L’arrivée des spécialités au lycée : un véritable chamboulement aussi bien pour les élèves que les enseignants

Dès la fin du premier trimestre de la classe de seconde, les élèves sont amenés à se positionner sur le choix de trois spécialités qu’ils suivront en classe de première. Deux spécialités seulement seront conservées en classe de terminale. Quelle source d’angoisse pour nos élèves ! Comment bien les faire choisir sans se tromper ?

Le terme de « spécialité » est terriblement impressionnant pour des adolescents d’à peine 15 ans qui s’imaginent leur avenir déjà scellé. Tiraillés entre leurs envies, leurs projections floues et parfois utopistes, les envies et projections de leurs parents et leurs résultats scolaires, les élèves de seconde se retrouvent souvent seuls face à leur dilemme. Certains viennent alors demander timidement conseil à leurs professeurs avec toujours la même question : « c’est dur ? ». De leur côté, les professeurs principaux de seconde qui croulent sous le boulot font ce qu’ils peuvent pour orienter et rassurer.

Comment répondre à leurs interrogations dans cette grande période de flou ?

En général, le premier réflexe est de s’orienter vers certaines disciplines en fonction du projet professionnel. Mais de quel projet professionnel parle-t-on à 15 ans ? Tout l’intérêt de la réforme est de proposer aux élèves une orientation à la carte et collant au plus près du projet d’orientation. Néanmoins, rares sont les projets d’orientation clairement définis en seconde.

À mon sens, il est important de dire aux élèves que les cours de spécialité vont occuper la majorité de leur temps. C’est pourquoi il me semble plus judicieux d’orienter les élèves vers des spécialités qui leur plaisent et dans lesquelles ils auront envie de s’investir. Il va sans dire que les résultats obtenus dans ces disciplines sont importants mais qu’ils ne sauraient être déterminants.

Et pourtant, les élèves pensent qu’il faut nécessairement être bon voire très bon dans une discipline pour la choisir comme spécialité. Et ils n’ont pas complètement tort. Pour les plus fragiles, il ne faut pas nier les difficultés à venir. Toutefois, une spécialité ne doit pas être perçue comme un synonyme d’expertise. À raison de 6 heures par semaine, il est évident que l’élève motivé et investi va progresser. C’est cette notion même d’investissement intimement liée au plaisir d’apprendre qui doit orienter le choix des élèves.

Je vois déjà les regards désapprobateurs de mes collègues derrière leurs écrans  qui se disent qu’il faut quand même un niveau minimum pour accéder à leur spécialité. Et ils n’ont pas tort non plus. Nous savons tous à quel point la question de l’hétérogénéité est un vaste sujet. Et bien que cela soit souvent difficile, nous savons faire ! De plus, il est peu probable que des élèves en réelle difficulté dans une matière la choisissent comme spécialité, sauf s’ils pensent en avoir besoin dans le cadre de leurs futures études. Dans ce cas, c’est tout le projet professionnel qui doit être retravaillé. Mais quand ? Sur quel temps scolaire ?

La spé LLCER

En ce qui me concerne en tant que professeur d’anglais intervenant en terminale LLCER, j’avoue avoir été très surprise par le faible niveau de certains de mes élèves. Je me suis vraiment demandée ce qu’ils faisaient là. En effet, les attentes, comme dans toutes les spécialités, sont très élevées. En langue, le niveau C1 (avancé) est visé et les élèves sont amenés à maîtriser des compétences rédactionnelles (rédiger une synthèse), linguistiques (traduire, s’exprimer…) et orales. J’ai donc pris le temps d’échanger avec eux et voici ce qu’il en est ressorti. Pour les élèves les plus fragiles, le choix de la spécialité et de son maintien en terminale s’est fait par élimination. Ils ne brillent pas particulièrement dans une discipline et arrivent à s’en sortir en anglais car c’est une matière qu’ils connaissent depuis longtemps.  De plus, le choix de cette discipline ne ferme aucune porte dans le supérieur. Après tout, on retrouve l’anglais dans de nombreuses études post-bac. À mon sens, il s’agit là de la spécificité des spécialités de langue. Elles tendent à attirer à la fois des élèves globalement fragiles et des élèves très performants. Sans revoir mes exigences à la baisse, j’ai accompagné mes élèves le plus possible, en version garde rapprochée. Tous ceux, sans exception, qui se sont investis, ont amélioré leur niveau. Je n’aurais jamais imaginé qu’ils puissent progresser ainsi, et en particulier dans ce contexte de crise sanitaire. Pourtant, c’est bien leur investissement qui a permis leur réussite. À ce stade de l’année bien avancée, je dois dire au professeur que j’étais en septembre que j’avais tort de penser que l’année serait très compliquée avec un groupe aux disparités si importantes. J’avais tort pour une raison : à ce moment-là, je pensais avoir à former des spécialistes. Mais ce n’est pas la finalité de la spécialité. Bref, venez comme vous êtes !

Je suis convaincue qu’il faut faire un vrai travail d’information auprès des élèves de seconde, leur présenter les programmes, les attentes et le format des examens. Pourquoi ne pas organiser des rencontres avec des élèves de 1ère ou terminale ? Il faut également insister sur la cohérence des spécialités choisies notamment en vue du Grand Oral durant lequel les deux spécialités sont amenées à se croiser.

 

Une chronique de Lucile Breton

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