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MAIL DE SOLEIMAN AU COLLIER DE PERLES

De : Soleiman@gmail.com

CC : collierdeperlesvertes@gmail.com

Objet : commémoration de Soleiman 

Date : 12 décembre 2000

Bonjour, 

Je t’écris ce mail pour te raconter tout ce que j’ai ressenti lors de mon voyage et tout ce que tu m’as apporté.

En effet tout a commencé en haut des montagnes quand Jamal t’a confié à moi, je me rappelle tous les sentiments que j’ai ressentis dans un moment de flou, de peur, d’inquiétude. “ Je ne bouge pas. Je suis sans force. Il me le met doucement autour du cou. C’est un collier de perles vertes. J’ai toujours vu mon frère avec. Je sens le contact froid des perles sur ma peau. Il n’a pas dit un mot. Il doit être comme moi, incapable de prononcer une parole. Il me serre à nouveau dans ses bras , avec vigueur. Jamal qui m’accompagne jusqu’aux portes du . Je voudrais lui rendre son collier et prendre sa maladie. Je voudrais l’agonie à sa place. Mais je sais qu’il n’en sera pas ainsi. Je me remplis de lui pour ne jamais oublier le visage qu’il a à cet instant” (1) .

Comme tu as pu le lire j’étais très perturbé et j’ai ressenti différentes choses lorsque je t’ai eu et que j’ai ressenti la force et l’importance que tu représentes pour Jamal et moi. Tu étais mon eldorado, tu étais ce qui représentait la vision que j’avais de mon frère et à la foi mon objectif de me battre pour mon frère pour gagner de l’argent afin de le soigner et de trouver une terre meilleure.  Par la suite, notre voyage à pu commencer, d’ailleurs si j’avais su ce qu’il allait se passer je n’aurais pas appelé cette aventure un voyage. 

Plusieurs jours sont passés et tu étais toujours à mes côtés, nous quittions Al-Zuwarah et ses faubourgs ; nous attendions les passeurs en étant tous entassés dans un appartement avec la peur qui nous guettait nous avions peur de nous faire voler. Mais j’avais un seul objectif :sauver Jamal ; lui trouver des médicaments : “ nous sommes deux et je ne l’oublie pas”(2) . Dès que les passeurs sont arrivés, nous sommes montés dans le camion et avons repris la route mais après une heure de route les conducteurs ont coupé le moteur au début nous pensions que c’était une pause pour que l’on puisse se dégourdir les jambes mais à peine descendus les  hommes avaient sorti leurs armes en les braquant sur nous et en nous insultant. Ils voulaient tout notre argent; tout ce que l’on avait sur nous. Quand ce fut mon tour, j’ai ressenti toute la colère monter en moi et j’ai frappé un des hommes au visage, au même moment les autres m’ont emmené à l’écart du groupe et m’ont roué de coups c’est à ce moment que j’ai pensé “ le voyage s’arrête là. Dans la confusion de mon esprit, je pense à mon frère qui meurt” (3) … 

Quand je me suis réveillé, j’étais fragile mais toi tu étais encore là je sentais tes petites perles vertes sur ma peau ; ils ne t’avaient pas pris avec eux, j’étais rassuré, tu représentes tellement de chose pour moi ; tu me permets de garder espoir , tu es mon Eldorado ,mon espérance de survie et de trouver une meilleure vie. En me tournant c’est là que je l’ai vu : Boubakar, cet homme qui m’a proposé de continuer, lui qui avait vécu 7 ans sur les routes et il m’a proposé de continuer la route avec lui en direction de l’Europe plus précisément en Espagne.  Sur la route pour Ghardaïa, j’ai fait quelque chose que je ne pensais pas avoir besoin de faire…

 Tout s’est passé quand nous nous sommes arrêtés à Ouargla ; le chauffeur nous avez donné 15 minutes de pause et un homme était assis à côté de moi tout au long du trajet, il s’appelait Ahmed et il était marchand à Zelfana et quand il est allé aux toilettes, je l’ai suivi et quand il avait le dos tourné et quand il s’est retourné, je l’ai frappé de toutes mes forces au visage , il était sonné et quand il était par terre, je l’ai fouillé le plus rapidement possible et je lui ai pris son argent et je suis parti … Arrivé au camion, je n’avais qu’une hâte que le camion redémarre car j’avais peur qu’il se réveille et qu’il me fasse pire ; quand le camion est reparti j’ai divisé la somme et j’ai donné une partie à Boubakar. J’ai baissé les yeux pour qu’il ne me pose pas de questions; parce que moi je m’en posais beaucoup sur ce qui venait de se passer et je pense beaucoup à ce que j’avais fait et je me suis dit que “ je l’imaginais marchand triomphateur mais c’était pour avoir moins de mal à le voler. S’il était vraiment si riche, aurait-il pris ce misérable camion pour rentrer chez lui ? Vivait-il quelque part entre Zelfana et Ouargla dans ces villages de rien où la poussière fait tousser les chèvres? Il est probable que c’était un paysan parti vendre son bétail comme il devait le faire une ou deux fois dans l’année. Plus riche que moi, bien sûr, mais qui ne l’est pas?Je lui ai tout pris. Et il reviendra chez lui , brisé et honteux. Il pleurera devant sa femme comme un enfant.”(4) et c’est là que je t’ai senti, tu étais là et là je me suis senti encore plus mal et le dégoût s’emparait de moi, en pensant à ce que mon frère aurait pu penser de moi. 

Il était cinq heures quand nous sommes arrivés à Ghardaïa. Arrivés sur place mon ami Boubakar m’a dit de le suivre et de nous retrouver au même endroit dans deux heures. Pendant ce temps je marchais dans les rues de Ghardaïa quand je vis une place avec moins de monde et sans voiture et c’est là que je le vis, Massambalo, je n’en était pas sur, mais j’avais déjà entendu cette légende, on dit que ses ombres “sillonnent le continent. Du Sénégal au Zaïre. De l’Algérie au Bénin. Elles peuvent revêtir différentes formes : un enfant gardant quelques chèvres sur le bord d’une route, une vieille femme,  un chauffeur de camion au regard étrange. Ces ombres ne disent rien. C’est à travers elles que Massambalo voit le monde. Il voit ce qu’elles regardent. Il entend ce qu’elles écoutent. À travers le monde, il veille sur les centaines des milliers d’hommes qui ont quitté leur terre. Ces ombres sont toujours en route. On ne les voit qu’une fois. Le temps d’une halte . D’un voyage. Le temps de leur demander son chemin ou une cigarette . Elles ne parlent pas. Ne révèlent jamais qui elles sont. C’est au voyageur qui les croit de deviner leur identité. S’il le fait, il doit s’approcher doucement avec respect, et poser cette simple question : “Massambalo?”.” (5). C’est donc ce que j’ai fait quand j’ai vu cet homme assis par terre, sur la place à côté des vendeurs d’eau , je me suis approché de lui et je lui ai dit Massambalo? ; rien ne se passait , je lui redis une seconde et toujours rien ne se passa et  je commençais à perdre espoir mais au bout de la troisième fois il acquiesça et j’étais tellement heureux que je repris espoir. J’avais entendu dire que si on lui laissait un cadeau, l’ombre de Massambalo prenait l’offrande et le conservait et c’était signe que le périple se passerait bien. Que le vieux veillera sur vous. C’est là que j’ai pensé à te donner toi qui m’as tellement aidé lors de ce voyage et qui m’as donné tant d’espoir au long de cette aventure je me suis dit que tu étais le parfait cadeau. Ensuite je suis retourné à l’endroit de rendez-vous et Boubakar et moi partons sur des camions jusqu’au Maroc… 

Quelque temps plus tard,  c’était un matin, je sortis du bois et je marchais vers la ville comme à mon habitude pour supplier les passants de me donner des sous. Sauf que là il y avait trois véhicules de police et je compris que je ne resterais pas là de la journée et qu’il fallait que je prévienne les chefs ( il y a un chef par nationalité , les Mains , les Camerounais, les Nigériens , les Togolais, les Guinéens et le Libériens)  que les marocains allaient surement venir le lendemain pour raser notre camp là où nous étions plus de cinq cents. Après la réunion des chefs, il s’est décidé que nous allions donner l’assaut dès le lendemain et traverser la frontière espagnol. Je pensais à Boubakar qui était notre chef et qui boite, il n’avait pas la capacité de courir aussi vite mais il me dit qu’il allait se débrouiller et que je n’avais pas à m’en faire. Toute la nuit nous nous sommes mis au travail pour fabriquer chacun notre échelle pour parvenir à escalader la frontière.

Nous étions allongés dans l’herbe depuis un moment quand Boubakar est venu me voir en me disant de ne pas regarder autour de moi et de ne pas me retourner si je l’entendais crier derrière moi. Cette demande me perturba beaucoup car c’est grâce à lui que j’étais arrivé jusque là mais après beaucoup de tentatives de la part de Boubakar pour me convaincre je finis par dire oui…  Nous étions tous dans l’herbe , nous essayons de ne pas faire de bruit et de rester calme quand nous voyons que les gardes espagnols n’étaient plus nombreux lors de leur changement d’équipe c’est donc à ce moment là qu’Abdou un des chefs s’est levé et a crié “À l’attaque!”. Au même moment tout le monde se leva et courut, à ce moment, je repensais à tout ce que j’avais vécu lors de ce voyage mais je restais quand même figé sur mon objectif, je ne regardais pas autour de moi , je suis arrivé assez rapidement , je pris mon échelle et grimpa de toutes mes forces quand je vis Boubakar qui essaya de monter et il y avait des gardes qui le tenaient je décidai de le tirer par la manche je réussi à le libérer des gardes quand nous arrivions en haut il fallut sauter de l’autre côté à bout de force je me laissa tombé , la chute me fut très mal. il nous restait qu’une grille à monter , Boubakar était à côté de moi entre les deux grilles l’espace était très étroit,  je vis un trou dans le grillage qui avait était fait par les autres , Boubakar et moi prenions dans nos dernière ressources mais les policiers espagnols s’avançaient vers moi et là je sus qu’il fallait se battre contre eux , la matraque d’un des policiers me tapa l’épaule et je senti une grande douleur dans mon bras , je pourrais aller sur lui mais je décida de me plaquer au sol et de me glisser sous les fils barbelés. Je sentais des mains qui agrippaient mes pieds, c’était les espagnols, quand je vis Boubakar qui m’agrippait les mains pour me tirer vers lui au même moment les espagnols se sont fait emporter par la foule. Je sentais la douleur des barbelés sur ma peau. Je sentais enfin la terre nouvelle sur mes pieds mais sous la douleur je me suis évanouit.

Quand je me réveillai, je vis la même nuit la même lune, sauf que j’étais de l’autre côté les gardes qui étaient là entrain de me taper. Boubakar était là aussi, il pleurait de joie du fait d’avoir réussi à traverser “l’enfer”(6) ; il y avait aussi des aides soignantes autour de moi qui me soignaient. 

De l’autre côté je n’étais rien, ici je vais me faire soigner même si je dois aller dans un centre de détention je vais réussir à me construire un nouvelle vie et garder l’espoir de sauver mon frère de sa maladie. 

Avec du recul, je me rends compte que ce voyage transforme les personnes ; on fait des choses que l’on n’aurait jamais pensé faire, on se dépasse, on souffre, on se fait des amis, on se fait des ennemis, on s’attache, on se blesse, on se fait trahir, mais au fond une seule chose nous rassemble et c’est l’eldorado. Notre Eldorado à chacun. Et toi, cher collier, tu étais le mien, tu m’as permis de me faire garder espoir quand j’en avais le plus besoin, tu m’as permis de découvrir un nouvel Eldorado, les terres Européennes, qui vont te permettre de sauver mon frère et d’avoir une vie meilleure. 

Merci pour tout.

Soleiman.

  1.  Extrait du livre page 89 ; j’ai choisi ce passage car c’est à ce moment précis que nous comprenons l’importance du collier de perles et ce que cela représente pour les deux frères. 
  2. Phrase du livre page 118; cette phrase montre que malgré que son frère Jamal ne l’a pas suivi , Soleiman n’oublie pas que ce voyage il le fait à deux. 
  3. Phrase du livre page 119 ; cette phrase montre bien ce que Soleiman a ressenti lorsqu’il se faisait frapper par les passeurs. On voit bien que son frère occupe ses pensées et surtout ce moment est fort car pour Soleiman c’est la fin pour lui; il ne va pas pouvoir continuer  ce voyage 
  4. Extrait du livre page 148; dans ce passage on voit bien la culpabilité de Soleiman sur l’acte qui vient de faire tapper un homme pour lui voler son argents ; là on  comprend que faire une telle sorte de voyage change un homme.
  5.  Extrait du livre page 193 ; ce passage nous explique l’histoire de Massambalo on pourrait comparer ceci à l’Eldorado des migrants ces ombres redonne espoir au voyageurs ça leurs donne la force de continuer leur voyage comme on peut le voir avec Soleiman; le fait d’avoir vu Salvatore Piracci (Massambalo) lui a permis de lui redonner espoir et de lui redonner la force de continuer. 
  6. Mot de la page 205 ; J’ai choisi de mettre ce mot dans ce mail car ce mot définit bien ce que Soleiman à traverser lors de cette aventure “l’enfer”  ; les épreuves difficiles à surmonter; les douleurs subies ; … 

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