Linceul, c’était mon nom et c’est devenu mon destin.
Mardi 24 novembre 2022, la classe de PPPE est allée visiter l’exposition d’Ernest Pignon-Ernest au Fonds Hélène & Édouard Leclerc de Landerneau. Ils ont pu voir et écouter de magnifiques œuvres. Laissez-vous emporter par l’une d’elle et ce qu’elle a à vous chuchoter...
Approche, viens me voir. Oui toi, jeune homme, viens me voir, intéresse-toi à moi. Mon nom est Linceul VI. Je suis un corps, un corps sans vie ou du moins presque sans vie, sans identité mais qui ne demande qu’à recevoir l’aide d’une personne bienveillante et pleine de force pour me sortir de là. A moitié caché par ce linceul, je m’expose à vous.
Prends ma main et hisse-moi du dessous de ce drap, de ce suaire. Aide-moi ! Je n’arrive pas à me sortir seul. Attrape mes pieds glacés et tire-moi.
Ce voile transparent qui paraît si léger est en réalité lourd, très lourd, si lourd qu’il me cloue au mur. Il m’étouffe, il m’absorbe, il me fait plonger dans la mort. J’angoisse, je sombre dans la peur. L’air devient étouffant, si difficile à respirer que mes poumons n’arrivent plus à se remplir. Retire ce drap ! Tire dessus ! Empoigne-le et jette-le loin de moi.
La maigreur me prend. Le froid m’emporte. L’oxygène me fuit. La mort m’envahit petit à petit. Je sombre dans l’ombre, l’ombre de la vie. Le temps passe et je reste là, bloqué, dans l’incapacité de bouger moi même. Mes muscles sont si faibles que je n’ arrive même pas à me hisser hors de ce drap. Mon cou se tord, je me contracte et je deviens tout raide. Des crispations passent en moi, des picotements remplissent mon corps.
Aide-moi ! Jeune homme, attrape ma main. Dépêche-toi ! Ne me laisse pas partir. J’ai assez souffert. Je ne mérite pas de rejoindre les autres. Je t’en supplie.
C’est trop tard, tu ne peux plus m’aider. Mon corps s’est éteint, je ne bouge plus. Je suis parti, parti rejoindre l’autre monde. Le monde des morts. Linceul, c’était mon nom et c’est devenu mon destin.
