faut aller chercher les preuves les plus admirables de la sagacité de l’esprit, de sa patience et de ses ressources ».  (discours préliminaire de l’Encyclopédie).

Nous sommes issus et pétris de cette culture, d’une orientation d’échec plus que d’une culture de la promotion des talents et de tous les talents !  Il n’est pas innocent que ce concept se soit plutôt développé dans le monde anglo-saxon plutôt que français. Il est ainsi très en vogue en Australie, en Nouvelle-Zélande ou encore au Québec francophone, mais très nouveau et décalé encore en France.

La mise en relation entre des savoirs, entre des collègues, entre différents mondes, entre différentes pratiques, cette combinatoire systémique et complexe participe du développement professionnel ; c’est une des clés du succès des réformes. (cf. Helen TIMPERLEY, 16 décembre 2010[2]),

Ambivalence et incohérence du monde, continuité du changement

Il nous appartient d’accompagner ce changement de culture, de registre linguistique, de références professionnelles dans notre univers marqué encore d’inerties, et construit sur d’autres pré-supposés. Dans un moment objectivement difficile, dans un mouvement tourbillonnant : crise financière et internationale, crise de l’Etat, ce sont des moments aussi importants pour penser le développement des jeunes et de leurs cadres.

Il ne s’agit pas de précher la cohérence d’un système, mais bien plus d’entrer en analyse d’une certaine complexité des changements, de déceler les incohérences des systèmes et sous-systèmes (voir la conférence en vidéo de Roger-François Gauthier, ESEN[3]), d’en décrypter les mécanismes pour aussi en dégager des moyens et des marges de manœuvre. Les mouvements sont d’autant plus importants que l’inertie l’a été de son côté, en effet de rattrapage quasi –sismique.

Un message aux  hommes et femmes  du réseau des « CARDIE »  et à la DRDIE

Dans chaque académie, des missions, des directions se restructurent sous le nom de CARDIE (cellule Recherche et développement en innovation et en expérimentation) ;  elles  sont porteurs d’une bonne nouvelle, d’une piste de recherche, d’une chance de développement, et d’une foi rassurante sur les expériences passées, présentes et futures. On le rappelle étymologiquement CARDIE, c’est être « proche du cœur ». C’est rappelé que dans la science des organisations, tout innovateur reste malgré tout un « marginal séquent » ;

Le souci n’est pas seulement  politique, mais aussi scientifique de penser les différents problèmes soulevés,  en fonction de vues d’idées nouvelles, sollicitées comme choix possibles et non d’obligations, de directions à prendre.

Puissent-ils tenir compte de ces deux dialogiques : entre innovation et expérimentation, chacune régulant l’autre ; et pus entre le monde fédéré nationalement et les possibilités locales, en bonne articulation :

Ces collègues pourront viser aussi à la plus grande responsabilisation de tous les acteurs ; l’innovation est un mobile de responsabilité toute professionnelle, et non de dépossession.  La responsabilisation préserve de la dépossession de soi et de la « machinisation » de la personne, de l’institution ; être en situation de choix professionnels, de coopération, et d’adaptabilité face aux incertitudes et aux urgences de l’environnement proche (ou de la « communnauty » à la manière anglaise).

Les qualités et compétences requises pour ce dispositif et ce nouveau métier pourraient être :

–          Un engagement sur des expérimentations déjà éprouvées, en liaison avec des organismes et/ou des associations

–          Une ouverture intellectuelle,  et un éclairage interdisciplinaire

–          Une connaissance relationnelle, professionnelle des membres, des réseaux, locaux, nationaux, et à présent internationaux

–          Une analyse confiante et bienveillante, mais exigeante  à la manière d’un « ami critique », faite d’écoute, de capacité d’analyse et de synthèse rapide.

–          Une ingénierie requise et variée en matière de « développement professionnel »

Ainsi donc, prendre à son compte la dimension « Recherche et développement » en éducation devrait avoir des effets non seulement sur les pratiques enseignantes mais d’abord sur les modes de management et d’organisation au sein du MEN, des rectorats, des inspections d’académie, comme sur les « métiers » …. en développement tout professionnel.

A suivre.


[1] La dialogique d’après Edgar MORIN :  in « Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Paris, Le Seuil, 2000 : par exemple « La recherche d’un avenir meilleur doit être complémentaire et non plus antagoniste avec les ressourcements dans le passé » «Une définition courte : «  Unité complexe entre deux logiques, entités ou instances complémentaires, concurrentes et antagonistes, qui se nourrissent l’une de l’autre, se complètent, mais aussi s’opposent et se combattent. A distinguer de la dialectique hégélienne, extrait de l’Identité humaine,

[2] Jeudi 16 décembre 2010 – 9h30 – 11h30 , Lycée hôtelier Guillaume Tirel, 237, boulevard Raspail , 75014 Paris (métro Raspail) – Inscriptions auprès de : jean-louis.derouet@inrp.frTél. : 04.72.76.62.17

conférence d’Helen Timperley, Professeure de Sciences de l’éducation. Université d’Auckland. Nouvelle Zélande, co-organisée par l’INRP, la CARDIE de l’académie de Paris et l’ESEN:

Le développement professionnel des enseignants, clé de la réussite des réformes en éducation ? Le cas de la Nouvelle Zélande.

La France est actuellement engagée dans un certain nombre de transformations de son système éducatif qui correspondent à des orientations internationales, en particulier la mise en place d’un « socle commun ». Ces dispositions sont mises en ouvre depuis plusieurs années dans de nombreux pays anglo-saxons et il est possible de tirer quelques leçons de leur expérience.

La Nouvelle Zélande a couplé les réformes des contenus d’enseignement à un nouveau type de fonctionnement fondé à la fois sur le développement des établissements et l’accompagnement du développement professionnel des enseignants. Helen Timperley, professeure à l’université d’Auckland,  a accompagné ce mouvement dans le domaine de la littéracie. Comment traduire sur le terrain pédagogique les objectifs politiques qui visent à doter tous les Néo-Zélandais des savoirs, compétences et valeurs nécessaires à des citoyens éclairés ? Comment obtenir l’élévation du niveau de compétence des élèves dans le domaine de la lecture et de l’expression écrite,  particulièrement celui des élèves les plus faibles ?

C’est par une formation professionnelle des enseignants, fondée sur des méthodes éprouvées pour leur efficacité, notamment sur une conception de l’enseignant enquêteur sur ses propres pratiques, que ces objectifs ont été atteints. Cette réforme a nécessité la production de connaissances nouvelles à tous les échelons du système éducatif, y compris au sein du ministère de l’Éducation. Au plan national, les résultats des élèves ont augmenté deux à trois fois plus que le taux attendu. Les progrès ont été bien supérieurs parmi les 20% d’élèves les plus faibles.

[3] http://www.esen.education.fr/fr/ressources-par-type/conferences-en-ligne/detail-d-une-conference/?idRessource=962&cHash=025c0ee1b3&p=1&motsCles=Gauthier

[4] Pour l’honneur de l’Ecole, p ; 398, d’André de Peretti, visible sur le site http://francois.muller.free.fr/ecole/

26 manière de diversifier en classe entière au collège

La question n’est pas neuve et reste d’une singulière actualité à la lumière de l’analyse de nos systèmes éducatifs à l’échelle européenne. Elle semble rencontrer une « frontière invisible ». Ce n’est pas qu’une histoire de profs ou d’outils. Elle témoigne d’une équation non aboutie, sur la recherche d’efficacité dans les apprentissages, pour tous. Le « socle commun » installé dans la Loi en 2005 reste à la fois un aboutissement et un nouveau départ : Il faut bien en prendre conscience pour nous-mêmes et particulièrement pour les jeunes qui arrivent dans le métier. Et on n’a pas fini !

Je vous proposerai donc un parcours en trois périodes (A,B, C) et 26 variations, (1 à 26) à l’instar de la Grande Chaconne BWV 1004 de J.S.Bach. D’abord, une tentative d’inventaire des méthodes, techniques ou supports à la disposition de tout enseignant de collège dans sa classe ; cet inventaire nous permettra d’identifier quelques processus à l’œuvre dans cette recherche de diversification ; nous devrons cependant signaler que cette problématique à l’échelle de la classe relève toujours d’une politique assumée plus largement dans un établissement, sous peine d’user les personnels et de perdre encore des élèves en cours de route.

A-    Gammes toutes professionnelles pour la diversification en pédagogie

1-      Adapter formes et contenus de son enseignement

2-      Varier les activités

3-      Choisir sa « guidance »

4-      Alterner les séquences

5-      Rythmer les temps par l’évaluation formatrice

6-      Proposer des situations-problèmes

7-      Penser un « ailleurs » : travail par le détour et habillage de la tâche scolaire

8-      Partir des représentations

9-      Organiser rôles et interactions

10-   Reconnaître à chacun une « consistance positive » : la pédagogie des rôles

11-   Varier les groupements et penser les passerelles

12-   Espace(s) de classe

13-    Dynamique des apprentissages et désordre du temps scolaire

14-   Différencier par niveaux de maîtrise

B-     Processus de formation, plus que techniques

15-   Variété requise

16-    Pour une logique de formation

17-    Analyse de besoin et processus

18-   Une approche globale

19-   Une « approche centrée sur la Personne »

20-   Mini-gestes, maxi-effets

21-   Recherche d’efficacité scolaire

C-     La différenciation, c’est (enfin aussi), une politique et une préoccupation pour tous

22-   Aller voir « ailleurs »

23-    Désarticulation des systèmes logiques

24-   Identifier les conditions gagnantes pour la différenciation pédagogique

25-   Penser en combinatoire

26-   Apprendre de l’expérience

Bibliographie

Rendez-vous donc sur la page http://francois.muller.free.fr/encyclopedie/classeentiere.htm

Créativité, une élaboration du concept en direct (video)

La créativité s’élabore en direct avec Jacques

Lors du très récent FORUM DE L’EXPERIMENTATION tenu à Paris par la Mission « innovation et expérimentation, Jacques Nimier a pris la licence toute formative de jouer avec les mots livrés par l’assistance nombreuse (plus d’une centaine de personnels de l’éducation et de la formation de l’académie de Paris).

Voir l’image créée avec le logiciel WORDLE http://www.wordle.net/show/wrdl/1763921/cr%C3%A9ativit%C3%A9_

Il m’a sollicité alors pour les rassembler sur un tableau et tenter, en direct, de faire des regroupements (in)sensés ; cette élaboration progressive et filmé (VIDEO ici Quelle est l’intérêt d’une approche « créative » en éducation ? ) a donné lieu à une formalisation du concept de créativité en 7 points 

Un concept détouré en sept points

  1. Oser la variété des approches
  2. Réaffirmer l’objectif de l’Ecole: c’est un acte d’apprentissage
  3. Retrouver la finalité de l’Education : la construction identitaire de la Personne, du Citoyen
  4. S’inscrire dans le registre symbolique et métaphorique
  5. Développer des ressources « non scolaires » (imaginaire, par exemple)
  6. Participer à un apprentissage collectif et coopératif
  7. Inscrire la créativité dans le travail et dans la durée du travail

L’indispensable site de Jacques NIMIER, dont son dossier d’octobre 2009 sur la créativité à l’école sur http://www.PedagoPsy.eu posait déjà quelques jalons :

– La créativité à l’école: comment l’introduire?
– L’heuristique mathématique: le travail créateur
– Les objets, les espaces et les temps intermédiaires. Au pays du mi-dire et de l’entre-deux en formation et en pédagogie par Marie-Françoise Bonicel
– Des exercices de créativité.

Nous serions tentés de les rapprocher des propos de François TADDEI (rapport à l’UNESCO) en 2009 :

Les personnes créatives le sont, pour une large part, parce qu’elles ont décidé de l’être. Quelles sont les décisions qui sous-tendent la pensée créative? ?
Peut-être pouvons-nous distinguer douze éléments-clés :

  • redéfinir les problèmes
  • analyser ses propres idées
  • faire connaitre ses idées
  • considérer la connaissance comme une épée à double tranchant
  • surmonter les obstacles
  • prendre des risques
  • avoir la volonté d’évoluer
  • croire en soi-même
  • tolérer les ambigüités
  • trouver ce qu’on apprécie de faire, et le faire
  • s’autoriser à prendre le temps
  • s’autoriser à faire des erreurs (pages 33 et 34)

Pour aller plus loin

L’actualité du MONDE de l’Education du 15 sept. 2009 nous interpelle en une urgence à développer une école innovante

“L‘imagination est plus importante que le savoir.” Exposée sans plus de développement, ni de ménagement, la citation fait grincer bien des dents. Replacée dans la bouche d’Albert Einstein, son auteur, elle prend une toute autre dimension, laissant pressentir l’impact de la créativité sur l’utilisation même des connaissances.

Dans l’opinion commune française, la créativité reste traditionnellement prisonnière du domaine artistique. Etre créatif, c’est un peu être artiste. Point final, bien souvent, tant on oublie volontiers que les plus grands créatifs, ceux qui ont su faire les alliances les plus novatrices sont bien souvent les scientifiques !”

Creativity ?

Et d’invoquer plus loin le concept de “creativity” rendu trés imparfaitement en français, car la connotation est tantôt plate, tantôt dévalorisée par quelque esprit trop… philosophe.

Or la créativité, c’est cette capacité à inventer d’autres chemins. A sortir de nos schémas traditionnels, pour relever des défis nouveaux. C’est un processus mental qui implique la génération de nouvelles idées ou concepts, ou de nouvelles associations entre des idées et des concepts préexistants, mais qui a priori se mariaient mal.

C’est ce qui permet de développer cette pensée complexe que défend le sociologue Edgar Morin. Cette manière libre d’envisager les connaissances en gommant les coupures traditionnelles entre les disciplines académiques, afin de comprendre le monde complexe qui nous entoure. Un monde fait d’enchevêtrements et d’entrelacements, qui ne résiste pas à la séparation disciplinaire.”

Créativité et diversification en pédagogie

Cela m’a ramené quelques années en arrière, quand, aprés que le mot fut entré dans le dictionnaire, enfin en France naissait l’association française de créativité, en 2004 (!), s’appuyant sur un réseau mondial déjà touffu, je partis à la recherche de cette approche, inconnnue dans le monde de l’Education.

Nous nous découvrâmes mutuellement, en identifiant des concepts communs, des approches semblables, des méthodes similaires; mais, tout se nommait différemment; et chez “nous”, point de créativité; au plus proche, nous évoquions l’ingénierie pédagogique, et la diversification pédagogique, mais aussi, jeu de rôle. etc…

_____________________________________________________________

Je vous invite à ce propos à écouter les propos d’André de Peretti échangés récemment sur la créativité (janvier 2010)

_____________________________________________________________

Nous nous amusâmes de découvrir de concert qu’ à des besoins concrets d’organisation des groupes, d’animation de la réflexion, mais dans des univers culturels et professionnels radicalement séparés manifestement, nous puissions enfin faire une jonction, et nationale, et inter-professionnelle.

Accompagnement du changement

Les choses ont évolué, beaucoup plus vite, à présent; nous acceptons les comparaisons internationales;  nous découvrons, même dans notre propre “monde” scolaire,  le syndrome finlandais avant la grippe mexicaine; et cette invitation à la créativité nous renvoie à ce que Gaston Bachelard nous laissait comme message il y a longtemps déjà, lui scientifique, qui invitait au rêve pour que la réalité advienne.

L’innovation, c’est d’abord une question d’approche, une façon de déformer les images (Bachelard) et des pratiques qui en découlent. Avant tout autre effet de structure et d‘expérimentation article 34, qui n’est pas la cause, mais bien la conséquence. Philippe Perrenoud  raisonnait juste quand il évoquait des changements du 3ème type ?

Ce sont ces convergences qui expliquent notre orientation assumée vers la formation en amont des équipes et de leurs cadres,  vers l’accompagnement du changement, et avant tout des représentations comme des organisations, et partant, des identités professionnelles. C’est peut-être plus long, mais ce sera plus durable.

Voir aussi:

Chat L’école étouffe-t-elle la créativité ?

Zoom Ecole : la Finlande, pays où l’innovation est reine