Oui tout à fait !
- Car ça fait des années que vous vous promettez de le faire. Que vous finissez l’année en ricanant tout en vous maudissant quand les élèves vous disent : « sérieux msieur je dois rentrer le tel ? Z’êtes pas sympa aujourd’hui le sang ! ».
Oui, le sang, le sang de la veine, le-meilleur-prof-de-tout-le-lycée-et-même-de-la-galaxie. Oui tout ça tout ça. Le prof sympa. Mais qui a sué SANG ET EAU pour obtenir le silence toute l’année bordel !!! Donc là, cette année, pourquoi ne pas changer votre fusil, pardon… votre lance-roquettes, d’épaule. Pourquoi ne pas faire comme d’autres profs, et rayer la mention inutile du prof sympa pour ne garder que celle du prof vil et acariâtre. Ça change quoi ?
- Car vous ferez partie de ces profs que les élèves redoutent, qui leur font mettre double dose de déodorant senteur musc(les) quand ils savent qu’ils vont les avoir. Dont chaque interro orale déclenche une épidémie diarrhéique aiguë. Vous entendrez les mouches voler. Même pas. MÊME les mouches auront peur de s’exprimer au sein de votre cours. Les classeurs. Rangés. Équidistants entre les bureaux. Vous pourrez demander à ce qu’ils aient une couleur improbable, du type jaune poussin écrasé contre le mur, ils l’auront. Comme le crayon 5H qui écrit pas. Juste pour le fun. Les tables. Alignées. Ou en cercle avec vous au centre, les toisant comme Voldemort. Tout est possible, tout s’expérimente et se réalise avec le prof PAS SYMPA.
- Car vous aurez le luxe de vous payer enfin ces remarques de vos collègues, les :
« Oh purée, avec toi, ils bronchent pas ! »
OU
« Mais tu lui as dit quoi à Damien, pour qu’il te rende un devoir maison ? Ça fait deux ans que j’attends ! » (Rien. Je l’ai juste regardé ha ha ha rire sardonique.)
Ça changera de ceux qui vous tapotaient l’épaule en disant « tu sais qu’ils t’adorent les premières ? » En tapotant ils enlevaient la couleur rouge de la craie qui avait voltigé une bonne heure pendant que vous aviez le dos tourné.
Vous aurez même sans doute cette anecdote, du collègue qui entre dans votre salle, et qui croyait à tort qu’elle était vide, tant il n’avait pas entendu un son. Il vous demandera si vous faisiez une minute de silence. Vous lui répondrez tout simplement qu’ils étaient en temps libre et s’exprimaient tranquillement.
- Car à la fin de l’année, il est possible que certains élèves vous remercient d’avoir été aussi dur avec eux, et qu’ils recherchaient ce prof sévère qui les ferait se dépasser, brimer leurs bas instincts de bavardages et de dispersions et enfin entendre la parole professorale, pas celle qui était noyée sous le flot de Booba ou de Netflix. Ils vous diront merci, et s’excuseront aussi au passage de vous avoir tant détesté tout au long de l’année. Ah, et la craie rouge l’année d’avant, c’était eux.
Mais ça c’était quand vous étiez SYMPA.
Non pas du tout !
- Car ça n’est pas vous !!! Vous vous êtes entraîné. Devant le miroir. À froncer les sourcils. À hausser le ton. Baver. À maugréer des phrases en latin pour montrer votre mécontentement. Mais rien n’y fait. Ça ne marche pas. Vous finissez par céder et votre chat se marre devant vous avant de repartir bouffer dans sa gamelle. Alors oui, durant les premiers jours, vous tenterez. De ne pas faire de second degré. De ne pas faire de blagues pour expliquer le développement inégal ou vous moquer de la coupe de Margot. Mais tôt ou tard, vous déraperez et vous prononcerez la phrase. LA PHRASE SYMPA. Qui vous fera basculer du côté lumineux.
- Car il reste impossible pour vous de ne pas céder et de ne pas entrer dans le monde féerique du prof affectif. Un élève vous demande si vous êtes allé voir le dernier Marvel ? Vous ne pourrez pas vociférer que ce n’est pas un sujet qui s’approche du littéraire, que vous n’allez voir que les films d’(h)auteur, spécialement ceux d’Europe de l’Est non sous-titrés. Ça voudrait dire donc ne plus porter de tee-shirts d’Iron Man. Comment faire ; vous n’avez que ça ?? Oui le prof pas sympa ne met que des polos austères, des tee-shirts unis. Ou des cols roulés. Ça va donc vous coûter une blinde en sus. Et comment faire quand le petit Lucas, celui qui ne vous rend jamais rien, qui n’écoute jamais vos cours et bavarde gentiment dans son coin viendra vous voir pour vous poser une question, mais qui, de près, ou même de loin, de trèsssssssssssssssssssssss loin, n’a aucun rapport avec vos matières. Faudra-il lui éructer et lui postillonner à la figure que vous êtes son prof de Français, pas de Sciences Nat ! Impossible. Refuser une main tendue, c’est pas envisageable.
« Non, une IST, ce n’est pas une filière du tertiaire, Lucas. Tu ne peux pas aller en seconde IST. »
- Car la relation avec les élèves du prof SYMPA est unique. Car bien entendu, il peut être trop permissif, mais il permet de tisser des liens, de créer une ambiance de classe parfois bruyante, mais détendue et où on peut. Car à la fin de l’année, il est possible que certains élèves vous remercient d’avoir été cool et ouvert, et qu’ils recherchaient ce prof à l’écoute qui les ferait se dépasser, brimer leurs bas instincts de bavardages et de dispersions et enfin entendre la parole sympa professorale, qui leur donnait envie de stopper leur portable. Ils vous diront merci, et s’excuseront aussi au passage de vous avoir tant embêté tout au long de l’année. Ah, et la craie rouge l’année d’avant, c’était eux.
Mais ça c’était quand vous aviez essayé de faire le PAS SYMPA.