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Poutine dans l’ombre de Staline ?

« On va vers l’inconnu avec un résultat connu d’avance ! » commentaient déjà les observateurs internationaux avant la fermeture des bureaux de vote en Russie.

Le parti Russie unie du président Vladimir Poutine a obtenu 315 des 450 sièges de la Douma d’Etat aux élections législatives du 2 décembre dernier. Cumulés à ceux du parti ultranationaliste LDPR (Parti démocrate-libéral), le camp présidentiel obtient donc 393 sièges, bien au-delà des 301 voix requises pour amender la Constitution. Hypothèse de plus en plus probable à mesure qu’approche l’expiration du mandat de Poutine en mai prochain…

Pour quoi un tel succès ? En Russie, beaucoup voient le président Poutine comme un héros – un réformateur autoritaire qui a ramené la croissance économique et la stabilité. La Russie affiche en effet une croissance de son PIB réel pour la septième année consécutive, avec près de 6,8 % par an en moyenne entre 1999 et 2004 ! Parallèlement, Vladimir Poutine est parvenu à construire un système autoritaire personnel dans lequel il prend toutes les décisions majeures. La presse, contrôlée par le gouvernement, étouffe tout débat politique (3 journalistes ont été assassinés en 2006). La crainte augmente avec la répression. En conséquence, les décisions centrales sont de médiocre qualité. Pendant son deuxième mandat, Vladimir Poutine n’a pratiquement pas entrepris de réformes économiques, et n’a donc guère contribué à la croissance économique. Ses efforts ont surtout été consacrés à renforcer l’autoritarisme et à laisser ses amis du KGB pétersbourgeois s’adonner aux renationalisations qui ont empêché l’investissement et le développement de la production, surtout dans le secteur de l’énergie.

Mais si système autoritaire personnel il y a, il ne saurait être stable car reposant entièrement sur un dirigeant. Le système s’effondre habituellement quand celui-ci quitte ses fonctions. Comme Vladimir Poutine a consciencieusement miné de nombreuses institutions, il est évident qu’il compte rester aux commandes et profiter encore quelques années des abondants revenus de pétrole… Pour cela, le maître du Kremlin manoeuvre habilement entre la diabolisation de l’Occident et la réhabilitation de la personne de Staline.

La diabolisation tout d’abord. Poutine a alimenté à fortes doses ce sentiment en s’appuyant sur certains faits de l’histoire récente du pays, plus exactement sur les années 1990. Considérée, à juste titre d’ailleurs, comme une période d’extrême stagnation économique par une forte majorité de Russes. Même si tout le monde sait que ce sont des personnages corrompus et des bandes mafieuses qui en furent les principaux responsables, tous acceptèrent de nouveau un vieux slogan : «la Russie est encerclée par les capitalistes» ! Poutine est ainsi parvenu à convaincre plus des deux tiers des Russes que tous les maux économiques rencontrés lors de la décennie antérieure et de celle en cours avaient été causés par les Occidentaux.

Et Staline dans tout cela ? Tout débuta avec cette opinion simple : «l’implosion de l’Empire soviétique a été la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle». C’est dans ce contexte que Poutine décida alors de réinstaller l’hymne soviétique en tant qu’hymne national de la Russie. Ici, pas question de devoir de mémoire, seulement quelques commissions sans aucun accusé au final.Facile de comprendre alors pourquoi une majorité de Russes croit aujourd’hui que les atrocités commises par Staline ont été exagérées par les Occidentaux, et notamment par les Américains, car les uns et les autres ont toujours pour «objectif l’affaiblissement durable de la Russie éternelle» !

Une fois cette réhabilitation de Staline bien entamée, et bien acceptée par la population, Poutine s’est senti suffisamment confortable pour dédier un musée à Staline, avant d’affirmer récemment qu’il n’y avait pas lieu que les Russes se sentent coupables des purges jadis organisées… Aujourd’hui, plus de 60 % des jeunes russes estiment que, Staline ayant fait plus de bien que de mal, il mérite une place au panthéon des grands de l’histoire du pays. Plus de 60 % d’entre eux jugent que les États-Unis sont l’ennemi numéro un du pays.

Tout en gommant les horreurs de Staline, Poutine est parvenu à infléchir à son avantage le regard que pourraient porter sur lui les Russes. En diabolisant l’Occident, il est parvenu de surcroît à étouffer l’opposition interne. Ainsi, il est libre désormais de jouer à sa guise avec l’Ouest. Un vent frais commence à se lever à l’est…

Pour en savoir plus :

– la revue de presse de Courrier International (29/11/07)

– un article critique d’Anders Aslund intitulé Poutine démasqué (07/12/07)

– un article de France 24 « Poutine rend hommage aux victimes de Staline » (07/12/07)

– un article de fond de Serge Truffaut (principale source d’inspiration de ce billet) intitulé « La réhabilitation de Staline » (19/07/07)

– sur le site russie.net, petite chronique des élections en Russie (14/03/04)

– Vladimir FÉDOROVSKI, Le fantôme de Staline, ou le secret de Poutine, 2007, Editions du Rocher.


2 commentaires

  1. Medvedev vient d’être élu nouveau président de la Russie… dans la continuité de Poutine, devenu premier ministre.
    C’est pourquoi Antoine se demande si Medvedev ne serait pas une simple marionnette dans les mains de Poutine…

    Pour répondre simplement, notons qu’au soir de sa victoire, Dmitri Medvedev a expliqué que la Russie avait choisi d’aller de l’avant et a promis que «la politique du président Poutine» serait poursuivie. Mais si Poutine ne disparaît donc pas de la scène politique (empêché par la Constitution de briguer un troisième mandat), son nouveau poste de premier ministre lui permettra certainement d’influer sur le destin des Russes. Medvedev n’ayant pas vraiment la figure d’un rebelle, les choses devraient bien se passer. Ceci dit, en tant que président, il possède le pouvoir de démettre son futur premier ministre… A suivre !

  2. D’ailleurs,quand on parle de politique russe dans les médias français, on parle plus souvent de Poutine. Medvedev est toujours dans l’ombre, il n’est pas souvent mentionné! Encore une histoire de propagande ?!

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