Les dormeurs du val

Parodiez, pastichez, il en restera toujours quelque chose

Achat, Retrait, Échange … Pancarte SNCF à demi effacée. Chat, Trait, Ange : poésie du raccourcissement, un mot en contient un autre.
Bouts rimés : vieux jeu des rhétoriqueurs et poètes de la Renaissance, concours d’acrobatie visant à remplir les vers dont on ne vous donne que les rimes …
La métaphore sans fin, par association d’idées, d’images, de sons ?
Le Haïkaï, ou Haïku ? 5 et 7 et 5 syllabes, donc concentration extrême de la pensée et de l’image.
L’assonance à outrance ? Patience, ou élégance ? Enfance, ou indécence ?
La gonflette, ou boule de neige, pour montrer qu’on a du souffle, et qu’un mot entraîne un autre mot, une image une autre image.
L’essentiel est tout de même de faire violence au langage, pour éviter les clichés, les banalités. La rime n’est qu’un artifice, un « bijou d’un sou ».
L’importance du blanc dans la page, la ligne, comme dans la pensée ou l’image, est fondamentale.
Oui.
La mesure des syllabes ? A quoi sert de compter sur ses doigts, quand on a des oreilles ? A quoi sert de compter la mesure, quand on danse instinctivement ?
A vous.
De jouer, déjouer.
Une rime nouvelle ?
Un adjectif en « -elle ».
Le vol noir de corbeaux
Sur tes yeux jumeaux,
Qui me rendait fou et tournait en boucle
Autour de ton oreille.
La cacophonie.
Ludwig, oreille éclatée,
devient harmonie.
À Fukushima
C’était le blues des grenouilles
Mais longtemps après.
La regarder de loin prendre peur déjà de loin même avec des jumelles yeux rivés fascinés pupilles éclatées dans l’attente de l’explosion cils recroquevillés front plissé silhouette incertaine rêvée de loin plus que vraiment vue.
Est-elle belle ?
 
La certitude est molle l’angoisse approche. Faire un pas en avant provocation de loin choix libre-arbitre nécessité soumission ? L’attirance est formelle elle appelle on vient de loin. La regarder de loin  déjà  l’appeler comme le chien son maître.
Est-elle belle !
 
On se rince les yeux de loin on se remplit la tête. Appétit trompé estomac noué salive sèche parole coupée souffle court éblouissement mirage. On la toucherait – presque  – même de loin …
Est-elle vraiment belle ?
 
La timidité sans garantie. On hésite on est pleutre on renonce à sa place on la laisse aux plus forts ? Non. On y va. Tout droit. Tout près.
Elle est trop belle.
 
On s’approche on la frôle de près. Frôler est-ce si mal ? Le contact est fugace à peine ressenti on respire un peu fort on retient son souffle tout petit plaisir d’avoir essayé sans trop de risque on n’a pas encore vraiment décidé l’abordage recule on s’excuse il ne s’est rien passé. Quel courage on a eu de près … mais on est accroché on est eu ! On sait que ça viendra. Même pas peur. De près.
Est-elle vraiment belle ?
 
La regarder de loin être un peu fou déjà la regarder de près avoir perdu le sens mais on n’y pourra rien. On s’approche on la touche c’est déjà la fin tout près.
Est-elle encore belle ?
 
Qu’est-ce qu’on perd après tout ? Elle a gagné c’est l’essentiel. On l’aime par défaut puisqu’elle nous regarde de près quelle idée saugrenue de vouloir l’abolir elle est victorieuse avant même le combat. Partie truquée de loin plaisir mortel de près péché d’orgueil de loin masochisme peut-être de plus près. On n’aurait jamais dû savoir qu’elle existait si belle. Si près.
La regarder de près déjà ne plus rien sentir ne plus la voir se crever les yeux ?
 
Elle est trop belle.
On l’a trop vue.
De trop près.
Une fois de trop.
– De qui tu parles,  en rêve, si loin ?
Libation à Vénus, pluie fine improductive,
Sans parapluie, mauvais temps pour les gosses,
Plaisir de patauger, danse du ventre sous l’averse.
 
Juste quelques gouttes.
 
L’avenir est luisant au printemps des amours.
L’été sera tout sec, et l’hiver, on s’en fiche.
Mal visé, bien visé. Arme fourbie, charge puissante, trois coups au but, salve triomphante, cri de joie.
Mal visé, bien visé. Trois balles molles et chaudes dans la peau du kevlar, lamentable rafale aplatie, plomb perdu, inutile giclée, à recycler. On nettoie !
Mal visé, bien visé. Plaisir au tireur, plaisir au tiré, cible émouvante, palpitations jumelles, adrénalines jaillissantes, petite mort et renaissance. On recommence ?
 
L’avenir est dans l’immobilité.
Trois pépins sont tombés quand j’ai fendu la pomme,
orphelins avortés, sans crime, pas de sang.
Ni vu ni connu.
Quelques pommiers en moins sur cette fichue terre ?
Quelques chances de plus pour un nouvel Adam ?
Bouclier plein d’épines,
Collier garni de pointes,
Muraille aux pierres dures,
Frontières électriques,
Body-guards athlétiques …
 
Qu’est-ce qui m’empêche d’y arriver ?
 
Je mettrai des gants,
J’amadouerai Cerbère avec un peu de sucre,
Percerai des tunnels,
Je me ferai oiseau,
Prendrai des cours de boxe …
 
 Qu’est-ce qui m’empêche d’y arriver ?
Tes paupières baissées.
Assez des cafés :
Les tilleuls sentent si bon
Et j’ai dix-sept ans
 
Une étoile au ciel ?
Champagne, ivresse et baiser,
Et j’ai dix-sept ans.
 
Une demoiselle !
Et mon coeur de dix-sept ans
Qui va exploser …
 
Je suis amoureux …
Et puis un soir elle écrit !
Retour aux cafés !

Du crabe à l’enfer
Et du décapode à Dante
Il n’y a qu’un pas.

Le bonheur est tout blond et porte des lunettes.

Un nuage inquiétant dans ma tête voltige,
comme un cumulus dans une bouteille.
Pourquoi cette impression d’un petit coton-tige
qui resterait coincé entre mes deux oreilles ?
__________________
J’ai toujours adoré un nuage en montagne,
la montagne au mois d’août me donne des frissons.
Mais ce coton dans mon cerveau qui m’accompagne
me fait grincer des dents, me pourrit le caisson !
__________________
La tête ennuagée, serait-ce héréditaire,
ça ne tient pas debout, sauf si c’est le destin.
Abracadabrantesque ! Incohérente affaire ?
Je n’ai pourtant encore rien fumé ce matin.
__________________
Si je n’ai rien fumé, je n’y comprends  plus rien,
mais ma tête enfumée et mon cerveau brumeux
sont bien là sur ma nuque, c’est vraiment kafkaïen
et j’ai mal aux oreilles et je me sens fumeux !
 

 
J’ai le cœur grêlé
comme vigne en avril,
mais d’où viennent ces cailloux blancs
qui m’ont cabossé ?
___________________________
Vivent les grêlons qui me fascinent
quand ils tambourinent !
Quand j’entends les grêlons
mon cœur bat la chamade.
__________________________
Mon cœur grêlé est plein de trous,
ça me troue l’âme aussi.
Aïe ! Pourquoi trouée ?
Vraiment c’est trop nul.
_________________________
C’est trop nul d’avoir un trou à l’âme
sans avoir vu tomber le grêlon
qui l’a méchamment perforée,
et quand le ciel est bleu !
 

 
La textée ? Un énoncé
Textée poétique en quatre strophes : l’accompagnement personnalisé poussé à l’extrême.
Vous commencerez par établir un constat sentimental d’une phrase et en deux vers, sous une forme vaguement météorologique, dans un lieu non géographique mais très personnel, sur un ton autobiographique et dépressif, en comparant, sans coupure, cet état psychologique à un phénomène réellement météorologique mais banal, dans un lieu tout aussi banal. Vous mettrez un point-virgule, ou non, comme vous voudrez.
Vous procéderez à une introspection toujours autobiographique et dépressive, en une seule phrase de deux vers, destinée à essayer de comprendre l’aberration météorologico-sentimentale des vers précédents. Vous ponctuerez très logiquement ces deux vers introspectifs.
Vous sauterez une ligne pour marquer le passage à la strophe suivante.
Vous invoquerez en deux vers une émotion d’ordre esthétique provoquée par le phénomène météorologique réel du vers 2, dans une phrase exclamative ressemblant éventuellement à une prière.
Vous répèterez en deux vers et en termes presque semblables cette invocation exclamative, dans une phrase coupée par une virgule en son milieu exact, mais en la situant dans le même lieu non géographique qu’aux vers 1 et 4.
Vous sauterez une ligne pour marquer le passage à la strophe suivante.
Vous répèterez le constat sentimentalo-météorologique du vers 1, mais en deux vers et de manière redondante, tout en y ajoutant une légère accusation d’incohérence, avec une marque autobiographique moins prononcée grammaticalement qu’aux vers 1 et 4, dans une phrase qu’aucun signe de ponctuation ne coupera.
Vous crierez, en un vers et en trois mots, une première fois sous forme exclamative, une deuxième fois sous forme interrogative, sans réussir à trouver une cause grave au constat sentimental dépressif et incohérent déjà évoqué.
Au vers suivant, en une phrase brève et affirmative, vous conclurez sur l’impossibilité logique de la compréhension du dit phénomène, et vous utiliserez un terme très fort et presque décalé pour caractériser de manière hyperbolique le phénomène sentimental dépressif déjà évoqué plusieurs fois.
Vous sauterez une ligne pour marquer le passage à la strophe suivante.
Les 4 derniers vers seront constitués d’une seule phrase, avec deux virgules et un point d’exclamation final, phrase qui répètera le constat précédent, dans une sorte de redondance généralisante des 12 vers précédents, mais en revenant à l’énonciation autobiographique.
Vous signerez le poème de votre prénom, après avoir vérifié qu’il comporte bien 4 strophes distinctes.

1/25ème de mètre carré

Combien de talons rageurs,
et combien de pieds traînants,
quels graviers sous des semelles
pour cette dentelle au plancher ?


A la fenêtre, un corbeau

Un vol pesant qui secoue les antennes,
trop gros, trop noir,
il n’entrera jamais dans la boîte aux mésanges.


Plage

L’or sec et mouillé
Sous la trace de ses pieds,
Je vais l’effacer.


Plongeon dans un livre

Reflet de mon rêve,
La lecture du poème.
Je lis. Donc je vis ?