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MAIL DE SOLEIMAN A AHMED

De : Soleiman

A : Ahmed

Objet : Des excuses

Date : 21 octobre 2010

 

Bonjour Ahmed,

Par où commencer ? Je vais tout te raconter.

Nous étions là, sur le toit de ce camion, par trentaine, il faisait chaud. Et toi, tu parlais sans jamais t’arrêter comme un torrent de paroles qui ne donne aucun répit à ceux qui t’écoutent. Ce jour-là, tu étais heureux, les affaires s’étaient bien déroulées et tu rentrais chez toi, à Zelfana. Mais moi, j’étais épuisé, Ahmed, rempli de peur, je me posais des centaines de questions. Toi, tu étais là, satisfait de ta journée, tu vivais sans aucune crainte. Alors quand nous nous sommes arrêtés, j’ai fait ça pour survivre. Tu étais un marchand, je savais que tu avais ce que je n’avais pas : de l’argent. Alors je l’ai fait, je t’ai volé, Ahmed. Je t’ai frappé de toute mes forces et ton corps s’est figé puis s’est écroulé au le sol. J’étais terrifié, mon corps tremblait. Le tien était tout chaud et plein de sang. Je ne pouvais pas m’arrêter à ce moment, alors j’ai glissé mes mains sur ton corps jusqu’à trouver ce qu’il me fallait. Je suis retourné sur le toit du camion, et toi, tu es resté là, au sol, tout seul, à moitié mort. Je l’avais fait. Et je t’avais abandonné lâchement. Le reste du trajet avait été horrible, je ne cessais de  penser à toi, au bord du malaise, en repassant immuablement l’image de ton pauvre corps en tête.

Ahmed, je t’ai tout raconté. Je devais survivre, j’avais besoin d’argent. Mais depuis ce jour-là, je me sens laid. Tu étais à une heure et demie de ta maison, de ta femme, de ton bonheur. Je suis laid et je ne mérite rien. Je m’étais senti, ce jour-là, comme un charognard. Et ce sentiment ne m’a, par ailleurs, plus jamais quitté.

Ahmed, comprends moi, je devais survivre.

Maintenant, j’habite en France, dans une petite commune du Centre Val de Loire nommée Pithiviers. (J’essaierai de glisser des photos). Depuis 9 mois je travaille dans une boulangerie. Ma patronne est très gentille et les français le sont, en général aussi. J’ai appris à parler français et j’ai un petit appartement de 34 mètres carré à 15 minutes à pieds du travail. Si tu as l’occasion, de passer en France, tu peux venir chez moi. Je te montrerai à quel point ce pays est différent de l’Afrique. Ici, les citoyens ont accès à des services sociaux tels que l’éducation, les soins de santé et la sécurité sociale, c’est fou ! Et puis, on y mange bien. Chez moi, il y a une spécialité très connue, le Pithiviers (et oui, comme la ville) ! C’est une pâtisserie à base de pâte feuilletée et de crème d’amande. C’est délicieux. Mon prochain objectif est de passer le code puis le permis de conduire parce que ma patronne n’aura plus besoin de moi d’ici peu et il n’y a pas beaucoup de travail dans ma commune.

Excuse-moi, je me perds.

Ahmed, je pense à toi tous les jours et je me demande si tu m’en veux, si tu penses à moi, si tu pourrais me pardonner. Je ne sais même pas si tu liras ce mail car je ne sais plus si je t’avais dis mon prénom. Je ne sais pas si tu as pu continuer à vivre sereinement après ce que je t’ai fait. Pardonne moi, Ahmed. Je suis conscient qu’un simple mail ne peut pas effacer le mal que je t’ai fait et le traumatisme que cela a du générer. Mais je voulais que tu te rendes compte que je ne t’ai pas oublié.

J’ai beaucoup écrit, mais j’aimerais que tu m’écrives à ton tour, s’il te plaît. Je me pose des dizaines de questions à ton sujet. J’aimerais avoir quelques réponses.

 Est-ce que tu habites toujours au Maroc ? Est-ce que tu es toujours marchand ? Est-ce que tu as un enfant ? Est-ce que tu aimerais visiter la France ? Pourrais-tu me pardonner ?

J’espère que tu prendras le temps de répondre à ces questions. Enfin, j’espère surtout que tu liras ce mail. Prends soin de toi.

Bien à toi,

Soleiman.

(Images libres de droits : )

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