Femmes de lettres

L’année dernière, comme dit donc ma chronique précédente, j’ai commencé à transformer ma façon de parler en classe pour amener un peu plus de parité. Et cet été, je me suis attelée à un autre grand chambardement : mettre plus de femmes dans mes cours !

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Ça paraît bête, dit comme ça, mais si vous êtes comme moi prof de français, et que vous vous amusez à compter le nombre d’auteures dans un manuel pris au hasard dans votre bureau, ça donne ça :

Pour le manuel de français « Terre des Lettres », niveau 6e :
– une quarantaine d’auteurs, PAS UNE SEULE FEMME.
– une douzaine d’artistes étudiés (sculpteur, peintre…) : PAS UNE SEULE FEMME.

Excusez-moi pour ces majuscules peu cavalières, mais, quand même ! Alors, moi, aussi, je me suis dit : peut-être que c’est le programme de 6e qui veut ça ? Comme il est beaucoup centré sur l’Antiquité, il y a peut-être moins d’auteures ? (spoiler : FAUX !) Donc je me suis lancée dans la fastidieuse tâche de compter les auteures dans un autre manuel, de 4e cette fois, toujours pris au hasard.

Allons-y pour le manuel « Sillages », niveau 4e, donc :
– une soixantaine d’auteurs
– une vingtaine d’auteures

Clairement, un effort a été fait pour ce manuel, avec certes les classiques George Sand et Madame de la Fayette, ou en encore Andrée Chédid, mais les concepteurs sont quand même allés chercher pas mal d’artistes femmes également. Mais, malgré ce mieux, on est encore loin d’un semblant d’équité !

Si vous voulez vous convaincre davantage de l’écrasante majorité masculine dans les programmes de français, je vous invite à lire le billet de la blogueuse Diglee :  «  Femmes de Lettres, je vous aime »

J’ai donc pris la résolution de viser la parité pour l’ensemble de mes séquences, ce qui n’est pas une mince affaire, pas parce que les femmes n’ont pas écrit, mais parce que je ne les connais pas. Et si je vous mets au défi de me citer un vingtaine d’auteurEs, je pense que vous aussi vous allez avoir du mal…

George le deuxième texte

Heureusement, dans mes pérégrinations, j’ai rencontré une chouette initiative : « George le deuxième texte » :

George – Le deuxième texte est une plateforme web, en cours de développement, conçue lors du #HackEgalitéFH, qui vise à mettre à disposition des professeur·es des textes écrits par des femmes, avec du contenu pédagogique associé. L’objectif est de donner plus de visibilité aux autrices dans les programmes scolaires, afin que les jeunes puissent s’identifier à des figures fortes, sans distinction de genre.

Cette plateforme a notamment conçu un moteur de recherche dont le leitmotiv est le suivant : « Le moteur de recherche de textes qui remet enfin les femmes à leur place ! ». Le concept est simple : vous tapez le nom d’un auteur masculin, et le moteur de recherche (via le Data de la BNF et le wiki DATA) vous sort toutes les femmes qui ont écrit et qui sont contemporaines de cet homme. Ni une, ni deux, j’ai fait le test avec Maupassant (n’oubliez pas la majuscule !). Je vous laisse tester pour vous rendre compte par vous-même de notre ignorance en la matière…

Voilà où j’en suis pour le moment :

– j’ai découvert les fables de Marie de France, auteure du Moyen-Âge dont on ne sait pas grand-chose, et qui n’a rien à envier à notre La Fontaine national ! (et dites donc, c’est parfait pour le programme de 6e !)

– j’ai (re)découvert Jane Eyre, le personnage éponyme du roman d’Emily Brontë, qui est une véritable graine de féministe !

– je pense faire lire Frankenstein de Mary Shelley à mes 4e, car quand même, une histoire d’horreur écrite par une jeune femme de 19 ans, c’est plutôt cool.

– mes élèves de 5e vont découvrir les aventures dans l’Antarctique d’Isabelle Autissier, grande navigatrice et première femme à avoir accompli le tour du monde en compétition.

Et pour finir, si vous voulez aller encore plus loin dans la réflexion, une petite vidéo sur la question de l’égalité dans les manuels scolaires !

Une chronique de Cécile Thivolle-Gonnet

2 réponses

  1. Je te dis cette année (voir le manuel utilisé pour rendre à César ce qui appartient à César) ce que j’ai fait en matière de féminisation période 1 :

    4ème

    3ème autobiographie : Un texte de George Sand (manuel) qui casse le texte de Rousseau (manuel) étudié juste avant. – Un extrait du journal d’Anne Franck – D’autres textes écrits par des hommes (Perec Leiris Proust, hors manuel) – Persepolis pour le PEAC (hors manuel) – Frida Khalo ou Norman Rockwell (au choix, pas toujours lié au genre de l’élève 😉 )

    4ème journalisme : Peu de textes féminins. Peu de textes tout court : dans le manuel, un texte de Camus, la Charte de Munich. Beaucoup d’articles de PQR (Voix du Nord, tous les jours pendant la période), assez paritaires. La classe est transformée en rédaction, les filles et les garçons postulent pour les postes à responsabilités (rédactrices/rédacteurs en chef, secrétaires de rédaction, directrice/directeur artistique) ou techniques (imprimeur.se, photographe, cameraman/camérawoman?) avec rédaction d’une lettre de motivation (bcp d’accords à réfléchir).

    Je m’égare et je te parle grammaire 😉 mais je crois qu’en plus des Femmes de Lettres à redécouvrir, il y a là un travail à mener, sans égarements irrationnels.

  2. Belle initiative, que j’ai eue aussi il y a quelques années. J’avance bien et notamment grâce au manuel lelivrescolaire.fr (je n’en suis pas actionnaire, ni employée, juste utilisatrice participante).
    J’ajouterai de nombreuses références à ta liste mais je propose surtout qu’on construise à plusieurs une véritable base de donnée de références féminines à fournir à nos élèves.
    En premier Louise Labbé, que j’adore. Mais pourquoi pas Sappho dans les auteures antiques? En cherchant on trouve.
    Un dernier mot pour dire de maintenir un sens des réalités contextuelles pour des élèves qui ne l’ont pas de manière innée : l’an passé j’ai voulu à l’aide de mon manuel présenter les héroïnes plus que les héros. Ca a fait du bien aux filles de ma classe mais quand je me suis rendu compte que la classe pensait qu’il y avait plus de femmes samouraïs ou de chevalières que d’hommes, je me suis dit que j’avais loupé un truc quand même… Après, la société va sûrement rééquilibrer leur représentation, me dis-je… En attendant, la bonne formule reste à trouver. Les pionnières de la question sont-elles condamnées à en faire trop pour rééquilibrer, ou peut-on y aller avec rationalité en comptant sur le fait que le reste d’entre nous change en même temps?
    Bon courage, en tous cas…
    Christine
    profe de lettres dans le 62 (REP)

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