Repérer l’innovation (4): aussi, des processus invisibles et puissants

Aprés avoir pris l’innovation comme objet visible, production lisible et communiquante, aprés avoir des pratiques plus informelles et des élèves en acquisition, nous abordons ici une dimension de l’innovation… méconnue et pourtant essentielle.

Vous pouvez feuilleter la présentation (toute en images) qui accompagne ce texte ici.

D- L’innovation comme processus invisible, immatériel et dynamique de changement de l’organisation

L’innovation est aussi polysémique et agit en cela comme véritable « attracteur étrange », en entrainant plusieurs acceptions que nous pouvons réfuter terme à terme (cf. Françoise Cros, INRP)

–          Le nouveau

–          Le produit

–          Le projet

–          Le changement

–          Le processus

Aprés avoir pris l’innovation comme objet visible, production lisible et communiquante, aprés avoir des pratiques plus informelles et des élèves en acquisition, nous abordons ici une dimension de l’innovation… méconnue et pourtant essentielle.

26- l’innovation est polysémique et souvent même, elle ne se nomme pas.

Un établissement est une organisation humaine et professionnelle complexe.

Son fonctionnement dépend sans doute d’un cadre prescrit, mais bien souvent d’un entrelacs de coutumes, de relatons et de représentations largement masquées dans un premier temps.

Le repérage, s’il s’en tient aux facettes visibles externes, risque de passer à côté de processus au travail dans le corps « scolaire »; les décalages entre les niveaux (communication officielle, écrits de l’établissement, routines, interactions) sont importants, compte tenu du cycle de développement de chaque unité, du renouvellement des personnels et des situations locales.

27- L’innovation s’origine dans les niveaux plus profonds, celui des représentations (ou identifiées comme « valeurs ») et celui des interactions au sein de l’organisation scolaire..

Plusieurs processus travaillent l’organisation scolaire; il s’agit d’en analyser le degré de développement dans les écoles ou établissements:

Des processus de recherche d’efficacité en pédagogie

Des résultats probants, recherchés grâce à des dispositifs d’enseignements et des pratiques combinant plusieurs approches pédagogiques (cf. Aletta Grisay, univ. Louvain, 1995)

Un processus d’actualisation du métier d’enseignant

Les compétences développées par nos équipes peuvent être décryptées à la lumière de la comparaison européenne du métier prescrit.

Six domaines d’activité ont été identifiés, en plus de l’enseignement stricto sensu:

A1: supervision des élèves entre les cours (sauf sur le temps du midi)

A2: supervision après les cours

A3: remplacement des collègues absents

A4: soutien des futurs enseignants et des nouveaux entrants

B1: travail d’équipe pour la définition du projet d’école, l’interdisciplinarité, la construction du curriculum

B2: travail d’équipe lors de l’évaluation interne de l’école

Tous les domaines investis et identifiés par nos équipes suivies en innovation ne sont pas autre chose que des domaines actuellement en cours de développement dans les autres pays. En cela, l’expérimentation pour la France est bien un « upgrade » du métier au niveau européen.

Un processus de développement de l’organisation apprenante

La recherche de performances pour les élèves conduit les équipes et leur direction à explorer des modes d’organisation plus coopératives et négociées, malgré les moyens diminués et le temps contraint.

Un processus de conduite du changement

La recherche en sociologie des organisations (ici, Monica Gather-Thurler, univ. Genève) nous présente une typologie synthétique des organisations plus ou moins favorables à la conduite du changement.

Le tableau met en regard style de direction, type de coopération et mode de fonctionnement.

C’est un tamis efficace pour « lire » en situation de repérage les gisements potentiels d’innovation.

Un processus de développement de l’efficacité systémique en établissement

Les apports de la recherche internationale en éducation sont des outils utiles pour le guidage des équipes; certaines se sont appropriées ces approches pour s’en faire une véritable « carte de développement professionnel ».

28- L’innovation s’apprécie aussi dans l’analyse de processus plus invisibles: recherche d’efficacité pédagogique, émergence d’organisation apprenante, actualisation du métier, approche systémique globale du changement

Repérer l’innovation (3): un attracteur étrange et polymorphe

3ème épisode de notre feuilleton « repérer l’innovation »: aprés s’être occupé de notre bagage pour partir à l’aventure (précautions méthodologiques et limites en éducation), nous nous approchons à présent d’un objet bizarre que d’aucuns auraient appelé « attracteur étrange » (cf. Guy Le Boterf, à l’occasion du concept de compétence).

Si vous perdez le chemin, je rappelle toujours les utiles balises (en orange).

Vous pouvez aussi feuilleter la présentation ici

2- le repérage, ce sont ensuite des questions de définitions des objets complexes, ici: innovation et acteurs de l’innovation

A- l’innovation comme objet polysémique et polymorphique.

B- L’innovation peut se rendre visible ET lisible.

C- L’innovation reste cependant une pratique à l’œuvre, émergeante, visible dans certaines conditions

D- L’innovation comme processus invisible, immatériel et dynamique de changement de l’organisation.

  • Des processus de recherche d’efficacité en pédagogie.
  • Un processus d’actualisation du métier d’enseignant
  • Un processus de développement de l’organisation apprenante.
  • Un processus de conduite du changement
  • Un processus de développement de l’efficacité systémique en établissement

________________________________________________

2- le repérage, ce sont ensuite des questions de définitions des objets complexes, ici: innovation et acteurs de l’innovation

En archéologie, on joue souvent sur un distique connu: « on trouve ce qu’on cherche, on cherche ce qu’on trouve ».  C’est donc bien que la quête, voire le glanage, requiert en amont une préparation du regard et une sensibilité accrue à la présence, à la mention d’objets les plus divers, recouverts sous le beau mot fallacieux d’innovation.

Le vocable peut recouvrir des objets très apparents, et physiques, des acteurs, mais aussi des processus beaucoup plus invisibles et immatériels.

A- l’innovation comme objet polysémique et polymorphique

A se cantonner à la définition de la Banque Nova de l’INRP, l’innovation serait l’introduction d’un élément nouveau dans un contexte ordonné dans une intention de changement.

Elle s’avère suffisamment générique pour embrasser par exemple une première typologie par origines d’acteurs et champs d’action.

Ainsi, une action ou un dispositif repéré pourrait tout à la fois partagé plusieurs caractéristiques, suivant la modéllisation en 3D qui étonne Tintin:

–          Deux facettes selon qu’elle s’origine localement ou qu’elle soit d’origine institutionnelle (EIST, AP, EE, CECRL par exemple)

–          Deux facettes suivant qu’elle s’inscrit dans le corpus des disciplines (LV, EPS) ou qu’elle s’étend à l’ensemble des champs (évaluation par compétences)

–          Deux facettes selon qu’elle est portée par un à deux acteurs ou qu’elle fait l’objet d’une politique d’établissement.

La représentation en 3D montre la combinatoire spatiale d’une action et sa coloration suivant sa plus ou moins grande proximité des facettes.

22- l’innovation est par nature polymorphe.

B- L’innovation peut se rendre visible ET lisible.

Ex. le lycée BERGSON: Toute une équipe s’engage dans une élucidation de ses résultats, de ses effets, de ses impacts. En se trouvant parfois des outils nouveaux (ici le display), et pour se faire, trouver les organisations du travail modifiées pour parvenir à ce type de résultats (processus)

En focalisant le travail et les énergies sur la communication des résultats, les équipes sont conduites à inscrire dans leur « tableau de bord » des dimensions parfois cachées de la réussite scolaire, comme ici le sentiment d’appartenance et l’analyse de la base de participation au processus.

Ce sont aussi des « mots » parfois exotiques qui revêtent des pratiques et des organisations en mouvement: comme « drama », atelier philo, pôle, DSA. Des appellations locales d’origine incontrôlée alertent notre attention sur une recherche de recomposition du « réacteur scolaire ».

Ce sont bien des documents officiels et communicants d’une politique d’établissement, établi sur la durée, par un collectif au travail.

La dérive possible, c’est l’effet-vitrine. Un superbe document qui se réclame de l’innovation et qui cache un fonctionnement tout à fait traditionnel. (Comme l’église Saint-Sulpice)

23- l’innovation (re)crée ses propres cadres d’expression

En dépassant la frontière du registre officiel de l’établissement, on détecte des supports documentaires qui attestent d’une pratique innovante.

Ex. LT TIREL, atelier photo: Pouvoir organiser des savoirs dans la complexité, savoir le communiquer à autrui, dans une recherche toute créative et efficace.

Peuvent se retrouver plusieurs caractéristiques de l’innovation

–          Un certain inattendu

–          Un foisonnement certain

–          Un côté bricolage

–          Une créativité attestée

Parfois, elle est non seulement VISIBLE, LISIBLE, mais aussi COMMUNICANTE:

Exc. ECOLE VITRUVE, publication des commissions des parents:  Produits d’une enquête sur les acquis des élèves.

Des acquis solides, parfois au-delà des exigences du Socle, validés par la comparaison avec d’autres écoles, par les équipes qui reçoivent les élèves, mais aussi par… les parents.

Ce sont alors des formes très développées, originales, résultats d’un long processus.

C- L’innovation reste cependant une pratique à l’œuvre, émergeante, visible dans certaines conditions

Ex. LG CHARLEMAGNE:  Exploration de nouvelles activités pour des jeunes lycéens urbains pas toujours en bonne forme, recherche d’un contrôle de son souffle, d’un ajustement de son effort, performances individuelles et collectives

Exc. CLG MALLARME, pôle lettre et arts: S’engager dans une aventure collective, favorisant la coopération et la créativité, exploration artistique et culturelle, avec des partenaires de prestige

Ex. CIRC. 20C, défi technologique: S’engager en équipe dans un vrai défi à relever, pour apprendre, faire des essais, revenir, prouver, communiquer, et réussir.

exc. LT TIREL, Non seulement participer à une aventure exploratoire pour soi, pour sa formation professionnelle, mais aussi l’analyser ensemble, en tirer des acquis validés.

Ex. LP PONTICELLI (PIL)  S’engager dans une analyse lucide et experte de son parcours scolaire, trouver ses points d’appui pour retrouver le chemin de la réussite.

Au terme de ce premier parcours, il existe donc une certaine « traçabilité » de l’innovation, qu’un observateur attentif pourrait relever:

25- Quelques « marqueurs » du côté des élèves de l’innovation: enrichissement, coopération, expérimentation, enrôlement, réflexivité%

Un projet est-il (forcément) innovant ? A voir….

Le prochain Forum des enseignants innovants à Roubaix invite enseignants et équipes à partager, confronter, échanger, et valoriser des projets pour changer l’Ecole; il est une initiative issue de la coopération de plusieurs organismes et associations d’enseignants qu’il faut saluer, en périphérie de ce que l’Institution prône de son côté, dans ses missions académiques, sous le vocable d’innovation ou d’expérimentation (article 34 de la Loi de 2005).

Il est possible d’y retrouver d’ailleurs parfois les mêmes actions, comme cela a été le cas déjà l’an dernier, mais aussi parfois sans concordance directe. C’est un épisode d’une longue d’histoire d’un je t’aime moi non plus entre Institution et innovation, ainsi que nous le conte Françoise Cros (Observatoire de l’Innovation).

« Innover en français », l’appel de Roumanie

Ce type d’appel à projet, nous l’avons rencontré (et en partie impulsé) « ailleurs », en Roumanie, à l’occasion d »un travail durable avec l’Ambassade de France à Bucarest, depuis 2006: le dispositif s’appelle « Innover en français« , ou comment relancer durablement l’apprentissage du français dans un contexte européen dominé par une extension agressive de l’anglais en pays francophone.

Le Forum depuis trois ans se termine par un appel à projet innovant, et récompensé par un séjour de formation de 15 jours à Paris, où nous proposons un « voyage pédagogique dans l’innovation de nos équipes ».

Cela nous a permis en vue de communiquer sur les critères de lecture du comité de validation d’élaborer un schéma de l’innovation en matière de projet, ce afin de prévenir de quelques dérives courantes en la matière ou raccourcis parfois faciles; tout projet n’est pas innovation, toute innovation n’est pas réductible à un projet, ni à un produit, ni à une technologie (les tice ont d’ailleurs souvent joué à ce petit jeu).

Ainsi, nous avons pensé qu’il était important de mettre en mots le concept de processus innovant, et d’identifier les éléments constitutifs qui font d’une action une formation durable pour les élèves.

Hexagone du projet innovant Françoise Cros nous rappelle de la même façon que dans toute innovation, on peut observer trois « marqueurs », tels que le… désordre engendré dans un contexte trés structuré, l’enrôlement, mais aussi la dynamique créée.