Pologne : Le tout dernier mur frontalier de l’UE

Le tout dernier mur frontalier de l’UE s’élève dans une forêt primaire de Pologne

Les nationaux-conservateurs au pouvoir à Varsovie ont fait édifier une barrière frontalière tentant de bloquer la route migratoire passant par la frontière polono-bélarusse, encouragée par Minsk. Le dispositif s’étend depuis fin juin sur plusieurs dizaines de kilomètres au cœur de la forêt primaire de Białowieża.

Hélène Bienvenu, Médiapart, 24 septembre 2022

Kuźnica et Białowieża (Pologne).– « Ce n’étaient pas de simples migrants qui se seraient égarés par hasard au Bélarus. C’étaient des éléments provocateurs envoyés par Loukachenko et Poutine. » Le 30 juin, le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a inauguré dans le village de Kuźnica, dans l’est de la Pologne, le tout dernier mur frontalier de l’Union européenne. S’étendant sur 187 des 418 kilomètres de frontière partagée avec le Bélarus, ces colonnes d’acier coiffées de fil barbelé ceinturent désormais la commune de 1 800 âmes.

C’est ici que plusieurs centaines de migrant·es issu·es principalement du Kurdistan irakien avaient convergé depuis le Bélarus, avec la complicité des autorités de ce pays, pour franchir la frontière polonaise en novembre 2021. Un épisode particulièrement médiatisé, qui s’est multiplié le long de cette frontière orientale de l’Union européenne (UE) entre l’été et l’hiver 2021.

Pour cette seule année, les gardes-frontières polonais ont enregistré près de 40 000 tentatives de franchissement irrégulier de la frontière polono-bélarusse, un chiffre qui s’élevait à seulement 129 en 2020. Depuis plusieurs mois, la tendance est à la baisse mais les organisations et les bénévoles qui viennent en aide aux exilé·es victimes de refoulement de part et d’autre restent sur le qui-vive : rien qu’en juillet 2022, le collectif Grupa Granica a reçu plus de 850 appels émanant de personnes en détresse dans les forêts et les marais.

La clôture qui délimite le mur frontalier entre la Pologne et le Bélarus, à Opaka Duża. © Photo Helene Bienvenu pour Mediapart

Tout un chacun est désormais libre d’accéder à la zone transfrontalière – à moins de 200 mètres de la clôture – mais aucune grande ONG n’est présente sur les lieux, laissant les habitantes et habitants livrés à eux-mêmes. Des ressortissant·es du Cameroun, du Congo, du Mali ou encore du Yémen, et plus rarement de la Syrie et de l’Irak, parviennent à franchir ce mur d’acier et de béton de 5,5 mètres de hauteur – équipé de capteurs et de détecteurs de mouvement à la mi-septembre –, qui ne constitue qu’un obstacle supplémentaire sur leur route vers l’espace Schengen. Au-delà du coût matériel et humain engendré par le dispositif, les scientifiques redoutent déjà les conséquences sur l’environnement.

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Des espèces menacées d’extinction

« Les barrières stoppent le mouvement migratoire des animaux, et donc les échanges génétiques, c’est particulièrement dangereux pour les populations déjà fragilisées et isolées, comme les lynx, qui en Pologne avaient les échanges génétiques les plus bas d’Europe »,abonde Rafał Kowalczyk, professeur associé à l’Institut de recherche sur les mammifères, qui souligne que cette espèce ne compte plus qu’une quarantaine d’individus dans la forêt. « Les lynx fonctionnaient comme une seule et même population, la clôture dite sistiema [érigée par le pouvoir soviétique en 1981 – ndlr] n’était pas un obstacle pour eux », argumente le chercheur, qui s’empresse de montrer les déplacements de l’espèce protégée en Pologne sur son écran d’ordinateur.

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L’article en entier : https://www.mediapart.fr/journal/international/240922/le-tout-dernier-mur-frontalier-de-l-ue-s-eleve-dans-une-foret-primaire-de-pologne

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