Dans le temps scolaire, il y a des hauts et des bas, et quelquefois, il y a débat.

En ce moment le débat s’anime autour du contrôle continu et du projet d’évaluation localisé dans nos lycées, mais ce n’est pas là le propos de ma chronique…

Car s’il est important dans la salle des profs, le débat est moins vif dans nos salles de classe.

Il est parfois difficile, en effet, de mettre en place cette pratique pourtant si importante dans le travail de l’oral. Quand il nous arrive de nous lancer dans un travail d’oral, nous préférons bien souvent la forme « appauvrie » de l’exposé. Parfois nous « l’enrichissons » par quelques questions dialoguées mais, il faut bien le reconnaître, en terme de gestion de la classe, l’exposé est nettement plus confortable.

Organiser un débat, dans le principe, tout le monde est d’accord, mais alors comment le cadrer pour que ça ne parte pas dans tous les sens et que l’exercice soit constructif ? 

Le débat nécessite bien sûr d’organiser ses idées pour bien argumenter mais il implique aussi d’être « deux ». On se confronte alors à une autre pensée et cela nécessite d’être disposé et ouvert à la discussion pour pouvoir ensuite adapter son discours à l’interlocuteur. Bien plus proche en réalité d’un oral « vrai ». Un oral qui n’est pas figé et qui est dans une communication réelle.

Quelques écueils à éviter

Le débat en classe entière est certainement le plus compliqué à gérer. 

On peut attribuer un rôle à chacun avec ceux qui argumentent et ceux qui observent (et prennent des notes) mais dans ce cas, ce qui me gène c’est que tous ne sont pas impliqués réellement dans le débat.

On peut utiliser le « débat mouvant » où chacun se positionne (physiquement mais aussi intellectuellement) dans la salle en fonction de son avis sur un argument avancé par le prof. Mais ensuite, comment faire émerger un débat qui donne réellement à réfléchir ?

Personnellement je préfère des débats plus diffus où les élèves travaillent en groupes (de 2 ou de 4) avant éventuellement de créer des synthèses communes qui montrent une plus grande richesse de point de vue.

Les arguments : le nœud du débat

À moins que votre établissement soit le Café du commerce, le débat ne s’improvise pas, il nécessite des arguments un peu construits. Il est alors compliqué de lancer les élèves dans un échange sans qu’ils aient, au préalable, réfléchi à leurs arguments et acquis des connaissances sur le sujet. 

Il faut donc prévoir un temps en amont de recherche et d’appropriation plus ou moins guidé. 

De plus, comme le débat n’a aucun intérêt lorsqu’il est dans le jugement moral  : –le tabac, c’est bien ou mal ?- (bon là  y a pas débat : c’est mal !!!!!!!) et que les élèves tombent facilement dans cet écueil, il y a un incontournable. : il leur faut un questionnement objectif pour identifier des faitsLes placer dans un autre rôle que le leur peut aussi les aider à faire preuve de plus d’objectivité.

Des exemples de débats bien cadrés (on n’est pas là pour jouer aux cartes !)

1) Un exemple avec la bioéthique : Un travail en binôme 

Pour comprendre ce qu’est la bioéthique (et aussi réinvestir les connaissances de génétique), j’ai expérimenté un jeu intéressant en cours. C’est un jeu proposé par l’EIBE (Initiative européenne pour les biotechnologies)

Des couples sont constitués par tirage au sort (on est loin de Meetic) et se voient attribuer une maladie génétique dont chacun pourrait être porteur. Il leur faut déterminer ensuite plusieurs faits très objectifs (en fait les informations que leur donnerait un conseiller en génétique) : le risque qu’un enfant issu de leur union soit atteint, les symptômes de cette maladie , l’espérance de vie. Ils s’informent ensuite sur les différentes techniques médicales qui peuvent être proposées à de tels couples (diagnostic préimplantatoire et sélection de l’embryon, amniocentèse, IVG, interruption thérapeutique de grossesse et les différents droits associés). Une fois toutes ces données prises en compte, il leur est demandé de discuter à chaque stade (avant la conception, lors du début de grossesse sans diagnostic, lorsque le délais d’IVG est dépassé mais qu’un diagnostic est posé) de leurs avis personnel. Ils prennent alors une décision commune.

À la fin, ils disposent de 5 min (appuyés d’un diapo) pour décrire rapidement les causes génétiques et leurs grandes décisions. 

On peut aussi imaginer qu’ils débattent ensuite avec les autres « couples ». Pour ma part, comme l’engagement des élèves a été réel, j’ai laissé ce débat s’installer de lui-même après leurs exposés par un question/réponse.

Ils n’avaient clairement pas tous le même avis et d’ailleurs la discussion a été très intéressante par la suite. Certains s’étonnant de décisions drastiques prises par d’autres pour une maladie bien moins grave que celle pour laquelle ils avaient décidé de « garder l’enfant », ou expliquant que dans le couple, certaines questions avaient été difficiles à trancher.

2) Un exemple qui alterne classe entière, sous groupes et décision individuelle. 

Avec mes sections euro, je fais régulièrement travailler l’oral en utilisant le débat comme support à l’utilisation de notions spécifiques. Ils sont généralement plus réceptifs et plus intéressés par des thèmes parfois peu racoleurs (si si, il y en a en sciences, je vous assure).

J’utilise des documents développés par la commission européenne pour que les jeunes s’engagent sur les questions que posent les avancées scientifiques (https://www.engagingscience.eu/en/ : c’est en anglais car le site en .fr semble être en maintenance).

Le principe est simple : partir d’une situation réelle du quotidien et poser le problème (faut-il bannir les bancs UV, manger des insectes c’est mieux que manger de la viande…).

À ce stade, chacun écrit une première réponse individuelle « avec à priori », puis cela peut-être partagé à la classe.

S’ensuit une mise en activité rapide autour de documents informatifs pour comprendre les tenants et aboutissants. Puis on revient à la question initiale et en groupe  on nous propose des arguments dont il faut peser l’importance pour nous avec différents procédés.

Par exemple, l’un des élèves annonce l’argument qu’il tire au hasard sur une carte. Il annonce ensuite s’il est d’accord ou pas avec cet argument puis les autres donnent leur avis. S’ils ne sont pas d’accord, il peut ensuite argumenter pour son opinion et enfin le groupe décide. Si la décision du groupe correspond à la proposition de l’élève, il gagne la carte. À la fin, on compte les cartes gagnées.

Dans un troisième temps, le groupe fait la part des arguments pour et contre (ou bien des arguments de poids majeurs et ceux de poids mineurs) et donne une réponse à la question avec ses arguments les plus pertinents.

Il y a alors mise en commun des réponses et des arguments clés.

Et pour finir, ce que je trouve très intéressant et que l’on oublie souvent à la fin d’un débat, chacun se positionne et écrit sa réponse individuelle avec les arguments qui lui semblent les plus pertinents.

3) Un exemple en groupe avec un rôle imposé

Plus souvent, on peut aussi imaginer que le débat soit clairement polarisé avec des rôles qui orientent vers une posture et des idées à défendre. 

Le site collaboratif playdecide game  propose des jeux de cartes gratuits au format pdf à imprimer – à condition de s’inscrire-. et notamment des jeux très bien construits avec des rôles à distribuer puis des discussions et débats à mener au sein du groupe (4 à 8 joueurs) sur un problème précis. À la fin, le groupe donne une réponse commune, négociée entre chacun.  

Les thèmes sont variés et portent sur des problématiques actuelles souvent liées aux SVT mais pas uniquement (les migrations mondiales, les jeunes et les médias, vies numériques).Et puis si vous êtes motivé, vous pouvez contribuer au site en créant votre jeu ou en traduisant un jeu déjà existant en français.

Je vois très bien comment utiliser ce type de jeux en AP ou en club. Il permet de parler d’une matière différente en mettant en perspective des enjeux actuels, de se placer en « citoyen », mais aussi de travailler l’orientation avec la découverte de différents profils et métiers parmi les rôles attribués.

 

C’est ici ma façon de faire et bien entendu… je suis ouvert au débat !

 

Une chronique de Damien THOMAS (toujours près à débattre et surtout quand il a raison)

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