C.B. Réalisme et idéalisme/idéal et charnel (remarques et réflexions)

Réalisme et idéalisme de l’art de l’érotisme du Moyen Age à nos jours.

Quelques remarques et conseils.

-Veiller à l’exactitude des titres et des attributions des oeuvres, à l’orthographe des noms propres. Datez et localisez autant que possible. On dit Aréopage (comme Arès) et non pas aréopage.
-Contextualiser par rapport à la culture et au goût du moment et bien sûr aux mouvements artistiques, aux artistes d’un même courant etc. cf. relarque dans l’encadré du précédent corrigé Chartes

-Des termes comme “beauté érotique” méritent réflexion et nuance dès l’introduction pour que le correcteur sache à quel titre ils seront utilisés dans la démonstration.

-Lorsque vous répétez à l’envi que l’érotisme et la beauté idéale sont des notions subjectives c’est à la fois vrai et faux. Car la subjectivité de l’artiste ou du regardeur ne sont pas des isolats ! Celle du premier s’inscrit dans un  contexte culturel, un mouvement artistique, des références à d’autres artistes, écrivains, poètes.., contemporains  ou pas. Celle du regardeur est issue du goût dominant (notamment pendant la période qui va de la Renaissance au XIXe siècle)  ou à celui des contestations de l’ordre établi, qu’il soit esthétique ou moral.

-La périodisation doit se faire bien sûr en rapport avec le sujet et non pas simplement par des marques chronologiques. Les repères chronologiques des oeuvres et des artistes doivent également être présentes (une date,un siècle, un mouvement artistique doivent préciser les temporalités). Respectez l’ordre chronologique des oeuvres et des références !!! Commencez par l’exemple ancien avant de poursuivre avec le plus récent ou alors mettez les verbes au passé.

-Le sujet peut inclure, selon l’argumentaire et le corpus choisis,  la laideur, la provocation, la violence, l’image de la femme tentatrice diabolique ou femme fatale des symbolistes, le “unheimlich” freudien, donc ce qui s’oppose au canon classique du nu et du beau « idéal »  hérité de l’Antiquité et de la Renaissance comme d’aileurs de l’déalisaiton « érotico-religieuse » du Christ et de certain.e.s martyr.e.s, opposition qui va de la figuration idéalisée (que le caractère érotique soit implicite ou explicite) jusqu’aà l’obscène (à condition que cet obscène, voire porngraphique soit intégré dans une démarche artistique (càd l’inverse du cinéaste dans le Pornographe de Bertrand Bonelo qui tente désespéremment d’escthétiser la pornographie (mais alors, que dire de Made in heaven de J.Koons ? la limite est ici tenue. Cette opposition en apparence radicale et teintée d’athéisme  avait atteint son paroxysme avec la figure du Marquis de Sade dont les livres La Nouvelle Justine suivie de L’histoire de Juliette, sa soeur  sont édités aux Pays-Bas en 1797 et illustrés de gravures érotiques et pornographiques. Souvenons-nous de l’admiration de Sade devant les figures de pestiférés ou d’écorchés en cire de Gaetano Zumbo).

-Approfondir un peu les notions en faisant des comparaisons utiles : p. ex. la question de la nudité dans le rapport idéal -charnel (ou réel). Dans la Calomnie d’Apelle et dans la Phryné devant l’Aréopage de Jean-Léon Gérôme. Les deux nudités incarnent la vérité mais celle peinte par le chef de file du mouvement néo-grec est beaucoup plus érotisée tout en restant conforme à l’idéalisation académique (carnation). Celle de Botticelli qui rappelle la Vénus du même artiste cheveux au vent ondulants qui n’est pas du tout érotique même si les cheveux très longs viennent s’enrouler dans l’entre deux jambes pour former un perizonium de pudeur.

Sur la nudité, voir corrigé du sujet de novembre : le nu est-il toujours érotique ?

https://docs.google.com/document/d/1XlwBBVjelo6-zO0Mv9Hg76jMW6dxEtkjukFlXJXM1x4/edit?usp=sharing

 

Réflexions, analyse du sujet.

Dans l’Érotisme (1957), George Bataille affirme au début du chapitre I :

«L’érotisme est l’un des aspects de la vie intérieure de l’homme. Nous ne nous trompons pas, parce qu’il cherche sans cesse au dehors un objet du désir. Mais cet objet répond à l’intériorité du désir.»

“Intériorité du désir” cela veut bien dire que l’érotisme suppose une disposition d’esprit, quelque chose qui dépasse le charnel, le cru, la monstration, ou l’obscénité (l’amour qu’on pourrait qualifier de bestial). N’est-ce pas là l’affirmation d’un idéalisme consubstanciel à l’érotisme ? Ainsi, le paradoxe semble bien posé : l’érotisme suppose une intériorité donc une idéalité celle du fantasme, du désir, du regard sans pour autant renier le chernel, la réalité du contact charnel. Amour sacré (Platon et bataille en même temps…) amour profane (éros prosaïque ? charnel ? obscène y compris jusqu’à l’excès, la passion, voire la violence ?

L’objet du désir est généralement le corps féminin même si plus récemment le désir féminin ou l’homoérotique se sont beaucoup plus afirmés. Le corps est soit d’une beauté idéale soit pris dans sa réalité y compris triviale (cf. les nus à la toilette de Degas dans des poses anti-académiques et dont certains ont été qualifiés d’”animaliers”), ou plus rarement, même si c’est en train de changer, le corps masculin (ignudi de Michel-Ange, Léonidas de J-L David, nus homoérotiques et trans de Pierre & Gilles...). Si l’on admet en effet avec G. Bataille que l’érotisme répond “à l’intériorité du désir”, le désir de l’artiste est de créer. Il s’agit de la bien connu jouissance de l’acte créateur semblable à celle du désir sexuel selon Picasso qui a si fortement affirmé et représenté notamment dans sa série de gravures Raphaël et la Fornarina la métaphore de la peinture comme acte de nature sexuelle.

Rubens déjà au XVIIe siècle semblait exprimer cette jouisssance du peintre dans une toile appelée La Pelisse montrant sa jeune et très désirable épouse Hélène Forment à demi-nue et au regard hardi, fière de sa jeunesse et consciente du désir que provoque chez son grand aîné de mari la vue de sa généreuse nudité. Jouissance de l’amant, jouissance de l’artiste fusionnent dans l’oeuvre et lui rendent sa beauté (voir les topoï antiques plusieurs fois représenté par les artistes : mythe de Campaspe (Apelle et Alexandre), Pygmalion et Galatée, Zeuxis et les cinq plus belles filles de Crotone.

Sur Pygmalion voir Jean-C Laude Lebensztejn “Pygmalion” ci-dessous son choix d’oeuvres :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Galatea 1990 de Roy Lichtenstein, exposition Roy Lichtenstein, Tate Modern, Londres,  Feb 2013

La jouissance vient de la satisfaction du désir face à la beauté. C’est ce que nous montre L’extase de Sainte Thérèse de Bernin : désir amoureux de s’unir de manière mystique à Dieu, quand l’érotisme bascule dans le sacré. Cette jouissance si ambiguë s’incarne dans le visage et le spasme du corps de la carmélite, donc de l’esprit à la chair qui commande les sensations. Elle consiste parfois à rechercher la beauté de la métamorphose du corps y compris en le subvertissant comme Picasso dans Le Baiser, (1925 Paris Musée Picasso) lorsqu’il remplace la bouche de la femme par son sexe

Le baiser Juan-les-pins 1925 huile sur toile 130 x 98 cm Musée Picasso Paris.

ou comme Magritte qui lui emboîte le pas dans Le viol (1934, Bruxelles). André Breton n’a-t-il pas pas parlé dans les années ‘20 de “beauté convulsive” achevant ainsi la brèche ouverte par la subversion romantique (et singulièrement du romantisme noir) et appelant un érotisme surréaliste de la déconstruction, voire la violation de tous les critères de beauté hérités de l’Antiquité et de la Renaissance.

Prbl. Le sujet pose en effet la question : y a-t-il une beauté spécifiquement érotique dans l’art qui s’opposerait à un réalisme cru, purement charnel, et osons le mot pornographique dans une confrontation spectateur – voyeur face à l’image explicite, simple produit de consommation ? Le « réalisme » de la représentation semble communément l’oeuvre au magasin des accessoires de voyeurs contrairement à l’idéalisation qui serait plus acceptable. Est-ce une vision juste des choses ?

Associer érotisme et préoccupation esthétique, voire plaisir esthétique cela suppose d’intégrer la notion de beauté (que ces critères soient ceux de la beauté idéale classique ou de la beauté “convulsive” bretonienne, celle des surréalistes)  mais aussi subjective, animée par le “désir intérieur” de l’artiste ou du regardeur. Comment les artistes ont-ils associé ou opposé beauté et érotisme dans leurs oeuvres ? Inversement, la laideur ou la banalité du corps empêche-t-elle l’expression de l’érotisme ? Mais d bain (c’est ici), eau forte de de Rembrandt, sa grande Bethsabée du Louvre dont le corps semble très peu sensuel interrogent le rapport entre corps nu mais banal et désir érotique. De même le corps dépourvu de toute idéalisation de la “Femme de Putiphar” (eau forte de Rembrandt) qu’elle offre à un Joseph détournant le regard peut-être de peur de dcéder à la tentation de cette vulve nettement dessinée par l’artiste Un sujet érotique par excellence, l’étreinte, peut donner lieu à des représentations qui vont de l’idéalisation de l’union des amants, entre passion et tendresse, jusqu’à l’obscénité, voire la pornographie.

Si le christianisme a rangé Éros dans la déviance et la luxure, dans l’antiquité revisitée à la Renaissance, Éros est double : d’un côté les amours célestes du domaine des dieux, (auxquels peuvent participer parfois des figures de nymphes, voire des mortel(le)s, de l’autre l’amour terrestre, soit platonique, idéal, incarné par Vénus d’une beauté immaculée et éthérée peinte par Botticelli (Naissance de Vénus, 1484-1485, Offices), soit teinté de bestialité bucolique dans les unions non dénuées de violence que provoquent les assauts des satyres et des centaures êtres hybrides entre l’homme et l’animal, contre les nymphes, tel Rubens dans son dessin :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Rubens_Satyrs_chasing_nymphs.jpg

ou trois siècles plus tard Picasso dans son dessin Le centaure Nessus enlève le femme d’Héraclès :

https://yourartshop-noldenh.com/pablo-picasso-kunst-ist-immer-erotisch/pablo-picasso-n-2/

D’un point de vue platonicien, on pourrait en effet opposer beauté, donc plaisir esthétique, bref, un idéal et sexualité, désir charnel, érotisme. Cela est encore plus fondé lorsqu’il s’agit d’images à la limite de la pornographie, crues ou obscènes. Ces catégories dépendent aussi de la destination des oeuvres, l’artiste (comme l’écrivain et le poète) pouvant également suggérer sans pour autant montrer explicitement un acte sexuel (Le Verrou de Fragonard, 1777, Louvre). Car, l’érotisme d’une oeuvre ne se mesure qu’à l’aune du regard porté sur elle. Un regard marqué par le désir et pendant longtemps exclusivement masculin animé par un sentiment de possession du corps féminin. S’approprier le corps féminin pour en faire quoi ? L’artiste masculin désire le corps et le transforme en oeuvre, le spectateur désire le corps et le transforme en fantasme. Cependant, l’érotisme est une forme d’appropriation incomplète du corps désirable de la femme car il n’est désirable que parce qu’il est une image qui s’offre au regard dont la réalité tangible reste inaccessible. Regard toujours mais d’un autre “oeil”, celui qui voit au-delà du monde réel. C’est l’oeil symboliste, expressionniste, puis surréaliste. Le premier transforme la beauté féminine en beauté fatale, maléfique non sans rapport avec le sublime (Munch) le second agresse les corps de sorte que toute idée de beauté disparaisse (Schiele, Grosz, Nolde, Kirchner), le troisième ouvre sur le rêve, l’inconscient, l’imaginaire.

Plaisir esthétique (assimilé à des conventions héritées du beau idéal classique) , plaisir érotique sont-ils compatibles ? Désir érotique et désir esthétique peuvent-ils coexister ? Assurément lorsqu’on lit les mémorables descriptions de l’Apollon ou du Torse du Belvédère par Winckelmann et du désir esthétique, voire (homo)érotique qu’ils suscitaient. Plus qu’un désir, le rapport de Winckelmann aux statues classiques est une jouissance extatique du même ordre que celle de Sainte Thérèse. Éros mystique, Éros esthétique puisqu’on ne sait pas quel rôle jouent les quatre cardinaux de la famille Cornaro qui discutent sans regarder la mystique/ Ils semblent s’entretenir, est-ce sur la beauté de l’oeuvre ou plutôt sur l’extase mystique de la carmélite déchaussée. A chaque fois l’artiste et (ou) regardeur se laissent envahir par le désir, voire l’extase érotique. Trois siècles plus tard, certains artistes comme le photographe américain Robert Mapplethorpe (mort en 1989) mettent au goût du jour le désir intérieur qui s’exprime dans des oeuvres sensuelles. Dans les années 1980, ses photographies très maniérées, recherchant une beauté abstraite fortement érotisée. Il se concentre alors sur des nus statuaires tant féminins (Lisa Maria 1986-87) que masculins (Jimmy Freeman, 1981), aux poses très élaborées associées à une forte charge érotique.

Le désir peut également sortir des tréfonds de l’âme humaine en dehors de toute soumission à l’esthétique classique. Dès le XIXe siècle, c’est le cas des nus d’Ingres, et notamment des nus orientalistes. Le harem d’Ingres, pourtant chef de file du néo-classicisme français, est peuplé de corps lascifs, aux courbes voluptueuses et aux proportions fantaisistes,  très loin des canons de beauté classiques : Bain turc, odalisques, la Grande tout particulièrement maintes fois réinterprétée par Picasso, et par des artistes du XIXe qui détournent le modèle à des fins mercantiles (série de nus vus de dos de Belloc , dont un nu allongé aux fesses provocantes bien mises en valeur) jusqu’à Picasso puis aux photographes contemporains : «La grande Odalisque» vue par Stéphane Lallemand (voir ici). Le Bain turc lui-même est revisité (Demoiselles d’Avignon et voir ici).

Plan (on peut mélanger chronologie et thèmes en évitant de cloisonner les périodes les deux éléments travrsanr toutes les périodes. C’est possible en retenant quelques grabdestendances et en rappelant dans chque partie les nuances nécessaires;

Érotisme et idéalisme sont-ils antinomiques ou peuvent-ils se croiser malgré  tout  notamment du Moyen Âge et jusqu’à à la Renaissance, voire le XVIIe siècle ? L’importance du sujet (religieux, mythologique, scène de genre), certains nus très suggestifs (Rubens et sa jeune et plantureuse épouse Hélène Fourment), un homoérotisme à peine voilé chez Caravage et des figures extatiques de moniales mystiques

Le mouvement vers davantage de réalisme dans le sujet érotique, le libertinage et le sujet galant marquent une rupture en introduisant le spectateur dans les chambres à coucher, les boudoirs, l’intime (ce qui fut déjà le cas dans certaines oeuvres gravées des Modi au « lit à la française et au moine dans les champs de Rembrandt). Tout au long du XIXe et encore une partie du XXe siècle, la photographie érotique semble hésiter entre le charnel (voire l’obscène et le pornographique) et l »idéalisme soit antiquisant soit nourri par l’imaginaire orientaliste.  Colonialisme et l’orientalisme transforment le corps féminin en objet de désir charnel en jouant sur l’ambiguïté (femme orientale lascive, soumise, disponible, femme indigène africaine ou polynésienne  symbolisant une sorte de retour à la nature, voire à l’animalité.

Des nouvelles formes d’idéalité à partir du XIXe et surtout au XXe siècle alors que triomphe le « réalisme » y compris cru et obscène : les « objets érotiques de Duchamp, les « poupées » de Hans Bellmer, les performances et autres happenings  érotiques, voire pornographiques (cf. exposé de Marie Lorin)

Périodisation.

C’est surtout le Moyen Âge qui pose problème d’où ce petit topo sur lae charnel et l’idéal  de l’amour  au Moyen-Âge. Si beauté charnelle et érotisme sont assimilés au péché de luxure, dans son Traité de l’amour André le Chapelain définit l’amour comme : « une passion naturelle qui vient de la vue de la beauté de l’autre sexe et de la pensée obsédante de cette beauté et naît de l’échange de regards ». Stimulés par le regard, les amants se désirent. Le troubadour Bertran de Born décrit le désir que lui suscite la belle Mathilde de Saxe, fille d’Aliénor d’Aquitaine :

« Par le doux regard qu’elle me lança et par son clair visage, Amour me retint sous sa clef (…) Corps élancé, frais et lisse (…) Plus on la désaccoutre, plus croît le goût et le désir. Sa gorge éblouissante fait nuit paraître jour, et lorsque glisse plus bas le regard, le monde resplendit ». Les yeux sont la source du désir mais aussi les fenêtres de la tentation comme cela apparaît dans les descriptions enflammées des beautés du corps féminin  en poésie ou dans les chroniques. Beautés appelées « Perfections ». Les femmes elles-mêmes semblent user de leurs atours pour attirer le regard des hommes et les séduire. Décolletés, corsages moulants, fentes latérales les « fenêtres de l’Enfer » selon les prédicateurs. Un mollet découvert choque cependant plus qu’un sein dévoilé.

Voir quelques œuvres ici : https://docs.google.com/document/d/1MgNCkB1IFRNXWMh4iuevLItb4gccv2GrDgUTqr5uuAg/edit?usp=sharing

La page consacrée à l’érotisme médiéval ici : https://lewebpedagogique.com/hida2/archives/1262

Vous trouverez de quoi alimenter corpus et réflexions pour les autres périodes en allant dur les pages Renaissance – XVIIe, XVIIe XVIIIe, puis XIXe ) XXe.

Le mouvement vers plus de réalisme ne cessera de s’amplifier tout au long du XIXe siècle (l’impact de la photographie est immense en la matière (du pictorialisme des nus de Demachy, l’ambiguïté de ceux de Carabin, à la pornographie de Belloc, aux nus érotiques de Braquehais, de Vallou et de Moulin., de même que le refus de l’idéalisme académique) en partie grâce à l’essor de la prostitution qui devient un des grands sujets de la modernité (Toulouse Lautrec est impressionnant de vérité mais est-il vraiment érotique ?  et du nu féminin avec un puissant caractère réaliste et sans complaisance jusqu’à la laideur ou la caricature. Inversement, les surréalistes inventent une nouvelle idéalisation.

En effet, avec le surréalisme l’esprit se libère des conventions, des interdits, de l’histoire de l’art même pour une autre forme de jouissance, celle de l’imagination créatrice qui passe par le collage, par le corps  manipulé, fétichisé, déconstruit, fragmenté, violenté càd la vision surréaliste ou fétichiste  de la beauté, une vision subversive comme dans cette formule destinée à connaître une certaine postérité: « la beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas » d’André Breton dans deux dernières lignes de Nadja, oeuvre avec laquelle, en 1928, il connaîtra son plus grand succès. Métamorphoses, détournements, extravagances, délires, provocations, la beauté convulsive laisse s’exprimer l’imagination et même l’inconscient et ses fantasmes sexuels les plus inavoués. Illustrations de Masson, photographies de Man Ray, poupées et dessins de Bellmer, tableaux de Dali ou de Magritte. Si les premiers surréalistes ne parlent pas encore d’érotisme, ce sera chose faite avec l’ouvrage de Georges Bataille sorti en 1957 qui bouleverse la donne et qui débouche sur l’exposition EROS de 1959. Bataille excommunié dans les années 30 est désormais quasi divinisé. Éros, sacré, sacrifice, violence, mort c’est la nouvelle doxa surréaliste (voir exposé sur l’érotisme surréaliste ici). La nudité du corps et son érotisation sont une constante chez Picasso (très peu cité à tort !) qui vers la fin de sa vie retrouve une fraîcheur exceptionnelle (pour d’autres un signe de sénilité sexuelle obsessionnelle) dans ses séries de gravures érotiques pour la revue verve (prostituées, série de Raphaël et la Fornarina, de Degas, de Rembrandt).  (cf. exposés sur Picasso érotique ici et ici.

A partir des années ‘50 – ‘60, la post-modernité (art contemporain) avec le cinéma d’avant-garde, les happenings et autres performances de body art (Abramovic, Orlan, De Robertis, Jean-Jacques Lebel et la transsexuelle Cynthia) ), mettent en scène le corps associé à des pratiques sexuelles, à des détournements parfois violents ou blasphématoires ou simulant la violence visent souvent à dénoncer le corps objet (actionnisme viennois, Fluxus, Carolee Schneemann dans ‘Meat Joy’ 1964 commentaire ici et élargissement ici Toute idée de beauté idéale (même convulsive) a disparu. Le sexe a remplacé l’érotisme. Désormais, l’expression du désir (si désir il y a car parfois c’est le dégoût qui domine) se confond avec, la provocation, la contestation des tabous de la société, dénonciation féministe de la domination du regard masculin sur le corps et l’érotisme des femmes y compris d’un point de vue homosexuel, et en particulier l’homo-érotisme sous-jacent aux nus masculins d’un Mapplethorpe ou au kitsch homo-érotique plus joyeux  de Pierre & Gilles . (cf. sujet sur masculin et féminin).

Auteur/autrice : Emmanuel Noussis

Professeur agrégé chargé de l'option Histoire des Arts en CPGE, Lycée Fustel de Coulanges, Strasbourg

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