Profs-aimerLV2

Español, te quiero…

Lorsque j’ai débuté, j’avais envie d’aimer mes élèves. En fait je les aimais déjà d’avance. Mais surtout, l’enjeu me semblait de taille, je voulais qu’ils aiment l’espagnol.

Comme lorsqu’on achète une veste par correspondance, tout ce qu’on reçoit n’est pas exactement comme on l’aurait souhaité ! Parfois ce joli bleu nuit sur notre écran se transforme en un banal bleu marine pas très fashion… (true story – oui, je suis une prof d’espagnol qui parle aussi l’anglais – ouf non ?) Pourtant, l’état du porte-monnaie étant ce qu’il est, on ne peut pas toujours se racheter une nouvelle veste et puis, les soldes sont terminées, il faut alors s’en accommoder et accepter de la porter.

Il faut donc, en effet, accepter que, non, tous nos élèves ne nous aimeront pas (on s’en doutait, hein !), et non, nous n’aimerons pas tous nos élèves non plus. Cela nous empêchera-t-il de leur faire aimer notre matière ?

Je suis profondément amoureuse de l’espagnol

Heureusement, me direz-vous… C’est une langue qui m’a chaleureusement ouvert les bras lors d’un volontariat au Pérou et ne m’a plus jamais quittée.

Pour mes élèves, c’est différent. Ils ne l’ont pas choisie. Dans mon petit établissement, point d’allemand, encore moins d’italien : Anglais LV1, Espagnol LV2, nada mas. Déjà, elle vient toujours en second. Je lutte régulièrement avec mon chef d’établissement pour qu’elle ne soit pas en plus, traitée comme « secondaire ». Elle vient forcément après l’anglais, qui est déjà une langue si présente dans leur quotidien, musique, film, séries… et je n’ai que la mièvre Violetta pour me défendre… et Kenji, certes. Certes …

En général, on part bien, en début de 4e, ils ne s’en rendent pas compte, mais ils ont déjà des compétences en langue étrangère, même si anglaise. Les débuts sont donc faciles, la gymnastique mentale est là. On s’enthousiasme pour cette langue « plus facile que l’anglais » parce que latine, donc cousine de notre français. Et puis un peu de o par ci et de a par là, on s’en sortira bien… HEYYY stop stop, ça mes chers élèves, c’est de « l’espagnolo » ce n’est pas la langue que je vous enseigne !!

Donc on rentre petit à petit dans la difficulté, en milieu d’année, ça souffle, ahalala, mais c’est pas si facile que ça !

C’est le pas décisif, tenez bon moussaillon, le plaisir n’est pas loin.

Si ce cap se passe bien, l’année va bien se terminer, on commence à pouvoir s’amuser, les phrases dépassent trois mots et les verbes sont parfois correctement conjugués ! Cerise sur le gâteau, les élèves disent de moins en moins « yes » à la place de « si » !

On maintient le cap avec des supports attrayants, des thèmes qui les concernent, … ou qui me passionnent. Alors, comment dire… la famille royale espagnole, ce n’est pas mon truc, et je crois que les élèves le sentent, autant dire que je n’approfondis pas trop le sujet. Mais c’est vrai, je m’accorde des « plaisirs personnels ». L’Amérique Latine me passionne, le Pérou est mon pays de cœur, je raconte, anecdotes, histoire avec petit ou grand H, j’utilise parfois des photos personnelles. Au début j’avais des scrupules, le programme, la diversité des thèmes à aborder pour la « civili », ne pas faire de discrimination. Mais je me suis rendue compte qu’on parle bien surtout de ce qu’on aime ! Et que c’est contagieux. Alors, pour leur faire aimer cette langue, j’utilise ce qui m’a fait l’aimer ! Et ma visite guidée personnelle du Machu Picchu en marquera j’espère certains ! Qu’on y ait passé plus de temps que sur le plan du métro de Madrid où je n’ai jamais mis les pieds ne les traumatisera pas et ne les empêchera pas de savoir dire tourner à droite ou aller tout droit.

On négociera un peu en 3e pour que l’espagnol ne passe pas à la trappe du travail à la maison au milieu des brevets blancs, stages d’observation et projets d’orientation. Parfois en brandissant la menace du contrôle continu « qui compte » dans le brevet.

Ce qui est sûr, c’est que rien ne me fait plus plaisir que leur étonnement quand je leur dis que je ne parlais pas un mot d’espagnol avant mes 20 ans. « Mais Señora, nous on pensait que vous étiez né là-bas ! ». De quoi démontrer qu’aimer une langue est un bon ingrédient pour bien la parler !

L’année prochaine on démarrera donc cette LV2 en cinquième. Bonne idée ? Mauvaise idée ? Je n’ai pas encore tranché. Je grince des dents à l’idée que mes horaires seront réduits en 4e et 3e avec des élèves qui eux, n’auront pas bénéficié de cette année de 5e supplémentaire. Comment faire la même chose avec 30 minutes de moins par semaine ? Ça ne durera que deux ans, certes. Mais j’ai quand même le sentiment de pénaliser ces élèves, et moi avec !

Je trouvais déjà que trois heures par semaine c’était peu pour pratiquer une langue, bien que me rendant compte des emplois du temps déjà chargés de mes élèves, alors 2,5 …

Le petit réconfort : les 6e, que je suis en Accompagnement Personnalisé, et qui me disent : « Madame, c’est vrai qu’on fera de l’espagnol l’année prochaine avec vous ? C’est chouette ! Moi je sais déjà dire Te quiero ! »

Bon, s’ils savent déjà dire je t’aime, on n’est pas trop mal parti non ?

Une chronique de Fanny

Une réponse

  1. Vous avez raison … qui a pensé à ces élèves qui vont entrer en 4ème et qui vont bénéficier de 2h1/2 par semaine au lieu de 3h sans avoir suivi les cours d’espagnol en 5ème. Ces élèves ont-ils autant de chance de réussir? Ne sont-ils pas sacrifiés sur l’autel de la réforme? Même si les enseignants déploient des trésors d’ingéniosité, le calcul est simple c’est mathématique : sur l’année de 4ème et 3ème , il leur manquera des heures d’espagnol. Cela me révolte que l’on considère ces jeunes comme quantité négligeable. Au bac il leur faudra atteindre un niveau B1. En revanche les sections bilangues allemand sont conservées et ces élèves bénéficieront de 4 ans d’enseignement dans leur 2 LV. Le latin est maintenu…..Cherchez l’égalité des chances…..

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