« fontaine » ready made photographique d’une présence absente duchamp.

Stieglitz tire le portrait de fontaine, est-ce le portrait d’une absence ou d’une présence du champ?

 Substitut, analogon, équivalent, quel est le statut de cette fontaine photographiée ?

Stieglitz propose une scénographie photographique, une  » scénographie plasticienne »* de l’événement . Ce témoignage photographique, cette photo témoin est-elle  fidèle et proche de la posture duchampienne?  Bien avant sa conservation et sa restitution institutionnelle dans l’espace moderne et atemporelle muséale, la photographie est le seul témoignage véritablement authentique de cette expérience avortée. le signe insigne d’un évènement d’avant garde. Le White cube  est devenu  la nouvelle demeure de fontaine, un réceptacle qui lui est si ressemblant qu’elle ne semble plus paraître si détonante dans ce lieu qui lui ressemble. Cette oeuvre sortie de la caverne prend la dimension immatérielle et lumineuse d’un concept, d’une idée.Stieglizt la replace dans le clair-obscur, cette chambre photographique qu’est la caverne platonicienne lieu de toutes les  projections pour une oeuvre qui se fait écran.

Fontaine est présentée devant la peinture The Warriors du peintre Marsden Hartley.  Alfred Stieglitz (1864-1946) est-il l’auteur du cliché ? Il « est sans aucun doute à l’origine de cette présentation« *1 (Wikipédia). Pourquoi le photographe moderniste choisit-il ce fond pictural et décoratif, fragment de peinture et non pas la neutralité de la scénographie moderne adoptée pour les nombreux exemplaires exposés aujourd’hui dans les lieux dédiés à l’art moderne et contemporain : regardons l’exemple de La Tate Modern , le Museum of Modern Art de San Francisco ou le centre G. Pompidou .Pourquoi  Stieglitz ne fait-il pas d’urinoir l’unique héros du jour et choisit-il un compagnonnage pictural et chaud pour parler d’urinoir? Encore à l’époque la scénographie était-elle encore dialogique?

 

Résultat de recherche d'images pour "photo duchamp fontaine"Résultat de recherche d'images pour "San Francisco Museum of Modern Art fontaine duchamp"Résultat de recherche d'images pour "fontaine duchamp Gagosian Gallery"Résultat de recherche d'images pour "fontaine duchamp Gagosian Gallery"Fontaine à la Tate modern  /San Francisco Museum of Modern Art./National Gallery of Canada, Ottawa/ Musée national d’art moderne G. Pompidou.  Fontaine est une copie réalisée en 1964 après la destruction de l’original.

« On ne vit pas dans un espace neutre et blanc; on ne vit pas, on ne meurt pas, on n’aime pas dans le rectangle d’une feuille de papier »*2 expliquait Michel Foucault; on pourrait dire la même chose pour l’oeuvre d’art. Vit-elle dans l’espace d’un cube blanc? « On vit, on meurt, on aime dans un espace quadrillé, découpé, bariolé, avec des zones claires et sombres, des différences de niveau, des marches d’escalier, des creux, des bosses, des régions dures et d’autres friables, pénétrables, poreuses. »*3 , bref une topographie vivante de l’art. Urinoir semble demeurer dans cet espace éthéré, en suspend, dans ce lieu sans lieu qui est son fond baptismal et critique. Peut-on parler du choix d’un « non-lieu »*4 muséal à l’image de cette  nouvelle espèce d’objet :le non-oeuvre? le musée est-il encore « lieu anthropologique » dans cette spatialité réduite à simple expression, du signe pur?

Cette simplicité a minima peut-elle tenir paradoxalement de lieu ornemental?

Aujourd’hui, urinoir est présenté dans ces théâtres immaculés, neutres et froids, ces locus artistiques hérités du modernisme et de » l’esthétique négative ». Peut-on y voir la création d’un réceptacle pour oeuvres immatérielles, la conséquence de l’intellectualisme Adornien des années 20? La spatialité devenue sémiotique conçoit l’espace musée comme une page blanche (mallarméenne?) un catalogue discursif et visuel, de signifiants mis à la disposition d’un « spectator »(Roland Barthes). Le musée devient lieu de production, de codification et de communication de signes (Sanders Pierce), nouvelle espace de « publicité critique »*5, « espace de médiation » « espace public communicationnel » * 6 (offentlichkeit), (J.Habermas) , espace de discursivité social et esthétique, espace de délibération. Ce fut le rôle du musée depuis 1793. Le lieu d’expositions devient celui du questionnement sur sa légitimité, sa définition. Le spectateur en venant voir les oeuvres ne vient pas seulement jouir du spectacle mais repenser dans cette agora du sensible (l’idéal-type de la place publique) la signification , le  mode de visibilité et  de réceptivité.L’urinoir en ces lieux prend une dimension politique, espace de rencontre, d’achoppement alternatif de la parole éclairée. Il nous préserve par sa dimension critique dans notre société capitaliste et marchande de la  » publicité de démonstration et de manipulation ». Là où J.Habermas constate une dépolitisation de la sphère publique, une oeuvre aussi libre que fontaine  face « au monde administré » permet au sein du musée ou dans la sphère médiatique de repolitiser l’art .Fontaine est politique si l’on reprend la définition d’Arendt du politique comme espace de délibération et de liberté. Duchamp est un homme libre, urinoir fontaine un objet de liberté.

..En ces lieux une opinion publique se reforme au sein de la sphère esthétique. L’art conserve encore  sa faculté expressive et d’affrontement avec les instances du pouvoir et de domination. Duchamp est kantien quand il demande au spectateur de se servir de son entendement « Penser par soi-même » *. Si le XVIIIe siècle permet l’apprentissage de la discussion critique, polémique, les musées du XIXe se développent contre l’espace publique. Le musée est espace d’exclusion et de soumission et plus que jamais  instance de légitimation des discours officiels. Qu’en est-il du projet révolutionnaire ?.    » Confiscation idéologique « , »il se constituent en rupture avec le mouvement social et culturel. »*7 . En ce sens Bourdieux montrera en 1960 que la culture et le musée demeure encore un produit de classe, qu’il ne joue pas sa fonction, et demeure une »barrière invisible et infranchissable »*8a, un lieu de séparation visible du sacré qui renforce chez les uns le sentiment d’appartenance et chez les autres le sentiment de l’exclusion. »8b .Il y a  ceux qui en sont touchés de ceux qui n’ont pas reçu cette grâce ». Le trop grand clivage social et éductatif se répéterait à nouveau dans ce lieu démocratique de la culture .Le sociologue parle de « trahison » et reproche une  » organisation » et « morphologie » inadaptée voire peu didactique à la réception du plus grand nombre. Il est vrai qu’à lire son texte le musée décrit est celui plutôt poussiéreux des musées classiques à « l’ascétisme puritain des équipements, toujours rares et peu confortables, » à la solennité grandiose du décor et du décorum, colonnades, vastes galeries, plafonds peints, escaliers monumentaux. »*8c et non ces nouvelles institutions modernes de l’art de notre époque qui se veulent plus pédagogique et transmissibles. Urinoir n’ en est-il point l’exemple? Derrière ces atours à la  fois démocratiques, et anarchisant que peut-on dire de sa réception?Est-il un véritable espace de partage ou  ne restent-il pas par son caractère éminemment théorique d’hétéronomie plutôt élitiste et aristocratique? Dans l’idéal devant cet objet, le public devrait saisir le changement paradigmatique esthétique induit par son introduction dans l’espace muséal .Mais l’art ne  deviendrait -il plus  tribune mais tribunal au nom du sens commun, non plus lieu du différent*9  (J.F Lyotard)  mais d’un différent, voire d’indifférence. Comme l’espace publique est le lieu savant, le spectateur doit face à l’urinoir, s’ affranchis de ses préjugés, et faire la démarche réflexive.Mais cette accessibilité non corporelle, non sensible et savante pose encore  paradoxalement celui de sa réceptivité et de la  création possible d’un espace d’échange et de médiation. Un œuvre  non évocatrice ou à l’evocation  volontairement  abstrus et sans forme tangible à l’intensité anesthésiée peut-elle devenir une « réalité « pour-nous » ( Lukacs.) ou une réalité sans nous. Dans l’œuvre ready made chacun y reconnaîtra t-il sa propre histoire, sa propre essence, un objet de connaissance sur soi et son humanité ou ne se reconnaissant pas devra t-il dépasser les paramètres  de l’identification traditionnelle et mimétique? C’est à dire l’œuvre d’art comme lieu de subjectivation et d’objectivation cathartique et de transformation de soi et du monde. Qu’en est-il de la fonction sociale de l’œuvre? Il n’ y pas d’humanité à rechercher derrière l’œuvre, elle s’y est volontairement effacée, mise en suspend. C »est  à une autre catégorie d’œuvre auquel nous avons à faire, post humaine ou celle de la mort de l’idée d’homme, de l’idée de géniteur, de créateur….le spectateur regardeur et non récepteur ne jouit pas devant fontaine, il ne se rencontre pas, il n’y a personne à rencontrer, l’objet n’est nullement une fenêtre ou un miroir, une évasion ou un divertissement une suspension avec la vie quotidienne, elle expose ce que lukacs nomme le monde fétichisé par le banal dans sa nudité , sa médiocrité littérale. Seule l’ironie, la posture  permettra de faire la distanciation nécessaire. l’œuvre d’art  selon le philosophe marxiste est lieu de conscience, d’un ébranlement par la mise en parallèle de l’espace de l’œuvre avec le monde réel, avec urinoir-fontaine l’ébranlement est d’un autre ordre, et la défétichisation se fait d’une autre manière.

  • *1Fontaine (Duchamp) — Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Fontaine_(Duchamp)
  • *2, 3 Michel FOUCAULT, Les Hétérotopies, France-Culture, 7 décembre 1966.
  • *4  Marc Augé ,Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité (Le Seuil, 1992). Néologisme de Marc Augé.
  • * 5,6 Habermas (Jürgen), L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, réed. 1988[note critique] , Danny Trom, PolitixAnnée 1989 Volume 2 Numéro 5 pp. 95-96.
  • Emmanuel Kant,Critique de la Faculté de juger, A. Philonenko (trad.), Paris, Vrin, p. 127.
  • * 7, L’HISTOIRE POUR ANALYSER LE MONDE CONTEMPORAIN : L’espace public et les musées Paul Rasse MEI « Médiation et information », nº 10, 1999.
  • *8a,8b, 8c,P. Bourdieu, A. DardelL’Amour de l’art,1969.p.80.
  • *9 Jean-François Lyotard, Le Différend, Paris, Minuit, 1983.

le musée  est devenu photographique. Il est comme un livre ouvert,  il est à lire,  comparable à un album, il se compulse, un théâtre, il se vit comme un spectacle, un atlas, il se parcours, dialectique, il est polymorphe, intéractif, entre montage et démontage.(comme pourait l’expliquer G.Didi Huberman).

Le White Cube seventies est le symbole de ce lieu absolutisé .« L’œuvre moderne a lieu dans le cube blanc»*5 , « véritable « dictature » herméneutique. (Myriam Boutoulle, Connaissance des arts.). L’introduction à la fin du XIXe de cette  nouvelle scénographie devait permettre aux oeuvres  impressionnistes d’exister dans un espace aéré plus propice que les anciens accrochages magistraux à la  réceptivité de cette expérience nouvelle proposée.

Le choix initiatique du Blanc pour l’exposition des Cent Ans de l’art allemand par Peter Behrens à la Galerie nationale de Berlin ne fut pas neutre, il permettait de magnifier les oeuvres et apportait à l’espace sa  » clarté hellénistique » * 5b et conceptuelle *5c. On recherchait une machinerie scénique la plus adéquate pour représenter la vision kantienne, hégélienne, Schellingienne, idéaliste et historiciste de l’art, le goût de la culture allemande pour  le logos et la beauté antique. Idéalisme platonicien?  rationalisme kantien? (« teologia rationis humanae »). On recherchait  la puissance d’abstraction du langage, quête absolue de l’idée à travers l’art. Hegel dans l’Esthétique rappelait que la relation de l’homme avec l’oeuvre d’art n’était pas » de l’ordre du désir », elle ne visait pas la médiocrité de » l’appréhension purement sensible » mais plutôt  « des intérêts  d’ordre spirituel ». Loin de l’extériorité, le spectateur devait s’ouvrir dans cet espace à son  intériorité.

« la pittura è mentale » (« la peinture est mentale »), Léonard de Vinci,Traité de la peinture (Trattato della pittura),textes traduits de l’italien et commentés par André Chastel, Paris, Calmann-Lévy, 2003 (première publication en 1651), p. 57, §15.

 

Dans « les années 1930, le mur blanc a été introduit pour des raisons esthétiques à même de répondre à une esthétique de la raison »*6 . »La majorité des historiens d’art semblent affirmer que le White Cube comme modèle fut canonisé par le commissaire Alfred Barr en 1931 lors de l’exposition d’Henri Matisse au Musée d’art moderne de New York (Museum of Modern Art). »5d  . Production purement américaine?  Non  en Russie et en Allemagne, il est déjà d’actualité avec L’impact théorique et scientifique  « du Bauhaus  » et les recherches  objectives Suprématistes et constructivistes. L’un valorise « l’aspect discursif et rationnel de l’exposition comme dispositif architectural et visuel »*5e  tandis que l’autre se positionne dans la question phénoménologique du matériau et du contenant comme partie intégrante de l’oeuvre installée 8 : Ex :les « proun ». Il s’agit de construire plutôt que de décorer ou créer. l’artiste constructiviste remet en cause l’ illusionnisme: la peinture de chevalet bourgeoise, de l’art pour l’art (kantien) confiné au seul musée préférant tout comme la bauhaus, un arts intégré dans l’espace réel de la cité. là ou un objet manufacturé entre dans le musée, les oeuvres d’art  le désertent pour la rue, l’espace muséal. En tant qu’institution il est trop éloignée dans l’esprit marxiste du prolétariat .

le musée adoptera un nouveau style plus proche de l’architecture industrielle; il deviendra geste architectural, monument, dénoué « de tout sentimentalisme anecdotique », de « détail surabondant »Elie Faure , Post-scriptum à son histoire de l’art moderne. Le Musée « est construit comme les églises médiévales » et non comme l’espace profane comparable à des tours d’ivoire pour oeuvres formalistes. Les oeuvres de la modernité apparaissent comme des icônes laïques dans ces lieux à l’austérité et la religiosité moderniste. le blanc conserve dans l’inconscient collectif cette connotation spiritualiste et métaphysique. Face au monde consumériste, aux discours ordinaires, aux bavardages (Heiddeger ),  aux vers libres, le musée, la page blanche deviennent pour le poète des territoires critiques réservés à la « pureté » kantienne, aux « poèmes critiques ». Ils permettraient de conserver la nature authentique, négative, morale et éthique de l’oeuvre face à  la menace de la « Kulturindustrie »*5. l’art sera « antithèse sociale « . Et l’urinoir? garde- t-il encore sa banalité et sa force critique dans ces portions déterminées et singulières de l’espace baptismal ? « Le ready made nous introduit dans ces lieux de l’esthétique négative  un art conçu comme anti-thèse de la rationalisation dans les sociétés du capitalisme avancée… » **Urinoir rejoint seulement le musée dans les années 60, un espace déjà constitué en partie à partir de son geste fondateur, mais aussi grâce au renouvellement de la vision de l’art, développement de la planéité et de l’abstraction (C. Greenberg) , revalorisation de la poièsis, décloisonnement et de synthétisation des pratiques ( les arts plastiques, l’artisanat et de l’industrie.) ( bauhaus, constructivisme).  Pendant les années 20, on construit en série des éléments répétitifs, sous le mode de la production sérielle: Le lieu originel d’urinoir n’est plus envisagé négativement  comme lieu extérieur à l’art mais comme process possible d’un art total et sociale. l’artiste est ingénieur et artiste, la main et  la machine ne sont plus considérés comme antinomiques mais doivent être conçues sous la forme d’un compagnonnage productif et créatif. L’urinoir quand il entre au musée n’est pas seul, il rejoint le vaste horizon d’objets ordinaires esthétisés.

*5  expression  créée par Theodor W. Adorno et Max Horkheimer fondateurs de l’École de Francfort  dans l’ouvrage  » la Dialectique de la Raison » la diffusion massive de la culture met en péril la véritable création artistique« Industrie culturelle — Wikipédia. Adorno, T. et Horkheimer, M. (1969). Dialektik der Aufklärung. Frankfurt: S. Fischer, Nachdruck als Taschenbuch (1988)

*5b, c, d, e Apogée et périgée du White Cube | ALN | NT2 nt2.uqam.ca/fr/entree-carnet-recherche/apogee-et-perigee-du-white-cube.

**Cours d’esthetique: Arthur Danto – L’assujettissement philosophique …

coursdesthetique.blogspot.com/2005/11/arthur-danto-lassujettissement.html

« Le monde extérieur ne doit pas interférer, les fenêtres sont closes et les murs blancs, le plafond devient une source de lumière, le sol est bien lisse et même recouvert de moquette pour éviter de perturber les spectateurs. »*7  le white cube permet de renforcer une nouvelle expérience esthétique, kinesthésique…. Monde forclos, l’espace blanc est devenu  selon  » Martine Salzmann,*8 une « arme de guerre culturelle (de l’impérialisme américain), une « catastrophe culturelle » pour guerre froide ( Essai de déconstruction de White Cube). Il faut, cependant nuancer le propos, l’espace blanc à du sens, on exposa même sa pleine sensibilité, il était devenu avec Yves Klein dans la pleine période de la société consommation, le réceptacle de cette substance immatérielle: le vide. L’exposition du vide fut l’intuition de son identité esthétique : La Spécialisation de la sensibilité à l’état de matière première en sensibilité picturale stabilisée. Mais il n’y a pas un cube blanc uniforme et totalitaire mais des cubes blancs nous dirait Duchamp comme pour ces urinoirs (perception infra-mince des espaces?). Un matisse et l’urinoir sont mis sur le même plan dans cet espace homogène en flottement, espace infini voire newtonien, chaque oeuvre étant soummis selon Tony Bennet à  l?idée évolutioniste » de progrès qui explique le monde comme un espace qui va du chaos à l?ordre. » Urinoir dans cette vision darwinnienne, raciale et nationale de l’art fait partie de ces oeuvres du début de l’avant-garde qui font découvrir la nécessité d’une relecture non linéaire de l’art.

. Peut-on parler de lieu de rencontre, d’échange et de convivialités, d’« interstices » »d’hétérotopie culturelle »*9 (M.Foucault) ou plutôt d’homotopie culturelle. le cube blanc pour les pragmatiques russes n’est-il pas aussi à l’instar de la physique nouvel espace de matérialité à vivre?

Vue de l'exposition Marcel Duchamp, la peinture même, au Centre Pompidou à Paris du 23 septembre 2014 au 5 janvier 2015Vue de l’exposition Marcel Duchamp, la peinture même, au Centre Pompidou à Paris du 23 septembre 2014 au 5 janvier 2015 – B.Chapon/20 Minutes

Dans ce lieu d’hétérochronie, espace de perfection, de séparation, l’oeuvre devient  » un événement unique et autonome, sa présence absolue s’offre aux regards analytiques et sensitifs d’une nouvelle subjectivité. Or la physique ne nous aura elle pas enseigné ce leurre de l’absolu? Chaque oeuvre réclame d’être racontée avec sa typologie sa lumière la plus adéquate, sa relativité : »Raconter des histoires » . Ce dispositif d’exposition processus ou alignement n’est pas une obligation  rappelle Laurent Le Bon dans Apostille. Pour le « Plaisir de la divagation »*…créer des émotions différentes. […] Donner du plaisir » l’exposition doit se faire œuvre. .Le cas du projet art contemporain au Château de Versailles et le dialogue fertile de l’ancien et du moderne en est particulièrement exemplaire de cette volonté critique du lieu et de l’oeuvre. Pour Claire lahuerta elle permettrait face au triomphe essentialiste de l’art de replacer l’expérience empirique au centre de la découverte des oeuvres.

. Morceaux choisis du texte « Apostille ? » de Laurent Le Bon, in Chefs-d’œuvre ?, catalogue de l’exposition éponyme, Centre Pompidou Metz, 2010, p. 532-533.
« Touche-moi, étonne-moi, déchire-moi,fais-moi tressaillir, pleurer, frémir, m’indigner d’abord ; tu récréeras mes yeux après, si tu
peux. » Denis Diderot,Essais sur la peinture,Paris, Fr. Buisson, 1795 ; reproduit in Diderot, Essais sur la peinture, texte établi et présenté par Gita May, Paris, Hermann, 1984, p. 57.

 

Comment présenter les ready- made, pour un anartiste qui affirmait s’intéresser « plus aux idées qu’aux produits visuels »? Comment exposer Duchamp qui détestait le principe de l’exposition? Comment traduire fidèlement la pensée de l’auteur trouver une présentation non rétiniène et phénoménologique libertaire et politique dans un lieu du polissage de l’?instruction et de l?ordre public ,de «marche rituelle»* Comment montrer cette marche à rebours, ce pas de côté , cet ensauvagement salutaire de la pensée dans cet art du balbutiment et de l’incohérence face à la  une pratique civilisatrice du musée.« […] très peu de visiteurs qui ont le temps ou l?inclination de voir au- delà de ce que les musées montrent. Il y a très peu de visiteurs qui ont le temps et l?envie de se poser la question par rapport au sens et à comment le musée expose ce qu?il expose p.62» explique Tony Bennet. Urinoir fontaine vient interrompre cette torpeur, la course des visiteurs de musée.Peut-être s’arrêteront’il dans le flxs de la visite pour devenir finalement regardeur ou finallement ne prendront pas le temps que nécessite l’arrêt, le temps de pose.

BENNETT, Tony The Birth of the Museum. Op.Cit., p. 62
La construction du sens dans les expositions muséales. Etudes de cas `a Chicago et `a Paris Castellano Cristina

? Pour Claire Lahuerta,  dans son article « (Ré)écrire l’exposition par sa scénographie » le propre de L’exposition est de  restaurer  » – au sens technique du terme, c’est-à-dire  elle rétablit ce qui avait été altéré – » Fallait -il regrouper  les ready made sur le modèle de l’atelier de Brancusi, concevoir l’espace comme représentation mentale de l’artiste ou tout simplement présenter ces sculptures mentales non visible comme les signes d’un texte à traduire? Les musées ont opté pour cette « Chambre esthétique », ce laboratoire mental, outil doté, il est vrai comme la mise en lumière Duchamp dans son geste ready- made, d’une dimension transformatrice et « sacramentelleCe sont des chambres à écho silencieuses et stériles, lieux d’incubation , de« désesthétisation »*10 et de »dé-définition de l’art » *11), pour la réverbération exclusive du logos ( Nous assistons au triomphe du discours et de la raison structuraliste contre la logique immanente du sens et des affects, puissance de vie, puissance d’affirmation organisée. Seule subsiste le degré zéro pictural, sculptural, l’artiste, l’artiste en général devenu fiction puis oeuvre  « figure du discours » figure centrale au milieu d’un art incertain : Le spectateur dans sa solitude profane face au silence? de l’artiste, dos à l’oeuvre découvre la lecture prescriptive du cartel. Selon Claire Lahuerta l’exposition  » le décourage par des effets collatéraux de non savoir (…) le laisse avachi, bien seul, au milieu des œuvres. 

Claire Lahuerta, « (Ré)écrire l’exposition par sa scénographie », Le Portique [En ligne], 30 | 2013, document 8, mis en ligne le 01 juillet 2015, consulté le 09 mai 2017. URL : http://leportique.revues.org/2640

 

Peut-on parler de «  punition du spectateur », de sa mise à mort, de son procès*12 (Martine Salzmann)?

  • *9 Michel Foucault. Des espaces autres (1967), Hétérotopies.Michel Foucault, Dits et écrits 1984 , Des espaces autres (conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967), in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pp. 46-49.
  • *5, 8,  Le cube blanc est-il une arme de guerre culturelle ?Essai de déconstruction de White Cube, Martine Salzmann,2009.www.ddp-art-group.com/1-accueil/ecritique/white-cube.html
  • *, 6  Bo-Kyoung Lee, « Espaces d’expositions temporaires consacrés à l’art contemporain », Marges, 05 | 2007, 40-60
  • *10 Claire Fagnart,La « désesthétisation » dans l’art du XXe siècle, approche à partir de deux oeuvres : Fontaine de Marcel Duchamp (1917), Boîte Brillo de Andy Warhol (1964).1996 -Carole Talon-Hugon, Désesthétisation de l’art et artialisation du monde, 2001,  Journal of the Faculty of Letters, the University of Tokyo, Aesthetics .
  • *11 Harold Rosenberg – « The De-definition of Art – La dé-définition de l’art« , Ed : Collier Books, 1972,   « L’art, c’est ce que fait un artiste, y compris s’il ne fait rien. »« Si tout ce que fait un artiste est de l’art et si tout peut être de l’art, alors la définition de l’art devient incertaine …On ne peut plus porter de jugement. Dès lors qu’un objet est nommé « oeuvre d’art », il peut être médiocre, il peut être un chef d’oeuvre et il peut aussi être les deux ensemble. Qu’il soit banal ou ambitieux, il contribue à l’incertitude. »p12
  • *12Le cube blanc est-il une arme de guerre culturelle ?Essai de déconstruction de White Cube, Martine Salzmann,2009.www.ddp-art-group.com/1-accueil/ecritique/white-cube.html

Image associée Trois figure dans une pièce,centre Pompidou.

Même un triptyque de Francis Bacon, présenté avec ses champs de force, zones d’ énergie ou Karel Appel avec sa boulimie de matière, ses surfaces gorgées « de râles lubriques…de chamarures » dans le cadre de cet « espace strié »*13:unidimensionnel, organique, vectorisé, ordonné, métrique, extensif et hiérarchisé de l’art optique qui canalise tout débordement dans l’analyse formelle et stylistique. Malgré sa volonté de préserver l’autonomie de l’oeuvre, en ces lieux, elles deviendront transformation des signes en style, grammaires de formes abstractisées, textualisées. Ce que Deleuze nommerait « ces quadrillages imposés »*14 par l’art essentialiste avec ses ancrages, polarisations, ses mises en ordre sédentaires flux chronographiés, cartographiés. Peut-on comme le suggère à la lecture Tony Bennett et  de Foucault parler de Musée prison  » en prison comme au musée, l?individu serait « invité»à contrôler sa conduite, à ne pas toucher, à garder le silence, à obéir. Au musée comme en prison, le sujet est surveillé »…Il y a dans ces institutions « une mission régulatrice et éducative en accord avec le discours d?ordre et de progrès que la modernité et les gouvernements défenden »* p67-68 t: discours totalitaire sur l’art.(The Birth of the Museum.BENNETT, Tony)

 

 

Qu’en est-il de la sensation? L’oeuvre touche-t-elle « le système nerveux, le mouvement vital, « l’instinct », le « tempérament » » du spectateur? le regardeur n’aurait plus sa moellele épiniaire, son cerveau reptilien, l’oeuvre ne devenant plus qu’espace secondaire de pure signifiance claire et didactique.  refoulé de tout caractère primaire. »la sensation est dans le corps, et non dans les airs. » rappelle Deleuze 15* dans le corps « éprouvant ». l’oeuvre au premier abord s’éprouve. Urinoir fontaine n’est pas la pomme cézannienne, il est sans corps oeuvre « anorexique. »

*15 Gilles Deleuze, Francis Bacon, Logique de la sensation, I, éditions de la différence, 1981, p. 27.

Le spectateur s’assoit, lit, cherche, recherche, regarde, analyse, décrypte compare, texte et oeuvre.  Pour Urinoir il ne sera pas nécessaire de venir avec son corps, il n’y a plus unité du sentant et du senti dans ce dispositif désincarné . Il y a rupture et dénaturation, désimbrication des habitus et des réflexes. Urinoir fontaine dans le lieu du musée conserve-t-il encore cette part d’indépendance et d’ironie avec le lieu qui l’accueille ? Roger Caillois expliqua les deux  attitudes  possibles face au sacré: le respect ou la transgression. Urinoir en ces lieux est-il encore l’intrus, est-il encore instance de désacralisation et de transgression ? L’espace d’exposition a pris les atours conceptuels d’urinoir. Duchamp ne fut-il pas l’ ancêtre fondateur de cette nouvelle muséographie et de ce nouveau fait religieux. On ne voit pas plus fontaine dans un cadre qui le réfléchit. Ne faisions-nous pas par le passé un « culte païens aux fontaines sacrées par des libations?

Mais ceci vaut-il pour urinoir ou pour l’ensemble des oeuvres entrées au musée?

Urinoir n’est qu’une possibilité pour l’art de se conjuguer et de se lire au pluriel, dans sa multiplicité, une proposition, une expérience relative qui ne sera plus désormais à une dimension historique. « Une multiplicité… se définit par le nombre de ses dimensions…elle ne cesse pas de se transformer dans d’autres multiplicités en enfilade. »*16 c’est l’ouverture qu’a permis urinoir-fontaine: un art à n dimensions plus réductible un seul « grand récit » dialectique ,téléologique escathologique. Contrairement à ce qu’on annonce urinoir n’est pas la prophécie de la fin de l’art mais l’annonce à travers « sa fracture anthropologique » peut être d’un au-delà de l’art possible parmi les autres . Baudrillard n’expliquait- t-il pas que la fin ne signifie pas qu’il n’y ait plus rien »*** Il y aura des objets transesthétiques, un après de la fin de l’art (danto), et « ces objets perdus de la peinture »

 

 

*** Jean Baudrillard,Le paroxyste indifférent, Grasset, 23 avr. 1997 – Chapitre 3 , L’enfance de l’art

*16(Gilles Deleuze et Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie, tome 2 : Mille plateaux, Ed. de Minuit, 1980, p. 305).

Nous ne rencontrons donc pas avec fontaine la fin définitive de toute expérience esthétique, elle est source. Il y a eu avant elle, il y aura après elle une vie esthétique.Résultat de recherche d'images pour "bacon atelier dublin"Image associéeImage associéePhotograph of Duchamp wearing a lampshade with Bicycle Wheel, 1951 © 2000 Succession Marcel Duchamp, ARS, N.Y./ADAGP, Paris.

Il est toujours étonnant de voir le contraste entre l’atelier qui fut celui de la naissance de la peinture de Bacon  espace de « ce qui est premier »*17, » lieu d’un devenir plastique et dynamique « *18 , strate cataclysmique, espace de tempête et de jaillissent,  « Chaoïde »* 18b existentiel en recherche de plans comme peuvent témoigner les multiples photographies prises sur place et sa mise en exposition de ce « chaos composé »19 dans le lieu balisé et propre de sa fin institutionnelle. L’ espace est semblable à celui de l’ entomologiste ou du pathologiste. Les oeuvres d’art sont comme des papillons ou des écorchés dans une boîte ou posées sur l’espace blanc d’une table de dissection.

  • *17 , 18 , 19 Deleuze et Guatari (Qu’est-ce que la philosophie ?, 1991, p. 1899

Selon Yves Michaux l’urinoir peut générer une « satisfaction intellectuelle »(p218 ).  Satisfaction populaire ou d’esthète, d’ascète et de connaisseur? l’oeuvre ne se saisirait plus dans l’immédiateté de sa présence phénoménologique mais dans sa lecture, son appréhension a posteriori, conceptualisée. Qu’en est-il dans ces espaces de pure cognition de cette « jouissance » réceptive et créative que défend H.R. Jauss en 1972 dans son article « Petite apologie de l’expérience esthétique » dans son ouvrage « Pour une esthétique de la réception ? . La jouissance comme l’expérience esthétique n’est pas univoque rappelle Y. Michaux entre catharsis et aestèsis, sentiment du beau et du sublime..*20? Mais Urinoir ne sera pas objet  de délectation. L’art en ces lieux de sa médiatisation n’est plus présent sur l’écran de la caverne, loin du jeu phénoménal des ombres sensibles, impures. Pour Michel serre «La nuit est le modèle de notre savoir, pas le jour », la caverne est le lieu du savoir. Or libérez-vous des chaînes de la ressemblance et des apparences, de la doxa – de l’opinion semble nous dire l’artiste moderniste, le spectateur avide de mimesis et de copies trompeuses est devenu regardeur, il vit désormais à la seule lumière platonicienne de l’art idéelle, « cet espace élastique qu’on peut identifier comme Esprit, » * 21 ce lieu de la « réalité véritable ».  savoir solaire il devient instauration d’un pouvoir totalitaire ou crépuscule de l’art. (Hégel) . « Voir la vérité nous répondrait le philosophe M.Serre comme un soleil est une idée un peu fasciste. » L’espace muséal est devenu lieu du “distancement”de la « di-satisfaction 22″(Schaeffer) de la «dématérialisation », espace d’énonciation pur. »Malheur! On avait perdu le plaisir esthétique¨!*23 s’écrie Y. Michaux.

  • *20 ,21 ,23  Yves Michaux , expérience esthétique et indétermination, p.220, Le Plaisir, Publication Univ Rouen Havre.
  • *22

Il est évident que l’expérience artistique ne peut être aussi  dualiste et qu’elle est bien ce tressage des deux: âme et corps: Qu’est-ce que peut le corps, qu’est-ce que peu l’esprit? l’homme investi le seuil des ces deux mondes, l’ombre et la lumière qui ne sont comme Apollon et Dionysos que les deux faces complémentaire d’un même être.

 Comme le carré blanc sur fond blanc, tableau de rupture de Malévitch de 1915,  urinoir blanc est sur son socle blanc dans son cube blanc doublement dématérialisé, épuré de tout affect et parasites visuels. Dans cette asepsie apollinienne, éthéré, cosmique tout corps a disparu celui de l’auteur, du spectateur et de l’oeuvre, elle-même. « La naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’auteur » expliquait Roland Barthes, l’oeuvre serait dessaisie au profit du seul espace analytique, sémantique. Oeuvre sans auteurs, espace sans oeuvre, espace du seul regardeur  pure projection pour un jeu de trompe ou détrompe l’esprit.

.Résultat de recherche d'images pour "carré blanc sur fond blanc"Résultat de recherche d'images pour "carré blanc sur fond blanc"

Anonyme, Portrait multiple de Marcel Duchamp, 1917, tirage gélatino-argentique, Collection particulière.- DUCHAMP Marcel (1887-1968), En prévision du bras cassé, 1915, pelle en bois et fer galvanisé, avec l’inscription du titre en anglais, « In advance of the Broken Arm », hauteur: 121,3 cm, New Haven, Yale Center of British Art.Résultat de recherche d'images pour "duchamp objets suspendus"– DUCHAMP Marcel (1887-1968), Ciel de roussettes (1200 sacs de charbon suspendus au plafond au-dessus d’un poêle), détail, 1938, Exposition Internationale du Surréalisme, Paris, janvier-février 1938.

Résultat de recherche d'images pour "duchamp dans l'atelier"Le Dalí Atomicus, photo de Philippe Halsman (1948), montré avant que les fils de suspension soient enlevés.

 

PHOTO D’ATELIER: quand l’urinoir n’était pas encore rentré dans l’histoire.

Dans l’atelier de Duchamp, « l’atelier-reflet du processus de production…anatomie de l’acte créateur. »* urinoir est en flottement dans l’espace, dans l’embrasure d’une porte (seuil entre deux espaces) comme s’il fut né d’un songe. l’espace est oblique, en désordre et semble vascillé. L’artiste (?) Duchamp (?) apparaît sous le clic automatique, dans le coin de l’atelier, assis sur une male, là sans être là, à demi spectrale, les pieds visibles ancrés au sol le haut du corps dématérialisé, transparence. Dans cette suspension temporelle, endormis (?), en demi-sommeille (Surréaliste avant l’heure?) l’artiste est en attitude d’accueil , en état de distancement?

L’artiste évoque-t-il dans cette mise en scène symbolique la création mentale de l’objet, ce choix de  l’indifférence légendaire devenue création flottante au deux sens du terme. Comme il y a « écoute créative », « matrice active » attention non focalisée et diffuse, y aurait-il production flottante? Ce process n’est plus poièsis, ???????,(« cette non-création » n’est pas faite en fonction d’un savoir technique, production aliénante hors de soi d’un objet finalisé pour un jugement d’expertise, mais affirmation du non faire, absence de façonnement). Contrairement à ce que pensait Aristote l’art n’est plus « disposition acquise à produire ».

« ni la théorie n’est l’exécution, ni l’exécution n’est la théorie ».

l’art se rapporte à l’exécution et non à la théorie.

.Aristote

« le principe est dans celui qui fait, et non dans la chose qui est faite. »Aristote

 

le principe est dans celui qui fait, et non dans la chose qui est faite.

Est-elle plutôt dans cette vision du maître, de cette pensée pour elle-même  praxis? Pour Françoise Collin  chez Duchamp producteur d’ effet d’étrangeté et concepteur de déplacements et d’intervention  » L’œuvre devient une praxis pure de poièsis : une action qui ne requiert pas ou peu la fabrication. »* 25 Cette action  aux formes anarchistes est  un

politique et libertaire : vision ironique face à  » la cause finale  » devenu principe de toute production: Il est vrai qu’urinoir est soumis complètement à cette causalité, par sa forme, matière… » l’être du produit » répond  parfaitement à sa finalité originaire. Mais placé dans le lieu de consécration des objets esthétiques sans finalité.  urinoir est devenu fontaine. Cette cause finale se fait défaut, manque, dysfonctionnement…. Il conserve les stigmates de son ancienne vie.. Il n’est pas de l’espèce des oeuvres d’art kantiennes et pures par sa finalité très forte d’objet sanitaire :Il n’est pas suffisamment fontaine dans ce geste transformateur. Même s’il faut croire de bonne foi l’artiste, même si l’objet ne s’adresse point à st Thomas, le regardeur lambda n’y verra nullement fontaine mais n’importe quoi.

Il est placé paradoxalement sous l’auctoritas de l’artiste. Duchamp travaille sur le fil du paradoxe. De quel ordre est cette création? s’il est vrai que l’attention prescrite en psychanalyse n’est ni fuite, ni indifférence, ni somnolence, ni indécision, ni hésitation. Peut-on comparer les deux pratiques, sa façon de se rendre disponible, de mettre en sommeil ses réflexes habituels, sa nature?

*25 Collin Françoise, « Entre poiêsis et praxis : Les femmes et l’art », Diogène, 1/2009 (n° 225), p. 101-112.

Cet objet bassement terrestre qu’était urinoir à quitté le mur transporté par une sorte de magie à la dimension d’une constellation astrale, d’une cosa mentale, il est là, comme un trucage cinématique à la Mélies, calque temporaire, décalque, sélection flottante parmi les autres ready made: hat rack est un Portemanteau  suspendu comme l’ombre d’un araigniée au plafond,  En prévision du bras cassé, est une pelle à neige suspendue à un fil. l’atelier devient-il celui du spectacle, de la magie, espace en 2 dimensions de la scène ou gagne-t-il celui en trois dimensions des frères lumières?Le Dalí Atomicus,la photographiede philippe Halsman du peintre surréaliste dans son atelier en 1948, le montre en spectacle en pleine lévitation dans l’espace en suspension. la photographie a figée l’instant un « instantané » celui vivant du corps de l’artiste, l’envol fictif d’urinoir-fontaine. Fixer la naissance de l’oeuvre. art des bonimenteurs et charlatans, arts de la foire la photographie dans les premiers temps fut usité comme telle.

 

 

Pissotière est saisie dans cet état antigravitationnel, de la chute des corps, orbital, dépouillée de sa  réalité. Dans cet espace de flottage et d’épiphanie qu’est-il devenu? Il n’est pas encore fontaine, il n’est plus urinoir.   » Flotter, c’est occuper deux perspectives à la fois »*26 explique le philosophe Elie During dans son étude du concept lyotardien , c’est occuper cet entre-deux du passage et du seuil (temps flottant?) introduit à la vie simultanée pour reprendre le titre de l’ouvrage du philosophe*27.  Urinoir-fontaine est sur ce tiret  entre deux perspectives, dans cette instance d’ indécision au double sens un choix  sans décision dans  un espace-temps des coexistences. Le processus anti-créatif du ready made se situerait entre deux mondes . Nous avons déjà parlé de la figure ambi-grammatique que  suppose le passage simultané d’urinoir à fontaine, pouvons-nous la comparer à celle de l’anamorphique de la perspective dépravée? Il faudra attendre son atterrissage dans l’espace du muséum pour qu’il prenne sa dimension socratique et cynique. Cette restitution fidèle de l’expérience « prototypale », si l’on reprend la définition que lui donne Elie During, reprend souvent cette forme. Pourquoi urinoir prend seulement l’aspect n espace-temps du processus temporel?  On a pu le découvrir  autrement installé plus tardivement tel un mascaron au-dessus d’une porte à la dernière exposition Dada à la Sidney Janis Gallery organisée par  Duchamp en 1953, ou posé au sol dans la scénographie du musée  d’Ottawa au canada. le modèle de l’atelier se retrouve restitué au musée sans son contexte de réalité: Duchamp installé parmi ces objets.

*26 conférence espace flottant, temps flottant

27*Temps flottants ; introduction à la vie simultanée, Elie During,Bayar,Philosophie Textes / Critiques / Essais / Commentaires.2014.

Résultat de recherche d'images pour "stieglitz duchamp"Duchamp was asked by art dealer Sidney Janis if he would sign a urinal for an exhibition at his New York gallery in 1950. Duchamp agreed, and signed a urinal that the gallerist bought at a Parisian flea market. Image shows the urinal installed (above a doorway and decorated with mistletoe!) at a later Dada exhibition at Sidney Janis Gallery organized by Duchamp in 1953. Gift of Mrs. Herbert Cameron Morris to Philadelphia Museum of Art, 1998.Image associée

White Cube, L’espace de la galerie et son idéologie. Brian O’Doherty. Traduction Catherine Vasseur, directrice d’ouvrage Patricia Falguières (collection Lectures Maison Rouge), édition JRP/Ringier Kunstverlag AG, déc. 2008.Résultat de recherche d'images pour "proun lissitzky"Image associéeDuchamp in his studio. Duchamp in his studio at 67th Street in New York

 

1938 Duchamp dans son atelier de la rue Larrey.Image associéeduchamps new yorker atelier 246 west 73rd street 1920 by man ray

aesthesis, sensibilité, sensation sublimation contre réification

 

Résultat de recherche d'images pour "photo duchamp fontaine"

LA PHOTO DE STIEGLITZ, photo d’une exposition qui n’exista pas.

Dans la photographie de 1917, Fontaine est photographiée dans le lieu de la galerie où il trouva demeure avant d’être acheté puis perdu, ce monde vivant et vitaliste de l’art dans lequel il venait de faire irruption. la galerie n’est pas présente dans le champ de l’image mais le fragment du tableau laisse entrevoir de façon métonymique le monde artistique, tout un art, sa configuration actualisée. Fontaine entamera ensuite sa longue vie médiatique, historique. L’image du photographe résume implicitement (?) intuitivement les questions Duchampiennes de l’époque sur la nature de l’art et l’enjeu de son exposition. Le théoricien conceptuel Brian O’Doherty analysera ultérieurement ce phénomène dans – Le contexte comme contenu en 1976, comme médium puis  comme oeuvre qu’ initiera dès 1913 Duchamp par son  geste radical .(cf. Sylvie Couderc, « L’Exposition comme œuvre »* 28 Pour B.O’Doherty « à mesure que le modernisme vieillit, le contexte devient le contenu»…« Aujourd’hui l’espace n’est plus ce dans quoi quelque chose advient, ce sont les choses qui font advenir l’espace. » *29 inversement des hiérarchies dans le rapport de l’objet au lieu, devenu outil visuel.

Résultat de recherche d'images pour "photo duchamp fontaine"Marcel Duchamp, Fountain (profzucker) Tags: sanfrancisco art fountain modern sfmoma readymade dada urinal duchamp 1964 1917 marcelduchamp duchampfountain

 

*2 Patricia Falguières préface à l’ouvrage de Brian O’Doherty. White Cube – L’espace de la galerie et son idéologie,JRP Ringier, Lectures Maison Rouge, 2008.

*3 Michel FOUCAULT, Les Hétérotopies, France-Culture, 7 décembre 1966.

*1a

*1b

*6 Baudrillard : la fugitive séduction pornographique », Rue Descartes, 3/2013 (n° 79), p. 4-15

« Placé au centre de l’image, l’objet dans ce qu’il a de sculptural est mis en valeur par la présence d’un tableau »(Dalia Judovitz)*1a  29. Est-ce  pour une question purement formelle de lisibilité et visibilité  que Stieglitz choisit de photographier un volume de lumière sur le fond sombre d’une peinture ?  Le contraste permettait par le jeu du clair-obscur de mettre en valeur la clarté de l’objet, une pâleur analogue au visage de Beatrice Wood? Fontaine est saisie sous la lumière. L’ombre créée agit comme un voile, voile de la mariée ou de la vierge, du temps, regard voilé posé sur les choses, linceul du disparu? Cette polarité entre voiler et dévoiler est riche de connotations symboliques. Fontaine prend désormais un point de vue anthropomorphe, « rebaptisée « madone des toilettes » à cause d’une ombre qui tombe sur le réceptacle comme un voile ». (Dalia Judovitz.)*1b  30 « Au sens primitif, « voiler » équivaut à « couvrir , « censurer », « camoufler », ajouter un sens de pudeur à une nudité primitive innocente. »*31  la photographie viendrait témoigner de cette double nature du modèle, d’une part sa nudité impudique d’objet prosaïque et appauvri  qui livre les pudenda de sa réalité d’une façon trop crue et d’autre part l’objet transfiguré par le regard et la langue de l’artiste, du photographe qui le voile à nouveau pour le dévoiler à une autre vérité (alétheia). Attention, »des mots tels que vérité, art, véracité ou quoi que ce soit sont stupides en eux-mêmes, nous préviendrait Duchamp*33. Il faut donc les utiliser avec prudence. Peut-on dire que la photographie de fontaine révèle comme les souliers de Van Gogh la vérité d’être de l’objet?(Heidegger).

Urinoir posé là sans deux sta (lieux), sans di-stance avec le spectateur ne possède pas les fards esthétisant de la facture et du mythe, il ne s’offre pas en spectacle. Fontaine n’est pas la première, on reprocha à Olympia en 1865 de ne pas être Aphrodite, à Manet de ne pas être Bouguereau, de ne pas abstractiser (idéaliser) suffisamment le corps de la femme sous le voile transparent de la peinture et du récit mythologique. C’est une anti-déesse sans déguisement. Pour G.Bataille elle est impure comme le sera urinoir- fontaine. »Ce n’est pas une nudité artistique, c’est la vraie nudité d’une femme vraiment nue » explique Lorenzo Sargendi dans « La pomme de la discorde. »Ed:Galgal,2007, ce n’est pas une nature morte, c’est une objet réel bien réel qui est exposé sans la fausse pudeur de la représentation. Face au tableau de Manet Sargendi affirmait « Je la regarde aussi crûment que si elle était un sexe, et elle me regarde, elle aussi, aussi crûment qu’un sexe, tout en gardant ses distances. Nous ne sommes que des sexes. » *34 La même constatation pourrait-elle être faite pour Urinoir. « je ne la regarde pas aussi crûment que si elle était  un sexe-urinoir sexe- fontaine et elle ne me regarde pas aussi crûment qu’un sexe.

Ready made sanitaire n’a pas l’aspect d’une enseigne commerciale devenu art, mais il est la marchandise posée sur son étale, le regard à la crudité de l’objet sexe et réceptacle des fluides. Il faut viser juste.  « J’ai fait ce que j’ai vu » expliquait Manet, j’ai présenté ce que je n’ai pas vu, mais conçu, le vide répondrai Duchamp.  Le spectateur sans jouissance de la réception  conservera l’informe matière brute.  (semence sublimée).

La peinture même et le modèle directement extraits du réel scandalisent par leur traitement si peu académique comme l’ urinoir par son absence de facture artisanale et la perfection de son faire mécanique, le triomphe de sa littéralité obscène, impudique, affreux dite, un dire trop affreux car « hyper réel » *6  35, Ce dire nous pourrions le définir comme pornographique au sens qu’en donne Baudrillard dans son analyse sur la séduction. Pornographe pour les défenseurs de la probité de l’art, le peintre et créateur mettent sous les yeux, ils objectent,  « montrent nous tout, fait nous voir sans distance sa totalité », plus vrai que vrai . Pour Manet c’est le nu réel, le réel de la peinture mis à nu, sans le cache-sexe,  pour Duchamp le réel même qui vient sans simulacre. La partie honteuse et refoulée de l’art jugée trop vulgaire devait être maîtrisée, codifiée dans  » l’espace strié » (Deleuze, Guatari) balisé de l’art. A partir de Manet le désir déborde, la touche s’hystérise, s’inscrit dans la planéité opaque du support.

« Simulation désenchantée : le porno– plus vrai que le vrai –tel est le comble du simulacre. Simulation enchantée : le trompe-l’œil – plus faux que le faux – tel est le secret de l’apparence?[15][15] Ibidem, p. 86.. « La pornographie est dans le réel, l’érotisme dans le symbole. »*Hoquet Thierry, « D’après Baudrillard : la fugitive séduction pornographique », Rue Descartes, 3/2013 (n° 79), p. 4-15

On reprochait à Manet d’installer l’espace théâtralisé de la peinture comme celui d’une maison close, et de faire du spectateur un client; à Duchamp ce sera d’avoir ouvert l ‘espace sacré de l’oeuvre à celui « pudendus » des sanisettes, de faire du spectateur un pisseurCette génitalité pudendum muliebre qu’est urinoir devenu fontaine est offerte en creux au pudendum virile du regardeur du non jouisseur, trouver la source d’un autre satisfecit mental. Le spectateur s’offre au spectacle, le regardeur dialectise, sublime, examine, évalue.

 

« La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas. » André Breton, L’amour fou, 1937, Paris, Gallimard, « folio », p. 26. dans sa célèbre formule de l’Amour fou

Résultat de recherche d'images pour "beatrice wood"Alfred Stieglitz

Le fragment du tableau aux tons chauds et solaires dans sa chaleur de peinture rétinienne venait-il dialoguer, dans l’oeil du photographe, avec la froideur conceptuelle de l’objet sanitaire ? Comme Louise Biender-Mestro dans sa photographie de 1900, aimait le faire en opposant dans son image la douceur du corps des enfants à la froideur du mur, leurs poses complexes au tracé linéaire avec celle rigide de la pierre. Stieglitz choisit-il cette mise en scène par pure jouissance plastique et rétinienne de photographe. L’urinoir fontaine est posé de trois-quarts sur un socle avec son étiquette d’exposition comme s’il fut fraîchement posé avant son installation. C’est « sans doute celle que les réceptionnaires des Indépendants accrochaient aux œuvres dès qu’elles arrivaient avant installation »* 37(Wiki.)  Fontaine apparaît comme un objet en transit , il ne connut jamais sa destination, resté dans cet entre-deux dont témoigne l’étiquette.On  a saisit l’image avant sa  disparition définitive. la photo en est sa relique explique Marc Décimo. On découvre sur l’étiquette  » deux mentions manuscrites « Richard Mutt » et l’adresse « 110 West 88 th Street », celle de Louise Norton, proche amie et maîtresse occasionnelle de Duchamp à cette époque . »*(Wiki.) La photographie est prise dans la galerie du photographe qui l’exposera un temps et non dans l’atelier de Duchamp comme pour ses premiers ready made plus confidentiels que l’on retrouve dans ces  quelques clichés pris dans son studio situé au 33. West 67 th Street à New York en 1917. Urinoir apparaît sur deux d’entre  parmi la constellation des autres espèces de sa race. Suspendu en l’air tel un objet flottant, il s’envole parmi le monde des idées. On ne le retrouvera pas pris dans la salle d’exposition lieu topographique du projet originaire. Avec Duchamp espace de création et d’exposition ne forme qu’un seul lieu. Le photographe ne nous montrera pas urinoir parmi  les autres oeuvres de l’exposition, sa mise en exposition même derrière un rideau. Elle prendra seulement la forme d’une photographie prise dans l’urgence d’une commande pour la nouvelle revue « The blind man » dans ce refuge amicale de la galerie 291. Le xxe produit des oeuvres parfois sans lieu, avortées et sans lumière. La photo de Stieglitz signifie cette sortie de l’ombre, cette mise en lumière. On ne verra pas le photographe glisser discrètement derrière l’épaule de Duchamp comme derrière celle de Toulouse de Lautrec  peignant, en 1895, la danse au Moulin rouge pour saisir l’artiste au travail les secrets de sa fabrication. l’artiste sera souvent représenté que tardivement devant ces oeuvres devenus canoniques, il prend toujours cette attitude détachée faisant  soit dos à ses créations fumant nonchalamment, mimant une moue dégoûtée , jouant les histrions ou les mondains une coupe de champagne à la main.On fait poser un monument à côté de cet autre monument…Image associéeImage associéeRésultat de recherche d'images pour "photo duchamp fontaine"Image associéeImage associéeRésultat de recherche d'images pour "photo duchamp fontaine"Image associéeImage associéeMarcel Duchamp, installation view. Marvin Lazarus, photographie prise au MOMA, NY, le dernier jour de l’exposition “The Art of Assemblage », en 1961.

L’artiste avance caché. On ne verra pas l’artiste en train de faire son oeuvre, en présentation dans l’acte de création face au marbre ou à la terre comme Camille Claudel dans son combat avec la matière, l’élaboration de la forme, ou Raushenberg capté par Cartier-Bresson dans « l’instant décisif » du processus créatif. Duchamp est dans l’impuissance du fer à l’époque de la puissance du fer.  Comment montrer cet effacement total de l’artiste et de l’oeuvre dans l’automatisme d’un clic?Résultat de recherche d'images pour "atelier d'artiste photo claudel"

Stieglitz a donc fait le portrait de cette oeuvre, la fiction de sa mise en scène, son versus purement médiatique. »Un portrait n’est pas une ressemblance » souligne le photographe Richard Avedon. Dans son texte  « le message photographique »  Roland Barthes évoque  la pose des objets dans la nature morte photographique, ce choix  comme « inducteur » source » d’associations d’idées »ou d’une » façon plus obscur de véritables symboles. »* Il est évident que fontaine comme tout objet posé devant l’oeil formaliste avait sa capacité d’induction. On y vit par analogie une madone ou un bouddha…Mais au point de naissance de la photographie, il n’a plus le statut et le sens d’un simple objet ordinaire saisi par le photographe, comme sujette principale d’une nature morte, telle que pourrait l’être la fourchette d’André Kertész. Si la photographie de 1928 transfigure l’objet banal et quotidien dans la banalité de sa pose journalière, le sublime grâce au choix du cadrage et de l’angle de vue, le jeu subtil des ombres, l’extrayant de son continuum espace-temps pour lui donner accès à l’esthétisation. la fourchette demeure une fourchette . Fontaine intervenait avec son socle dans sa représentation telle que put l’exercer Brancusi avec la scénographie de ses propres oeuvres. Les clichés de l’atelier de Duchamp rappellent le travail  de son ami roumain. A la fin de sa carrière celui-ci fit de la mise en scène savante sous l’objectif de ses oeuvres  une pratique spéculative et réflexive inhérente à son travail. Il réalisa plus de 1800 photographies. Stieglitz réalise la photo de  l’oeuvre iconoclaste du moment et pas seulement  un objet du réel à transfigurer. Nous assistons  dans cette mise en scène à une double mise à distance par le filtre du socle puis de la photo, une représentation d’une représentation, une contextualisation d’un objet décontextualisé, une transfiguration d’une transfiguration par la photographie pure. Urinoir est devenu fontaine, fontaine est devenu madone…Fontaine photographiée est une  reconstitution plus ou moins fidèle d’un évènement qui n’eut pas lieu, un événement qui vient donner une forme tangible au projet. Urinoir décontextualisé et recontextualisé dans un premier temps, se trouve à nouveau recontextualisé dans sa nouvelle restitution photographique.  La fourchette apparaît dans sa clarté et netteté, urinoir semble sortir de la brume d’un sfumato.

  • tAndré Kertész - La fourchettePhoto
  • André Kertész La fourchette, Paris 1928 – The Art Institute of Chicago (Ada Turnbull Hertle Fund 1984.593)
  • On ne découvre qu’un détail du tableau placé comme une toile de fond. Il permettait selon Dalia Judovitz de façon implicite d’expliquer le rôle désormais « subalterne » de la peinture rétinienne. La toile est  placée dans l’espace éloigné de la narration dévolu autrefois dans » la  storia » de la peinture renaissante à la représentation de l’antériorité (dans la peinture L’Orage de Giorgione, le temps s’écoulait de l’arrière vers l’avant, « le regard … convertit la spatialité en temporalité »* il en est de même sur cette photo qui reprend les codes picturaux )1e  . Au premier plan fontaine surgit dans le présent de sa naissance. « Cet ustensile revête une autorité presque solennelle », « une présence » qui marque la rupture avec la peinture comme chose du passé.
  • *(Dalia Judovitz). *1cBerlin before the WarImage associée
  • Cependant en recherchant avec curiosité la peinture dans la totalité, nous nous rencontrons qu’elle n’est pas seulement un faire-valoir. En son centre, on découvre une forme pyramidale et courbe étrangement similaire à celle de l’objet. Autour de cette matrice mère et sacrée se mue une armée de cavaliers, autant d’abeilles guerrières se déplaçant autour de la reine. L’urinoir par le jeu du point de vue vient prendre place au centre. A la même période Stieglitz fera dialoguer les fragments de corps et les mains de sa future femme Georgia O’Keeffe en face de ses  propres tableaux féminins,  exposés dans la galerie . Comme  une sorte de prolongement l’artiste et l’oeuvre se rencontrent. Dans la corporéité chorégraphique  du réel. le portrait photographique et le détail pictural de ces organes floraux fusionnent en d’étranges analogies . Encore une histoire d’abeille autour des fleurs?Image associéeRésultat de recherche d'images pour "stieglitz"Résultat de recherche d'images pour "stieglitz o'keeffe photos"Georgia O’Keeffe, photography by Alfred Stieglitz, 1918, platinum print. MuseumRésultat de recherche d'images pour "stieglitz o'keeffe photos"
  • Résultat de recherche d'images pour "stieglitz o'keeffe photos"Résultat de recherche d'images pour "stieglitz o'keeffe photos"Alfred Stieglitz and Georgia O‘Keeffe in front of two of her paintings, circa 1945 © Cecil Beaton, Vogue, circa 1945
  • « When I make a photograph I make love. » Alfred Stieglitz
  • La thématique militaire est le sujet de prédilection du peintre. En 1914, le portrait du jeune officier allemand Carl von Freyburg  prenait la forme d’une composition abstraite de formes symboliques et colorées. Peinture de l’absence et de la perte, elle était un vibrant hommage à l’amant disparu. Face à la mort, seuls subsistent les signes d’apparats, les reliques solaires des flamboyances d’autrefois.
  •  Un moule malique, un uniforme, comme ces 9 cuirassés, matrices d’éros que Duchamp place dans son grand verre? Peut-on voir dans ce tableau une préoccupation proche de celle de ce que donnera le projet du grand verre?
  • le peintre était  fasciné par les parades militaires, installé à la terrasse du café Bauer pouvait observer la beauté des uniformes. Comme son ami Desmuth qui côtoya Duchamp, il évoque cette expérience homo érotique. M.Hartley développa selon James Smalls dans son ouvrage sur l ‘art homosexuel ( Gay art, p.209.), pendant sa période berlinoise un véritable fétichisme pour les uniformes, tout comme Duchamp cultivera le travestissement en se présentant sous les traits et le costume féminin de rrose selavy. Un moule MÂLIC, un uniforme, des cavaliers comme ces 9 cuirassés de 1914-15  précèdent la création de fontaine, matrices d’éros que Duchamp place dans son grand verre? Il y a le Cuirassier, le Gendarme, le Larbin ,le livreur, le chasseur,le prêtre, le Croquemort,le policeman, le chef de gare. Peut-on voir dans ce tableau une préoccupation proche de celle du grand verre? Marsden Hartley: Porträt eines deutschen Offiziers, 1914. Öl auf Leinwand.
  • Image associéePortrait d’un officier allemand Image associéeRésultat de recherche d'images pour "duchamp les moules maliques"Résultat de recherche d'images pour "duchamp les moules maliques"Résultat de recherche d'images pour "duchamp les moules maliques"« Le vêtement est un signifiant sans signifié univoque » (Barthes)
  • Cette présentation conjointe des deux oeuvres ne semble donc pas si fortuite. La photographie semble retranscrire à travers cette mise en espace volontairement hâtive, l’« l’instant fécond » « Diderot/Lessing »,  l’ instant décisif » que permet la photo, « un moment transitoire ». Fontaine est comme un  « éclair immobilisé » dirait Goethe, celui d’un premier surgissement artistique et iconoclaste d’un objet guerrier, non-esthétique dans l’histoire de l’art. Le photographe moderniste pose un regard malicieux  sur la création de son ami. « Cette mise en place est pleine de facétie et d’irrévérence »*(Dalia Judovitz.)* 1d .Urinoir devient la parodie d’ un personnage sacré entre madones, spectre et  Bouddha, un commentaire amusé d’une réception en un temps t. Ce n’est déjà plus l’ urinoir-fontaine du salon, la photographie ne se résumant pas à l’enregistrement objectif, elle ne traduite pas « une vision exacte » sur les choses mais un regard interprétant sur le réel perçu afin d’en extraire une forme expressive, une « expression individuelle » sur la chose. la photo  pure est »Médium d’expression »Pour Stieglitz. Il ne nous reste rien de fontaine, des répliques non ressemblantes, le seul témoignage, sa preuve iconique comme  avènement prend la forme d’une appropriation, interprétation, traduction, celle d’un premier discours posé sur l’objet non esthétique, non expressif à travers une mise en scène photographique expressive. La publication dans la revue satirique dada de l’urinoir un mois après en mai 1917 face à l’article anonyme « Le cas R. Mutt » fait de cette trace iconique un document, le commentaire visuel et condensé des « nouvelles forces qui frappent à la porte» de l’art, un « devenir »*2  « pour un peuple en devenir »qui n’est pas avenir, mais force créatrice et d’ouverture, événement. (G.Deleuze et Félix Guattari ). Dans sa relation au texte quel rôle joue-t-il?
  • Résultat de recherche d'images pour "photo duchamp fontaine"
  • Fontaine à San Francisco.      Fontaine au centre Pompidou

Résultat de recherche d'images pour "photo duchamp fontaine"

« après trop de théories marxistes, psychanalytiques, structuralistes qui finissent par déposer à la surface des œuvres un voile épais de commentaires qui les rendent opaques, il (faut) revenir à la clarté des commencements. »

  • Que nous reste-t-il de l’oeuvre fontaine en 2017 ? Une  » photographie devenue aujourd’hui une véritable relique »*1, des répliques ex-voto, des notes, des paroles et une posture an artistiques  mythiques, enfin une enveloppe, un rhizome discursif et figural très nombreux entre détracteurs et thuriféraires. Ce sont autant de « parures », » d’écrans, »de  « vestiga »* autour de l’oeuvre inaugurale. l’urinoir vivrait dans « un palais dont les murs seraient fait de miroir », « une forêt aux innombrables échos »p.233. On pourrait pour fontaine effectuer cette comparaison avec le texte de Marcéa Eliade  dans image et symbole de 1980 : le mythe arrache fontaine de son temps à lui…chronologique, historique et le projette symboliquement dans le Grand temps…ouverture vers le temps sacré ». Celui de l’art?* (image et symbole, Ed. Gallimard,1980,p.75.)
  • Afi réalise un archivage du vaste éventail des apparitions de l’image d’urinoir à l’ère du nexus.
  • Comme le souligne G. Didi Huberman « la parure recouvre comme un voile ».2* Mais quand est-il quand ne demeure que le voile?
  • Nous ferions avec l’histoire un usage culturel (gouvernement des sensibilités?) et cultuel (gouvernement des degrés) de fontaine, c’est un comble! Urinoir et fontaine sont sujets à l’ostension comme on le fait avec les hosties, les images saintes, puis les oeuvres d’art. On vient goûter et voir urinoir avec la même curiosité que Joconde, ce qui n’a pas de visibilité constitutive, mais fontaine est comme une star, elle a son image dans l’iconothèque moderne, toujours la même dirions nous comme si elle ne fut qu’une sainte face. Il est lui même sujet à l’iconoclasme. (Pinocelli) .Cet objet prosaïque  placé au devant de la scène pourtant à la base ne nécessitait pas d’être vu ou vécu pour exister, mais seulement d’être pensé comme un coup nouveau sur l’échiquier de l’art.(tactique, stratégie).
  • Urinoir fontaine doit cohabiter avec son image, son mythe.
  • Duchamp cultivait la liberté d’indifférence optique et haptique. Vous irez voir fontaine en 3d à tout le moins sa réplique estampillée, avec son certificat d’origine, quelque chose comme « made in Duchamp », vous aurez beau brouter du regard sa surface lisse de porcelaine, parcourir le galbe et la rondeur de ces lignes, la regarder sous toutes les coutures, vous regarderez un urinoir ou avec conciliation une fontaine, mais l’ensemble demeura sec dans l’incapacitéde saisir autre chose. Vous faites fausse route vous indiquera l’artiste, vous indiquant la marche à suivre.
  • .Edward Weston : Charis nue (1936). le corps devenu  sculpture est transfiguré par le jeu des courbes.La jouissance de la ligne parcourue, le regard se fait caresse, haptique.
  • Urinoir devenu fontaine est finalement un personnage, définition que G.Deleuze donne à ses concepts. La créature a dépassé les intentions de son créateur, les limites cartographiques qui lui étaient assignées. Intrus parmi les muses, elle s’est finalement muséifiée (pétrifiée?), elle est entrée dans l’univers dévolu ordinairement à la croyance, à la magie, au cultuel, cette religiosité fétichisée propre  à la société marchande et capitaliste:(Diagnostic effectué de Weber à Benjamin.cf.Le capitalisme comme religion : Walter Benjamin et Max Weber Michael Löwy). Il a rejoint finalement les rives de l’art, l’esthétique au sens élargie, cet élasticité du « tout culturel ».(De 1917 à 1968 jusqu’à la politique culturelle des années 80, nous pourrions tisser un fil conducteur dans cette machinerie, un fil d’Ariane dans cet espace labyrinthique qui nous mène aujourd’hui vers le « tout est culture »). l’art n’a jamais autant montré la plasticité de son concept.
  • Effet dévolu à cette surpuissance de la valeur spectaculaire et scopique de la
  • kultur industri, l’objet en marge a connu comparable aux avant-gardes et ismes dont il se démarquait cette assimilation inévitable de l’histoire et de la société. Le capitalisme dévore tout. L’urinoir fontaine au Centre G.Pompidou ou à la Tate Modern de Londres a-t-il encore ce pouvoir de dépossession des certitudes, d’ébranlement comparable à celui ressenti en 1917 par certains membres du jury à la seule idée de son exposition. A-t-il encore cette dimension politique et anticapitaliste que Maurizio Lazzarato attribuait à ce geste ready made comme «  rupture politique » suspension  » des relations de pouvoir établies »  ouverture de « l’espace du processus de construction d’une nouvelle subjectivité »*
  • Vous me direz, il a fait si bien son travail d’ouverture, certains diraient de sape, qu’il ne ferait pas tâche dans l’immense « végétation »contemporaine qu’il a indirectement essaimée, ensemencée. Il a fait école. Nombreux sont les artistes de Jasper Johns à Kosuth en passant par Rusha à reconnaître l’importance de l’oeuvre de Duchamp.
  • Par ce jeu entre présence et absence, cette mise à distance spatiale, visuelle puis
  •  temporelle , nous avons finalement tous les ingrédients naturels et structurels pour une mise en magie, mise en images, mise en spectacle, mise en récit. Marcel Duchamp, nous avait pourtant mis en garde sur le risque de dénaturation de sa démarche : esthétisation par habitude et récupérations
  • par le système marchand. « Marcel Duchamp a pourtant toujours refusé la reproduction, la valorisation marchande et l’esthétisation. »Zones subversives,Chroniques critiques, 5 janvier 2015.
  • Les couches du temps parent d’un voile de beauté ou d’intérêt toutes choses créées comme signe possible d’un erôtikoi; même sur un simple urinoir devenu fontaine et non pas l’Aphrodite de Cnid.  Mais envisageait-il  sa mythification voire son idolâtrie ou son iconolâtrie? plaisir de voir et d’être vu dirait le rigoriste Tertullien à propos des idoles du paganisme. (IIe siècle). Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, on parle encore d’elle. L’oeuvre d’art n’appartient pas par nature à son créateur mais aux regardeurs depuis l’homme du commun jusqu’ au spécialiste averti. L’anartiste faisait le passage de relais, désormais  « c’est le regardeur qui fait l’art », Marcel Duchamp, Duchamp du signe, Paris , Flammarion,1975, p.49.
  • l’oeuvre entre dans l’espace démocratique de la « publicité », le « comunium spacium »
  • dirait Ciceron.
  • Duchamp avait conscience de l’impacte médiatique de tout oeuvre et sa possible métamorphose. La mise en construction scénographique et photographique de son identité bien avant A.Warhol en est l’exemple frappant.
  • Duchamp cultivait le fait de ne rien faire. Art de la paresse? « Le ready-made est  selon Maurizio Lazzaratoune  dans Marcel Duchamp et le refus du travail, Les Prairies ordinaires, 2014.
  • une technique paresseuse, car il n’implique aucune virtuosité, aucun savoir-faire spécialisé, aucune activité de production, aucun travail des mains ». Sa vie dans sa totalité, son emploi du temps sont conçus
  • comme pratique non artistique. Le non-art s’était dissous dans la vie elle-même, dans cette différence devenue infra-mince entre l’art et la vie. « L’activité artistique devient alors une activité comme une autre ».* La vie c’est l’art, l’art c’est la vie. Il n’arrêta pas la pratique artistique, mais la pratiquait sous une autre forme peut-être invisible au regard comme  la chaleur sur un siège que l’on vient de quitter…
  • . Dans cette culture capitaliste et protestante du travail, de l’effort, de la capitalisation et de la dette, l’attitude de l’artiste pouvait certainement sembler être  perçue comme un dilettantisme aristocratique et mondain. Pour Maurizio Lazzarato  « Duchamp exprime un refus obstiné du travail, qu’il s’agisse du travail salarié ou du travail artistique. Il refuse de se soumettre aux fonctions, aux rôles et aux normes de la société capitaliste ».
  • Il laissait  même le travail du temps effectuer sa tâche avec les risques d’entropie que cela suggère. Comme la stratégie aux échecs le temps est un facteur crucial: il faut avoir une vision à long terme en utilisant des techniques à court termes entre stratégie et tactique, planification  et  opération, manoeuvre entre le roque et la fourchette.
  • Ce ne fut pas le cas. Les années 60 se reconnurent dans son oeuvre comme  symptômatique de son époque. Elle fut même élue ré
  • cemment, selon le quotidien britannique The Independent,  par un « panel d’experts anglais devant les demoiselles d’Avignon , comme l’«œuvre la plus influente de l’art moderne». « “La ‘Fontaine’ de Duchamp, signée du nom de Richard Mutt par l’artiste, a été citée par 64 % des personnes interrogées comme la pièce maîtresse de l’art moderne, reléguant au second rang ‘Les Demoiselles d’Avignon’ de Pablo Picasso”, indique The Daily Telegraph« *  05″La « Fontaine » de Duchamp, une pièce maîtresse puisqu’on vous le dît », ce titre de l’article du courrier international (02/12/2004) semble signifier avec une certaine ironie
  • que son élection se base sur une désignation qui n’aurait pas les marques de l’évidence, du sensus communis au sens que ne privilégie pas Kant dans sa définition dans la faculté de juger,
  •  celle de goût mais celle de « bon sens »: cette capacité de discernemment, ce que Descartes dans son discours de la méthode en 1637 nomme  «  la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d’avec le faux ». Cette faculté naturelle de nommer les choses deavany urinoir ne l’est plus. Cette oeuvre serait contre nature?  à tout le moins,elle romperait d’emblée avec le naturel.  Aristote dans les topiques incitait à philosopher avec le sens commun. Si l’on se demandait « Si la neige est blanche
  • on  n’avait qu’à ouvrir les yeux et regarder ».Dans l’examen des choses certaines choses
  • sont par nature fondamentalement de l’ordre des certitudes.
  •  mais pour ce qui est du cas  urinoir ouvrir les yeux et regarder ne vous permettra pas de saisir sa
  • vérité dans  cette nouvelle ère de la modernité que J.F.Lyotard reconnaît aisément à travers son manque de critère.
  • Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée »(Descartes)
  • , or face à l’urinoir, on ne voit pas fontaine mais urinoir, il y a désormais zone de division, de mésentente « du différent » dirait Lyotard, on ne partage plus rien. Son avènement deviendrait totalitaire. «  Toute personne saine » a du bon sens semble nous dire Franc-Nohain  dans son Guide du bon sens, Éditions des Portiques, 1932. Honoré De Balzac dans Modeste Mignon en 1844 dépeignait  la France comme le pays de « la logique:  » Sa supériorité  vient de son bon sens ». Avec l’urinoir la question du l’ « unsin », de l’insensé, de l’insanité est rapidement diagnostiqué. Duchamp joue avec ironie avec cette image de la folie souvent posée sur le nouveau, il devient R.Mutt, le crétin de l’art.
  • Le point de vue divergent  entre le  journal conservateur et libéral anglais
  • , l’incompréhension sur la mise en avant de Duchamp sur Matisse et Picasso montre encore le caractère polémique et vivant de l’oeuvre. La fracture entre tradition et nouveauté, querelle des anciens et des modernes , au nom de sempiternelles questions
  • de jugement de valeurs a encore de beau jours. On retrouve, ici encore sa puissance destituante pour ceux qui pourrait évoquer son institutionnalisation. Elle nécessitait de nier l’évidence, de renouveler notre forme de savoir, et les nombreuses catégories instituantes  qui pour Duchamp pourrait sembler ce que Kant classe sous la forme du « préjugé », cette « raison passive », « cet aveuglement * P.187  Cette cécité crétine du visible et de la rétine sur l’invisible. Cette théologie négative du visible n’a bien sur pas les aspects moraux et religieux des premiers chrétiens,
  • , Duchamp tente de nous guérir de cette « rétinite » aigüe.
  • Un urinoir est un objet ordinaire, et nullement une oeuvre d’art.  Toute chose à sa place toute place à sa chose. Tout comme la révolution copernicienne nous obligeait à concevoir  la nécessité d’un décentrement, l’expérience d’urinoir nous obligeait à nous défaire de nos habitus. « puis qu’on vous le dit ». Qui est derrière ce on?  le gotha du monde de l’art, les 500 artistes et experts sondés, celui qui à le savoir et l’auc
  • toritas du jugement . Une évaluation basée
  • sur une mise en confiance.
  • Une lecture du livre de Georges Didi-Huberman, « La ressemblance par contact : archéologie, anachronisme et modernité de l’empreinte pourrait être intéressante pour comprendre la nature de la relation entre fontaine et la notion d’emprunte, thématique amplement développée par le philosophe et historien de l’art. Il aborde le cas Duchamp mais pas seulement. Cette  problématique  touche toute l’histoire de la pratique artistique dès sa naissance  comme une forme archétypale de l’art. Elle a selon lui  permit au xx e de réactualiser et transformer le paradigme artistique. »
  • Ce ready made image ou sculptural est offert depuis la seconde partie de xxe  à la  vénération à l’ostentio, au rituel institutionnel .( Du latin ostensio, issu de ostendere, montrer) .Sa découverte consisterait à montrer les restes (reliquiae ) d’une expérience prototypale, créative et unique sous la forme de nombreux « clichés », voiles de véroniques (vera iconica) suaires multiples (de la sainte face) : photographie, moulages, et autres pièces ressemblantes (objets trouvé). Face à l’urinoir exposé le spectateur revivrai-il une sorte de substantiation, une mise  présence réelle dans l’Eucharistie anatistique de Duchamp. Chaque spectateur au musée par
  • la nomination performative baptiserai à nouveau sous les fonds
  • baptismaux de l’art,  urinoir oeuvre de l’art. La photographie  de Stieglitz servirait
  • de calque,
  • de témoignage d’expression de cette apparition. Une apparition qui finallement n’a pas eu lieu et que l’image devait créer par
  •  substantiation,  transubstantiatioTransfert mental par lequel une chose banale devient exceptionnelle, consacrée, digne de culte, divine, on pourrait dire également transfert par lequel un non événement devient événement.
  • Nous passerions de  l’icone à l’idole et vice- vers- ça. Comme le récit  chrétien apocyphe du voile est à l’origine de toute icône chrétienne, l’urinoir fontaine à son récit, il reprend les marques de la théologie négative, il a trouvé aussi ses doubles .»  Pareillement au  saint suaire décrit par G.Didi-huberman comme  l’empreinte négative du corps du Christ, son index lumineux miraculeusement effectué et miraculeusement inversé dans l’acte même de la résurrection, événement fondateur de toute une religion – désormais pensé en termes photographiques.»G.Didi-Huberman.
  • La photographie d’urinoir, sa réplique peut être aussi pensé comme l’empreinte négative du corps de l’objet sacré, la résurection ici et maintenant de l’événement fondateur de cette nouvelle religiosité du non art.  Urinoir, comme la photographie ou le suaire, objet au départ « non faites de main d’homme »acheiropoïètes moderne, est une image non miraculeuse, né de l’’inversion d’un négatif, par embouteillage ou moulage sur la chaîne de production. Il n’a rien  conservé de son positif artisanal seul le négatif reproduit à x exemplaire, un n extrait de la série, dont il nous reste que les nombreux négatifs photochimiques ou photomécaniques.

«Ce qui a touché le Dieu devient l’intouchable par excellence : il se retire dans l’ombre du mystère et se constitue ainsi en objet du désir.» Fonction d’éblouissement nécessaire à l’image sacrée, qui ne se laisse voir qu’en «transfiguration», dans l’aveuglante lumière de l’aura ou dans le trouble même de la nuée. Ironie constitutive d’une image rayonnante, qui regarde le fidèle avant que celui-ci ne puisse lever les yeux vers elle, pour s’y aveugler ou y connaître la lumière révélée..

Le chrétien ébloui par l’image s’éprouve lui-même sous le regard de l’image, sujet de l’image au sens primitif du sujet comme «jeté sous» : il est touché par elle, possédé par elle, et s’introduit à elle dans une forme de toucher spirituel (achiropoïète) qui fait de lui l’empreinte même du charakter divin, soit l’enfant de Dieu au titre de la ressemblance par contact (ici, le contact lumineux).

Jean Damascène renverse toutes les arguties iconoclastes en démontrant que la vénération du fidèle devant l’icone ne va pas à l’icône, elle va au prototype à travers l’icone.

Le visuel (chrétien) offre un procès, un vacillement d’aspects contradictoires, de conversions de significations, une logique des preuves et des pièces à conviction qui formulent une exégèse.

– l’enjeu du visuel chrétien n’est pas «la beauté des apparences mais une prémisse de la gloire. La gloire : c’est à dire le sacrifice et le martyre. C’est à dire une manière de défiguration. Une plaie vivante.»

– « l’imitation du Christ échappe d’emblée à la position classique du problème de la mimésis. Car imiter le christ, ce n’est pas dépeindre ou adopter un aspect. C’est répéter un procès».

Le visuel chrétien se met donc en recherche non pas de la ressemblance, mais de la vertu même faite image :  recherche d’une relation avec le prototype, d’un témoignage du martyr (le martyre est un témoignage).

Recherche d’une trace, d’un contact. Voire d’une photographie.

Saint Paul dit de lui qu’il est une image achiropoïete, «non fabriquée de main d’homme» (Epitre aux hébreux, 1-3), une «empreinte» comparable à la frappe d’une monnaie.

Le concept d’image achiropoïète (non fait de main d’homme) est directement forgé à partir du cas théologique du corps du christ (charakter, non fait de sperme d’homme) : ces images tiennent donc leur modus operandi de l’incarnation elle-même.  Si le verbe a pu s’incarner dans un corps «sans semence humaine», les images qui le portent à la visibilité doivent être formées «sans peinture», mais seulement par un transfert direct du corps à l’image, tels que peuvent l’opérer les phénomènes de l’ombre ou de l’empreinte.

L’image achiropoïète fournit son modèle théorique à la pensée de l’image chrétienne et, par suite et extension, à la pensée de l’image en occident :  «il s’agit de réaliser dans l’image une quadrature du cercle :

– soit une image qui ne voile plus (comme apparence)

– mais qui révèle (comme apparition),

– une image qui n’a plus besoin de représenter, mais qui présentifie efficacement le verbe divin au point d’en actualiser toute la puissance de miracle (ces images deviennent donc susceptibles d’animation, de miracles, entre autres, rendre la vue aux aveugles (sic)).» Didi-Huberman

Les images achiropoïetes, parce qu’elles relèvent de procédures indiciaires, sont moins des représentations que des révélations.

Ce sont des reliques au second degré, elles transfèrent à celui qui les regarde le contact qu’elles ont eu avec le corps absent, avec le moment originel de leur «impression».

La Véronique ou le Mandylion d’Edesse deviennent des matrices mythiques pour les icones peintes d’après leur modèle : les icones conservent l’aura du contact avec le corps dont elles témoignent, car leur copie n’est pas conçue dans un processus d’imitation en séries mais de réplique en descendance : généalogie des icônes.

Récit apocryphe de la Vera Icona (Véronique)
Le voile de Véronique, que celle-ci aurait appliqué au visage du Christ au cours de sa montée au Golgotha, rejoint les premiers rangs des images achiropoïetes lorsqu’elle est instituée Sainte-Face ou Vera icona et qu’elle est conservée en l’église saint-Pierre de Rome, à partir du VIII° siècle. On invente d’ailleurs l’identité de la Sainte d’après le terme latin de Vera Icona. Les rares exhibitions du linge donnent lieu à des pèlerinages où affluent des fidèles de toute l’Europe. En ces occasions, les indulgences sont généreuses. La ferveur des foules retourne à l’idolâtrie. En 1527, lors du sac de Rome, l’armée impériale de Charles Quint (Saint empire germanique), furieusement anti-papiste, fait main basse sur les reliques et tous les signes de l’ostentation catholique. Le voile de Véronique disparaît, reparaît sous d’autres formes, des copies circulent à travers l’Europe.

« En mémoire de ce transfert, il existe deux types de Sainte Face : l’une où le visage est représenté sur un linge (le mandylion), l’autre sans linge, où le visage est représenté tel qu’il s’est imprimé sur la tuile (le kéramion). La première image, produite par impression directe, donne un modèle non mimétique de la production des figures ; la seconde, par report indirect, ouvre la possibilité de sa reproduction sérielle indéfinie ». P.A. Michaud.

Le désir ignore la présence.

Il ne connait que les destinations et l’intrigue.

Jean-François Lyotard, Discours figure

des paroles, des ostensions et des actions  : légoména, deikuména, drôména.

« La négation, écrivait Freud, est une manière de prendre connaissance du refoulé. »p119

«pas de non en provenance de l’inconscient» Freud

  • Le rapprochement comme en gravure, en photo se ferait à divers degrés selon le tirage et l’éloignement avec la source référencielle. On ne peut donc exclure sa large diffusion médiatique comme constitutive de l’oeuvre. Même si son dévéloppement prend une forme  quelque peu frelatée falsifiée voire innatendus. Il faut laisser vivre les ready made, vivre leur vie propre. Cette situation est  paradoxale pour un type de création qui cultivait la mise à distance conceptuelle comme fondement ontologique , existentiel et  circonstanciel et qui se retrouve confronté à la métamorphose de toute diffusion médiatique. Fontaine , pendant longtemps n’eu pas de visibilité, il  ne connu sa véritable notoriété que rétroactivement qu’avec le développement accru de la société de consommation et du spectacle, la culture généralisée de l’image et de » l’objet- signe », l’objet médiation*. Baudrillard à la fin de son ouvrage sur « le système des objets, la consommation des signes », dans sa conclusion défini la consommation comme » une mise en relation », « une activité systématiques des signes », une consommation générale de l’idée, d’objet idéalisés équivalents à l’infini. On pourrait y inclure les objets de la culture de l’ industrie culturelle dans cette consommation.
  • On irait donc au musée voire ce sacré urinoir qu’on voit dans tous les livres, sa restitution fidèle à huit exemplaires. Un comble et un échec pour un objet à penser. Comme les premiers pères de l’église qui dans leur théologie négative du visible poussaient le chrétien à voir au delà de l’idole par haine du visible. le ready made fontaine iconoclaste et la laïque devait dépasser la pratique rétinienne, non par rapport à des présupposés moraux et religieux, mais aesthétiques.
  • Né dans la société du capitalisme protestant et puritain ou la profane et le religieux se cotoie fontaine procède de cette ambivalence constitutive de la société capitaliste américaine mais également de processus de transformation civilisationnels : une société de démocratisation, inversion généralisée des repères, de » la confusion des valeurs »(J. claude  Guillebaud), du tout équivalant. l’ iconoclaste devient iconodule, l’iconodule  devient iconoclaste. Indifférenciation, d’amalgame, effacement, écrasement, dilution, La culture de l’identique, l’identité du même .relativisme du tout culturel . Fontaine est symptomatique de ces changements.

Le capitalisme, fonctionnant foncièrement à la libido, tend de manière exponentielle à exploiter, non pas le désir (toujours élaboré), mais les (com)pulsions…. jonction mortifère de la pornographie et du capitalisme, en tant qu’agencement puritain.puritanisme capitalo-pornographe sans jouissancePornographe et du Marchand s’accouplent hygiéniquement économique capitaliste systèmes de répressionPar Nicolas Zurstrassen, pour Le Grand Ecart

« Il faut voir dans le capitalisme une religion » un phénomène essentiellement religieux   structure religieuse du capitalisme ».Benjamin pratiques cultuelles le paganisme originaire« immédiatement pratique » et sans préoccupations « transcendantes »d’« adorateur »Comparaison entre les images de saints des différentes religions et les billets de banque des différents États »manifestations d’une divinité

« Premièrement, le capitalisme est une religion purement cultuelle, peut-être la plus extrêmement cultuelle qu’il y ait jamais eu. Rien en lui n’a de signification qui ne soit immédiatement en rapport avec le culte, il n’a ni dogme spécifique ni théologie. L’utilitarisme y gagne, de ce point de vue, sa coloration religieuse?[4][4] W. Benjamin, « Le capitalisme comme religion », in…

le mot « Dieu » (Gott) est originairement identique avec « Idole » (Götze), et que les deux veulent dire « le fondu » [ou « le coulé »] (Gegossene)

Dieu est un artefact fait par les humains, qui gagne une vie, attire vers lui les vies des humains, et finalement devient plus puissant que l’humanité.

Le seul coulé (Gegossene), le seul idole (Götze), le seul Dieu (Gott), auquel les êtres humains ont donné vie, c’est l’argent (Geld). L’argent est artificiel et il est vivant, l’argent produit de l’argent et encore de l’argent, l’argent a toute la puissance du monde.

qu’il est le sens (Sinn) devenu fou (Unsinn)

le culte fétichiste de la marchandise,« temples du capital marchand ».des divinités, ou idoles, de la religion capitaliste, et leur manipulation « pratique » dans la vie capitaliste courante des manifestations cultuelles, en dehors desquelles « rien (…) n’a de signification ». la célébration d’un culte sans trêve et sans merci « Le capitalisme est probablement le premier exemple d’un culte qui n’est pas expiatoire (entsühnend) mais culpabilisant. »Le capitalisme est « ruine de l’être », il substitue l’être par l’avoir, les qualités humaines par les quantités marchandes, les rapports humains par des rapports monétaires, les valeurs morales ou culturelles
  •  Comment définir cette expérience déclinée en 8 possibilités d’expérience. Peut-on parler de reconstitution, duplication à poster riori de l’événement, de réalisation nouvelle? Pouvons nous y voire  dans ce principe de « substitution » * »d’identité substantielle »* réactivantes, des équivalents, possibles de l’ expérience ou du projet (avorté) de 17 mises à disposition permanente pour le  publique dès 1964? De par sa nature conceptuelle, l’expérience aperceptuelle peut être finalement éternellement renouvelable, comme ci l’expérience anesthétique demeurait éternellement actuelle.
  • Celle-ci est avalisée par l’authentification notariale de l’auteur: un art sec et industriel estampillé à production limitée. « les répliques ou les variantes, ainsi que l’empreinte même du réel, ne perdaient pas du tout, selon Guido Rebecchini  leur valeur artistique, mais se trouvaient au contraire dotées d’un pouvoir renforcé par leur lien étroit avec leur référent d’origine. »*0 3 l’emprunte dotée de pouvoir et d’autorité serait donc la seule possibilité d’une mise en relation authentique  avec le disparu dans son unicité, la matrice d’origine et l’ événement exemplaire que fut sa naissance . Duchamp pour Didi Huberman  en aurait fait comme les arts du   xxe siècle fait un usage ample et multiforme dans son oeuvre de la technicité de l’emprunte, ce triomphe de la duplication sur l’imitation, nouveau processus créatif  qui permettait » de rendre littéralement présent le passé. « *

Cette photo de petit format en noir et blanc du photographe Stieglitz  est la seule trace de l’oeuvre première, elle est devenue document d’histoire, une icone, un classique, un jalon de l’art incontournable, elle n’est plus derrière le rideau mais au devant de la scène. De cette image , il ne reste plus que l’impression développée, le négatif  original ayant disparu, une impression à n +0  exemplaire.

Pour Marc Décimo qui a étudié l’érotisme chez Marcel Duchamp, « elle se confond avec l’objet perdu », l’urinoir c’est tout d’abord une image avant d’être un jeu de répliques plus ou moins approchantes, une image reproduite qui vaut pour l’objet. L’écrivain, linguiste et historien de l’art, fondateur de l’Ouphopo (OUvroir de PHOtographie POtentielle) » constate que nombreux sont les commentateurs qui fondent directement leur analyse sur cette mise en scène. » G.Didi-Huberman conseille un contacte directe, la nécessité d’une expérience hic et nunc dans toute approche  interprétative des oeuvres d’art. » Il faut aller voir les oeuvres »* Mais dans le cas de ce ready made comment peut s’effectuer cette mise en contacte avec l’objet d’une expérience quand ce dernier a disparu et que seul nous sont proposés des jeux de déplacements succéssifs de mise en relations multiples du « à la place de », comme le constate judicieusement Dalia judivitz dans son ouvrage « déplier Duchamp, passage de l’art.p.241. La photographie de Stieglitz nous parle t-elle d’urinoir ou d’autres choses?Regardons là de façon plus approfondie.

Ergon vs parergonla colonne et le vêtement constituent un parergon pour Kan

Un autre parergon, le cadre d’un tableau, s’avère problématique pour Derrida parce qu’il ne semble ni essentiel, ni accessoire, ni propre, ni impropre.On ignore où il commence et où il finit, quelle est la limite interne ou externe. Or le jugement esthétique présuppose qu’on puisse distinguer entre l’intrinsèque et l’extrinsèque. « Le jugement esthétique [selon Kant] doit porter proprement sur la beauté intrinsèque, non sur les atours et les abords. »21 Tout cela ne va pas de soi pour Derrida.  Nous sommes dans la logique du supplément :*Le parergon (cadre, vêtement, colonne) peut augmenter le plaisir du goût, contribuer à la représentation propre et intrinsèquement esthétique s’il intervient par sa forme (durch seine Form) et seulement par sa forme. […] Mais si en revanche il n’est pas beau, purement beau, c’est-à-dire d’une beauté formelle, il déchoit en parure (Schmuck) et nuit à la beauté de l’œuvre, il lui fait tort et lui porte préjudice (Abbruch). […] Or  l’exemple de cette dégradation du simple parergon en parure séduisante, c’est encore un cadre, le cadre doré cette fois, la dorure du cadre faite pour recommander le tableau à notre attention par son attrait. Ce qui est mauvais, extérieur à l’objet pur du goût, c’est donc ce qui séduit par un attrait ; et l’exemple de ce qui dévoie par sa force attrayante, c’est une couleur, la dorure, en tant que non-forme, contenu ou matière sensible. La détérioration du parergon, la perversion, la parure, c’est l’attrait du contenu sensible. […] dans sa pureté, il devrait rester incolore, dépourvu de toute matérialité sensible empirique.22:Jacques Derrida, « Parergon », in La Vérité en peinture, idem, p.74-77

Le voile devient alors attribut de sacralisation, d’idéalisation, de sublimation de la femme, lui conférant des connotations de chasteté, de virginité, de pudeur, voire, le voile comme parergon pur, incolore, rachète la possible indécence du nu. Ainsi Agnès Sorel ne déroge-t-elle pas à son aspect virginal dans La Vierge à l’enfant entourée d’Anges de Jean Fouquet (v.1452) malgré son décolleté audacieux ou la nudité coupable de Lucrèce (1533) de Cranach est-elle apparentée à celle de Vénus et amor (1506) grâce au chaste voile.

Dans les mythes le voile assume souvent une valeur sacrée, de séparation et de distinction. En même temps les mythes confirment l’idée de nudité pécheresse et l’importance du regard, voyeuriste ou non.

Nathalie ROELENS «Sémiotique du voile : le cas de Maison Martin Margiela», ACTES SÉMIOTIQUES [En ligne]. 2009, n° 112.

Stieglitz a donc fait le portrait de cette oeuvre, la fiction de sa mise en scène, son versus purement médiatique. »Un portrait n’est pas une ressemblance » souligne le photographe Richard Avedon. Dans son texte  « le message photographique »  Roland Barthes évoque dans son passage  la pose des objets dans la nature morte photographique, ce choix  comme « inducteur » source » d’associations d’idées »ou d’une » façon plus obscur de véritables symboles. »*

Il est évident que fontaine comme tout objet posé devant l’oeil formaliste avait sa capacité d’induction. Mais au point de naissance de la photographie, il n’a pas le statut et le sens d’un simple objet ordinaire capté par le photographe, comme sujet principale d’une nature morte, telle que pourrait l’être la fourchette d’André Kertész. Si la photographie de 1928 transfigure l’objet banal et quotidien dans la banalité de sa pose journalière, le sublime grace au choix du cadrage et de l’angle de vue, le jeu subtil des ombres, l’extrayant de son continuum  pour lui donner accès à l’esthétisation. Fontaine intervenait avec son socle dans sa représentation tel que put l’exercer Brancusi avec la scénographie de ses propres oeuvres. Les clichés de l’atelier de Duchamp rappellent le travail  de son ami roumain. A la fin de sa carrière celui-ci fit de la mise en scène savante sous l’objectif  une pratique artistique inhérente au  travail spéculatif du sculpteur dans  sa problématique du socle et de l’espace . Il réalisa plus de 1800 photographies.Stieglitz réalise la photo de  l’oeuvre iconoclaste du moment et pas seulement   un objet du réel à transfigurer. Nous assistons  dans cette mise en scène à une double mise à distance par le filtre du socle puis de la photo, une représentation d’une représentation. une contextualisation d’un objet décontextualisé. Fontaine photographiée est une  reconstitution plus ou moins fidèle d’un évènement qui n’eut pas lieu, un événement qui vient donner une forme tangible au projet. Urinoir décontextualisé et recontextualisé dans un premier temps, se trouve à nouveau recontextualisé dans sa nouvelle restitution photographique.  La fourchette apparaît dans sa clarté et netteté, urinoir semble sortir de la brume d’un sfumato.

  • tAndré Kertész - La fourchettePhoto
  • André Kertész La fourchette, Paris 1928 – The Art Institute of Chicago (Ada Turnbull Hertle Fund 1984.593)
  • On ne découvre qu’un détail du tableau placé comme une toile de fond. Il permettait pour Dalia Judovitz de montrer désormais le rôle « subalterne » de la peinture rétinienne. La toile est  placée dans l’espace éloigné de la narration dédié, dévolu autrefois dans » la  storia » de la peinture renaissante à la représentation de l’antériorité (Dans la peinture L’Orage de Giorgione, le temps s’écoulait de l’arrière vers l’avant, « le regard … convertit la spatialité en temporalité »* )1e . Au premier plan  fontaine surgit dans le présent de sa naissance. « Cet ustensile revête une autorité presque solennelle », « une présence » qui marque la rupture avec la peinture comme chose du passée.
  • *(Dalia Judovitz). *1cBerlin before the WarImage associée
  • Cependant en recherchant avec curiosité la peinture dans la totalité, nous nous rencontrons qu’elle n’est pas seulement un faire-valoir. En son centre, on découvre une forme pyramidale et courbe étrangement similaire à celle de l’objet. Autour de cette matrice mère et sacrée se mue une armée de cavaliers, autant d’abeilles guerrières se déplaçant autour de la reine. L’urinoir par le jeu du point de vue vient prendre place au centre. La thématique militaire est le sujet de prédilection du peintre. En 1914, le portrait du jeune officier allemand Carl von Freyburg  prenait la forme d’une composition abstraite de formes symboliques et colorées. Peinture de l’absence et de la perte, elle était un vibrant hommage à l’amant disparu. Face à la mort, seuls subsistent les signes d’apparats, les reliques solaires des flamboyances d’autrefois. Un moule malique, un uniforme, comme ces 9 cuirassés, matrices d’éros que Duchamp place dans son grand verre? Peut-on voir dans ce tableau une préoccupation proche de celle de ce que donnera le projet du grang verre?
  • On ne découvre qu’un détail du tableau placé comme une toile de fond. Il permettait pour Dalia Judovitz de montrer désormais le rôle « subalterne » de la peinture rétinienne. La toile est  placée dans l’espace éloigné de la narration dédié, dévolu autrefois dans » la  storia » de la peinture renaissante à la représentation de l’antériorité (ex  L’Orage de Giorgione, le temps s’écoulait de l’arrière vers l’avant, « le regard … convertit la spatialité en temporalité »* )1e . Au premier plan  fontaine surgit dans le présent de sa naissance. « Cet ustensile revête une autorité presque solennelle », « une présence » qui marque la rupture avec la peinture *(Dalia Judovitz). *1c
  • Cependant en recherchant avec curiosité la peinture dans la totalité, nous nous rencontrons qu’elle n’est pas seulement un faire-valoir. En son centre, on découvre une forme pyramidale et courbe étrangement similaire à celle de l’objet. Autour de cette matrice mère et sacrée se mue une armée de cavaliers, autant d’abeilles guerrières se déplaçant autour de la reine. L’urinoir par le jeu du point de vue vient prendre place au centre. La thématique militaire est le sujet de prédilection du peintre. En 1914, le portrait du jeune officier allemand Carl von Freyburg  prenait la forme d’une composition abstraite de formes symboliques et colorées. Peinture de l’absence et de la perte, elle était un vibrant hommage à l’amant disparu. Face à la mort, seuls subsistent les signes d’apparats, les reliques solaires des flamboyances d’autrefois. le peintre fasciné par les parades militaires
  • installé à la terrasse du café Bauer pouvait observer la beauté des uniformes. Comme son ami Desmuth qui cotoya Duchamp, il évoque cette expérience homo-érotique. M.Hartley développa selon James Smalls dans son ouvrage sue la ‘art homosexuel ( Gay art, p.209.), pendant sa période berlinois un véritable fétichisme pour les unifomes, tout comme Duchamp cultivera le travestissement en se présentant sous les traits et le costume féminin de rrose selavy. Un moule MÂLIC, un uniforme, des cavaliers comme ces 9 cuirassés de 1914-15 qui précèdent création de fontaine, matrices d’éros que Duchamp place dans son grand verre? Il y a le Cuirassier, le Gendarme, le Larbin ,le livreur, le chasseur,le prêtre, le Croquemort,le policeman, le chef de gare.Peut-on voir dans ce tableau une préoccupation proche de celle du grang verre?Marsden Hartley: Porträt eines deutschen Offiziers, 1914. Öl auf Leinwand.
  • Image associéePortrait d’un officier allemand Image associée

Publié

dans

par

Étiquettes :

Commentaires

Laisser un commentaire

buy windows 11 pro test ediyorum