L’enseignant serait-il un « pompier » en milieu hostile ?

Ce dimanche était l’occasion d’une grande démonstration ensoleillé sur l’esplanade des Invalides et le pont Alexandre III des forces humaines et matérielles mobilisées dans le cadre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile. Opération grand public et de communication pour des personnels et des missions souvent peu connues des usagers. On les apprécie uniquement en temps de crise, de catastrophe naturelle (inondations par exemple) ou accident majeur (feu sous tunnel).

Je me suis particulièrement arrêté devant un superbe engin, comme les enfants en rèvent: un camion de pompier tout rouge, rutilant et sur-armé, dotant la brigade d’Alsace (Colmar, Saint-Louis).  Pour la première fois, ce camion « nouveau concept » donnait à voir ses entrailles: sa conception est directement issu des expériences croisées des feux sous tunnel connus depuis quelques années. Les failles des systèmes de sécurité, le sous-équipement des brigades et l’impréparation des équipes avaient posé de nombreux problèmes d’efficacité, notamment lors de l’incendie du tunnel du Mont-Blanc et plus récemment du tunnel du Fréjus.

C’est donc la confrontation directe aprés ces expériences entre les différents métiers qui a permis à un groupe de terrains, aidés en cela par des spécialistes et ingénieurs de concevoir ce nouveau véhicule. Il a la particularité de pouvoir se mouvoir en « milieu hostile », sans oxygène, sans aucune visibilité, avec rapidité et efficacité pour intervenir au mieux sur site.

Une rapide photo nous permet de saisir la variété nécessaire des instruments et outils requis pour soutenir l’action humaine. Le camion est une immense « boite à outils » à la disposition des équipes.

C’est un véritable travail d’équipe où les membres sont solidaires, et chacun à leur poste; leur formation est continuée; avec de nombreux exercices de simulation, quand bien même les statuts diffèrent, entre cadres professionnels et volontaires. Sur le terrain, pas de différence.

Et en classe ?

Nous pourrions alors nous amuser au jeu méthodologique de transposition (ou JMT) en se reportant à notre domaine de l’éducation et de la formation.

La classe est un contexte trés spécifique,

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tout se passe en simultanéité, en immédiateté, en multidimensionnalité, en imprédictibilité !Les interactions verbales, non verbales, fusent; ce peut être à la fois fascinant et dangereux, comme le feu.

Il devient important pour tout enseignant de savoir et de pouvoir compter sur un équipement et une ingénierie suffisamment riche et variée, sur une solidarité professionnelle qui l’assurent, au sens propre du terme, dans son exercice.

Au risque sinon de se brûler, les Anglais, et les sociologues du travail, disent « burn out »: c’est à dire que le professionnel brûle alors ses ressources, et s’épuise. En quelques six symptômes typiques de « burn out »:

  • Irritabilité et méfiance envers autrui.
  • Absence d’idées nouvelles pendant plus de six mois.
  • Manque d’énergie physique et/ou émotionnelle.
  • Sentiment d’isolement et de manque de soutien.
  • Forte aspiration à s’échapper de sa situation professionnelle actuelle.
  • Tendance à se justifier par un excès d’activité, en privilégiant l’aspect quantitatif plutôt que qualitatif.
  • Source: Centre Américain de Maîtrise du Stress

L’enseignant, comme son collègue le pompier, est un professionnel qui sait s’exposer pour rendre un service important à la Personne comme à la Nation, et donner un « trésor » en formation.  Les pompiers sont des figures de notre patrimoine national. Et les enseignants ?


Le professeur finlandais nous interpelle.

Notre ouverture à l’Europe, à l’heure de la « présidence française de l’Union européenne », mais aussi les comparaisons internationales des systèmes éducatifs nous invitent à déporter notre regard ethno-centré sur l’ailleurs nordique.  La mise en chantier de notre « nouveau lycée » sous l’égide de J.P. de Gaudemard, prend quelques références explicites sur le lycée finlandais.

Il est alors intéressant de s’appuyer sur les notes d’études, parues en un livre chez ESF en 2008, de Paul Robert: « La Finlande, un modèle éducatif pour la France ? ». Ainsi, s’intéresser aux changements structurels, organisationnels, mais aussi sous-tendus par des principes éthiques qui doivent concerner nos enfants et nos élèves, c’est regarder de très prés les compétences des acteurs chargés de les mettre en place.

Ainsi, le professeur finlandais, d’après la faculté de Joensuu, se forme en six domaines, définis de la façon suivante:

Une guide vers l’apprentissage et la croissance personnelle

• il encourage la pensée personnelle de l’élève

•Il fait découvrir ce que c’est qu’apprendre

•Il encourage et évalue l’apprentissage

•Il accepte la responsabilité d’encourager l’apprentissage chez tous les apprenants

Un directeur d’activités d’apprentissage

•Il est responsable de la création d’une atmosphère de sécurité propice au travail

•Il construit des environnements d’apprentissage

•Il encourage différents styles d’apprentissage

Un inspirateur de valeurs

•Il aide les élèves à développer et à clarifier leurs valeurs

•Il encourage la construction par l’apprenant de sa propre vision du monde

•Il met en œuvre une citoyenneté active

•Il comprend l’influence sociétale de son propre travail

Un expert

•Il maîtrise la structure de la connaissance dans son domaine

•Il contrôle la construction du sujet d’étude et le développement des compétences

•Il aide les élèves à construire leurs connaissances et leurs compétences

•Il recherche, développe et évalue leurs activités

•Il s’approprie, communique et développe la culture

Une personne complète

•Il sait mener une conversation avec empathie

•Il encourage et apporte son aide

•Il intègre le concept de l’apprentissage tout au long de la vie

•Il connaît son propre potentiel et ses limites

•Il assume la responsabilité de ses propres sentiments

•Il est conscient de sa propre conception de la nature humaine

Un adulte réceptif et responsable

•Il travaille activement à la réalisation des buts communs de son établissement

•Il favorise la coopération

•Il est un modèle de compétences sociales et de savoir-faire

•Il s’emploie à faire de son établissement une organisation dédié à l’apprentissage (learning organization)

Ces familles de compétences sont à présent à rapprocher du nouveau référentiel des enseignants édité en janvier 2007, à l’occasion du « cahier des charges  » de la formation initiale, mais aussi de l’intégration des IUFM (ou dissolution ?) aux universités, et de la « masterisation » des enseignants en didactique.

Ce texte a permis de donner le cadre et les références du « Cahier des charges de la formation initiale », paru au Bulletin officiel le1er janvier 2007. Vous pouvez le retrouver dans son intégralité sur la page www.education.gouv.fr/bo/2007/1/MENS0603181A.htm

– agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable ;
– maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer ;
– maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale ;
– concevoir et mettre en oeuvre son enseignement ;
– organiser le travail de la classe ;
– prendre en compte la diversité des élèves ;
– évaluer les élèves ;
– maîtriser les technologies de l’information et de la communication ;
– travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école ;
– se former et innover.

Ne serait-ce que ces deux évolutions, c’est déjà observer un antagonisme fort, une tension introduite dont on ne connait pas aujourd’hui la résolution. Sera-ce l’occasion de faire évoluer des masters en une professionnalisation de la formation, telle que l’a connu la formation initiale des enseignants d’EPS. Ce serait souhaitable.

Nous ne pouvons que constater des écarts et des creux entre la France et la Finlande, notamment sur l’approche fortement centrée sur l’élève et son développement personnel et social, sur les valeurs engagées. Il ne pourra suffire d’innover en proposant un lycée à la carte, fortement souhaitable en France, sans penser dans le même temps une formation actualisée et problématisée de ses enseignants. Saurons-nous le faire ensemble, et avec la sérennité nécessaire dans tout changement d’importance ?