Coronarrêt

Pour tous, cette période de confinement a demandé une adaptabilité exceptionnelle et chacun a dû puiser dans ses ressources personnelles organisationnelles comme émotionnelles…
À l’école, le chamboulement a donc été total puisqu’à la place d’un enseignement de proximité mêlant la manipulation d’objets, l’observation d’expérience, l’analyse collective et dynamique de travaux en tous genres il a fallu laisser place à un enseignement à distance…

Le « hic » c’est que la distance retire ce qu’il y a de plus important dans un rôle d’enseignant et, face à l’écran, barrière de verre, il devient difficile de faire passer ses émotions et la motivation : le courant est alternatif, il n’est plus continu…

Bien entendu, enseignants que nous sommes, chercheurs de savoirs, entrepreneurs de découvertes, sommes allés au fond de nous-mêmes pour chercher les astuces, les outils, l’inédit qui pourrait encore atteindre nos petits élèves confinés chez eux.
Pour ma part, même si cette nouveauté a réussi tout d’abord à susciter beaucoup de curiosité et d’engouement pour mes petits élèves, j’ai vite senti que « ça n’aurait qu’un temps »… et craint cette disparition progressive d’engagement… en l’absence de « sentiments » partagés…

Pratiquante de l’enseignement par « projet », un nouveau défi s’offrait à moi : trouver un projet collectif et solidaire en ligne…

En février dernier, notre classe de CE1 est allée en maison de retraite offrir un temps de chorale aux résidents accueillants de l’EHPAD du village. D’ailleurs, ce moment chaleureux s’est terminé par un échange individuel d’instruments de musique et j’ai alors découvert, avec plaisir et surprise, les talents d’instructeurs de mes petits élèves qui montraient aux résidents comment se servir des instruments. C’était l’époque où l’on pouvait toucher et échanger les objets sans restriction de distance ou de manipulation… Le bon vieux temps !

Sylvie, l’animatrice de la maison de retraite m’avait fait écho de la qualité de notre échange intergénérationnel peu après et, bien entendu, nous avions décidé de signer pour un prochain projet l’année prochaine pour la 4e année consécutive…
Mais, Corona oblige, fermeture des visites en EHPAD, protection de nos aînés, restriction des échanges physiques… installation de la lourde et longue solitude…
Quand le confinement déconfine les sentiments
Face à une telle épidémie qui semble déshumaniser l’école comme les centres d’accueil des personnes âgées, deux choix possibles : se soumettre aux règles, tristement impuissants, ou tenter de contourner l’obstacle relationnel qu’est la distance.

S.O.Solitude

Avec Sylvie, l’animatrice, nous avons alors décidé de ne pas nous laisser faire ! Et puisqu’il nous est encore donné le moyen de communiquer par la toile, eh bien, cette toile allait servir à peindre un nouveau projet de solidarité intergénérationnelle : S.O.Solitude !

Lorsque l’idée d’apporter des « cadeaux du cœur » aux personnes âgées depuis le confinement à la maison a été présentée aux enfants, c’est une vague de sentiments qui a déferlé sur la toile. Comme si, tout comme les enfants étaient confinés, leurs sentiments l’étaient aussi !
Me transformant alors en une sorte de factrice, chef d’orchestre des envois, je recevais tous les jours un peu de tout mais de tout fait avec beaucoup d’amour et de cœur.
Parmi les réalisations des enfants voici ce que je leur proposais de faire : des dessins, des poèmes, des vidéos « reportage », des peintures, des chansons, … À cela ils ont généreusement ajouté : des tours de magie, des recettes de cuisine, des messages d’amour sur fond musical, des danses, des décorations…

De plus, S.O.Solitude est devenu un prétexte à production « pédagogique » puisque, par exemple, les élèves ont composé une « Conjugaison poétique » avec le verbe ALLER. Et en retour, nous avons reçu la production de quelques personnes âgées ! Rien de plus motivant qu’un échange de talents !
Je vous partage l’un de ces trésors :

Composition d’une élève :

« Quand je vais voir les résidents, je suis super content
Quand tu vas voir les résidents, tu vois qu’ils sont fascinants
Quand il va voir les résidents, il lui parle gentiment
Quand nous allons voir les résidents, nous leur apportons des nouvelles dents
Quand vous allez voir les résidents, vous jouez comme des enfants
Quand ils vont voir les résidents, ils rentrent chez eux en rigolant
Et grâce à eux je suis heureux, car ils sont généreux
Et grâce à mon amour, nous sommes liés pour toujours. »

Composition d’un résident :

« Quand je vais à la mer, j’admire les flots verts.
Quand tu vas au bois, tu ramasses des noix.
Quand elle va chez sa grand-mère, elle a beaucoup à faire.
Quand nous allons à l’hôpital c’est parce qu’on a mal.
Quand on va à la clinique, c’est pour calmer ses coliques.
Quand vous allez chez le coiffeur, c’est de bon cœur.
Quand ils vont danser, c’est pour draguer.
Quand vous allez à la messe, surtout ne montrez pas vos fesses ! »

 

Le plus beau dans tout cela, en plus de la bonne humeur, c’est que malgré le déconfinement, le projet S.O.Solitude continue… parce que la Solitude est un virus qu’on n’arrête pas forcément à coup de déconfinement…

Prenez soin de vous pour pouvoir prendre soin des autres…

Photo de remerciement des résidents avec une partie des productions des élèves

Une chronique de Claire Maurage

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