Les échos d’une heure

Intrigué par cette question posée par l’une de mes collègues, professeur de mathématiques – et fidèle lectrice de ce Blog, merci à elle ! – je me suis plongé dans cette petite histoire métrologique un peu comme un aventurier. J’avais le souvenir d’un module à l’université de Lille III – Charles de Gaulle  qui avait attiré un grand nombre d’étudiants – signe flagrant de qualité… Son titre : petite histoire des mesures. Je n’ai plus le souvenir du conférencier, hélas…

Le mètre fut officiellement défini pour la première fois en 1790 par l’Académie des sciences comme étant la dix-millionième partie d’un quart de méridien terrestre. Il fut adopté par la France le 7 avril 1795 comme mesure de longueur officielle. Quelques années plus tard, en 1799, un mètre-étalon en platine fut créé à partir de cette définition et devint la référence. De février 1796 à décembre 1797, la Convention fit placer dans Paris seize mètres-étalons gravés dans du marbre pour familiariser la population avec la nouvelle mesure.

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, chaque région en France avait son propre système de mesures. Marseille mesurait en palmes, Montpellier en pans, la Bretagne en perches. Les Parisiens, les Bordelais et quelques autres se servaient plutôt du pied, unité de longueur la plus répandue, mais celui-ci n’avait pas la même taille d’une ville à l’autre ! Un vrai casse-tête pour le commerce. Pourtant, Charlemagne, dès 789, avait ordonné l’emploi de mesures identiques dans tout son empire ; mais la réforme tourna court après sa mort…

Et ce n’est que dix siècles plus tard, pendant la Révolution, que la France décida enfin d’uniformiser ses poids et mesures. En 1789, la plupart des cahiers de doléances demandaient cette uniformisation des poids et mesures : l’incohérence et la multiplicité des anciens systèmes étaient l’œuvre de la féodalité. L’instauration d’un système de poids et mesures unique à travers tout le pays fut immédiatement perçue par l’Assemblée Nationale Constituante comme un moyen puissant d’unifier la nation. De plus, suivant en cela l’esprit d’universalité développé par la philosophie du XVIIIème siècle, cette Assemblée souhaitait que ce nouveau système de poids et mesures puisse être adopté par tous les pays et soit tellement parfait qu’il ait une valeur éternelle : « à tous les temps, à tous les peuples« , telle était la devise qui guida l’Assemblée dans ses travaux. Pour cela, il fallait que le nouveau système de poids et mesures soit basé sur une unité ayant un caractère universel qui ne puisse être remis en question par aucun peuple de la terre et que cette unité soit déterminée avec suffisamment de précision pour qu’elle reste valable dans les temps à venir.

C’est en 1790 que l’évêque d’Autun, Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, reprenant une proposition de l’abbé Mouton en 1670 puis de Christiaan Huygens, propose de créer un nouveau système de mesures fondé sur la longueur du pendule simple battant la seconde à la latitude de 45°. Le 8 mai 1790, l’Assemblée Nationale adopte ce principe de l’uniformisation des poids et mesures. Des délégués sont envoyés en Espagne, en Angleterre, et aux Etats-Unis, afin de fixer définitivement l’unité avec les gouvernements de ces pays. L’Angleterre et les Etats-Unis d’abord favorables au pendule changent d’avis à la fin de 1790. Dans son livre L’aérostat, Elise FONTANAILLE explique que si le système métrique n’est pas arrivé jusqu’en Amérique, c’est parce que le bateau qui amenait un exemplaire du mètre étalon avait été attaqué et pillé par des pirates avant d’arriver… Mais cela reste une fiction, à priori ! Le désacord n’en demeure pas moins.

Une nouvelle commission préconise alors la mesure de l’arc terrestre (opération semblant plus facile et plus universelle) . Le 19 mars 1791, l’Académie des Sciences propose donc, d’une part, la division décimale pour les poids, les mesures et les monnaies et, d’autre part, la mesure de la grandeur du quart du méridien terrestre plutôt que la longueur du pendule qui faisait intervenir le temps et l’intensité de la pesanteur.

Recommandé par les savants du monde entier, le Système Métrique est peu à peu adopté dans d’autres pays. En 1875, 17 États signent la « Convention du Mètre » et créent le Comité International des Poids et Mesures (CIPM), chargé d’assurer l’uniformité des mesures physiques dans le monde. Au cours du XXe siècle, notament dans les années soixante, les inovations scientifiques s’accmodent assez mal de la définition primaire du Mètre. En effet, l’étalon de platine n’est pas adapté aux meures précises de l’infiniment petit, le CIPM modifie alors la définition du mètre en adoptant un étalon optique : le mètre est égal à 1 650 763,73 longueurs d’onde d’une radiation orangée émise par le krypton. La définition a changé mais la longueur du mètre est toujours la même…

La dernière définition du mètre date de 1983 et est un peu moins compliquée : il s’agit de la distance parcourue dans le vide par la lumière pendant une durée de 1/299 792 458 de seconde. Depuis, la métrologie continue de mettre au point de nouvelles méthodes de mesures et même de nouveaux étalons. La définition du kilogramme, par exemple, qui date de 1889 et dépend uniquement du prototype en platine conservé au Bureau International des Poids et Mesures (BIPM), à Sèvres, devra sans doute être modifiée à l’avenir pour mieux répondre aux nouveaux besoins en matière de précision. Mais ça, c’est une autre histoire…

Pour en savoir plus :

– l’article très complet que lui consacre Wikipedia

– une histoire complète du Mètre, par Denis FÉVRIER

– les références très précises du site du Laboratoire national de métrologie et d’essais

– un site très complet sur l’histoire du Mètre par Tibo QORL

– article de Valérie LANDON, Science & Vie Junior n°76 (Décembre 1995), pages 54-55.