La propagande politique sur les réseaux sociaux

À l’ère du numérique, tout passe par les réseaux sociaux lorsqu’on veut attiser la curiosité des jeunes adultes voire des adolescents envers la politique. En 2022, 52,5 % des 18-25 ans ont voté aux deux tours des élections présidentielles selon l’Insee (enquête sur la participation électorale 2022.) Cela constitue le plus petit taux de participation aux deux tours. Avec l’espoir de voir plus de jeunes voter, les personnalités politiques se précipitent sur Instagram, X (anciennement Twitter) et par-dessus tout Tiktok. Par quelles méthodes les politiques endoctrinent-ils la jeunesse et quelles conséquences cela engendre-t-il ?

Miroir miroir, dis-moi qui est la plus belle

Les réseaux sociaux sont l’ensemble des applications qui permettent à chacun d’entre nous d’être connu, adoré, admiré ou au contraire d’être détesté, voire humilié.

Nous avons tous vu cette fille et son Instagram « pinterestable » avec des émoticônes accolés à son pseudonyme, ou ce garçon et ses photos sur une plage luxueuse durant les dernières vacances d’été. Chacun d’entre nous poste, commente, aime du contenu pour renvoyer une image de nous idéalisée selon l’effet que nous voulons créer.

Sur les réseaux sociaux, nous sommes qui nous voulons être. Personne ne saura si je suis vraiment allée manger à ce restaurant étoilé ce week-end ou si je me suis réellement baignée sur les plages de Miami. De la même manière que personne ne saura si les politiciens respecteront les engagements qu’ils ont promis sur les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux donnent l’occasion à n’importe qui d’être celui qu’il désire montrer. Nous créons artificiellement des choses censées être authentiques : notre côté humain.

Les personnalités politiques sont des humains comme vous et moi. Les politiciens ont vu l’engouement Tiktok. Les millions de « likes » sur des vidéos postées en moins de 24h. Ils ont su que les punchlines de personnalités célèbres devenaient des « réfs ». Alors, nous avons vu apparaître sur Tiktok des ministres, des députés et des sénateurs. Certains y rencontrent même une grande popularité tel que Jean-Baptiste Djebbari, l’ancien ministre des transports sous le gouvernement Castex qui accumule 998,6 k d’abonnés. Lui, comme Mathieu Mancort, postent des playbacks (technique de synchronisation labiale qui consiste à faire semblant de chanter ou de jouer d’un instrument de musique, avec l’aide d’un enregistrement remplaçant le son qui devrait normalement être produit par cette activité simulée) sur les sons tendances de l’application. Les personnalités politiques plus importantes dans le monde médiatique (Bardella et Macron) ne font pas de playbacks. En effet, Macron répond à des commentaires laissés sous ses posts Instagram et Tiktok sous forme de vidéos et Bardella s’amuse à faire des édits (modifications de vidéos avec des effets, des transitions et des sons ajoutés). Manifestement il y passe plus de temps qu’au parlement européen car les édits ne sont pas faits à moitié : saturation modifiée, son d’arrière-plan (de la phonk notamment mais nous y reviendrons). Il participe également aux « trends », nous pouvons retrouver une vidéo dans laquelle il écrit «  tu fais quoi le 24 mai ? » et où des photos de meetings du RN se succèdent. Nous pouvons également remarquer la formulation de la question. En effet, il ne s’agit pas d’une phrase dans laquelle le sujet et le verbe sont inversés comme ils sont censés l’être mais bien d’une formulation plus courante. Le raisonnement qui accompagne ce choix est mystérieux : appauvrissement et médiocrité du langage des politiciens du XXIème siècle ou formule employée pour se sentir plus proche des jeunes ? C’est à réfléchir.

La propagande des personnalités politiques

Les personnalités politiques font une propagande massive sur les réseaux sociaux grâce à certaines techniques. Des techniques de communication, et des techniques de détournement des propos.

L’esthétique des vidéos sur les réseaux sociaux est la première chose que nous remarquons. Sur le profil de Jordan Bardella, on retrouve des extraits de ses discours dans des meetings ou des débats à la télévision. Mais ce ne sont pas uniquement des extraits tels qu’ils ont été prononcés. Les extraits sont mis en forme comme des réels Instagram (ou Tiktok) avec une musique, une luminosité, des sous-titres choisis tout sauf au hasard. Jordan Bardella comme Mathilde Panot se mettent en scène avec une musique motivante, le genre de musique qu’on peut entendre dans les films d’actions pour faire monter le suspense, pour qu’on ait envie de continuer le film.

Dans tous ces réels, il y a une opposition avec le camp adverse. On y voit souvent des députés qui répondent à d’autres députés d’un parti opposé sous forme de « punchline ». Mais, ajouté à la musique d’action, il y a la luminosité et tout ce qui sert à mettre en valeur ou obscurcir le personnage central. Sur les réels de J. Bardella (RN) par exemple, les tons sont plutôt froids, sombres ce qui nous donne une image sérieuse de lui. Nous pourrions alors nous demander quel est son objectif en se montrant dans des tons froids, sûr de lui et humble, la réponse serait sûrement le désir de sérieux. En se montrant comme un homme sérieux, poli, humble et calme, il veut montrer qu’il représente bien le Rassemblement National en suivant la même ligne politique que le parti. Son attitude de premier de la classe, propre sur lui et obéissant montre l’ordre comme dans la France qu’il veut bâtir. Droit et calme pour l’intérêt de la France et de la majorité des Français et des Françaises.

A contrario, Mathilde Panot (LFI NUPES) n’adopte pas un visage de marbre, elle exprime ses idées, elle vit pour les faire exister. Sur ses réseaux sociaux, elle s’exhibe en tant que voix du peuple, pleine de rage, de tristesse, de joie lors des assemblées. Elle veut défendre la France en se révoltant contre les injustices qui nuisent au bien-être des minorités des Françaises et des Français.

Alors que Bardella montre l’unité des Français à travers un front uni derrière les traditions françaises et sa culture, Panot montre la fraternité des Français à travers les injustices de chaque catégorie de population. Le but n’est pas le même, donc les techniques de communication sur les réseaux sociaux ne sont pas les mêmes.

Ce que nous pouvons remettre en question n’est donc pas la communication dans son concept même, mais son application littérale, son fond. Des mots reviennent régulièrement dans le paysage politique et ils sont utiles pour vous permettre à vous faire un avis sur les méthodes de propagande des politiciens. Parmi eux, je pense notamment à « démagogie » et « populisme ». Quelles différences existe-il entre ces deux concepts ? Pouvons-nous vraiment les utiliser pour analyser la communication des politiciens ?

La démagogie se définit par une manipulation des émotions, des préjugés et du ressenti d’une catégorie de personnes, le plus régulièrement avec un discours flatteur pour attiser les populations des auditeurs. Le discours du démagogue sort du champ du rationnel pour s’adresser aux pulsions, aux frustrations du peuple, à ses craintes. Pour cela, il va souvent désigner un bouc-émissaire et tenir des promesses irréalisables afin de s’attirer la sympathie du public ciblé. En bref, c’est une personne qui prétend aider une catégorie de personnes (ici, les Français) en proposant des solutions simplistes pour résoudre les problèmes, tout cela dans l’optique d’obtenir quelque chose en échange (ici le pouvoir) et non pour le bien commun. Historiquement, par exemple c’est Hitler qui dit qu’il va rendre sa grandeur à la nation allemande qui a été perdue à cause des Juifs et des Communistes en appelant les Allemands à s’unir. L’argumentation démagogique doit être simple afin de pouvoir être comprise et reprise par le public auquel elle est adressée. Elle fait fréquemment appel à la facilité voire à la paresse intellectuelle en proposant des analyses et des solutions qui semblent évidentes et qui sont présentées sans nuances.

Le populisme, quant à lui, est aussi une forme de manipulation mais qui s’adresse au peuple contre les détenteurs du pouvoir, les élites qui seraient toutes corrompues et déconnectées. Ces élites qui dirigeraient sans prendre en compte les intérêts du plus grand nombre. Les politiciens populistes se font passer pour des gens qui sont directement issus du peuple afin d’être plus légitimes lorsqu’ils prétendent agir dans l’intérêt du peuple. Si nous reprenons l’exemple précédent, nous pouvons qualifier les discours d’Hitler non seulement de démagogues mais également de populistes car sa haine des Juifs est alimentée par sa croyance quant à la domination du monde par ceux-ci.

Démagogie et populisme sont relativement similaires, tous les deux utilisés la plupart du temps péjorativement mais il est nécessaire de rappeler que les deux sont différents et présentent des nuances notables.

La technique du populisme et de la démagogie est corrélée avec les réflexes sécuritaires. Les politiques effraient la jeunesse, avec des sujets qu’ils vont « subir » dans les années à venir s’ils ne changent rien. Pour l’extrême-droite, c’est l’immigration et le non respect des valeurs et de la culture française qui pourraient disparaitre selon la théorie du grand remplacement et les dangers du wokisme. Pour la gauche, c’est le respect des valeurs démocratiques et la liberté des minorités.

Nous, la relève

Voltaire a dit : « ceux qui peuvent vous faire croire en des absurdités pourront vous faire commettre des atrocités ». N’avait-il pas raison ?

Aujourd’hui, nous remarquons un large panel de vidéos de politiques sur les réseaux sociaux. Les vidéos les plus vides de contenus sont réalisées notamment par des très jeunes. Des personnes de 14, 16 voire 21 ans qui parlent de sujets sans les maîtriser, font des vidéos tellement provocantes et non nuancées qu’elles engendrent des réactions choquées, haineuses. Ce phénomène de banalisation et de vulgarisation du monde politique à travers les réseaux sociaux engendre un grand nombre d’incompréhensions.

Je ne prétends pas que la politique est une chose à considérer seulement lorsque nous sommes en âge de voter, la politique doit arrêter d’être vue comme un outil de la bourgeoisie dont les personnes moins cultivées et moins âgées ne peuvent pas s’emparer (même si le fait que ce soit un outil de la bourgeoisie n’est pas tout à fait faux). La politique doit seulement être bien comprise. Ce n’est pas un jeu pour impressionner ses amis.

Le clivage gauche/droite qui avait prétendument été dépassé durant les années gaullistes réapparaît encore plus fort que jamais. Sauf que ce sont les extrêmes qui remplacent la gauche et la droite. De plus en plus de réactionnaires et de personnalités problématiques apparaissent sur nos écrans. L’extrême-droite qui était il y a une trentaine d’années invisible sur nos chaînes TV fait à présent une grande partie de l’actualité. CNEWS, BFM TV et toutes les autres chaînes de télévision inquiètent les masses en cherchant à les effrayer. Alors les mots « wokiste », « grand remplacement », « fasciste », « faf » ont trouvé leur place à la télé. Les extrêmes abrutissent les masses à travers les réseaux sociaux et notamment la jeunesse qui est crédule et influençable. Puis, cette même jeunesse opère sa propre propagande sur les réseaux en ciblant encore plus précisément les attentes de ses pairs car elle en fait elle-même partie. Et c’est comme cela qu’on retrouve des adolescents sur BFM TV après des tweets choquants sur des sujets qu’ils ne connaissent pas mais dont ils s’approprient le savoir.

En tant qu’élève j’ai un message à faire passer car je suis médusée de ce que je vois. Médusée des commentaires naïfs sous les réels des politiciens : « il va sauver la France », « il est hilarant ce ministre, s’il se présente je voterai pour lui ». Ne soyons pas bêtes, il est encore temps de se rendre compte des manœuvres des personnalités politiques.

Les réseaux sociaux peuvent être un excellent moyen de commencer à s’intéresser à la politique mais nous ne pouvons pas croire aveuglément les propos répétés. Nous sommes la relève. La nouvelle génération bénéficie d’outils que les générations antérieures ne possédaient pas, servons-nous en ! Ne passons pas bêtement à côté de notre vie, les yeux rivés sur nos écrans, sortons dans la nature, intéressons nous au monde réel, à ceux qui contrôlent ce monde, remettons-nous en question !

Nous devons faire mieux que la génération précédente si nous ne voulons pas réitérer les mêmes erreurs qu’elle. C’est notre devoir en tant que personne, en tant qu’humain de se questionner sur les choses qu’on pense acquises, se remettre en question sur l’idéologie qu’on suit, le parti politique que nous affectionnons et les idées préconçues sur le parti adverse. Développons l’esprit critique. Cessons de juger le passé avec le regard d’aujourd’hui. Apprenons la politique avec la sociologie, l’histoire, l’économie, car le sujet est complexe. Le problème de notre génération est son manichéisme, apprenons à dépasser les clivages.

L’avenir dépend de nous : alors lisez, cultivez-vous, posez des questions et changez de point de vue. Le monde nous appartient.

Mathilde