Le rappeur-slammeur et Albert Camus…

Classe de 1ère ES 2      –      En marge du commentaire de texte sur Camus:

Le rappeur-slammeur Abd Al Malik a adapté dans son spectacle L’Art et la révolte le premier texte de Camus, L’Envers et l’Endroit …  lu à l’âge de douze ans.

Le rappeur-poète Abd al Malik part à la rencontre de l’œuvre d’Albert Camus. De la poésie à l’état brut, de la philosophie mise en musique. A l’image d’Albert Camus, Abd Al Malik porte haut l’intelligence du texte et une pensée aiguë sur l’existence et sur la condition d’artiste.

Abd Al Malik choisit de partir de nouvelles de L’Envers et l’endroit, texte de jeunesse de Camus publié à Alger en 1937, que l’écrivain considère comme la source secrète qui a alimenté toute sa pensée.

En partant de cette œuvre fondatrice, le chanteur-poète construit d’autres histoires pour en faire des pièces musicales. Les thématiques résonnent entre les deux hommes comme celles de la pauvreté, du labeur, de la dureté de leur enfance et celle de l’existence. Pour les faire entendre, Abd Al Malik choisit une approche qui passe par tous les arts de la culture hip-hop : rap, slam, danse, et video. Spectacle représenté à partir de décembre 2013.

Extrait de l’Interview de RFI Musique :

Dans une entreprise comme celle qui a abouti à L’Art et la révolte, quels ont été les éventuels obstacles ?

Pour moi, tout a été non seulement simple, mais évident. Il faut savoir que c’est Camus – avec d’autres, mais principalement lui – qui a fait que je me suis mis au rap. C’est en lisant notamment L’Envers et l’endroit, quand j’avais douze ou treize ans, que j’ai décidé d’écrire et d’y aller à fond. Quand mon frère Bilal, qui faisait déjà partie du groupe NAP, m’a proposé de les rejoindre parce qu’il savait que j’écrivais, ma feuille de route pour être un MC était la préface de L’Envers et l’endroit d’Albert Camus qu’il a écrite vingt ans après la première publication. Donc, quand Dominique Bluzet, du Grand Théâtre de Provence, et Catherine Camus, la fille d’Albert Camus, ont pris contact avec moi et m’ont proposé de faire quelque chose sur Camus, la boucle était bouclée. Et à partir de là, tout a été fluide.

Qu’est-ce qui vous a interpellé pour la première fois chez Camus ?

   Tu as un gars qui vient d’une cité à Alger qui s’appelle Belcourt. Moi-même, je viens d’une cité. Tu as un gars qui est élevé seul par sa mère. Moi-même, j’ai été élevé seul par ma mère. Il dit qu’il faut tout faire pour rester fidèle aux siens, c’est-à-dire, les humbles. Il a grandi dans la misère, mais quand il est arrivé en métropole, il a vu que la misère des banlieues était injustifiée et injustifiable. Pour moi, j’ai un grand frère. Comme un mec en bas de l’immeuble qui me dirait que, pour m’aider dans mes velléités artistiques, il va m’expliquer comment ça se passe. Camus, c’est un gars de chez nous, c’est l’un des nôtres.

Comment L’Envers et l’endroit, qui n’est pas l’ouvrage le plus connu de cet auteur, arrive-t-il dans vos mains ?

A l’école, d’abord, on nous fait lire L’Étranger. Pour moi, c’est un choc esthétique et je veux en savoir plus. Je trainais souvent à la Fnac de Strasbourg, je prenais des bouquins, je m’asseyais, je lisais. Si j’avais un peu de thunes, je les achetais. Et je suis tombé presque par hasard sur L’Envers et l’endroit. C’est son premier bouquin. Pour quelqu’un qui voudrait connaitre l’œuvre de Camus, à la fois dans le fond et la forme, les différentes thématiques qu’il aborde, en tant qu’essayiste, ses convictions en tant que journaliste, tout est là. Au départ, mes productrices, Dominique Bluzet et Catherine Camus voulaient que je travaille sur Le Premier homme, mais j’ai dit que je souhaitais que ce soit plutôt L’Envers et l’endroit. Je préfère parler de la graine que de l’arbre.

Chaque artiste garde ainsi au fond de lui une source unique qui alimente pendant sa vie ce qu’il est et ce qu’il dit”, écrivait Camus dans la préface de L’Envers et l’endroit. Pour vous, quelle est la « source » ?

Les cités HLM. Le fait d’y avoir grandi. Évidemment, il y a les origines de mes parents, l’Afrique, mais ma source, ce sont les cités en général. Ça se décline dans le fait ne jamais baisser les bras, garder le cap. Ne pas louvoyer. Être un bonhomme, quoi ! Un artiste et un humain jusqu’au bout, se battre pour la justice. Camus est dans la vraie vie, dans la nuance. Quand tu viens d’où il vient – j’ai presque envie de dire d’où on vient… Ce n’est pas comme Sartre. Il n’est pas en train d’ériger sa statue, de penser à la postérité. Il est juste en train de tout faire pour rester debout, amener de la nuance, de la complexité. Camus est beaucoup plus clair que Sartre. C’est pour ça qu’il n’adhère plus au Parti communiste, qu’il dit qu’il n’est pas existentialiste… Il essaie de trouver des solutions médianes, sans idées arrêtées. De mon point de vue, la pensée de Camus est beaucoup plus actuelle que celle de Sartre qui est datée.

L’interview d’Abd Al Malik par Le Figaro TV: http://www.youtube.com/watch?v=eq0G6bYA4xk

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