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Développement du langage selon Noam Chomsky

Le développement du langage chez l’enfant d’après Noam Chomsky

L’apprentissage d’une langue maternelle par un enfant est un phénomène encore peu compris. Plusieurs théories ont été écrites depuis l’époque des pharaons et même avant chez les peuples asiatiques. Les théories d’aujourd’hui sont plus scientifiques, mais guère plus informatives. Nous verrons ici un ensemble d’observations et un résumé des hypothèses récentes du domaine. Nous fixons arbitrairement l’âge de cinq ans comme âge où l’enfant aura appris l’ensemble de sa langue maternelle, mais en réalité, l’apprentissage d’une langue se poursuit tout au cours de la vie. La majeure partie des apprentissages se font cependant entre la naissance et trois ans.

On a longtemps cru que l’enfant apprend sa langue maternelle par imitation, c’est-à-dire qu’il essaie de reproduire ce que l’adulte dit. Cette hypothèse a depuis été détruite par plusieurs, dont Noam Chomsky. Au milieu des années cinquantes, Chomsky affirmait qu’il est impossible que l’enfant apprenne sa langue par imitation et qu’une structure appelée « Language Acquisition Device (LAD) » doit exister dans le cerveau (une présumée structure neuronale). Il basait ses affirmations sur le fait que les enfants apprennent correctement à partir d’énoncés contenant des erreurs et de phrases incomplètes. De plus, l’enfant produit des phrases qu’il n’a jamais entendu et commet des erreurs qu’il n’a jamais entendu mais qui suivent les règles générales de dérivation de sa langue (surgénéralisation). Finalement, le développement du langage implique plusieurs phénomènes qui semblent universaux, notamment en ce qui concerne l’ordre d’acquisition, ce qui détruit l’hypothèse de l’imitation. Il faut cependant mentionner que ce LAD n’a jamais pu être trouvé dans le cerveau. Une majorité importante de linguistes et de psychologues soutient tout de même les fondements de l’hypothèse innéiste de Chomsky.

Certaines observations du comportement langagier des enfants dans leur milieu d’apprentissage ont permis de poser que les enfants doivent interagir socialement pour développer le langage (l’exposition seule à la langue n’est pas suffisante). L’hypothèse des interactionnistes est basée sur le fait que les tours de parole s’acquièrent bien longtemps avant la production des premiers sons langagiers et que les premiers mots sont des mots sociaux (mis à part pour les mots nommant les parents, ce qui pourrait être interprété comme étant des mots sociaux de toute façon).

Par ailleurs, nous croyons maintenant que le développement de la pensée est lié de façon inséparable au développement du langage. Si Piaget affirmait que le langage se construit sur les assises de la pensée et que Vygotsky affirmait le contraire, il est clair que l’un ne va pas sans l’autre: D’un point de vue philosophique, un concept (signifié) ne peut se fixer dans la pensée s’il n’est pas associé à une forme (signifiant). Ainsi, la permanence de l’objet est essentielle au développement du langage. Le langage sert ainsi à nommer ce qui fait partie de notre réalité (et ce qui n’en fait pas partie) mais aussi à structurer notre pensée comme nous l’avons vu en sémiotique.

Stades du développement du langage

Il est difficile de savoir si l’enfant acquiert quelque connaissance que ce soit durant la grossesse. Cependant, nous savons que le nourrisson naissant préfère la voix de sa mère aux autres voix. Nous savons aussi que le nourrisson peut déjà catégoriser les sons du langage en classes générales une heure seulement après la naissance. On sait qu’il peut même identifier certains de ces sons comme étant plus prototypiques (plus représentatifs de ce que le son idéal d’une classe devrait être). C’est cette dernière caractéristique qui, selon certains chercheurs, distingue l’humain des autres mammifères d’un point de vue des représentations mentales.

On peut généralement identifier quatre stades de développement dans l’acquisition du langage chez l’enfant. Ces stades ne sont toutefois pas des étapes rigides que tous passent au même âge; une grande variation existe et en réalité, le développement est très graduel. Par ailleurs, le rythme du développement langagier n’est pas lié au quotient intellectuel.

Le premier, le stade prélinguistique se divise en deux étapes: l’étape du babillage (de 4 ou 6 mois à 12 mois) et l’étape du premier mot (4 ou 6 mois à 12 ou 18 mois). Durant la première étape de ce premier stade, le bébé essaie de faire des sons. Déjà après quelques jours le nourrisson peut distinguer les sons de la langue parlée dans son environnement des autres langues. Il jouera avec les sons que son appareil phonatoire permet de produire (le babillage ou babil). Tous les bébés (humains) de la terre ont les capacités de prononcer tous les sons langagiers répertoriés. L’ordre d’acquisition de ces sons est semblable pour tous les bébés. Durant la deuxième étape de ce premier stade, le bébé commencera à nuancer ses productions sonores, commençant à prioriser les sons de la langue (ou des langues) qui l’entoure. Il commence aussi à modifier ses productions selon le contexte social. Par exemple, les sons qu’il produit avec son père seront différents des sons qu’il produit avec sa mère. Après quelques mois, le bébé perd peu à peu la capacité de distinguer les sons étrangers des sons de sa propre langue; il commence à se créer des classes de sons propres à sa langue et il assimile les sons des autres langues dans ces classes. Mais ceci est uniquement vrai pour la perception, parce que comme nous le verrons plus loin, l’enfant peut apprendre à prononcer une autre langue sans accent étranger jusqu’à l’âge d’environ 8 ans.

Durant le stade holophrastique (18 mois à 24 mois), l’enfant s’exprime par mots isolés. Les parents sont souvent tentés de voir en les énoncés holophrastiques comme « toutou » un sens plus complexe comme « regarde le toutou » ou « je veux le toutou ». Il est probable en fait que l’énonciation soit simplement l’expression de l’émotivité créée par la vision de l’objet plutôt que le résultat d’un énoncé mal complété.

Le stade syntaxique (de 2 à 5 ans) est la période où s’acquiert la syntaxe. Si la langue est plutôt télégraphique au début, l’enfant en vient rapidement à composer des phrases presque complètes. L’enfant acquiert la syntaxe par l’analyse de la régularité des structures qu’il entend, et non par imitation, par règles explicites ou par répétition. Ceci est facilement démontré par le fait que les erreurs qui sont produites durant ce stade sont très régulières. Par exemple, l’enfant surgénéralisera une règle et dira « il a metté » plutôt que « il a mis », construction basée sur la règle générale de formation des participes passés.

Le stade avancé (5 ans et plus) est la période où l’enfant acquiert les fonctions les plus fines du langage. Il apprendra par exemple les formes passives, les inversions verbales, etc. Il apprendra aussi à dire les choses de façon plus appropriée au contexte. Ceci est rendu possible par le fait qu’il se distancie de sa propre perception pour réaliser que les autres ne perçoivent pas la réalité de la même façon que lui. La prononciation se raffine, notamment quant aux liquides /R/ et /l/.

Il est important de noter en passant que les adultes adaptent leur façon de parler lorsqu’ils parlent aux enfants. En général, les gens vont varier davantage leur intonation avec les jeunes enfants de façon à maintenir leur attention. Les structures sonores (les formants) seront aussi simplifiées. Le choix des mots est évidemment plus restreint et les structures syntaxiques sont plus régulières et plus complètes. En fait, même un enfant de quatre ans adaptera son parler aux enfants plus jeunes.

Finalement, une partie importante des enfants du monde apprennent plus d’une langue en très jeune âge. Apprendre plus d’une langue avant la puberté (certains disent même dès la naissance) comporte des avantages. Pour les enfants grandissant dans un environnement bilingue, on reconnaît généralement que les situations où l’enfant parle toujours aux personnes qui l’entourent dans la même langue facilitent l’apprentissage. Ainsi, l’enfant pourrait par exemple parler français à un parent et anglais à l’autre. Ceci est cependant critiqué pour les situations minoritaires. En effet, si on planifiait que l’apprentissage de la langue de la majorité se fasse à la maison, il pourrait être bénéfique de retarder son apprentissage pour maximiser l’exposition à la langue minoritaire puisqu’on sait que la langue majoritaire sera acquise de toute façon en dehors de la maison, souvent au détriment de la langue minoritaire.

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