La couleur dans l’art médiéval : polychromie du vitrail et des sculptures, diaporama du cours.

La couleur dans l’art médiéval : polychromie du vitrail et des sculptures, diaporama du cours.

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1.

 https://drive.google.com/file/d/0ByMLcNsCNGb5Z3VBc2pteFl4REk/view?usp=sharing

2.
https://drive.google.com/file/d/0ByMLcNsCNGb5MmZCZFVUelhjZDg/view?usp=sharing

Article très important de M. Pastoureau sur le rapport entre Église et couleur au Moyen Age :

https://drive.google.com/open?id=0ByMLcNsCNGb5MVA4SWtPX3BtNVE&authuser=0

Les Conférences de M. Pastoureau sur les Couleurs du Moyen Age (pour le Concours, se limiter à la hiérarchie et à la symbolique des couleurs en rapport avec l’art sans négliger les autres connaissances qui permettent de replacer le thème de la couleur dans le contexte social et des mentalités) :

http://www.louvre.fr/les-couleurs-du-moyen-agepar-michel-pastoureau

COMPLÉMENT INDISPENSABLE :

Polychromie architecturale et Vitrail médiéval par Roland Recht (cf. Le croire et le voir) :

 Les surfaces de pierre étaient couvertes d’un enduit prêt à recevoir les couleurs du peintre. Pour saisir la polychromie originelle il est indispensable de recourir le plus souvent à la stratigraphie.  La décoration peinte peut être dépouillée, somptueuse ou concourir en fonction d’une parure de vitraux comme à Chartres. Les colonnes étaient couvertes d’un badigeon ou de motifs torsadés alternant des couleurs.  Les colonnes engagées des piliers, les voussures des portails et les encadrements des fenêtres étaient également polychromes.

Chapiteaux romans, Saint Quiriace, Provins (Seine-et-Marne)

A la Sainte Chapelle, les couleurs et les vitraux ont été restaurés au XIXe siècle, avec une certaine fidélité sauf sur le revers de façade.

Vue de l’intérieur de la Sainte Chapelle.

Panoramique ici :

http://www.learn.columbia.edu/ha/panos/Sainte-Chapelle/Upper-Chapel-1/

Viollet-le-Duc analyse avec précision les traces de polychromie et remarque :  le bleu, qui en raison de son pouvoir rayonnant est  « appliqué en larges surfaces », et le rouge sont les couleurs dominantes avec l‘or. « Sa présence altère tous les autres tons ; « avec le bleu le rouge chatoie, le jaune verdit, les tons intermédiaires grisonnent ou sont criards. L’or seul par ses reflets métalliques peut rétablir l’harmonie entre tons ».

Selon Viollet-Le Duc, le bleu était d’outre-mer et de cobalt, le rouge est vermillon de chêne et garance. On observe en effet, que ces deux couleurs les plus employées sont les mêmes que celles des vitraux. L’emploi de l’or n’était pas commandé « par un désir assez vulgaire de donner de la richesse (…) mais par « le besoin d’harmonie imposé par l’adoption du bleu en grande surface et commandée par les vitraux colorés ».

A cause de la pose de verrières vivement colorées on a eu recours à un coloris bleu vif. Cependant, pour atténuer l’aspect azuré des surfaces bleues vitrées éclairées par la lumière, on les parsema d’étoiles dorées ce qui a accentué la transparence. Mais le décor a également une origine héraldique (château de Blanche de Castille, fleur de lys pour Saint Louis) peut-être pour la première fois.

D’autres exemples de polychromie architecturale sont visibles sur la façade de Notre-Dame-de-Paris, les portails avec leurs voussures, leurs tympans étaient entièrement peints et dorés. la polychrome était du ressort des peintres et non pas des tailleurs et ce autant pour les éléments architecturaux que pour la sculpture.

Pour se faire une idée, voir l‘animation colorée de la façade de Notre-Dame d’Amiens :

http://www.amiens-cathedrale.fr/polychromie.html

La Picardie était une des régions majeures de la culture de la guède (ou waide), plante tinctoriale cultivée dans les hortillonnages de la campagne picarde et destinée à fabriquer le fameux « bleu d’Amiens », sorte de pastel dont la vente a contribué  de manière non négligeable au financement de la cathédrale.

Le vitrail gothique.

Le vitrail est indissociable de l’architecture qui le reçoit. Le caractère translucide du verre teinté dans la masse et la découpe pour former une composition décorative ou figurative détermine l’effet visuel recherché lié à la lumière.

Il remplit plusieurs fonctions dans l’édifice :

une clôture étanche d’une ouverture qui éclaire l’intérieur de l’édifice et module la lumière.

– un rôle esthétique car il appartient au domaine de la peinture et par ses dimensions monumentales tient une place éminente dans la décoration colorée

–  quand il est figuratif il contribue à enrichir le message biblique et théologique au même titre que les reliefs qui ornent les portails.

L’agrandissement des baies dans l’architecture religieuse a favorisé son essor même s’il était déjà utilisé dans l’art roman et ottonien (XIe – XIIe).

La couleur du vitrail a connu plusieurs phases en rapport avec l’évolution des formes architecturales ; parfois ce sont les tons purs et saturés qui sont privilégiés (Chartres) parfois les harmonies délicates comme Évreux ou à Rouen.

La réalisation commençait par un carton que le peintre verrier réalisait lui même ou qu’il confiait à un peintre. La peinture sur verre et la peinture tout court étaient clairement distinctes. Ensuite, le verrier plaçait les verres polychromes sur une table en tenant compte de « l’âme » des plombs qui viendront solidariser l’ensemble. Pour transcrire le modèle, chaque pièce de verre est ensuite peinte à l’aide d’une peinture brune ou noir la grisaille qui permet d’établir les valeurs.

R. Recht nous fait remarquer que, contrairement à une idée reçu issue de l’interprétation des écrits de Suger sur la lumière, les verriers ont plutôt obscurci au fur et à mesure leur palette jusqu’au XIIIe siècle, notamment pour les fenêtres des bas-côtés, cherchant davantage un effet couvrant plutôt que la transparence. En effet, d’abord d’une grande clarté au temps de Suger, les vitraux n’ont cessé de se foncer à partir de 1200. L’association des rouges et des bleus crée un effet de teinte violacé.
A partir de 1300, l’invention du jaune d’argent et la diffusion de la grisaille rétablissent l’effet éclairant des vitraux. Avant d’être un moyen  architectural pour apporter la lumière, le vitrail est d’abord un support narratif. La composition des fenêtres par médaillons répond à la fonction de représentation d’un personnage ou d’un épisode du récit biblique.

Cette disposition particulière laisse peu de place à la décoration annexe et surtout influence fortement la perception des couleurs selon la lumière changeante du jour, selon que le verre est coloré dans la masse ou peint ou encore selon la distance du spectateur. Le bleu est plus translucide que le rouge.

A Chartres, le Maître de Saint Eustache, un des plus grands du XIIIe siècle,

Détail du Vitrail de Saint Eustache (Choeur de la cathédrale de Chartres, baie 43, vers 1210 – 1215).

Les rinceaux forment un entrelacs de formes végétales stylisées bleues, vert et jaune sur fond rouge. Dans le premier losange ci-dessus, sur le fond bleu viennent se poser les chevaux blanc et violet, des cavaliers vêtus de vert et de violet. Les harmonies de couleurs sont finement réalisées dans ce médaillon montrant les qualités remarquables de ce verrier dont cependant l’agencement narratif est peu compréhensible puisqu’il ne respecte pas la succession des épisodes selon le sens de lecture typique du gothique : de bas en haut et de gauche à droite, puis de droite à gauche et ainsi de suite (dite en « boustrophédon »).

Restant très sobre dans la gestuelle et les attitudes, le Maître de Saint Eustache montre par ailleurs une grande maîtrise de la composition bidimensionnelle conforme à la technique du vitrail au « principe d’ambivalence » figure – fond défini par l’historien de l’art autrichien du début du XXe siècle Aloïs Riegl comme un signe de modernité (cf. les rappels de couleurs entre les différents plans du paysage chez Cézanne). Selon la lumière qui pénètre les vitraux, certains verres semblent avancer ou  reculer (les rouges et jaunes semblent plus proches, le vert et le bleu plus lointains). Les rinceaux plus opaques, car à dominante rouge, font ressortir les médaillons au fond bleu plus lumineux.

Mais vers 1300, la grisaille envahit le vitrail et le verre devient de plus en plus transparent. Les grisailles de Jean Pucelle au XIVe que nous avons vues en cours confirment cette réaction à la vive polychromie du règne de Saint Louis. En effet, la découverte du jaune d’argent a eu des répercussions importantes sur l’art du vitrail.

Connu depuis au moins le VIIe siècle en Méditerranée orientale, le jaune d’argent donne une coloration qui va du jaune citron au jaune orangé. Obtenu souvent par un sulfure ou un chlorure d’argent, il était appliqué au pinceau sur le verre. Une réaction chimique (la cémentation) fait pénétrer les ions d’argent dans la couche superficielle du verre, d’abord sur la face interne puis de plus en plus sur la face externe. Après cuisson on obtenait la teinte voulue avec des nuances de ton et de densité. Parmi les plus anciennes utilisations du jaune d’argent  (plus fréquentes au Nord de la France qu’en Alsace, dans le Midi ou en Italie) on  peut citer les vitraux de la chapelle de la Vierge de la Cathédrale de Rouen vers 1302 – 1310 (voir ici).

Cette technique a libéré les verriers de l’obligation d’utiliser le plomb car on pouvait désormais varier les couleurs sur la même pièce de verre. Sur un verre bleu le jaune d’argent permettait par exemple d’obtenir du vert. A la même époque la qualité des verres s’améliore ce qui permet d’obtenir une plus grande transparence et clarté, notamment avec les verres blancs.

 Vitraux de la Chapelle de la Vierge 1310 – St Prétextat, St Maurille, St Remi évêques de Rouen. Cathédrale.

On observe un certain recul du bleu au profit du blanc et du jaune, plus clairs. On voir au même moment l’apparition d’architectures polychromes qui étaient certainement en dialogue avec la polychromie architecturale elle même que la plus grande clarté de ces vitraux contribue à rendre plus visible.

Vierge à l’Enfant Vitrail de l’église Saint-Séverin de paris, vers 1470, Pierre de Navarre ou Pierre de Mortain, vitrail du choeur de la cathédrale d’Évreux, fin du XIVe siècle.

Un des plus beaux exemples de l’utilisation du jaune d’argent au XVe siècle : les vitraux de la Cathédrale d’Évreux, ici Les Noces de cana :

Vitrail (baie 7) de la cathédrale d’Evreux : les Noces de Cana. Chapelle axiale du chœur: chapelle de la Mère de Dieu. Vers 1460-70.

On voit bien ici que le Jaune d’argent convient bien aux chevelures, aux objets précieux en or. Cette réduction de la polychromie se confirme également dans la sculpture où seuls le visage et les orfrois (vêtements aux broderies d’or) sont teints.

La  polychromie dans la sculpture.

Présente dans l’art roman tant au niveau de l’architecture que le de la sculpture, la couleur est indissociable de l’art lapidaire médiéval.

A l’époque gothique la polychromie des sculptures est une réalité courante. La couleur est appliquée en larges surfaces dans une gamme chromatique assez restreinte. Elle suit les drapés et leur modelé avec quelques rares accents de détail (lèvres, les yeux par exemple). A la cathédrale de Marbourg (XIIIe) la polychromie architecturale était en accord avec le mobilier (vitraux, jubé, monuments funéraires). Les murs,les voûtes les piliers, les chapiteaux étaient,t peints en rose des joints blancs. les profils des arcs doubleaux (traversant la nef) étaient alternativement peints en blanc et en ocre jaune couleur utilisée pour les ogives et les réseaux de baies rehaussés de blanc. La polychromie de l’extérieur était dominée par un rouge intense pour souligner le profil des corniches.

L’intérieur de la cathédrale d’Amiens était coloré de gris sur les murs et les piliers d’ocre jaune sur les voûtes, les joints de l’appareil mural peints en blanc. Le même accord jaune et blanc ornait également Chartres.

La polychromie des sculptures était l’étape finale de l’achèvement : pierre, bois, terre cuite recevaient la polychromie très soignée qui utilisait ses propres techniques (les peintres des cultures étaient un métier à part et les litiges éteint courants avec les sculpteurs. certains d’entre eux assuraient eux mêmes la polychromie. Veit Stoss (voir ici l’extraordinaire retable de Cracovie) ou Michael Pacher.


Veit Stoss, Résurrection, détail du retable de la Vierge Marie, 1477-78, bois polychrome. (église de Marie, Cracovie)

La pierre, l’albâtre comme le bois sont rehaussés partiellement de couleurs et d’or qui exaltent les parties où le matériau reste nu. Mais ces couleurs ayant depuis presque disparu il est difficile d’imaginer leur état d’origine. les apôtres actuellement présents dans de la Sainte Chapelle peuvent en donner une idée.

Quand le matériau est le bois la couleur le rehausse, comme dans les Annonciations du grand sculpteur allemand du XVe et du début du XVIe Veit  Stoss dont les couleurs magnifie les figures de la Vierge et de l’archange de l’Annonciation en tilleul polychrome qui est suspendue au-dessus du maître autel de St Laurent (Lorenz)  à Nuremberg 1518.  Dans son chef d’oeuvre, le grand retable de l’église Notre-Dame de Cracovie (1477-1489) la foule des figures aux draperies de couleurs intenses : bleu, vert, jaune, or ou et les décors architecturaux se détachent sur un fond bleu.

La couleur dans le type du crucifixus dolorosus servait en revanche à renforcer le caractère doloriste de ce type de crucifix qui se multiplient à partir des années 1300 : le rouge pour le sang des plaies du Christ, le blanc et le gris pour les carnations.

La polychromie très limitée de la Sainte Madeleine du Louvre souligne la chevelure blonde le rose des joues et des lèvres le corps étant peint en blanc.

Gregor Erhart,  Sainte Marie Madeleine. Vers 1515-1520. Provenant de l’église Sainte-Marie-Madeleine du couvent des Dominicains d’Augsbourg (?). Tilleul, polychromie originale, terrasse et partie avant des pieds restituées au XIXe siècle, 177 cm. x 44 cm .x 43 cm. Musé du Louvre.

La sculpture en pierre n’est pas en reste. La Mise au tombeau d’Antoine de Le Moiturier met en scène des figures aux vêtements polychromes d’une grande plasticité. La polychromie joue des contrastes bleu -rouge – jaune – vert.

Atelier d’Antoine Le Moiturier, Mise au tombeau-de la chapelle Saint-Lazare, colle?giale de Semur-en-Auxois département de la Cote d’Or. Offerte en 1490. Pierre polychrome.

Parfois, sculpture et peinture murale ou sur bois s’associaient dans une combinaison tonale harmonieuse comme dans Saint Venceslas entre deux anges(vers 1373) de la Cathédrale de Prague par l’atelier de Peter Parler.

Atelier de Peter Parler, Saint Venceslas entre deux anges(vers 1373), Cathédrale de Prague.

Au-delà des fonctions liturgique et théologique de la sculpture polychrome, Roland Recht rappelle sa fonction mémorielle. La couleur participe de l’Ars Memoriae des images (figures – locus de chaque figure par rapport à la façade). Dans les façades sculptées, la couleur des figures et celle de leur cadre constituaient également un outil de mémoire artificielle (cf. rhétorique et principes de l’Ars memoriae expliqués par Daniel Arasse dans Histoires de Peintures à écouter et à voir ici)

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