Home » NOS ACTIVITES » Coups de coeur lecture » Poèmes de Dana Shishmanian

Bienvenue sur le blog de notre Médiathèque

Bonjour à tous ! La médiathèque dispose d'un blog et pour les lecteurs, l'outil est un bon complément au site www.institutfrancais.ro et au catalogue www.carthame.ro consultable en ligne Vous allez trouver les programmations mensuelles, les concours, les expositions, les rencontres bref, tout le quotidien du lieu par écrit et par image. Vous pouvez découvrir également, nos coups de cœur pour des lectures, des films ou des musiques en tous genres. Il ne vous reste qu'à profiter de ce nouveau service ! Vous êtes tous invités à participer à la vie de ce blog et n’hésitez pas à nous laisser vos commentaires. Consultez régulièrement tous les onglets pour suivre notre actualité! L'équipe de la Médiathèque
mai 2024
L M M J V S D
 12345
6789101112
13141516171819
20212223242526
2728293031  

Archives

Catégories

Poèmes de Dana Shishmanian

Née en Roumanie, diplômée de l’Université de Bucarest avec une thèse de maîtrise en littérature comparée, Dana Shishmanian vit et travaille en France depuis 30 ans.

Elle a publié dans des revues (Arpa, Décharge, Comme en poésie, Esprits poétiques, Les cahiers du sens 2010), des anthologies (Francopolis 2008-2009, Flammes vives 2010 et 2011, L’Athanor des poètes 1991-2011), des sites de poésie (Le Capital des Mots, Patrimages, Le manoir des poètes, Textes et prétextes, Poésie en liberté – Anthologie progressive), et dans la revue en ligne Francopolis, dont elle est membre du comité de lecture depuis février 2012.

Elle a animé en 2010, avec l’écrivain mauricien Khal Torabully, la collecte de poèmes Poètes pour Haïti (parue chez L’Harmattan en janvier 2011, dans la collection Témoignage poétique). Enfin, elle a assuré la direction littéraire de l’anthologie Esprits poétiques n°4- Sortilèges (Hélices, mars 2011).

Une plaquette, représentant une sélection d’un volume inédit intitulé Exercices de résurrection, est parue en octobre 2008 dans la collection « Poètes Ensemble » d’Hélices. En décembre 2011 est paru chez L’Harmattan son recueil Mercredi entre deux peurs (collection Accent tonique), dont sont extraits les poèmes ci-dessus.

La biche

Elle vit de si peu

mais si rare si fragile

à peine un semblant de souffle

entre néant et pensée

entre moi et toi et soi

ce n’est pas un mélange

ce n’est pas une osmose

ce n’est pas quelque chose

pourtant cela se nourrit de soi-même

comme d’une substance

super-substantielle

la manne oui c’est une façon de dire

le corps du Christ pourquoi pas

qui en goûte en a toujours faim

cela ne rassasie pas

c’est pour cela d’ailleurs que cela se multiplie

à l’infini

pour que tous les affamés à jamais

en soient toujours à en demander

et moi

arrêterai-je arrêterai-je pas

c’est ma vie ma mort ma mie

je mange et je pleure je mange je crie

j’écris

 

Mémoire 1

Lucien

luciole

tu fus le premier mort

de ma vie

tu avais sept ans

j’ai écrit ton nécrologue

j’avais sept ans

je t’ai nommé ange et j’en fus révoltée

même si – on le disait – Dieu t’avait rappelé

je te vois toujours au plus profond de moi

comme ma propre image

dans un puits sans fond

je distingue tous tes traits tu veux parler tu es muet

la bouche entrouverte dans un sourire absent

le front froncé les yeux bleus transparents le visage translucide

on dirait d’une cire très fine illuminée par une flamme

prête à s’éteindre

mais elle palpite et appelle du tréfonds de mes rêves

tant que je ne t’aurai pas rejoint

mon fiancé secret que je semble avoir oublié tu es là

sans même savoir que tu m’attends

 

Mémoire 2

Je chante dans ma tête

je cherche à me rappeler

la chanson au sang et aux jets de pierres

que me chantait ma mère

elle ne veut plus me la chanter

pour que je n’en répète  pas les paroles

on pourrait se faire arrêter

on ne parle pas politique à la maison

mais maman c’est quoi ça politique, est-ce le sang et les pierres

chante-la moi chante-la moi

Alors je l’invente cette chanson entendue une seule fois

mais dans ma tête, sans voix

perchée dans le mûrier qui pousse au fond de la cour

pour me cacher

ses branches sont depuis rentrées dans mes rêves

ses fruits se sont enfouis dans l’arrière-goût de mes mets

son frémissement au vent balance mon corps quand je dors

c’est l’arbre à paroles dont je me nourris toujours

amnésique et ingrate

il ne me protège plus maintenant il m’a déjà trahie

quand un homme est entré par la portail de la cour

et m’a vue

il m’a appelée et je n’ai pas pu me taire me faire invisible

le mûrier m’a laissée choir comme un fruit trop mûr

j’ai été happée par la vie

j’ai aimé je mourus je ressuscitai

j’écrivis

la balançoire suspendue à la branche basse de l’arbre

me balance encore et toujours – tiens c’est pour cela

que je ne peux pas m’empêcher

de vouloir encore inventer les paroles de cette chanson refusée

 

De sa mélodie déchirante j’ai fait une berceuse pour mon fils

que tu pousses grand et fort et n’aie peur de rien

car rien ne protège sauf le vent

qui dépouille de tout

 

Mémoire 3

De mes voyages à travers le pays

s’échappent des gouttes d’eau projetées au visage

et des aiguilles fines de fumée piquante

poussées derrière par le vent fort d’une locomotive à vapeur

une des dernières sans doute

alors qu’elle sape un tunnel à travers les forêts

et pénètre en rugissant dans le ventre montagneux

de ma terre natale

m’ensevelissant non née non faite

telle une poupée chamanique

 

Dans mes yeux

les crépuscules on semé des visions secrètes

et du rouge-sang mêlé de bleu violacé à l’horizon

ressortent comme des signes d’une écriture inconnue

les toits huilés des maisons de campagne

les bras en balance des puits à seau

abandonnés comme des membres amputés

sur un champ de bataille

les sommets noirs cruciformes des églises en bois

dont les fresques oubliées ont glissé dans mon sang

leurs couleurs apocalyptiques

les lumières chaudes frémissantes des fenêtres

palpitent dans la nuit derrière les villages

une attirance animale me signale que des humains

y mènent leurs drames de tous les jours

et je ne peux rien pour eux

 

Vient la mer

sur une plage brûlante

s’immiscer dans mon corps

mon ouïe est toute vague

mes narines raffolent du sel marin

ma bouche se remplit de sable

avec la volupté de l’amour

fait à l’instant de la mort

mes yeux fermés flottent dans la lumière blême

qui s’est ouverte derrière mes paupières de cendres

je danse tel un bouchon sur les flots

bouteille à la Mer Noire

abandon délicieux au néant virtuel

qui me rêve

 

D’une langue à l’autre

D’une langue à l’autre

on dit qu’on change de culture

de pays d’espace-temps d’humaine ambiance

ce n’est pas cela

ce sont nos organes de sens qui changent

en même temps que leurs objets

on flaire différemment les mots

on les sous-pèsent autrement

on les goûte moins on les touchent à peine

on les lance des yeux

on les entend bourdonner

sans rythme régulier

on en vient aux rimes faciles

aux calembours

on a alors envie de les écorcher

la sève doit être quelque part

mais peut-être pas sous l’écorce

peut-être est-elle à l’extérieur

dans le vide qui les fait cliqueter

elle est ce vide même

la manne que je mâche depuis toujours

dans le no man’s land de mes sans-rêves sans-paroles

elle est cette lumière blême

incurvée au bout de l’œil-tunnel

où le plus et le moins infini coïncident

sans se toucher

si la synchronisation est atteinte le cycle s’arrête

le nirvana – seule alternative

à l’écriture

 

Mercredi entre deux peurs

L’attirance de l’angoisse vient sans doute

de ce qu’il est plus rassurant de se rétrécir

que de s’exposer au large

la peur protège de la vraie peur

la peur c’est quand on se fait petit sous les coups

la vraie peur c’est de fondre dans la félicité

se perdre ne plus pouvoir distinguer

non je refuse de joindre les deux

je resterai au milieu tant que je pourrai

tenir au bout de mon souffle

ce corps de signes qui me remplace

 

 


Leave a comment

mai 2024
L M M J V S D
 12345
6789101112
13141516171819
20212223242526
2728293031  

Archives

Catégories

buy windows 11 pro test ediyorum