Présentation

2009-2019 : Dix ans d’affiches à Dakar 

Qui connait Dakar peut témoigner du foisonnement grandissant des affiches publicitaires dans l’espace public. Alors que leur interdiction dans plusieurs villes du monde relève d’une conscience environnementale de pollution visuelle, ici comme ailleurs, les affiches ne cessent de se démultiplier jusqu’à étourdir -d’aucuns diront oppresser– le regard du passant.

Inopportunes selon l’avis de certains, elles n’en demeurent pas moins un reflet de leur temps et constituent une mémoire de réalités sociales et culturelles persistantes ou évolutives. Traditions et modernité s’entremêlent tandis que la mondialisation invasive se voit contrainte de composer avec les coutumes locales.

A ce titre, la publicité montre davantage un Sénégal dans la mondialisation plus qu’un Sénégal mondialisé. Au delà du monde en soi et de ses standards résistent et s’affirment des mondes à soi, multiples et emboîtés. On vend et vante l’identité du pays, culturelle et territoriale ; on rappelle aussi sans cesse l’appartenance à l’Afrique dont les contours ont valeur d’icône.

Si l’enjeu est principalement commercial,  les acteurs non lucratifs tentent également d’exister dans cette jungle de l’affichage. Les campagnes pour l’espacement des naissances, les vaccinations ou la lutte contre le Sida rappellent le contexte social et culturel d’un pays en développement. Les politiques publiques nationales et internationales travaillent de concert avec les ONG pour informer, sensibiliser, éduquer. La précaution est souvent de mise : on s’adresse à l’homme plus qu’à sa femme pour la prévention du VIH ou l’espacement des naissances ; en référence au Coran, on écrit en arabe un message concernant les enfants de la rue. Il faut s’adapter aux réalités locales pour faire évoluer et non brutaliser les mentalités.

Ces constats nous font prendre conscience que la publicité dans l’espace public, aussi dérangeante soit-elle, peut aussi être une aubaine, celle d’un regard sur le monde.

Témoin de son époque, éphémère et changeante par nature, l’affiche ne vaut-elle pas l’archive? 

Cette conviction m’a conduit dès mon arrivée à Dakar en 2009 à toujours me munir d’un appareil photo en sillonnant la ville à scooter. Dix ans après, j’ai entrepris de publier une centaine d’images que j’ai sélectionnées et classées en différents thèmes. Cette collection, on l’aura compris, a vocation à s’enrichir au fil des prochains mois et prochaines années.

Alain Lamotte, professeur d’histoire géographie au lycée français J Mermoz de  Dakar.