Petit parcours de lectures pour bien préparer sa classe de philosophie:

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       A tous les élèves de premières qui ont achevé leur cursus de Français et de Littérature, quelques conseils de lecture pour découvrir votre nouvelle matière, la Philosophie, bien préparer l’année de Terminale et se mettre à température de ces beaux esprits que vous allez découvrir avec votre professeur de « Philo » !      

      Je vous propose quatre titres d’auteurs différents et accessibles. Choisissez-en un, deux, trois ou quatre, au gré de votre courage et de vos affinités avec ces philosophes !    

      Gageons que l’effort que vous ferez en lisant ces oeuvres ne sera pas vain, loin de là !         Soyez courageux ! Explorez bien votre nouvel univers ! Vous en détenez les clés !

           Platon: Le Banquet                  Descartes: Les Passions de l’âme

             banquet                                                 Les passions                    

Nietzsche: Ainsi parlait Zarathoustra    Freud: Malaise dans la civilisation

                     Ainsi                                         Malaise                                

François Mauriac, extension: Le Romancier et ses personnages – Extrait.

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   L’humilité n’est pas la Vertu dominante des romanciers. Ils ne craignent pas de prétendre au titre de créateurs. Des créateurs ! les émules de Dieu ! A la vérité, ils en sont les singes. Les personnages qu’ils inventent ne sont nullement créés, si la création consiste à faire quelque chose de rien. Nos prétendues créatures sont formées d’éléments pris au réel; nous combinons, avec plus ou moins d’adresse, ce que nous fournissent l’observation des autres hommes et la connaissance que nous avons de nous-mêmes. Les héros de romans naissent du mariage que le romancier contracte avec la réalité. Dans les fruits de cette union, il est périlleux de prétendre délimiter ce qui appartient en propre à l’écrivain, ce qu’il y retrouve de lui-même et ce que l’extérieur lui a fourni.

  Je souhaiterais que ces lignes inspirassent à l’égard du roman et des romanciers un sentiment complexe, – complexe comme la vie même que c’est notre métier de peindre. Ces pauvres gens dont je suis méritent quelque pitié et peut-être un peu d’admiration, pour oser poursuivre une tâche aussi folle que de fixer, d’immobiliser dans leurs livres le mouvement et la durée, que de cerner d’un contour précis nos sentiments et nos passions, alors qu’en réalité nos sentiments sont incertains et que nos passions évoluent sans cesse. C’est aussi qu’en dépit de la leçon de Proust nous nous obstinons à parler de l’amour comme d’un absolu, alors qu’en réalité les personnes que nous aimons le plus nous sont, à chaque instant, profondément indifférentes et qu’en revanche, et malgré les lois inéluctables de l’oubli, aucun amour ne finit jamais tout à fait en nous.

  De l’homme ondoyant et divers de Montaigne, nous faisons une créature bien construite, que nous démontons pièce par pièce. Nos personnages raisonnent, ont des idées claires et distinctes, font exactement ce qu’ils veulent faire et agissent selon la logique, alors qu’en réalité l’inconscient est la part essentielle de notre être et que la plupart de nos actes ont des motifs qui nous échappent à nous-mêmes. Chaque fois que dans un livre nous décrivons un événement tel que nous l’avons observé dans la vie, c’est presque toujours ce que la critique et le public jugent invraisemblable et impossible. Ce qui prouve que la logique humaine qui règle la destinée des héros de roman n’a presque rien à voir avec les lois obscures de la vie véritable.

   Mais cette contradiction inhérente au roman, cette impuissance où il est de rendre l’immense complexité de la vie qu’il a mission de peindre, cet obstacle formidable, s’il n’y a pas moyen de le franchir, n’y aurait-il pas, en revanche, moyen de le tourner ? Ce serait, à mon avis, de reconnaître franchement que les romanciers modernes ont été trop ambitieux. Il s’agirait de se résigner à ne plus faire concurrence à la vie.

   Il s’agirait de reconnaître que l’art est, par définition, arbitraire et que, même en n’atteignant pas le réel dans toute sa complexité, il est tout de même possible d’atteindre des aspects de la vérité humaine, comme l’ont fait au théâtre les grands classiques, en usant pourtant de la forme la plus conventionnelle qui soit : la tragédie en cinq actes et en vers. Il faudrait reconnaître que l’art du roman est, avant tout, une transposition du réel et non une reproduction du réel.

   Il est frappant que plus un écrivain s’efforce de ne rien sacrifier de la complexité vivante, et plus il donne l’impression de l’artifice. Qu’y a-t-il de moins naturel et de plus arbitraire que les associations d’idées dans le monologue intérieur tel que Joyce l’utilise ? Ce qui se passe au théâtre pourrait nous servir d’exemple. Depuis que le cinéma parlant nous montre des êtres réels en pleine nature, le réalisme du théâtre contemporain, son imitation servile de la vie, apparaissent, par comparaison, le comble du factice et du faux; et l’on commence à pressentir que le théâtre n’échappera à la mort que lorsqu’il aura retrouvé son véritable plan, qui est la poésie. La vérité humaine, mais par la poésie.

   De même le roman, en tant que genre, est pour l’instant dans une impasse. Et bien que j’éprouve personnellement pour Marcel Proust une admiration qui n’a cessé de grandir d’année en année, je suis persuadé qu’il est, à la lettre, inimitable et qu’il serait vain de chercher une issue dans la direction où il s’est aventuré.

Après tout, la vérité humaine qui se dégage de La Princesse de Clèves *, de Manon Lescaut, d’Adolphe, de Dominique ou de La Porte étroite, est-elle si négligeable ? Dans cette classique Porte étroite de Gide, l’apport psychologique est-il moindre que ce que nous trouvons dans ses Faux Monnayeurs, écrits selon l’esthétique la plus récente? Acceptons humblement que les personnages romanesques forment une humanité qui n’est pas une humanité de chair et d’os, mais qui en est une image transposée et stylisée. Acceptons de n’y atteindre le vrai que par réfraction. Il faut se résigner aux conventions et aux mensonges de notre art.

  On ne pense pas assez que le roman qui serre la réalité du plus près possible est déjà tout de même menteur par cela seulement que les héros s’expliquent et se racontent. Car, dans les vies les plus tourmentées, les paroles comptent peu. Le drame d’un être vivant se poursuit presque toujours et se dénoue dans le silence. L’essentiel, dans la vie, n’est jamais exprimé.

  Dans la vie, Tristan et Yseult parlent du temps qu’il fait, de la dame qu’ils ont rencontrée le matin, et Yseult s’inquiète de savoir si Tristan trouve le café assez fort. Un roman tout à fait pareil à la vie ne serait finalement composé que de points de suspension. Car, de toutes les passions, l’amour, qui est le fond de presque tous nos livres, nous paraît être celle qui s’exprime le moins. Le monde des héros de roman vit, si j’ose dire, dans une autre étoile, l’étoile où les êtres humains s’expliquent, se confient, s’analysent la plume à la main, recherchent les scènes au lieu de les éviter, cernent leurs sentiments confus et indistincts d’un trait appuyé, les isolent de l’immense contexte vivant et les observent au microscope.

  Et cependant, grâce à tout ce trucage, de grandes vérités partielles ont été atteintes. Ces personnages fictifs et irréels nous aident à nous mieux connaître et à prendre conscience de nous-mêmes. Ce ne sont pas les héros de roman qui doivent servilement être comme dans la vie, ce sont, au contraire, les êtres vivants qui doivent peu à peu se conformer aux leçons que dégagent les analyses des grands romanciers.

  Les grands romanciers nous fournissent ce que Paul Bourget, dans la préface d’un de ses premiers livres, appelait des planches d’anatomie morale. Aussi vivante que nous apparaisse une créature romanesque, il y a toujours en elle un sentiment, une passion que l’art du romancier hypertrophie pour que nous soyons mieux à même de l’étudier; aussi vivants que ces héros nous apparaissent, ils ont toujours une signification, leur destinée comporte une leçon, une morale s’en dégage qui ne se trouve jamais dans une destinée réelle toujours contradictoire et confuse.

  Les héros des grands romanciers, même quand l’auteur, ne prétend rien prouver ni rien démontrer, détiennent une vérité qui peut n’être pas la même pour chacun de nous, mais qu’il appartient à chacun de nous de découvrir et de s’appliquer. Et c’est sans doute notre raison d’être, c’est ce qui légitime notre absurde et étrange métier que cette création d’un monde idéal grâce auquel les hommes vivants voient plus clair dans leur propre cœur et peuvent se témoigner les uns aux autres plus de compréhension et plus de pitié.

  Il faut beaucoup pardonner au romancier, pour les périls auxquels il s’expose. Car écrire des romans n’est pas de tout repos. Je me souviens de ce titre d’un livre : L’Homme qui a perdu son Moi. Eh bien, c’est la personnalité même du romancier, c’est son « moi » qui, à chaque instant, est en jeu. De même que le radiologue est menacé dans sa chair, le romancier l’est dans l’unité même de sa personne. Il joue tous les personnages; il se transforme en démon ou en ange. Il va loin, en imagination, dans la sainteté et dans l’infamie. Mais que reste-t-il de lui, après ses multiples et contradictoires incarnations ? Le dieu Protée, qui, à volonté, change de forme, n’est, en réalité, personne, puisqu’il peut être tout le monde. Et c’est pourquoi, plus qu’à aucun autre homme, une certitude est nécessaire au romancier. A cette force de désagrégation qui agit sur lui sans répit, – nous disons : sans répit, car un romancier ne s’interrompt jamais de travailler, même et surtout quand on le voit au repos, – à cette force de désagrégation, il faut qu’il oppose une force plus puissante, il faut qu’il reconstruise son unité, qu’il ordonne ses multiples contradictions autour d’un roc immuable; il faut que les puissances opposées de son être cristallisent autour de Celui qui ne change pas. Divisé contre lui-même, et par là condamné à périr, le romancier ne se sauve que dans l’Unité, il ne se retrouve que quand il retrouve Dieu.

 * Note: respectivement romans de Madame de La Fayette (1680), de L’Abbé Prévost (1731), de Benjamin Constant (1816), et d’André Gide (1909 et 1925).

Documents complémentaires sur la pensée d’Albert Camus : une vision de l’Homme, de l’artiste, de la société et du monde.

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  • Camus et la pauvreté (Extrait de la Préface de L’Envers et l’Endroit, édition de la Pléiade pp 6-7)

  Chaque artiste garde ainsi, au fond de lui, une source unique qui alimente pendant sa vie ce qu’il est et  ce qu’il dit. Quand la source est tarie,  on  voit  peu  à  peu  l’œuvre  se  racornir,  se  fendiller.  Ce  sont  les terres ingrates de l’art que le courant invisible n’irrigue plus. Le cheveu  devenu  rare  et  sec,  l’artiste, couvert de chaumes, est mûr pour le silence, ou  les  salons, qui  reviennent au même.  Pour moi, je sais que ma source est dans l’Envers et l’Endroit, dans ce monde de pauvreté et de lumière où j’ai longtemps vécu et dont le souvenir me préserve encore des deux dangers contraires qui menacent tout artiste, le ressentiment et la satisfaction.

  La pauvreté, d’abord, n’a jamais été un malheur pour moi : la lumière y répandait ses richesses. Même mes révoltes en ont été éclairées. Elles furent presque toujours, je crois pouvoir le dire sans tricher, des révoltes pour tous, et pour que la vie de tous soit élevée dans la lumière. Il n’est pas sûr que mon cœur  fût naturellement disposé à cette sorte d’amour. Mais les circonstances m’ont aidé. Pour corriger une indifférence naturelle, je fus placé à mi-distance de la misère et du soleil. La misère m’empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l’histoire; le soleil m’apprit que l’histoire n’est pas tout. Changer la vie, oui, mais non le monde dont je faisais ma divinité. C’est ainsi, sans doute, que j’abordai cette carrière inconfortable où je suis, m’engageant avec innocence sur un fil d’équilibre où j’avance péniblement, sans être sûr d’atteindre le but. Autrement dit, je devins un artiste, s’il est vrai qu’il n’est pas d’art sans refus ni sans consentement.

  Dans tous les cas, la belle chaleur qui régnait sur mon enfance m’a privé de tout ressentiment. Je vivais dans la gêne, mais aussi dans une sorte de jouissance. Je me sentais des forces infinies : il fallait seulement leur trouver un point d’application. Ce n’était pas la pauvreté qui faisait obstacle à ces forces : en Afrique, la mer et le soleil ne coûtent rien. […] Mais, après m’être interrogé, je puis témoigner que, parmi mes nombreuses faiblesses, n’a jamais figuré le défaut le plus répandu parmi nous, je veux dire l’envie, véritable cancer des sociétés et des doctrines.

  Le mérite de cette heureuse immunité ne me revient pas. Je la dois aux miens, d’abord, qui manquaient de presque tout et n’enviaient à peu près rien. Par son seul silence, sa réserve, sa fierté naturelle et sobre, cette famille, qui ne savait même pas lire, m’a donné alors mes plus hautes leçons, qui durent toujours. Et puis, j’étais moi-même trop occupé à sentir pour rêver d’autre chose. Encore maintenant, quand je vois la vie d’une grande fortune à Paris, il y a de la compassion dans l’éloignement qu’elle m’inspire souvent. On trouve dans le monde beaucoup d’injustices, mais il en est une dont on ne parle jamais, qui est celle de climat. De cette injustice-là, j’ai été longtemps, sans le savoir, un des profiteurs. J’entends d’ici les accusations de nos féroces philanthropes, s’ils me lisaient. Je veux faire passer les ouvriers pour riches et les bourgeois pour pauvres, afin de conserver plus longtemps l’heureuse servitude des uns et la puissance des autres. Non, ce n’est pas cela. Au contraire, lorsque la pauvreté se conjugue avec cette vie sans ciel ni espoir qu’en arrivant à l’âge d’homme j’ai découverte dans les horribles faubourgs de nos villes, alors l’injustice dernière, et la plus révoltante, est consommée : il faut tout faire, en effet, pour que ces hommes échappent à la double humiliation de la misère et de la laideur. Né pauvre, dans un quartier ouvrier, je ne savais pourtant pas ce qu’était le vrai malheur avant de connaître nos banlieues froides. Même l’extrême misère arabe ne s’y peut comparer, sous la différence des ciels. Mais une fois qu’on a connu les faubourgs industriels, on se sent à jamais souillé, je crois, et responsable de leur existence.  Ce  que  j’ai  dit  ne  reste  pas  moins vrai. Je rencontre parfois des gens  qui  vivent  au  milieu  de  fortunes que je ne peux même pas imaginer. Il me faut cependant un effort pour comprendre qu’on puisse envier ces fortunes. Pendant huit jours, il y a longtemps, j’ai vécu comblé des biens de ce monde : nous dormions sans toit, sur une plage, je me nourrissais de fruits et je passais la moitié de mes journées dans une eau déserte. J’ai appris à cette époque une vérité qui m’a toujours poussé à recevoir les signes du confort, ou de l’installation, avec ironie, impatience, et quelques fois avec fureur. Bien que je vive maintenant sans le souci du lendemain, donc en privilégié, je ne sais pas posséder. Ce que j’ai, et qui m’est toujours offert sans que je l’aie recherché, je ne puis rien en garder. Moins par prodigalité, il me semble, que par une autre sorte de parcimonie : je suis avare de cette liberté qui disparaît dès que commence l’excès des biens. Le plus grand des luxes n’a jamais cessé de coïncider pour moi avec un certain dénuement. J’aime la maison nue des Arabes ou des Espagnols. Le lieu où je préfère vivre et travailler (et, chose plus rare, où il  me  serait  égal  de  mourir)  est  la chambre d’hôtel. Je n’ai jamais pu m’abandonner à ce qu’on appelle la vie d’intérieur (qui est si  souvent  le  contraire  de la vie intérieure) ; le bonheur dit bourgeois m’ennuie et m’effraie. Cette inaptitude n’a du reste rien de glorieux ; elle n’a pas peu contribué à alimenter mes mauvais défauts. Je n’envie rien, ce qui est mon droit, mais je ne pense pas toujours aux envies des autres et cela m’ôte de l’imagination, c’est-à-dire de la bonté. Il est vrai que je me suis fait une maxime pour mon usage personnel : « Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit. » Hélas ! on se fait des maximes  pour combler les trous de sa propre nature. Chez moi, la miséricorde dont je parle s’appelle plutôt indifférence. Ses effets, on s’en doute, sont moins miraculeux. Mais je veux seulement souligner  que la pauvreté ne suppose pas forcément l’envie. […]

  Artiste, par exemple, j’ai commencé à vivre dans l’admiration, ce qui, dans un sens, est le paradis terrestre. (On sait qu’aujourd’hui l’usage, en France, pour débuter dans les lettres, et même pour y finir, est au contraire de choisir un artiste à railler.) De même, mes passions d’homme n’ont jamais été « contre ». Les êtres que j’ai aimés ont toujours été meilleurs et plus grands que moi. La pauvreté telle que je l’ai vécue ne m’a donc pas enseigné le ressentiment, mais une certaine fidélité, au contraire, et la ténacité muette. S’il m’est arrivé de l’oublier, moi seul ou mes défauts en sommes responsables, et non le monde où je suis né. […] « Il n’y a pas d’amour de vivre sans désespoir de vivre », ai-je écrit, non sans emphase, dans ces pages. Je ne savais pas à l’époque à quel point je disais vrai ; je n’avais pas encore traversé les temps du vrai désespoir. Ces temps sont venus et  ils ont pu tout détruire en moi, sauf justement l’appétit désordonné  de vivre.

  • Camus et le roman (Extraits de L’Homme Révolté, IV « Révolte en Art », « roman et révolte »)

  Qu’est-ce que le roman, en effet, sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés, les êtres livrés Albert Camus, aux êtres, où toute vie prend le visage du destin. Le monde romanesque n’est que  la  correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l’homme. Car il s’agit bien du même monde. La souffrance est la même, le mensonge et l’amour. Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau ni plus édifiant que  le  nôtre.  Mais eux, du moins, courent jusqu’au bout de leur destin et il n’est même jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu’à l’extrémité de leur passion, Kirilov et Stavroguine, Mme Graslin, Julien Sorel ou le prince de Clèves *. C’est ici que nous perdons leur mesure, car ils finissent alors ce que nous n’achevons jamais. Voici donc un monde imaginaire, mais créé par la correction de celui-ci, un monde où la douleur peut,  si elle le veut, durer jusqu’à la mort, où les passions ne sont jamais distraites, où les êtres sont livrés à l’idée fixe et toujours présents les uns aux autres. L’homme s’y donne enfin à lui-même la forme et la limite apaisante qu’il poursuit en vain dans sa condition. Le roman fabrique du destin sur mesure. C’est ainsi qu’il concurrence la création et qu’il triomphe, provisoirement, de la mort. Une analyse détaillée des romans les plus célèbres montrerait, dans des perspectives chaque  fois  différentes,  que  l’essence du roman est dans cette correction perpétuelle, toujours dirigée dans le même sens, que l’artiste effectue sur son expérience. Loin d’être morale ou purement formelle, cette correction vise d’abord à l’unité et traduit par là un besoin métaphysique. Le roman, à ce niveau, est d’abord un exercice de l’intelligence au service d’une sensibilité nostalgique ou révoltée.

Note : respectivement personnages des romans Les Possédés de Dostoïevski, Le curé de village de Balzac, Le Rouge et le Noir de Stendhal, La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette.

  • Extrait de la nouvelle Entre oui et non de L’Envers et l’Endroit, écrite entre 1936 et 1937, publiée en 1958.

  S’il est vrai que les seuls paradis sont ceux qu’on a perdus, je sais comment nommer ce quelque chose de tendre et d’inhumain qui m’habite aujourd’hui. Un émigrant revient dans sa patrie. Et moi, je me souviens. Ironie, raidissement, tout se  tait  et me  voici  rapatrié.  Je  ne veux pas remâcher du bonheur. C’est bien plus simple et c’est bien plus facile.  Car de ces heures que, du fond de l’oubli, je  ramène  vers  moi, s’est conservé surtout le souvenir intact d’une pure émotion, d’un instant suspendu dans l’éternité. Cela seul est vrai en moi et je le sais toujours trop tard. Nous aimons le fléchissement d’un geste, l’opportunité d’un arbre dans le paysage. Et pour recréer tout cet amour, nous n’avons qu’un détail, mais qui suffit : une odeur de chambre trop longtemps fermée, le son singulier d’un pas sur la route. Ainsi de moi. Et si j’aimais alors en me donnant, enfin j’étais moi-même puisqu’il n’y a que l’amour qui nous rende à nous-mêmes. Lentes, paisibles et graves, ces  heures reviennent, aussi fortes, aussi émouvantes – parce que c’est le soir, que l’heure est triste et qu’il y a une sorte de désir vague dans le  ciel  sans  lumière.  Chaque  geste retrouvé me révèle à moi-même. On m’a dit un jour : « C’est si difficile de  vivre. »  Et  je  me  souviens  du ton. Une autre fois, quelqu’un a murmuré : « La pire erreur, c’est encore de faire souffrir. » Quand tout est fini, la soif de vie est éteinte. Est-ce là ce qu’on appelle le bonheur ? En longeant ces souvenirs,  nous revêtons tout du même vêtement discret et la mort nous apparaît comme une toile de fond aux tons vieillis. Nous revenons sur  nous-mêmes. Nous sentons notre détresse et nous en aimons mieux. Oui, c’est peut-être cela le bonheur, le sentiment apitoyé de notre malheur.

  • Extrait des Discours de Suède: 10 décembre 1957.

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  J’ai connu ce désarroi et ce trouble intérieur. Pour retrouver la paix, il m’a fallu, en somme, me mettre  en  règle  avec  un  sort  trop  généreux. Et, puisque je ne pouvais m’égaler à lui en m’appuyant sur mes seuls mérites, je n’ai rien trouvé d’autre pour m’aider que ce qui m’a soutenu, dans les circonstances les plus contraires, tout au long de ma vie: l’idée que je me fais de mon art et du rôle de l’écrivain. Permettez seulement que, dans un sentiment de reconnaissance et d’amitié, je vous dise, aussi simplement que je le pourrai, quelle est cette idée.

  Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est qu’il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire.  Il  est  un  moyen  d’émouvoir  le  plus  grand  nombre  d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas s’isoler ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent, apprend bien vite  qu’il  ne  nourrira  son  art,  et  sa  différence,  qu’en  avouant  sa  ressemblance avec tous. L’artiste se  forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au  lieu  de  juger.  Et,  s’ils  ont  un  parti  à  prendre  en  ce  monde,  ce  ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne régnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel.

  Le  rôle  de  l’écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou, sinon, le voici seul et privé de son art. Toutes les armées de la tyrannie avec leurs millions d’hommes ne l’enlèveront pas à la solitude, même et surtout s’il consent à prendre leur pas. Mais le silence d’un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l’autre bout du monde, suffit à retirer l’écrivain de l’exil, chaque fois, du moins, qu’il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence et à le faire retentir par les moyens de l’art.

  Aucun de nous n’est assez grand pour une pareille vocation. Mais, dans toutes les circonstances de sa vie, obscur ou provisoirement célèbre, jeté dans les fers de  la  tyrannie ou libre pour un temps de s’exprimer, l’écrivain peut retrouver le sentiment d’une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu’il accepte, autant qu’il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de  la  vérité  et  celui  de  la  liberté.  Puisque  sa  vocation  est  de  réunir  le plus grand nombre d’hommes possible, elle ne peut s’accommoder du mensonge  et  de  la  servitude  qui,  là  où  ils  règnent,  font  proliférer  les solitudes. Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s’enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l’on sait et la résistance à l’oppression.

  Pendant plus de vingt ans d’une histoire démentielle, perdu sans secours, comme tous les hommes de mon âge, dans les convulsions du temps, j’ai été soutenu ainsi par le sentiment obscur qu’écrire était aujourd’hui un honneur, parce que cet acte obligeait, et obligeait à ne pas écrire seulement. Il m’obligeait particulièrement à porter, tel que j’étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la même histoire, le malheur et l’espérance que nous partagions. Ces hommes, nés au début de la première guerre mondiale, qui ont eu vingt ans au moment ou s’installaient à la fois le pouvoir hitlérien et les premiers procès révolutionnaires, qui ont été confrontés ensuite, pour parfaire leur éducation, à la guerre d’Espagne, à la deuxième guerre mondiale, à l’univers concentrationnaire, à l’Europe de la torture et des prisons, doivent aujourd’hui élever leurs fils et leurs œuvres dans un monde menacé de destruction nucléaire. Personne, je suppose, ne peut leur demander d’être optimistes. Et je  suis même d’avis que nous devons comprendre, sans cesser de lutter contre eux, l’erreur de ceux qui, par une surenchère de désespoir, ont revendiqué le droit au déshonneur, et se sont rués dans les nihilismes de l’époque. Mais il reste que la plupart d’entre nous, dans mon pays et en Europe, ont refusé ce nihilisme et se sont mis à la recherche d’une légitimité. Il leur a fallu se forger un art de vivre par temps de catastrophe, pour naître une seconde fois, et lutter ensuite, à visage découvert, contre l’instinct de mort à l’œuvre dans notre histoire.

  Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne  sait  pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance. Il n’est pas sûr qu’elle puisse jamais accomplir cette tâche immense, mais il est sûr que, partout dans le monde, elle tient déjà son double pari de vérité et de liberté, et, à l’occasion, sait mourir sans haine pour lui. C’est elle qui mérite d’être saluée et encouragée partout où elle se trouve, et surtout là où elle se sacrifie. C’est sur elle, en tout cas, que, certain de votre accord profond,  je voudrais reporter l’honneur que vous venez de me faire.

  Du même coup, après avoir dit la noblesse du métier d’écrire, j’aurais remis l’écrivain à sa vraie place, n’ayant d’autres titres que ceux qu’il partage avec ses compagnons  de lutte, vulnérable mais entêté, injuste et passionné de justice, construisant son œuvre sans honte ni orgueil à la vue de tous, toujours partagé entre la douleur et la beauté, et voué enfin à tirer de son être double les créations qu’il essaie obstinément d’édifier dans le mouvement destructeur de l’histoire. Qui, après cela, pourrait attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales ? La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu’exaltante. Nous devons marcher vers ces deux buts, péniblement, mais résolument, certains d’avance de nos défaillances sur un si long chemin. Quel écrivain  dès  lors  oserait,  dans  la bonne conscience, se faire prêcheur de vertu ? Quant à moi, il me faut dire une fois de plus que je ne suis rien de  tout  cela. Je n’ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d’être, à la vie libre où j’ai grandi. Mais bien que cette nostalgie explique beaucoup de mes erreurs et de mes fautes, elle m’a aidé sans doute à mieux comprendre mon métier, elle m’aide encore à me tenir, aveuglement, auprès de tous ces hommes silencieux qui ne supportent dans le monde la vie qui leur est faite que par le souvenir ou le retour de brefs et libres bonheurs.

  • Extrait des Discours de Suède: L’Artiste et son temps, 14 décembre 1957.

   Mais pour parler de tous et à tous, il faut parler de ce que tous connaissent et de la réalité qui nous est commune. La mer, les pluies, le besoin, le désir, la lutte contre  la  mort,  voilà  ce  qui  nous  réunit  tous. Nous nous ressemblons dans ce que nous voyons ensemble, dans ce qu’ensemble nous souffrons. Les rêves changent avec les hommes, mais la réalité du monde est notre commune patrie. L’ambition du réalisme est donc légitime, car elle est profondément liée à l’aventure artistique.

  Soyons donc réalistes. Ou plutôt essayons de l’être, si seulement il est possible de l’être. Car il n’est  pas sûr que le mot ait un sens, il n’est pas sûr que le réalisme, même s’il est souhaitable, soit possible. Demandons-nous d’abord si  le  réalisme  pur  est  possible  en  art. À en croire les déclarations des naturalistes du dernier siècle, il est la reproduction  exacte  de  la  réalité.  Il  serait  donc  à  l’art  ce que la photographie est à la peinture : la première reproduit quand la deuxième choisit. Mais que reproduit-elle et  qu’est-ce que la réalité ? Même la meilleure des photographies, après tout, n’est pas une reproduction assez fidèle, n’est pas encore assez réaliste. Qu’y a-t-il de plus réel, par exemple, dans notre univers, qu’une vie d’homme, et comment espérer la faire mieux revivre que dans un film réaliste ? Mais à quelles conditions un tel film sera-t-il possible ? À des conditions pure ment imaginaires. Il faudrait en effet supposer une caméra idéale fixée, nuit et jour, sur cet homme et enregistrant sans arrêt ses moindres mouvements. Le résultat serait un film dont la projection elle-même durerait une vie d’homme et qui ne pourrait être vu que par des spectateurs résignés à perdre leur vie pour s’intéresser exclusivement au détail de l’existence d’un autre. Même à ces conditions, ce film inimaginable ne serait pas réaliste. Pour cette raison simple que la réalité d’une vie d’homme ne se trouve pas seulement là où il se tient. Elle  se  trouve dans d’autres vies  qui  donnent  une  forme à la sienne, vies d’êtres aimés, d’abord, qu’il faudrait filmer à leur tour, mais vies aussi d’hommes inconnus, puissants et misérables, concitoyens, policiers, professeurs, compagnons invisibles des mines et des chantiers, diplomates et dictateurs, réformateurs religieux, artistes qui créent des mythes décisifs pour  notre conduite, humbles représentants, enfin, du hasard souverain qui règne sur les existences les plus ordonnées. Il n’y a donc qu’un seul film réaliste possible, celui-là même qui sans cesse est projeté devant nous par un appareil invisible sur l’écran du monde. Le seul artiste réaliste serait Dieu, s’il existe. Les autres artistes sont, par force, infidèles au réel.

   Dès lors, les artistes qui refusent la société bourgeoise et son art formel, qui veulent parler de la réalité et d’elle seule, se trouvent dans une douloureuse impasse. Ils doivent  être réalistes et ne le peuvent pas. Ils veulent soumettre leur art à la réalité et on ne peut décrire la réalité sans y opérer un choix qui la soumet à l’originalité d’un art.

« Menace », texte prophétique de Jacques Bertin, en 1977.

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L’immense Jacques Bertin avait enregistré cette longue diatribe poétique et prophétique en 1977. Je pense que, face au pauvre choix quant au modèle de société et à la place de l’Humain dans celle-ci, que propose le second tour aux électeurs français, son texte prend un relief magnifique et saisissant.

[youtube]https://youtu.be/V02DAd-aUK8[/youtube]

MENACE – Texte de Jacques BERTIN, extrait de « Domaine de joie » – 1977

Dans un bureau conditionné, peut être, il y aura eu

Une défaillance dans le calcul du compte des denrées

Ou une maladie balancée dans la chaîne alimentaire

Par un comptable sans pouvoir

Il suffira d’une avarie presque minime pour que se casse

Une extrêmement flexible tige ou un miroir

Il suffira d’un signe dans le ciel, un oiseau immobile

Ou trois fois rien de différent dans l’intime de l’air

Ce sera vers midi et se fera un grand silence

Et tout de suite on entendra un cri de femme long

Comme sorti d’une voiture accidentée dans un décor de pluie

On vous aura annoncé votre mort à la télévision

 

Il sera aussitôt et simplement trop tard

Trop tard pour tout, pour la colère et pour le cri

Trop tard pour la fuite et trop tard pour la révolte

Trop tard pour le dernier bateau et pour la lutte et pour la vie

La lumière s’éteint partout, des téléphones sonnent

Il souffle un joli vent vénéneux dans les hôpitaux déserts

Vous vous trouvez atteint par grappe et vous mourrez

Une réaction incontrôlable propage un gaz dans le ciel vert

La misère lève son mufle et vous vous jetez sur les routes

Pour la grande scène de l’exode qui cette fois finira mal

Il n’y a plus de refuge au bout de la route, plus de route

Plus de sens de la marche, plus de marche à suivre, plus de sens

 

Vous allez de plus en plus vite, certainement

A Lyon ou à New York, dans de grands avions impassibles

Que lancent depuis des chapelles aseptiques des voix fabriquées

La misère, vous la visitez en club dans des pays exotiques

Dans les appartements bourgeois qui ont l’allure des scènes de théâtre

Ou tout passe par le filtre du velours et de la convention

On manie l’argenterie, le mot d’esprit, le capital

Et le concept et surtout sans jamais presque hausser le ton

La bourgeoisie règne en papier crépon sur son royaume

Sûre d’elle même, de sa technologie, de ses oreilles de coton

On ne sait pas trop où l’on va mais qu’importe,

Quand on accroche sur le rôle, on improvise et à Dieu vat

 

Les mots sont vides que vous récitez, le théâtre

Donnent dans les gréements sur le ciel peint en haut

C’est une sorte de bateau-fantôme qui a dans ses cales

Quelques petits milliards de nègres qui ont peur

Monde factice, O monde sans raison, monde fragile

O, qui vit follement de sa fragilité

Qui trouve dans sa fuite un certain relatif équilibre

Et l’abîme comme un ventre attire les fous qui vont s’y damner

Monde captif, O monde sans amour, monde fragile

Brave gens qui vous êtes laissé drainer

Je veux répandre la terreur comme une marée patiente

Il reste peu de temps pour sauver le monde et vous sauver

 

Il reste peu de temps pour la sainte colère

Je vous vois comme un cheval aux jambes brisées

Les yeux fous qui cherchent à se lever, qui cherchent une aide

Dans le ciel vide autour de lui qui tourne et dans sa tête emballée

Peuple, ah vous ne croyez plus beaucoup à l’amour ni à l’insolence

Si je dis peuple pourquoi derrière vous, vous vous tournez

Quel est celui que par ce vocable suranné je désigne ?

La révolte vous semble affaire de maniaque ou d’enfant gâté

 

Mais il y a comme une sale maladie dans la joie

Comme une crise de confiance den la qualité de l’eau du robinet

Peut être que les fruits du cœur sont traités, il y aura toujours un doute

Tout d’un coup le soupçon s’installe et vous voilà parcouru par la frousse

Terreur, je veux, Terreur, je veux répandre

Comme un apport de sang dans l’organisme fatigué

Guerres saintes partout, on vous avait confié des armes

Qu’en avez-vous fait, souvenez-vous, qu’en avez-vous fait ?

Dîtes, qu’avez vous fait de la parole qui est une braise ardente

On la prend à pleine main, on porte le feu

Dans les terres épuisées, dans les mauvaises blessures

Dans les mauvais sommeils ou sur les yeux des gens qu’on veut aimer

Je vais porter la guerre dans les journaux, chez le vieil humanisme

Là qui s’avachit dans l’eau stagnante des chroniques et des marais

Des petits féodaux, le parapet vous n’y passez surtout jamais la tête

On trahit gentiment derrière les sacs du courrier des lecteurs entassé

Il nous faut des porteurs de paroles avec des chenilles d’acier dans la tête

Pour conduire dans les vallées ce peuple hagard de jeunes gens

Dieu les protège et Dieu les guide et Dieu les aime

Ils ont ployé le vieux monde corrompu d’un buisson brûlant

Parole, pour porter des coups, parce qu’il est grand temps de parole

La vérité, la vérité, comme si la vie en dépendait

Parole, pour ouvrir un territoire avec des blessures fertiles

O Paroles, avant que ne s’avance la saison

 

Demain, il y a un virus fabriqué par hasard,

Les bateaux qui n’arrivent plus

Une ampoule qui claque à la régie finale

Une bombe de trop dans le magma central

 

Je vous dis qu’il est temps, ce monde est dans ce carnet qu’on referme

D’un geste las et qu’on écrase comme un cœur

Regardez s’envoler votre dernier bel avion magnifique

Il s’en va errer dans la banlieue des pourquoi-comment

Ce monde, on l’oubliera, dites-vous bien, très vite

Comme dans un éphéméride, un chiffre parmi cent

Ce monde est déjà rien de plus qu’un graphisme misérable

Dans quoi, l’œil et la raison cherchent ce qu’on pouvait y trouver

Maintenant que le livre se ferme, sentez ce vide capital

Le ciel est désert, la terre bruit de cris désaccordés

Que se lèvent ici, ceux qui ont de l’esprit pionnier dans la tête

Il va falloir dès ce soir tout recommencer

Petite histoire d’une lettre de l’alphabet grec – Lettre providentielle aux élections présidentielles ?

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  • Vingt et unième lettre de l’alphabet grec, la lettre phi < ? >, qui correspond à notre son F ou PH, est une lettre hautement symbolique.
  • Dans le système de numération grecque antique, phi vaut 500 ; par exemple ‹ ?’ › représente le nombre 500.
  • Comme la plupart des autres lettres grecques, le phi est parfois utilisé en dehors de son contexte alphabétique grec dans les sciences. Par exemple, en mathématiques, elle note traditionnellement le nombre d’or (1+?5)/2 (soit environ 1,618) cher aux pythagoriciens qui avaient trouvé en lui le vecteur d’harmonie universelle.
  • Le symbole ? note la consonne fricative bilabiale sourde dans l’alphabet phonétique international.
  • Le ? / PHI est également le symbole de la Philosophie et de la sagesse (????-?????).
  • Récemment la «France insoumise», mouvement citoyen créé pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle française de 2017 a choisi cette lettre comme chiffre, symbole et logo: les initiales FI sont ainsi transformées en phi, ce symbole ayant été choisi pour la référence à l’harmonie avec la nature, la philosophie et la sagesse, comme cité ci-dessus mais aussi, comme le dit Jean-Luc Mélenchon, pour un hommage à la nation qui a inventé la démocratie : « Cette France insoumise, FI, nous la disons en grec, Phi, par affection pour ceux qui nous ont appris la démocratie. »

La Guerre des graines & Graines de rebelles

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  Je vous propose deux précieux documentaires sur le présent et l’avenir de notre alimentation végétale, dont les graines sont la base incontournable. Le premier, La Guerre des graines, 52 minutes, réalisé par Stenka Quillet et Clément Montfort, évoque les périls qui menacent une alimentation naturelle et saine; le second, Graines de rebelles, 30 minutes, réalisé par Emmanuel Chartoire, évoque la lutte vigilante de « résistants » qui ont entrepris de sauver et de perpétuer des cultures sans tenir compte des diktats des grandes multinationales et du productivisme. Des documents et des témoignages aussi édifiants qu’exaltants: Jean Giono aurait été très heureux de les visionner !

La Guerre des graines:

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=vGtGSFneI7o[/youtube]

Graines de rebelles:

[dailymotion]https://www.dailymotion.com/video/x3krdmb_graines-de-rebelles_school[/dailymotion]

Enfants du terril, vivre malgré la misère…

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   Le documentaire de Frédéric Brunnquell, dans la très belle collection Infrarouge, décrit de l’intérieur et sans artifices la douloureuse réalité sociale et culturelle d’une partie de notre population qui a tendance à s’accroître si l’on en croit les statistiques.

    Sans misérabilisme, mais sans filtre, nous découvrons le quotidien de Loïc, 15 ans, qui souffre de phobie scolaire et peine à terminer sa classe de troisième et de Théo, son frère, encore protégé par l’innocence de ses 10 ans, qui transforme les ruines de son quartier en vaste terrain de jeux. Tous deux habitent au 12-14, une petite cité minière délabrée de la ville de Lens. A quelques mois de ses 16 ans, Loïc se cherche et se demande s’il va définitivement quitter l’école. Patricia, leur mère, se bat pour maintenir la cohésion familiale et assurer un avenir à ses fils. Entre représentations allégoriques et détresse du quotidien, ce documentaire est une réflexion sur les effets dévastateurs de la pauvreté et sur la perte de confiance dans l’avenir qui menace les deux frères.

« La vie , c’est l’ascenseur », mais en l’occurrence il est en panne depuis longtemps, « c’est les montagnes russes », dit Loïc, « y a toujours des barrières qui t’empêchent  d’avancer dans la vie »…

Ce documentaire nous fait découvrir la stratification de nombreux et douloureux échecs: échec de la famille, d’abord, puisque tout se déclenche lorsque le couple de parents se sépare, échec de l’institution scolaire ensuite, qui ne parvient pas à réinsérer Loïc, non faute de bonne volonté, mais en raison de moyens et de procédures inadaptés; échec de la municipalité qui laisse des zones d’habitat à l’abandon, la cité des 12-14 ressemblant à un no man’s land… Au bilan, échec de la société à protéger ceux qui perdent pied, et de la civilisation moderne, qui ne propose aux plus vulnérables que des mirages débilitants, de la téléréalité au football, et propage un langage et des structures de pensée en déliquescence.

  « Le collège, c’est cruel… en fait, c’est l’enfer, pour moi, c’est l’enfer », nous confie Loïc, confirmant les dires d’Alain Bentolila, sur notre système éducatif, qu’il juge « complaisant et cruel », complaisant parce qu’il laisse les élèves franchir les niveaux sans garantir les bases ni les apprentissages, et cruel parce que précisément, ceux-là mêmes qui progressent sans apprendre sont voués à un douloureux échec, une impasse en fin de parcours.

  Je vous invite à ce visionnage, à la fois émouvant et révoltant, mais toujours très sensible, en ces temps où comme l’a expliqué Michel Houellebecq dans une conférence en Argentine, « les élites méprisent le peuple »…

(cf https://www.valeursactuelles.com/societe/michel-houellebecq-les-elites-haissent-le-peuple-67809)

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=cPkeva_FgGI[/youtube]

En marge de « Voyelles » d’Arthur Rimbaud, le sonnet d’Ernest Cabaner, dédié à « Rimbald »…

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cabaner-par-manet.jpg

Ernest Cabaner, peint par Manet.

Le sonnet d’Ernest Cabaner, inspirateur de Rimbaud ou inspiré par Rimbaud ?

  Jean de Cabannes ou Ernest Cabaner, musicien d’origine catalane qui mettait en musique des textes poétiques, était un adepte de la méthode d’apprentissage du piano basée sur les couleurs. Une touche, une couleur. Selon certaines sources, il paraît que Rimbaud en fut informé ; d’ailleurs, selon certains, il en fut même formé, du moins aurait-il pris quelques leçons de piano avec Cabaner probablement d’après cette méthode, lorsque Cabaner l’hébergea à Paris, Madame Verlaine ne voulant pas du jeune poète à son domicile…

   Cabaner avait-il déjà composé ce sonnet, par jeu, ou l’a-t-il composé plus tard, après le séjour de Rimbaud ? Le texte n’étant pas daté, le mystère est voué à demeurer: qui des deux a inspiré l’autre ??

SONNET DES SEPT NOMBRES.

                       à Rimbald

                        Nombres des gammes, points rayonnants de l’anneau
                        Hiérarchique, – un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept –
                        Sons, voyelles, couleurs vous répondent car c’est
                        Vous qui les ordonnez pour les fêtes du Beau.
 
                        La OU cinabre, Si EU orangé, Do O
                        Jaune, Ré A vert, Mi E bleu, Fa I violet,
                        Sol U carmin – Ainsi mystérieux effet
                        De la nature, vous répond un triple écho,
 
                        Nombres des gammes ! Et la chair, faible, en des drames
                        De rires et de pleurs se délecte. – O L’Enfer,
                        L’Aurore ! La Clarté, La Verdure, L’Ether !
 
                        La Résignation du deuil, repos des âmes,
                        Et La Passion, monstre aux étreintes de fer,
                        Qui nous reprend ! – Tout est par vous, Nombres des gammes !

   Le texte malmène un peu les règles strictes de la métrique… Notons évidemment les diérèses à « hi-érarchique », « mystéri-eux », « résignati-on », « passi-on » ; « t » muet à «  sept » ; puis évidemment « voye-lles », « ri-res-z-et », etc. On y retrouve un goût prononcé de l’auteur pour les correspondances, les provocations, les associations d’idées… Mais les correspondances fonctionnent selon un code différent de celui de Rimbaud. Amusez-vous à l’identifier en relisant le poème et en complétant le tableau amorcé ci-dessous. Ne reste plus qu’à constater les choix différents opérés par Cabaner…

Complète la Table des correspondances chez Ernest Cabaner :

 

 

 

« Rase Campagne »

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   Il est toujours intéressant de lire et d’entendre d’autres voix que celles des médias à propos de l’actualité. La perception qu’en ont certains auteurs et artistes est souvent toute autre que celle des journalistes et présentateurs formatés par un système qui tourne en rond et ne promeut que ce(ux) qui lui ressemble(nt)… Ce texte de Luc Valsezel appartient à ces exceptions qui oxygènent nos horizons. Je le soumets de bon cœur à votre lecture, en espérant qu’il vous divertira et fera pétiller vos idées !

Rase campagne, petite chronique de Luc Valsezel.

  « Triste est la campagne, désolée, où la terre ne porte pas de moisson, où ne sont en quête de fructifications que ces tristes paladins qu’on nomme candidats et qui s’exhibent sans pudeur dans les lices des médias… « Candidats »? Donc revêtus de blanc et purs devant l’élection ?? On entend au loin dans la plaine le ricanement inquiet des corneilles… Qui eût imaginé que l’immoralité et la corruption revêtiraient certains d’entre eux de pied en cap, chevalier, chevalière à la triste figure, âpres aux gains personnels, qui vont pourtant clamant exemplarité et ascèse pour les autres ? Soutenus essentiellement par des hordes de prétendus catholiques, nostalgiques du Moyen-âge, sans doute, intolérants et homophobes, ils prônent un ordre moral qu’ils ne respectent pas eux-mêmes…

  Triste est la campagne où, comme un exode de vergogne, pullulent et grouillent les reniements. Qui eût imaginé tant de traîtres ou de renégats, rats de tous poils quittant le radeau socialiste pour aller s’enivrer de grains fermentés dans les auges des lobbys patronaux, industriels et financiers ? Souhaitons que l’avenir n’oublie jamais leur forfaiture qui insulte à la loyauté, à l’honneur.

  Triste est la campagne où les pantins des médias, les gourdes télévisuelles, se pâment devant un béni oui-oui, un ravi de la crèche avec des airs d’enfant Jésus, sauf que sa crèche était d’un tout autre standing que la maigre étable de Bethléem… Candidat de pub, promu et vendu comme un produit high-tech, tout en façade et sans contenu, gageons que les médias s’en lasseront dès qu’ils en auront constaté l’inanité, la vacuité, mais en attendant, cette baudruche attire et aimante les enveloppes vides… Les rats et les corbeaux se regroupent, qu’ils viennent de Lyon ou du Béarn, tous attirés par le grain, moulu ou à moudre… La soupe chauffe, après, ils se serviront et feront bombance… Qui peut accepter une telle farce se jouant aux dépens du peuple et de sa crédulité ?

  Triste est la campagne où résonnent les cantiques de la haine, proférés par une égérie dont le nom rime avec ce mot… Des chants qui disent la xénophobie, le rejet de l’autre, de la différence et le refus du partage, des vindictes qui ressassent le repli sur soi, la stratégie stupide du hérisson… Ces imprécations se répercutent et ricochent de villes en campagnes, colportant des vents aux remugles nauséabonds, réveillant des images qui torturent encore les consciences et insultent à l’Histoire…Qui peut comprendre que le peuple oublie à ce point les leçons amères du passé ? Comment cela se peut-il ?

  Que reste-t-il aux yeux du voyageur pour reprendre souffle, renouer avec l’Homme, ses valeurs et retrouver l’espoir ? Un coin de ciel au loin, qui dit « Insoumission », des éteules redressées dans la plaine qui hurlent « Résistance », des idées et des mots qui célèbrent l’Homme, la veine humaniste et l’harmonie d’un monde, d’un écosystème où il prendra toute sa place. Une aube saine se lève sur cette rase campagne, une aube claire qui respire et se nomme, «  je suis France Insoumise et je vous invite à me suivre ». Pense-s-y, Peuple de France, il n’est pas trop tard ! »

FUKUSHIMA, chronique d’un désastre

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  En complément des documents présents sur ce site et relatifs à la catastrophe de Tchernobyl (Séquence 1, étude analytique 3 – voir Archives octobre 2016), pour actualiser vos connaissances, ce documentaire très précis et efficace sur un autre désastre nucléaire, plus récent encore, celui de Fukushima au Japon, en mars 2011. Le réalisateur, Steve Burns, oeuvrant pour la chaîne nippone NHK, reconstitue les conditions du sinistre et en explique méthodiquement les causes et conséquences.

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x1idftc_fukushima-chronique-d-un-desastre_webcam[/dailymotion]

   Pour rappel, le documentaire visionné sur Tchernobyl en début d’année scolaire:

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=I6QS9VDUnIA[/youtube]

« N’importe allons / Je suis pour le discours humain / Je suis pour la moitié de pain » – Georges Perros

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    Notre pays vit de curieux moments, frappé par une étrange épidémie, la « macronite » aigüe. Quels en sont les symptômes ? Des foules se rassemblent étrangement pour écouter religieusement des paroles aussi creuses que mielleuses, et succombent aux roucoulades d’un pantin sans consistance… La messe qu’ils écoutent n’est faite que de vent : rien de concret, quant au programme, qui n’est pas encore écrit, ni même pensé ( !), il sera proposé – je devrais écrire « révélé » pour filer la métaphore bigote… – dans un mois, et les béni oui-oui, les bobos ébaubis, se contentent de ce vide, de ce néant, d’une image évanescente – là encore le mot « pieuse » m’a démangé la plume ! A y regarder de plus près, on ne découvre qu’un énième produit de « comm’(unication) », imaginé dans les coulisses du MEDEF et des instances bancaires, financières, un produit hybride, bourré d’édulcorants, d’additifs plus que toxiques dès que l’on passe à l’examen…

    Ledit Macron – et dire qu’en grec, ?????? cela signifie « grand », quelle ironie ! – les électeurs de gauche ont-ils donc oublié qu’il n’est pas, mais pas du tout, de gauche ? Les autres ont-ils donc oublié à quel point il a eu plus que sa part dans la gestion catastrophique du précédent gouvernement ? Il faut croire… Se sont-ils demandé quelle était la réelle nature de ses liens avec le grand patronat ? Ont-ils seulement eu le moindre soupçon sur la provenance des fonds qui lui permettent de promouvoir avec un tel luxe et retentissement ses formules oiseuses ? Autrefois, qui aurait prêté la moindre oreille à ce Tabarin – je suis injuste ici pour le bel organe vocal du vrai Tabarin ! -, ce camelot de foire ? Ce qui est préoccupant, c’est qu’aujourd’hui le visuel, l’apparence, l’enrobage prévalent sur le texte, le contenu, le fond, les idées. Une partie de l’électorat réagit comme les membres d’une secte hypnotisés par un gourou de supermarché. Leur réveil sera douloureux, mais souhaitons qu’ils n’entraînent pas tout un pays dans leurs naïfs délires…

«                        N’importe allons

Je suis pour le discours humain

Je suis pour la moitié de pain

Le désespoir c’est de se taire… »

    Ces vers de Georges Perros, extraits d’Une vie ordinaire nous rappellent à notre véritable préoccupation : faire prévaloir une société humaniste, où les valeurs de l’Homme seront préservées, défendues face aux toxiques vapeurs de l’argent-roi, face à une machinerie infernale qui nous asservit, nous et nos plus belles valeurs, à la dictature de l’économie et de la finance. Et si je me tourne vers cet horizon-là,  je ne vois qu’un recours, celui qu’incarne un des rares tribuns qui nous reste, un orateur véritable, à l’opposé de la baudruche précitée, qui propose un programme longuement préparé, médité, écrit, qui ne discourt jamais pour ne rien signifier, qui a un réel souci des autres, et le courage d’oser. Mais je laisse le soin au documentaire de Gérard Miller, car il en dévoile les forces et les faiblesses, avec une belle et noble objectivité, pour, au final, nous livrer le passionnant portrait d’un homme intègre, authentique, responsable et honnête, ce qui par les temps qui trébuchent au lieu de courir, n’est pas un luxe ! Et il faut également se souvenir du slogan de sa campagne de 2012, qui coïncide si bien avec les vers du poète Georges Perros : « L’Humain d’abord ! »

« Nous avons tous un devoir d’insoumission aux réalités économiques que certains prétendent supérieures aux réalités humaines et à celles du coeur. »

                                                               Jean-Luc Mélenchon, Discours de Lyon, 5/02/2017

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=9oDZiX2W5zM[/youtube]

Pier Paolo Pasolini contre le fascisme de consommation.

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[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=PtZCcwScGBE[/youtube]

   Pour le poète, la société de consommation, qui advient au début des années 1970, forme un nouveau fascisme, bien plus puissant que sa version traditionnelle. Alors que sous Mussolini, les différentes composantes de l’Italie populaire (prolétariat, sous-prolétariat, paysannerie) avaient réussi à conserver leurs particularismes culturels, le “fascisme de consommation” a homogénéisé les modes de vie comme jamais auparavant. Dans ses Écrits corsaires (Scritti corsari), publiés quelques temps après son décès (1976), Pasolini affirme :« Le fascisme avait en réalité fait d’eux [les classes populaires] des guignols, des serviteurs, peut-être en partie convaincus, mais il ne les avait pas vraiment atteints dans le fond de leur âme, dans leur façon d’être. » Contrairement à la société de consommation. Celle-ci, en promettant un confort illusoire, a « transformé les jeunes ; elle les a touchés dans ce qu’ils ont d’intime, elle leur a donné d’autres sentiments, d’autres façons de penser, de vivre, d’autres modèles culturels » et ce, « grâce aux nouveaux moyens de communication et d’information (surtout, justement, la télévision) ». L’âme du peuple a ainsi non seulement été« égratignée, mais encore lacérée, violée, souillée à jamais » par le “fascisme de consommation”.

  Le philosophe Olivier Rey dans l’ouvrage collectif Radicalité – 20 penseurs vraiment critiques (2013) tempère cependant que « l’emploi que Pasolini fait du terme “fascisme” est contestable », ne serait-ce que parce que, comme l’explique l’Italien lui-même, « le capitalisme contemporain fonctionne désormais beaucoup plus grâce à la séduction qu’à la répression ». Une formule qui n’est pas sans rappeler les travaux du sociologue communiste français Michel Clouscard, qui explique à ce sujet que « la séduction, c’est le pouvoir du langage indépendamment du concept, indépendamment de la sagesse. À un moment donné, un discours peut apparaître ayant le pouvoir d’anéantir l’être : c’est le discours du paraître, le discours de la séduction. La vérité en tant que telle est alors recouverte. »

  Pasolini s’intéresse à cette perte des repères identitaires qui finit par gruger les fondations d’une société déshumanisée par le passage en force du nouveau capitalisme apatride des années d’après-guerre. Il n’hésite pas à parler de « révolution anthropologique » et va jusqu’à affirmer « que l’Italie paysanne, ouvrière et paléo-industrielle s’est défaite, effondrée, qu’elle n’existe plus, et qu’à sa place il y a un vide qui attend sans doute d’être rempli par un embourgeoisement général, du type que j’ai évoqué … (modernisant, faussement tolérant, américanisant, etc.) ». La pensée du marxiste Pasolini nous est d’autant plus précieuse en ces temps où le capitalisme triomphant dans nos sociétés occidentales domestique et lamine, en leur ôtant, en contrepartie de rêves marchandés, leurs véritables dignité et identité, ses sujets, qui méritent mieux en fait le nom de consommateurs que celui, tant utilisé, de citoyens. A lire, à ce sujet, sur le même blog, l’article sur Paul Nizan contre « l’Homo Economicus ».

http://lewebpedagogique.com/dendromorphe/2016/10/22/paul-nizan-contre-lhomo-economicus-aden-arabie-1931/

Quand les poètes français du XIX° siècle font le buzz !

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   C’est une arme historique qui a été vendue ce mercredi 30 novembre, un revolver qui est entré dans la légende de la littérature française. Le revolver à six coups avec lequel Paul Verlaine, qui traversait une phase morbide, quasi suicidaire, tenta de tuer Arthur Rimbaud, un après-midi de juillet 1873 à Bruxelles, a trouvé preneur mercredi soir au prix phénoménal de 434 500 euros lors d’une vente aux enchères chez Christie’s à Paris. Le revolver, un Lefaucheux (célèbre marque de l’époque) à la crosse de bois, un six coups de calibre 7 millimètres, était estimé entre 50 000 et 60 000 euros. L’acheteur, dont on ignore la nationalité, a enchéri par téléphone, a précisé la maison de vente. La ville natale de Rimbaud, Charleville-Mézières, avait lancé une souscription publique pour acquérir l’arme. Mais le prix atteint ne lui a guère laissé de chance. Le revolver est au cœur du drame le plus célèbre de l’histoire de la littérature française.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=tvQgPwtg5sY[/youtube]

  Le 10 juillet 1873, 14 heures, dans une chambre d’un hôtel de la rue des Brasseurs à Bruxelles, trois personnes sont réunies. Verlaine, sa mère et le jeune Arthur Rimbaud. L’ambiance est électrique. Soudain, deux coups de feu claquent. Verlaine, alors âgé de 29 ans, a tiré sur Rimbaud de dix ans son cadet. Une balle blesse le jeune homme au-dessus de l’articulation du poignet. L’autre va se loger dans le plancher. La brouille entre les deux hommes a commencé à Londres en mai 1873. Le torchon brûle entre les deux amants. Verlaine a envie de renouer avec sa femme, Mathilde, épousée en 1870, un an avant sa rencontre avec l’auteur du « Bateau ivre ». Après une énième dispute, il plaque son jeune amant et part pour Bruxelles. Rimbaud le rejoint. La cohabitation, très souvent alcoolisée, se passe mal. Il est dit, notamment, que Rimbaud, dans un accès de délire du à l’ivresse, avait  tenté de poignarder Verlaine. Lequel Verlaine, dépressif et tenaillé par des remords incessants, a des envies de suicide. Rimbaud parle de s’engager dans l’armée. Ils s’enivrent, pleurent, connaissent le désespoir des amours qui s’achèvent… Avant de lui tirer dessus, Rimbaud raconte que Verlaine lui aurait dit : « Voilà pour toi puisque tu pars ! » La détonation et la vue du sang ont calmé tout le monde. Le trio se rend à l’hôpital. À peine pansé, Rimbaud songe à quitter Bruxelles pour Paris. Verlaine, qui a gardé l’arme avec lui, le menace à nouveau en pleine rue. Rimbaud hèle un policier qui arrête tout le monde. On connaît la suite. Bien que Rimbaud, très légèrement blessé, ait retiré sa plainte, Verlaine est jugé et condamné à deux ans de prison à Mons, payant davantage un mode de vie que les bourgeois bien pensants de Belgique jugeaient immoral que son acte lui-même. Condamné à deux ans de prison, ce qui était très sévère compte tenu de l’abandon de la plainte et de l’infime préjudice subi par Rimbaud, Verlaine y passera 555 jours exactement. Derrière les barreaux, Verlaine écrira les 32 poèmes de Cellulairement qu’il dispersera dans les recueils SagesseJadis et naguèreParallèlement ou Invectives. Rimbaud, rentré chez sa mère, se met à l’écriture d’Une saison en enfer. Verlaine et Rimbaud se reverront brièvement une dernière fois après la libération du premier, en février 1875, à Stuttgart où Rimbaud remet à son ami le manuscrit des Illuminations. Paul Verlaine avait acheté le revolver le matin même de l’incident chez un armurier bruxellois avec une boîte de 50 cartouches. 

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  Confisqué par la police, le revolver, d’un modèle très courant à l’époque, sera rendu à l’armurerie Montigny avant d’être cédé en 1981, au moment de la fermeture de ce magasin, à son actuel propriétaire, un huissier de justice belge, amateur d’armes à feu, nommé Jacques Ruth. Le revolver dort dans un placard. C’est en voyant au début des années 2000 le film sur les amours entre Rimbaud et Verlaine, Rimbaud Verlaine (Éclipse totale) avec Leonardo DiCaprio que Jacques Ruth se rend compte qu’il possède un trésor. Il contacte un conservateur de la Bibliothèque royale de Belgique, Bernard Bousmanne, commissaire d’une exposition consacrée à Rimbaud en 2004 à Bruxelles. « J’ai cru à une plaisanterie. Mais tous les éléments correspondaient, le modèle, la date et le lieu de fabrication. Nous avons même demandé des expertises balistiques à l’École royale militaire de Bruxelles. Elles ont été concluantes », a indiqué Bernard Bousmanne aux médias belges. Le conservateur a été commissaire d’une autre exposition consacrée cette fois à Verlaine à Mons en 2015. C’est d’ailleurs à cette occasion que l’arme fut présentée pour la première fois au public (cf video ci-dessus).

L’arche de confinement enfin posée à Tchernobyl: vers la fin d’un cauchemar ?

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Mardi 29 novembre 2016, l’Ukraine a inauguré le dôme métallique qui recouvre désormais le réacteur endommagé de la centrale de Tchernobyl. Il doit confiner les matières radioactives pendant 100 ans.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=h1fPLt6fTvQ[/youtube]

Le mécanisme qui a permis la mise en place de la nouvelle arche

Le réacteur nucléaire endommagé de Tchernobyl est désormais recouvert d’une arche, qui devrait lui assurer un confinement pour les 100 prochaines années. Et surtout permettre, avec ses équipements et installations, les opérations futures de démantèlement du réacteur en limitant « au maximum les interventions humaines ». Il s’agit d’une étape clé avant l’aboutissement du programme international pour transformer Tchernobyl en un site sûr et sans danger pour l’environnement d’ici novembre 2017″, ont indiqué ce mardi Vinci et Bouygues, les géants français du BTP qui ont construit cette arche. Ce projet hors normes d’un milliard et demi d’euros a été financé par la communauté internationale.  

Le dôme métallique de 25 000 tonnes (36 000 tonnes avec les divers équipements prévus) mesure 108 mètres de haut et 162 mètres de long.  

En avril dernier, lors des travaux de construction de l'arche, dont le bardage interne est ici visible.

En avril dernier, lors des travaux de construction de l’arche, dont le bardage interne est ici visible.

Son bardage est conçu pour protéger le sarcophage des agressions extérieures et préserver l’environnement et la population. Son système de ventilation doit assurer le contrôle de l’atmosphère dans l’enceinte de l’arche, la régulation de la température et de l’hygrométrie ainsi que la limitation des rejets dans l’atmosphère. Dans un communiqué Novarka, co-entreprise des groupes français Bouygues et Vinci, estime que cette opération « revient à pouvoir couvrir le Stade de France ou la Statue de la Liberté ».  

Le mécanisme qui a lentement déplacé l'arche vers sa position finale durant le mois de novembre.

Le mécanisme qui a lentement déplacé l’arche vers sa position finale durant le mois de novembre.

L’arche, construite à 327 mètres de distance, a ensuite été glissée par un système géant de 224 vérins. Ce nouveau dôme métallique qui entoure l’ensemble, construit pour résister aux séismes, doit le protéger et ainsi confiner ses matières radioactives. Construit à l’époque à la va-vite en 206 jours par 90 000 personnes, l’ancien sarcophage qui recouvre le réacteur nucléaire de Tchernobyl, qui a explosé le 26 avril 1986, a présenté des signes de fatigue dès 1999. La cloche de confinement dispose également d’équipements qui vont permettre de procéder aux opérations futures de démantèlement du réacteur numéro 4. L’arche ne sera opérationnelle que fin 2017, le temps d’installer divers équipements. Les travaux de démantèlement de l’ancien sarcophage débuteront alors. 

Léonard Cohen, le chanteur et poète canadien a tiré sa révérence.

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[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=KKZA0ARsYoI[/youtube]

Le chanteur canadien est décédé à l’âge de 82 ans. Son entourage l’a annoncé sur la page Facebook du musicien. Dans son dernier album, «You Want It Darker», sorti le mois dernier, il évoquait beaucoup la mort, très marqué par la disparition de sa muse Marianne Ihlen, égérie suédoise des années 1960-1970 pour qui il avait écrit un de ses plus grands succès, « So long, Marianne ».

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=UqwuDTEaROg[/youtube]

Léonard Cohen, c’était également, bien sûr, l’adaptation d’un chant de résistant français de la seconde guerre mondiale composé par Anna Marly (musique) et Emmanuel d’Astier de La Vigerie (texte), qu’il a transposé en partie en anglais et l’autre en français, sous le titre « The Partisan »  et qu’il a chantée partout dans le monde.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=wBL10HcHlPI[/youtube]

Mais c’est très difficile de résumer le parcours de ce grand poète, aux images sombres et fulgurantes à la fois, puisant dans une profonde intériorité (il a vécu un bouddhisme monacal durant plus d’une décennie) et dans les paradigmes bibliques de quoi rendre ses textes universels. Il est également le créateur du célèbre « Hallelujah » repris depuis par tant d’autres chanteurs comme Jeff Buckley, par exemple. Quelques vidéos jointes ci-dessus et dessous pourront vous donner une idée plus précise du personnage et de ses créations.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=YrLk4vdY28Q[/youtube]

Le chanteur souffrait depuis quelques années de problèmes physiques. Il avait subi de multiples fractures à la colonne vertébrale. Ces derniers mois le poète alternait les moments de découragement et d’espoir, très marqué par la disparition de sa muse Marianne Ihlen – celle de la chanson «So Long, Marianne». Le 13 octobre dernier, c’est dans sa résidence de Los Angeles que l’artiste s’était exprimé à l’occasion de la sortie de son dernier album, plus crépusculaire que jamais, «You Want It Darker». À ses côtés, se tenait son fils Adam, 44 ans, collaborateur privilégié pour ce somptueux disque. Si l’homme apparaissait frêle et fragile, jamais sa voix n’avait été aussi grave et profonde que sur ses huit nouvelles chansons. «Une voix comme la sienne occupe énormément de place dans le mix, expliquait alors Adam. On n’a pas d’autre possibilité que d’épurer l’accompagnement au maximum.» Contrairement aux productions froides et technologiques employées par Cohen entre la fin des années 1980 et le début de ce siècle, «You Want It Darker» renouait avec le son organique de ses albums historiques.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=YD6fvzGIBfQ[/youtube]

Cet album avait été assemblé patiemment au domicile de Los Angeles de Cohen, empêché de se déplacer par des problèmes de dos. Effondré après la disparition de son amie Marianne Ihlen, Leonard Cohen avait écrit des textes bouleversants, qui traitaient encore plus qu’à l’accoutumée de mortalité. «I’m ready, my Lord», chante-t-il notamment sur le morceau titre. Ce dernier album renouait avec une inspiration à la fois sombre, lucide et très poétique, de la veine de la plus belle chanson, à mes yeux, de Léonard Cohen, « The famous blue raincoat« :

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=kkSERbdl39Q[/youtube]

Jamais l’auteur n’avait été aussi prolifique que récemment: depuis «Old Ideas», en 2012, et «Popular Problems» deux ans plus tard, il avait adopté une belle cadence. Nul ne pouvait s’en plaindre, surtout au regard de la qualité de ces disques, qui comptent parmi les plus beaux de la carrière de cet extraordinaire auteur. Un véritable trésor auquel The New Yorker consacrait récemment un long article dans lequel Bob Dylan, en personne, lui rendait un vibrant hommage. C’était avant que ce dernier ne reçoive le prix Nobel de littérature, ce qui déclencha une polémique stérile, à base de «Cohen méritait plus sûrement cette distinction». Interrogé au sujet de l’honneur accordé à son vieil ami, le Canadien avait eu ces mots: «Donner le Nobel à Dylan, c’est comme dire du mont Everest que c’est une grande montagne.» Une évidence, en somme. Au diable la controverse, il y avait bien de la place pour ces deux génies de la langue dans le monde de la chanson. Sa disparition, alors qu’il ne cessait de travailler avec énergie et inspiration laisse un vide abyssal pour ceux qui aiment une poésie questionnant l’Homme dans ses ténébreux méandres. Le plus bel hommage à lui dédier: »danser jusqu’à la fin de l’Amour », comme il l’a si bien chanté ! 

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=NGorjBVag0I[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=nuNUahuH6l4[/youtube]

Mieux connaître Paul Gauguin et sa peinture:

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Je vous propose quelques vidéos peu bavardes mais riches en images pour faire plus ample connaissance avec le peintre du tableau étudié en classe D’où venons-nous, qui sommes-nous, où allons nous.

Bonne promenade dans l’univers pictural de Paul Gauguin !

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=6qkg-Gu79fw[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=0VzXPIMMGNo[/youtube]

Et pour terminer ce parcours, un petit excursus qui associe deux grands artistes liés géographiquement et sentimentalement aux îles Marquises, mais pas seulement, par leur style aussi: Paul Gauguin et Jacques Brel.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=qAV0Rno3qAg[/youtube]

Le texte de la chanson Les Marquises de Jacques Brel:

Ils parlent de la mort
Comme tu parles d’un fruit
Ils regardent la mer                                                                                   Comme tu regardes un puits
Les femmes sont lascives
Au soleil redouté
Et s’il n’y a pas d’hiver
Cela n’est pas l’été
La pluie est traversière
Elle bat de grain en grain
Quelques vieux chevaux blancs
Qui fredonnent Gauguin
Et par manque de brise
Le temps s’immobilise
Aux Marquises

Du soir montent des feux
Et des pointes de silence
Qui vont s’élargissant
Et la lune s’avance
Et la mer se déchire
Infiniment brisée
Par des rochers qui prirent
Des prénoms affolés
Et puis plus loin des chiens
Des chants de repentance
Des quelques pas de deux
Et quelques pas de danse
Et la nuit est soumise
Et l’alizé se brise
Aux Marquises

Le rire est dans le coe?ur
Le mot dans le regard
Le coe?ur est voyageur
L’avenir est au hasard
Et passent des cocotiers
Qui écrivent des chants d’amour
Que les s?oeurs d’alentour
Ignorent d’ignorer
Les pirogues s’en vont
Les pirogues s’en viennent
Et mes souvenirs deviennent
Ce que les vieux en font
Veux-tu que je dise
Gémir n’est pas de mise
Aux Marquises

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x118txo_jacques-brel-les-marquises_lifestyle[/dailymotion]

Paul NIZAN contre « l’Homo Economicus ». Aden Arabie, 1931.

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Formidable texte de Paul NIZAN, dans le dernier chapitre de son récit de voyage Aden Arabie, publié en 1931, où il pressent le règne dévastateur de « l’Homo Economicus » qui va vampiriser en l’être humain toute son humanité et son humanisme… Visionnaire !

Paul Nizan, à l'âge de 35 ans.

Paul Nizan, à l’âge de 35 ans.

   Leurs penseurs ont fabriqué à leur usage des modèles stérilisés de l’homme. On apprend à les démonter à l’école et ce travail dispense de la connaissance véritable et de l’amour efficace: on est même bien content d’en savoir si long sur l’homme, c’est plus qu’il n’en faut aux affaires, et ces descriptions abstraites sont après tout suffisantes pour ce qu’on fait de l’homme: elles constituent ce qu’on appelle la Culture. […]

  Tous mes parents, tous mes cousins, tous mes camarades d’enfance font partie de cette espèce humaine qui vit stérile dans ses pourboires et ses respects. Dépassée en pouvoir et en dignité par ceux qu’elle nomme elle-même grands bourgeois, elle exécute leurs consignes, collée à leur destin, unie à eux, pour opprimer un immense prolétariat qui sort de l’inconscience comme d’une nuit et porte le dernier espoir des hommes. […]  Vient finalement le jour glorieux où ses membres reçoivent un dividende : ils savent qu’ils ont franchi enfin la barrière idéale qui les séparait encore de la parfaite complicité. Ils peuvent prononcer avec la seule émotion sincère qu’il leur soit donné de ressentir le mot religieux de Capital. Entre leurs maîtres et eux, il n’existe plus qu’une différence de quantité, mais ils sont de la même essence.

 Que vous ayez une action ou mille, le nombre ne compte plus.Toute leur bassesse, tout le poids dont ils pèsent, toute leur absence d’humanité proviennent de ce passage. Ils ne défendent plus leur vie, mais un profit luxueux et l’idée qu’il donne de leur importance. La grandeur de ce profit même n’entre pas en ligne de compte. Ils peuvent en arriver à être cruels. Ils sacrifient tout en faveur de l’ordre qui leur garantit ce profit et leur assure la permanence de leur transformation mystique de travailleurs en rentiers. Bien que ces profits ne procurent aucune satisfaction concrète. Un profit achète des objets : il ne se manifeste que par un achat. Ces achats sont morts, ces objets sont dès qu’on les possède usés jusqu’à la corde : ils engendrent une maladie, des faux désirs.  Ainsi le mépris qu’ils éprouvent, l’envie qu’ils provoquent, sont les sentiments de leur vie. Ils ne se sentent vivre que si quelqu’un les jalouse ou les hait. Ils s’en contentent car il faut bien se sentir vivre, sentir qu’on est. Personne n’est content de l’ennui. Je dis qu’ils s’ennuient car leur véritable vie est tuée sans réparation. Les hommes ne sont pas comme les crabes : leurs parties amputées ne repoussent pas toutes seules.

   Réalité dissoute. Existence de fumée. Passions des rêves. Ni vu, ni connu, l’homme est passé au compte de profits et pertes.

   Il existe un travail et une possession réelle, je veux dire chez les paysans, les artisans, les poètes, la  possession signifie l’unité de l’action, du prix, et du produit. Mais les bourgeois produisent et possèdent abstraitement. Comme il y a beau temps qu’ils ont hérité d’Israël, ils passent la vie à prêter à intérêt. Ils commanditent, petitement ou grandement, ils sont porteurs d’obligations et touchent des sommes abstraites versées par des débiteurs abstraits : une ville, une compagnie, un État, un chemin de fer. Ou ils possèdent des actions : des ouvriers de chair travaillent pour allonger leur existence de fantômes. Entre les êtres et eux, la vie humaine et eux, la banque est suivie de son cortège fantastique de bourses, de charges, d’agents de change. Le genre de possession et de profit bourgeois les sépare de tout ce qui est réel : ils connaissent seulement des signaux et de féeriques contacts à distance. Leur monde est magique. Le jour où ces gens tiennent entre les mains un pouvoir timbré, un titre vert, ils participent à la nature mystique d’un être qui n’existe pas. Ils absorbent leurs hosties de capital.

   Ils ne sont pas. Ils sont conduits par les démons de l’abstraction. Qu’est-ce qu’ils pensent ? Qui les pense ?  États civils, catalogues. Riches en étiquettes comme une vieille valise de voyageur. […]

   Dans ses commencements, Homo Economicus était simple et unique, comme le triangle. Tous ses exemplaires se ressemblaient comme des épingles. Mais il a eu de la descendance, il a donné naissance à des familles qui ne s’aiment pas toujours bien qu’elles aient le même ancêtre. Homo Economicus est maintenant banquier, industriel, commissaire, coulissier. Il a des variétés de rentiers, de petits propriétaires, de joueurs de bourse. On peut rencontrer un Homo Economicus fonctionnaire, ouvrier même. C’est un animal content de son économie du profit supplémentaire. Bien qu’il répète avec l’amour des sentences: on n’a rien pour rien, il a ce profit sans rien donner en échange. Il tient d’autant plus à lui que ce profit est vraiment gratuit. Il a le corps d’un homme. Tous les chiens, tous les chevaux, les femmes et l’ange de la Mort ne le prennent pas pour   caricature de l’homme, il aime, il mange, il digère, il élimine avec des organes d’homme, il ferme les yeux, la nuit, il sait marcher. En dépit de ces apparences, il se rapproche plutôt des distributeurs automatiques, c’est un appareil qui parle et avance, aussi peu humain que les lampes qui s’allument, que les moteurs qui tournent quand leur courant passe. Il est possible que les lampes croient s’allumer volontairement, que le volant ne tourne pas sans une conscience agréable du libre arbitre de sa rotation. Homo Economicus marche sur les derniers hommes, il est contre les derniers vivants et veut les convertir à sa mort. La grande ruse de la bourgeoisie consiste à rendre les ouvriers actionnaires ou rentiers : ils sont alors conquis à la morale et à la dureté et à la mort d’Homo Economicus. Les hommes seront-ils éternellement dociles à ce piétinement et à la séduction des machines parlantes ? Il est temps de détruire Homo Economicus, qu’on peut blesser: il est vulnérable comme un homme lorsqu’il est nu. Mais on ne saurait le persuader : il ne sait pas qu’il vous écrase, ni pourquoi il le fait: le capital exige qu’il écrase, c’est comme la loi d’un dieu. Le capital lui donne assez de passion, de sentiments pour qu’il fasse son ouvrage avec conviction: les passions mêmes augmentent le profit et le rendement. Il écrase sans dessein, sans justification. Il n’est pas admirable, ou parfait,ou bienheureux, parce qu’il écrase. Homo Economicus n’a pas de joie, il ne tire pas de bonheur du malheur des hommes. Je ne vois pas à gauche d’un juge des esclaves et à sa droite des hommes achevés, des surnaturels de la France. Aucun sacrifice ne sert à la beauté ou à la joie d’Homo Economicus: avez-vous seulement regardé ses plaisirs, ses visages ?  Il est impossible de trouver pour lui des justifications humaines à l’absurdité de sa vie et à la fatalité de sa puissance. […]

  Homo Economicus a son illusion du bonheur : il parle de sa puissance, et il entretient des hommes pour lui fabriquer des illusions : des romanciers, des historiens, des poètes épiques, des philosophes. C’est qu’il éprouve de temps en temps, quand un de ses organes marche mal, que sa vie n’a pas la substance que réclame la vie. Il se jette donc sur les satisfactions imaginaires. Par bonheur c’est un animal respectueux qui aime les pensées de vénération. Homo Economicus respecte ce qui le protège. Il respecte à tous les étages. Confort moderne de la conscience. Il embrasse par exemple avec une ardeur imitée les causes inventées pour rendre son désert supportable : celles du droit, du devoir, de la loyauté, de la charité, de la patrie. Ces mots eurent du poids en leur temps, bien qu’il soit désormais impossible de saisir qu’ils composèrent un langage humain, et nommaient des objets pour lesquels des hommes pouvaient mourir : seule preuve de l’amour. Mais ils sont vidés. Ce sont des coquilles qui s’entrechoquent dans les conseils d’administration et les conseils de cabinet où les politiques habillent leurs mauvais coups. Il respecte par exemple leurs grands hommes. Les grands le justifient. Il faut voir les Français défiler les jours de fête devant les héros qu’on procure sagement à leurs besoins de récréation. Aux tours de chiens savants de leurs penseurs. De leurs ministres. À leurs chiens savants devant leurs Morts. Et ils appellent ces tours la communion et la vie. Il faut les voir quand un de leurs petits grands hommes est mort. Ils sont chez eux dans ce sublime de tentures, de drapeaux et de messes. Ils se portent en foule vers les lieux d’exposition publique, hommes, femmes et petits enfants avides de bons exemples. Il y a ces jours-là de grandes bandes silencieuses de moutons noirs gardés par la police ; quand le soir arrive, lorsque le nombre des voitures diminue, on n’entend plus que ce piétinement humide des invités dans les églises les jours de noce et de funérailles. Les figures de pierre molle ne remuent pas les lèvres. Les têtes sont inclinées. Tous les cœurs sont emplis de cette pourriture nommée Majesté de la Mort. Une aimantation mystérieuse les entraîne du côté des cadavres, comme les insectes qui pâturent en file sur les petits cadavres d’animaux, les taupes, les belettes, les rats. […] Leur vie est nourrie par l’orgueil qu’ils en tirent, par une déformation, une dilatation ignobles de l’amour de soi. L’orgueil les empêche de voir leur propre impatience d’indigents, leur besoin de diversion et de légendes. […]

   Il faut être attentif, ne rien oublier. Ils guettent au fond de leurs trous confortables: ce qui nous attend n’est pas un avenir séduisant. Devenir leurs pareils, avec le souvenir honteux d’avoir voulu dans la jeunesse vivre comme des hommes : devenir un de leurs serviteurs, chargés de besognes désignées par eux et prescrites d’un bout à l’autre. Pas d’autres fins sans batailles. Je craignais ces fins. Je ne veux pas mourir dans la dégradation d’un banquier, ni dans la déchéance d’un manœuvre docile. […]

  Vous êtes solitaires. Quand vous dînez, quand vous êtes dans un théâtre, dans un cinéma, quand vous marchez sur un trottoir, quand vous êtes dans un lit avec une femme, cherchez des pièges. Les décors où vous passez sont dressés contre vous. Vous devez les détruire.

Un film divertissant sur « La Question de l’Homme »: Captain Fantastic de Matt Ross.

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Un père écolo élève ses enfants loin du “système”. Réalisé par Matt Ross, “Captain Fantastic” met en scène un Viggo Mortensen en grande forme.

Viggo Mortensen

    Vivre dans une cabane au milieu des bois, avec des livres, un potager et une canne à pêche, en marge de cette société de consommation aliénante, qui n’en a jamais rêvé ? C’est l’utopie concrète proposée (imposée ?) par Ben Cash à ses six jeunes enfants. Au programme de leur éducation mi-hippie, mi-altermondialiste, en autarcie dans une forêt du nord-ouest des États-Unis : chasse au daim à l’arc, escalade, yoga et cours d’espéranto. Dans cette petite communauté où la religion n’a pas sa place, on ne fête pas Noël mais le « Noam Chom­sky Day », en référence au célèbre linguiste et philosophe. La tête et le corps façonnés par un père à tendance autoritaire, la progéniture semble ne manquer de rien sinon de l’amour de leur mère, récemment hospitalisée pour ­bipolarité. Sa disparition coïncidera avec le désir d’émancipation de l’aîné, qui se verrait bien, enfin, courir le guilledou et entrer à Harvard.

    Après une première partie euphorisante, sur la symbiose avec la nature, les joies et les limites d’un système éducatif en vase clos, le film et ses néo-Robinsons entament une mini-révolution, au risque de la déconvenue. A bord d’un vieux bus, la famille Cash se confronte au monde extérieur. A commencer par les parents de la défunte, caricatures un peu grossières du capitalisme triomphant : ils n’ont jamais compris le virage écolo-libertaire de leur fille…

    Incarné par un Viggo Mortensen en grande forme, Ben est-il le ­super héros que le titre suggère ? Fantastique ou fantasque ? En tout cas un père idéaliste qui se bat pour ses convictions et pour que ses enfants vivent dans un monde authentique. De quoi forcer le respect.

   Où l’intelligence est confrontée à la civilisation moderne, comme jadis dans Le Bilan de l’intelligence de Paul Valéry. De quoi compléter la réflexion engagée sur la question de l’Homme de façon très divertissante ! cf ci-dessous, la bande-annonce video du film:

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=x9gkHthYj4U[/youtube]

Et puis, autant se faire plaisir, avec la participation de l’acteur principal venu parler du film à l’émission C à vous (au passage, on remarque avec grand plaisir la maîtrise impeccable de notre langue par le grand Viggo !):

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=zBOVw7LUS0k[/youtube]

Robert Zimmermann, alias Bob Dylan, prix Nobel de Littérature 2016 !

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 C’est un événement à saluer comme il le mérite ! L’Académie Nobel récompense un chanteur ! Mais il faut dire que ce n’est pas n’importe lequel… Bob Dylan incarne le rayonnement de la culture folk, puis rock, des années 60 et 70, mais bien davantage encore. Héritier de Woody Guthrie, chanteur du peuple, des laissés pour compte du « rêve américain », grand lecteur d’Arthur Rimbaud, il diffuse les idées de la « Beat generation » de Jack Kerouac, l’écrivain bourlingueur, et du poète Allen Ginsberg à travers le monde entier, prenant position face à des faits d’actualité majeurs de son temps comme l’intervention américaine au Vietnam.

  N’en déplaise aux quelques écrivains grincheux – et sans doute envieux… – qui ont protesté, arguant que ce que pratiquait Bob Dylan n’était pas de la « grande littérature », ce chanteur-poète a bel et bien son univers esthétique propre et n’a pas composé moins de quelques 700 chansons, et trois tomes de très beaux « mémoires », intitulés Cronicles. Impliqué dans son temps, faisant sans cesse évoluer son style musical, il ne cessera de produire des chansons très poétiques, que fait connaître en France Hugues Aufray dans la décennie 1960 (avec notamment le très beau titre La fille du nord) et qui vulgarisent pour un très large public un genre littéraire qui tend à s’isoler de plus en plus dans l’intimisme et l’hermétisme.

  Bob Dylan a eu de nombreux épigones et descendants dans la chanson, dont le moindre n’est certainement pas Bruce Springsteen, autre immense figure de la chanson américaine. Je vous propose ci-dessous quelques extraits video ou audio pour mieux faire connaissance avec ce prix Nobel hors norme.

  Un autre grand chanteur compositeur de la même génération aurait, par son style, la qualité de ses textes, la singularité de son univers poétique, légitimement pu prétendre à cette récompense: le canadien Léonard Cohen.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Av4BEIJO86o[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=PIwZJSfHXWU[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=rnKbImRPhTE[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=YuGkMu751K8[/youtube]

Voir aussi le très beau dossier de Télérama, en suivant ce lien:

 http://www.telerama.fr/musique/bob-dylan-la-preuve-par-dix-chansons-fetiches,132805.php

YOM, la clarinette comme vecteur de voyage…

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  Un petit tour dépaysant sur les ailes de la clarinette endiablée de Guillaume Humery, alias Yom, pour tous ceux qui aiment les artistes qui se défient des genres et des frontières !

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=CEGv842LDkc[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=pydI7dyBCfs[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=7K3Bd6TBW7s[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=wnPF7J3Z_n0[/youtube]

La massification de l’accès au bac reflète-t-elle une démocratisation de l’instruction ?

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  Pas si sûr, à en juger par le remarquable documentaire de Matthias Vaysse diffusé ce samedi sur la chaîne Public Sénat. Une enquête documentée et édifiante qui détricote un peu plus le beau mythe de notre belle école républicaine, qui, de réformes à hue et de réforme à dia, et malgré l’immense augmentation des détenteurs du Bac – mais le savoir évalué est-il encore aussi élevé [????] – ne parvient pas – ou si peu – à donner à tou[te]s leur chance et confisque pour les élites et les nantis l’accès au « grand savoir » et aux hautes études… Un effarant constat d’échec.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=DzwtLKPdHhA[/youtube]

Prolonger la séance sur Léonard de Vinci… Mieux le connaître.

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Suite à l’étude du document Les proportions de l’Homme, intitulé parfois plus commodément L’Homme de Vitruve, je vous convie à suivre un passionnant documentaire qui vous informera de façon éblouissante et complète sur la personnalité et l’oeuvre immense de Léonard de Vinci. Cette réalisation canadienne s’inspire essentiellement du Codex Atlanticus qui se définit comme la somme des carnets de notes et de dessins du génie florentin. Je vous souhaite un bon visionnage, en précisant, si vous voulez  vous concentrer sur le chapitre Léonard de Vinci et les proportions de l’Homme, qu’il commence à 1 H 06 et s’achève à 1 H 15 de la video, continué par le chapitre Léonard de Vinci et l’anatomie.

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x2cn10s_leonard-de-vinci-dans-la-tete-d-un-genie-documentaire-hd_webcam[/dailymotion]

Mieux connaître Svetlana ALEXIEVITCH, prix Nobel de Littérature 2015.

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  Journaliste engagée, dissidente, née russe, aujourd’hui de nationalité biélorusse, elle n’a cessé d’inventorier les failles et conséquences du régime soviétique, du démantèlement de l’ex URSS, de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en actuelle Ukraine.

  Ses livres sont des transcriptions d’interviews ou de confessions recueillis auprès de multiples témoins, souvent très différents les uns des autres. Transcrits dans un style qui les place dans une dimension littéraire, très prenants et agréables à lire, ils reflètent le réel à l’aide de leurs nombreuses facettes. L’impression qui s’en dégage est celle d’un ensemble choral (cela peut faire penser au Choeur antique) qui transmet aux lecteurs des vérités qu’on lui dissimulait, ou qu’on déformait, voire qu’il ne pouvait pas soupçonner ou imaginer.

  Svetlana Alexievitch lève ainsi le voile sur les différents sujets qu’elle aborde et, sur chacun d’entre eux, combat l’obscurantisme et le mensonge de l’état, du pouvoir, dénonce la manipulation des peuples.

  Ses grands écrits ont pour titres, très parlants, La guerre n’a pas un visage de femme, hommage aux femmes qui ont combattu ou servi dans l’armée rouge durant la seconde guerre mondiale, écrit en 1985, Les cercueils de zinc, qui évoque les soldats russes victimes ou témoins du conflit en Afghanistan, écrit en 1990, La Supplication, au sous-titre évocateur « Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse », écrit en 1997, et La fin de l’homme rouge ou Le temps du désenchantement, publié en 2013, sur le démantèlement de l’empire soviétique.

  Le prix Nobel a récompensé non seulement une femme de lettres originale et talentueuse, mais aussi  une femme impliquée, un être de conscience qui a toujours fait preuve de beaucoup de détermination et de courage dans ses investigations et ses prises de parole.

   Je vous propose d’en faire mieux connaissance à l’aide de deux vidéos, tout d’abord le court entretien issu de l’émission La Grande Librairie, puis à travers l’audacieuse adaptation par les élèves de l‘Ecole Professionnelle Supérieure d’Art Dramatique du théâtre du Nord, à Lille, en décembre 2012, de La Supplication.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Nf2YBgxG_zY[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=3kLTS6FVBdU[/youtube]

« J’Accuse », version Damien SAEZ…

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 Allez, un petit clip video de Damien SAEZ, en marge de notre séquence sur la Question de l’Homme… ça ne peut vraiment pas faire de mal ! Toute ressemblance avec les objectifs poursuivis par Louis-Ferdinand Céline et Paul Valéry dans leurs textes est évidemment volontaire !

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xvjjsc_damien-saez-j-accuse-clip_music[/dailymotion]

BIOGRAPHIE D’ANTOINE DE SAINT-EXUPERY

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  Antoine de Saint-Exupéry, pilote et aventurier de renom, s’est révélé grand écrivain, mondialement connu pour son Petit Prince (1943) mais aussi pour Vol de nuit (1931), Terre des Hommes.. (1939). Mais son livre-testament, publié après sa mort, en 1948, puis en 1958, demeure le magnifique Citadelle, plus difficile d’accès.

  Je vous propose cette courte mais efficace biographie, en video, pour mieux connaître ce grand homme.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=3RBMRNcmxfo[/youtube]

Ci-dessous, la dernière lettre de Saint-Exupéry, écrite peu avant que son avion s’abîme dans la mer… Un écrit prophétique…

   L’ultime lettre (connue) de Saint-Ex ! Le lendemain, cette figure de légende s’abîmait aux commandes de son avion de reconnaissance photographique dans les eaux de la Méditerranée. Et le surlendemain, un autre ami de Pierre Dalloz, Jean Prévost, 43 ans, était abattu au Pont-Charvet (à deux pas de Grenoble, aux Côtes-de-Sassenage).
Mourir à quarante-quatre ans, aussi désespéré de l’Humanité !
   Pierre Dalloz, architecte avec qui Saint-Exupéry se lia d’amitié à partir de 1939, et qu’il retrouva ensuite à Alger, fut à l’origine du « Plan Vercors » (imaginé dès mars 41, matérialisé et transmis en janvier 43 par Yves Farge à Jean Moulin, qui l’adopta aussitôt), devenu plus tard Plan Montagnards.
« Écrite à Pietranera, près de Bastia
[elle] fut trouvée par le commandant Gavoille, bien en évidence sur la table d’Antoine, le soir de sa disparition, le 31 juillet 1944« . Elle portait l’adresse d’une amie, l’épouse de Louis Joxe, à charge pour elle de la transmettre à P. Dalloz

Secteur postal 90.027

Cher, cher D.,

  Que je regrette vos quatre lignes ! Vous êtes sans doute le seul homme que je reconnaisse comme tel sur ce continent. J’aurais aimé savoir ce que vous pensiez des temps présents. Moi, je désespère.

  J’imagine que vous pensez que j’avais raison sous tous les angles, sur tous les plans. Quelle odeur ! Fasse le ciel que vous me donniez tort. Que je serais heureux de votre témoignage !

  Moi, je fais la guerre le plus profondément possible. Je suis certes le doyen des pilotes de guerre du monde. La limite d’âge est de trente ans sur le type d’avion monoplace de chasse que je pilote. Et l’autre jour, j’ai eu la panne d’un moteur, à 10 000 mètres d’altitude, au-dessus d’Annecy, à l’heure même où j’avais quarante-quatre ans ! Tandis que je ramais sur les Alpes à vitesse de tortue, à la merci de toute la chasse allemande, je rigolais doucement en songeant aux super-patriotes qui interdisent mes livres en Afrique du Nord(1). C’est drôle !

  J’ai tout connu depuis mon retour à l’escadrille (ce retour est un miracle). J’ai connu la panne, l’évanouissement par accident d’oxygène, la poursuite par les chasseurs, et aussi l’incendie en vol. Je paie bien. Je ne me crois pas trop avare et je me sens charpentier sain. C’est ma seule satisfaction ! Et aussi de me promener, seul avion et seul à bord, des heures durant, sur la France, à prendre des photographies. Ça, c’est étrange.

  Ici on est loin du bain de haine(2) mais, malgré la gentillesse de l’escadrille, c’est tout de même un peu la misère humaine. Je n’ai personne, jamais, avec qui parler. C’est déjà quelque chose d’avoir avec qui vivre. Mais quelle solitude spirituelle !

  Si je suis descendu, je ne regretterai absolument rien. La termitière future m’épouvante. Et je hais leur vertu de robots. Moi, j’étais fait pour être jardinier(3).

   Je vous embrasse.

        St.-Ex
À Pierre Dalloz – 30 juillet 1944 – Secteur postal 99 027

Notes

(1) Cette interdiction est du 29 juin 1944.
(2) Lire « Alger » (note de Pierre Dalloz).
(3) Cf. Lettre à Pierre Chevrier [30 juillet 1944] :
« […] J’ai failli quatre fois y rester. Cela m’est vertigineusement indifférent.
L’usine à haine, à irrespect, qu’ils appellent le redressement […], moi je m’en fous. Je les emmerde. Je suis sous le danger de guerre le plus nu, le plus dépouillé qu’il soit possible. Absolument pur. Des chasseurs m’ont surpris l’autre jour. J’ai échappé juste. J’ai trouvé ça tout à fait bienfaisant. Non par le délire sportif ou guerrier, que je n’éprouve pas. Mais parce que je ne comprends rien, absolument rien que la qualité de la substance. Leurs phrases m’emmerdent. Leur pompiérisme m’emmerde. Leur polémique m’emmerde et je ne comprends rien à leur vertu […].
La vertu, c’est de sauver le patrimoine spirituel français en demeurant conservateur de la bibliothèque de Carpentras. C’est de se promener nu en avion. C’est d’apprendre à lire aux enfants. C’est d’accepter d’être tué en simple charpentier. Ils sont le pays… pas moi. Je suis du pays.
Pauvre pays ! »
[Textes empruntés – ainsi que les notes – à Œuvres complètes, Pléiade T II, pp. 1050 sq. – Lettre rendue publique à l’origine in Pierre Dalloz, Vérités sur le drame du Vercors, F. Lanore, Paris, 1979, 353 p. – elle y figure aux pp. 274-275].

PAUL VALERY, discours d’un penseur libre et inspiré.

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    Pour mieux comprendre la perspicacité et la rigueur, la clairvoyance et l’humanisme de Paul Valéry, je vous propose cet extrait de son intervention protestant le 1er septembre 1939 contre l’impérialisme hitlérien et la folie d’une seconde guerre mondiale, nouveau crime contre l’Homme. Deux jours après ce discours, la guerre sera déclarée. Les grands penseurs ne sont hélas pas des prophètes entendus…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=mxAEsFa7FRg[/youtube]

La question de l’Homme – PRIMO LEVI – Si c’est un homme

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Primo Levi est à mes yeux le plus grand écrivain de la Shoah. Son « style de chimiste » donne au témoignage une force que ne polluent ni l’affectation, ni l’emphase, ni l’émotion, ni le commentaire. Impossible d’oublier une telle lecture, expérience assez unique, que je vous invite à effectuer.

Il expliquait dans Si c’est un homme, au début du chapitre IX, intitulé LES ÉLUS ET LES DAMNÉS, les raisons de son écriture, relative à cette  expérience des camps:

   « Ainsi s’écoule la vie ambiguë du Lager1, telle que j’ai eu et aurai l’occasion de l’évoquer. C’est dans ces dures conditions, face contre terre, que bien des hommes de notre temps ont vécu, mais chacun d’une vie relativement courte ; aussi pourra-t-on se demander si l’on doit prendre en considération un épisode aussi exceptionnel de la condition humaine, et s’il est bon d’en conserver le souvenir.

   Eh bien, nous avons l’intime conviction que la réponse est oui. Nous sommes persuadés en effet qu’aucune expérience humaine n’est dénuée de sens ni indigne d’analyse, et que bien au contraire l’univers particulier que nous décrivons ici peut servir à mettre en évidence des valeurs fondamentales, sinon toujours positives. Nous voudrions faire observer à quel point le Lager1 a été, aussi et à bien des égards, une gigantesque expérience biologique et sociale.

   Enfermez des milliers d’individus entre des barbelés, sans distinction d’âge, de condition sociale, d’origine, de langue, de culture et de mœurs, et soumettez-les à un mode de vie uniforme, contrôlable, identique pour tous et inférieur à tous les besoins : vous aurez là ce qu’il peut y avoir de plus rigoureux comme champ d’expérimentation, pour déterminer ce qu’il y a d’inné et ce qu’il y a d’acquis dans le comportement de l’homme confronté à la lutte pour la vie.

Non que nous nous rendions à la conclusion un peu simpliste selon laquelle l’homme serait foncièrement brutal, égoïste et obtus dès lors que son comportement est affranchi des superstructures du monde civilisé, en vertu de quoi le Häftling2 ne serait que l’homme sans inhibitions. Nous pensons plutôt qu’on ne peut rien conclure à ce sujet, sinon que sous la pression harcelante des besoins et des souffrances physiques, bien des habitudes et bien des instincts sociaux disparaissent.

  Un fait, en revanche, nous paraît digne d’attention : il existe chez les hommes deux catégories particulièrement bien distinctes, que j’appellerai métaphoriquement les élus et les damnés. Les autres couples de contraires (comme par exemple les bons et les méchants, les sages et les fous, les courageux et les lâches, les chanceux et les malchanceux) sont beaucoup moins nets, plus artificiels semble-t-il, et surtout ils se prêtent à toute une série de gradations intermédiaires plus complexes et plus nombreuses.

  Cette distinction est beaucoup moins évidente dans la vie courante, où il est rare qu’un homme se perde, car en général l’homme n’est pas seul et son destin, avec ses hauts et ses bas, reste lié à celui des êtres qui l’entourent. Aussi est-il exceptionnel qu’un individu grandisse indéfiniment en puissance ou qu’il s’enfonce inexorablement de défaite en défaite, jusqu’à la ruine totale. D’autre part, chacun possède habituellement de telles ressources spirituelles, physiques, et même pécuniaires, que les probabilités d’un naufrage, d’une incapacité de faire face à la vie, s’en trouvent encore diminuées. Il s’y ajoute aussi l’action modératrice exercée par la loi, et par le sens moral qui opère comme une loi intérieure ; on s’accorde en effet à reconnaître qu’un pays est d’autant plus évolué que les lois qui empêchent le misérable d’être trop misérable et le puissant trop puissant y sont plus sages et plus efficaces. »

Notes: 1: Lager = camp – 2: Häftling = détenu

Pour faire plus ample connaissance avec Primo Levi, je vous invite à suivre ce document vidéo de 15 minutes qui évoque efficacement l’auteur, cette oeuvre singulière et chemin faisant, la question de l’HommeLa banalité du mal selon Primo Levi.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=8Wg4d4jRPqk[/youtube]

Mieux connaître Louis-Ferdinand Céline, auteur et personnalité complexes et controversés…

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Pour vous aider à mieux cerner la personnalité complexe et controversée de Louis-Ferdinand Céline, auteur notamment de Voyage au bout de la nuit, immense roman de 1932, voici trois documentaires vidéo intéressants, voire passionnants (!) et efficaces:

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Idb5wYAiPzw[/youtube]

[youtube]https://youtu.be/nwSqWqHFjqs[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Dz2QmHzkjYc[/youtube]

Que faut-il penser des sujets proposés en métropole à l’EAF 2016 ?

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    En série L, le sujet portant sur les réécritures et le mythe d’Œdipe n’est certes pas inattendu mais s’avère intéressant et propose à la fois des textes (Voltaire, De Hérédia, Samain, Cocteau) et des exercices conformes au niveau d’étude. On peut donc le considérer comme un « bon sujet ». cf pour lecture du sujet intégral :

http://www.site-magister.com/sujetLnat.pdf

    En série STMG, on peut se féliciter de découvrir un sujet à la fois attractif et intéressant, qui comporte un effort d’imagination et qui s’adapte bien aux exigences et attentes de la série puisque construit sur la représentation de la technologie et des inventions dans la littérature. cf pour lecture du sujet :

http://www.site-magister.com/sujetSTnat.pdf

    En revanche, en séries S et ES, nous ne pouvons pas en dire autant : ce sont à la fois la teneur et le niveau de ce sujet qui peuvent inquiéter… Non pas les candidats, qui ont eu droit à un sujet « facile », mais tous ceux qui considèrent l’examen du baccalauréat comme l’évaluation d’un niveau d’étude digne de ce nom.  cf pour lecture du sujet :

http://www.site-magister.com/sujetESnat.pdf

    Passons sur l’attrait, plus qu’aléatoire, pour des jeunes candidats, d’un corpus regroupant des éloges funèbres de grands écrivains… Les auteurs choisis sont également du niveau souhaité (Hugo, Zola, France, Eluard). Malheureusement, ce n’est pas le cas des exercices proposés. La question sur corpus : « Quelles sont les qualités des écrivains célébrés dans les textes du corpus ? » est digne d’un examen de fin de collège. C’est un peu comme si le sujet de Baccalauréat en mathématiques se limitait à des exercices du genre : « Quelle est la valeur de x dans l’équation suivante : 2+x=4 ? ». C’est dire ! La dissertation n’est pas plus difficile : « Les écrivains ont-ils pour mission essentielle de célébrer ce qui fait la grandeur de l’être humain ? »… Le sujet d’invention, pas davantage : « A l’occasion d’une commémoration, vous prononcez un discours élogieux à propos d’un écrivain dont vous admirez l’œuvre. »  A signaler que le registre littéraire au cœur du corpus, celui de l’éloge, est étudié en classe de seconde, et que trois des écrivains proposés sont souvent étudiés à ce même niveau, dans le cadre de l’objet d’étude sur « Le roman et la nouvelle au XIXème siècle : réalisme et naturalisme ».

    Bref, un candidat du niveau fin de troisième ou seconde peut normalement réussir cette épreuve. Qu’en déduire ? Tout simplement qu’on adapte le niveau de l’épreuve à celui des candidats dont on a constaté la baisse de niveau et de compétences et que le baccalauréat connait, de fait, une véritable dévaluation, destinée à conforter le nombre et le pourcentage de réussites en fin de Terminales, au mépris du seuil de connaissances et de maîtrise exigible pour les études post-bac. Cela va sans doute entretenir l’illusion que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes », mais c’est un procédé démagogique et indigne qui va tromper à la fois Lycéens et grand public.

   On peut enfin remarquer, si l’on effectue la comparaison avec les sujets donnés dans ces deux mêmes séries dans les centres étrangers, que ces derniers s’avéraient plus complexes, plus exigeants, mais également plus respectueux du niveau présumé de l’épreuve…

  On peut donc bien considérer qu’il y a eu un problème de « choix » de sujets lors de cette session de l’EAF 2016…

Les sujets de l’EAF 2016 au Liban et à Washington:

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  Début juin 2016, vos camarades scolarisés au Liban et en Amérique du Nord ont été invités à « plancher » sur les sujets en lien ci-dessous, que vous pouvez consulter et même télécharger tout à loisir,  en premier ceux du Liban pour la série L, puis pour les séries S et ES:

  1. http://www.site-magister.com/sujets38.htm#ESSLib
  2. Washington : SérieL:http://www.rochambeau.org/uploaded/                                                        SériesS & ES:http://www.rochambeau.org/uploaded/

 Je vous souhaite une très bonne, très attentive et très fructueuse lecture ! Trois objets d’étude sont donc jusqu’à présent concernés. Mais notons que les séries S et ES ont travaillé deux fois (En Inde, à Washington, sur la poésie… Je dis ça, je ne dis rien… Faites vos jeux !)

Le discours impliqué de Ken Loach, lauréat de la palme d’or du Festival de Cannes:

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   Le cinéaste britannique engagé Ken Loach a trouvé une bonne tribune pour exprimer ses idéaux de justice sociale et d’humanisme lors de la cérémonie de remise des prix du Festival de Cannes. Couronné pour son magnifique plaidoyer qu’est son film « Moi, Daniel Blake », il a à la fois fustigé les dérives néo-libérales inconscientes de notre monde occidental et rappelé ce que l’extrême-droite incarne  comme abominations politiques et historiques. Il est de ceux qui ont consacré leur existence et leur art au service de la grande « Question de l’Homme » qui est à notre programme de Littérature cette année.

  Voici le texte de son intervention et quelques extraits en vidéo de sa courageuse et indispensable prise de position:

« Recevoir la Palme, c’est quelque chose d’un peu curieux car il faut se rappeler que les personnages qui ont inspiré ce film sont les pauvres de la cinquième puissance mondiale qu’est l’Angleterre…

C’est formidable de faire du cinéma, et comme on le voit ce soir c’est très important. Le cinéma fait vivre notre imagination, apporte au monde le rêve mais nous présente le vrai monde dans lequel nous vivons. Mais ce monde se trouve dans une situation dangereuse. Nous sommes au bord d’un projet d’austérité, qui est conduit par des idées que nous appelons néo-libérales qui risquent de nous mener à la catastrophe. Ces pratiques néo-libérales ont entraîné dans la misère des millions de personnes, de la Grèce au Portugal, avec une petite minorité qui s’enrichit de manière honteuse. Le cinéma est porteur de nombreuses traditions, l’une d’entre elles est de présenter un cinéma de protestation, un cinéma qui met en avant le peuple contre les puissants, j’espère que cette tradition va se maintiendra.

Nous approchons de périodes de désespoir, dont l’extrême-droite peut profiter. Certains d’entre nous sont assez âgés pour se rappeler ce que ça a pu donner… Donc nous devons dire qu’autre chose est possible. Un autre monde est possible et nécessaire. »

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x4c1d45_palme-d-or-ken-loach-il-faut-dire-qu-un-autre-monde-est-possible-et-meme-necessaire-cannes-2016-cana_shortfilms[/dailymotion]

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x4c5v62_festival-de-cannes-une-palme-tres-politique-pour-ken-loach_news[/dailymotion]

Consultez les sujets d’écrit proposés au Lycée Français de Pondichéry pour l’EAF:

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  Fin avril 2016, vos camarades scolarisés au Lycée Français de Pondichéry et en Inde ont été invités à « plancher » sur l’objet d’étude Ecriture poétique et quête du sens, du Moyen-Age à nos jours. (Eh oui !)

  Vous pouvez consulter et même télécharger tout à loisir ces sujets,  le premier pour les séries S et ES, le second pour la série L, en suivant les liens proposés ci-dessous:

  1. Sujet des séries S et ES: http://www.lfpondichery.net/web/images/EAF-S%C3%A9ries_ES-S_BCG.pdf
  2. Sujet de la série L: http://www.lfpondichery.net/web/images/EAF-S%C3%A9rie_L_BCG.pdf

 Je vous souhaite une très bonne, très attentive et très fructueuse lecture !

Vincent Macaigne signe une adaptation audacieuse du Dom Juan de Molière

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Le comédien et metteur en scène Vincent Macaigne signe une relecture sulfureuse de la pièce de Molière, sous la forme d’un road movie trash et sombre. Serge Bagdassarian compose un Sganarelle déchiré entre l’amour et la haine qui l’attachent à Dom Juan, faux jouisseur et vrai désespéré, remarquablement interprété par Loïc Corbery.

Extérieur, jour. Dom Juan et son valet Sganarelle traînent le cadavre d’un prêtre à travers la campagne, puis l’enterrent. Intérieur, nuit. Dans un hôtel parisien, Dom Juan, corps nu tatoué de slogans nihilistes, déambule avec lassitude dans l’orgie qu’il a organisée. Survient Elvire, éplorée, qui lui demande des comptes…

                                                        Âmes damnées
Difficile d’imaginer versions plus dissemblables du Dom Juan de Molière que ce film de Vincent Macaigne et la mise en scène de Jean-Pierre Vincent, présentée à la Comédie-Française. Le premier est l’adaptation libre de la seconde, et leur distribution est la même. Bousculeur patenté des grands textes du répertoire, le jeune cinéaste/comédien/metteur en scène transpose la pièce dans le monde d’aujourd’hui sous forme de road movie trash et sombre. Une grande partie du texte de Molière a été coupée, pour n’en conserver que la trame. Elle donne lieu à une suite de tableaux spectaculaires, parfois d’une somptueuse beauté, resserrée sur le duo sulfureux. Serge Bagdassarian compose un Sganarelle déchiré entre l’amour et la haine qui l’attachent à Dom Juan, faux jouisseur et vrai désespéré, remarquablement interprété par Loïc Corbery. Au bout de leur chemin de sexe et de violence demeure la compassion pour ces deux âmes damnées.

A noter que Vincent Macaigne a connu des problèmes avec la chaîne de télévision qui a malheureusement censuré son oeuvre. Il est toujours dommageable qu’un créatuer soit censuré et la chaîne montre là un bien triste exemple. Arte a en effet censuré plusieurs scènes jugées trop provocatrices pour son public. Dont une dans laquelle Dom Juan droguait des filles à moitié nues qui semblaient y prendre beaucoup de plaisir. « Le temps amidonne les auteurs, regrette Macaigne. On a oublié à quel point Shakespeare ou Molière étaient punks pour leur époque. »  On se souvient  d’ailleurs avec émotion et jubilation de l’époustouflante et très libre adaptation de Hamlet du dramaturge anglais au théâtre, sous le titre significatif Au moins j’aurai laissé un beau cadavre… Cette version de Dom Juan, que je vous propose de visionner va assurément « décoiffer » votre perception de la pièce de Molière, sans pour autant en dénaturer le moins du monde le sens ni le message…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=LqAGAVes5Gk[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=OrC_MLsDiqk[/youtube]

HK & les Saltimbanks – Ce soir nous irons au bal.

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[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=8oTh-WTVgCU[/youtube]

Un joli pied de nez à l’obscurantisme, à l’intolérance et à la terreur !

Un hymne à la vie et à l’être humain, dans la lignée de celui-ci:

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=S03m1FACSs0&index=24&list=PLirAibFbHw3b8Sma3V_o5sfm56bKHGc4k&nohtml5=False[/youtube]

Voir aussi le site de ce groupe chti ! cf http://www.saltimbanks.fr/index.html

Un documentaire de salut public: « Bassin miné ».

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  Dans ce précieux documentaire, Edouard Mills-Affif parachève un travail d’auscultation entrepris dès 2003 sur l’évolution de la vie politique dans cette ville d’Hénin-Beaumont qui est devenue une proie idéale pour le Front National.

  Bassin miné est un film de décryptage, qui jette un regard lucide sur dix ans de percée de l’extrême droite dans le bassin minier. Sans complaisance vis-à-vis du Front national, mais également à l’égard des socialistes du Pas-de-Calais, qui ont perdu le nord, et des médias nationaux qui, à Hénin-Beaumont plus qu’ailleurs, se sont laissés prendre dans les filets de la stratégie de «dédiabolisation» du FN.

  Un documentaire pour comprendre les ressorts d’une conquête lourde de conséquences et dévoiler la face cachée de la bataille de l’image, noyau dur de la stratégie frontiste. Un film qui n’apporte pas de réponses toutes faites, mais qui pose les questions brûlantes et donne les clés pour identifier les leviers de la reconquête. Un outil de débat, de mise en garde également contre les dangers des échéances à venir. Il y a dans les conversations qui ont été captées certains éléments qui font froid dans le dos…

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x1cm26l_bande-annonce-bassin-mine_news[/dailymotion]

cf aussi: https://www.facebook.com/bassinmine, le site du documentaire.

KURDISTAN INDEPENDANT, REVE OU REALITE ?

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 Je vous invite à visionner ce documentaire remarquable, réalisé par Halil Gülbeyaz, diffusé sur Arte le 22 février dernier et qui permet de bien comprendre ce que vit ce peuple d’une quarantaine de millions d’âmes, répartis dans quatre pays, Turquie, Irak, Iran, Syrie, avec un statut de minorité variable, république autonome en Irak, plus ou moins opprimés dans les trois autres états. Or, les kurdes sont les seuls véritables combattants au sol contre Daesh, et sont en phase de reconquête repoussant les forces de l’Etat Islamique sur tous les fronts. De ce fait, les mondes arabe et occidental sont redevables à ce peuple courageux qui a eu l’intelligence d’unir ses forces pour combattre le pseudo état terroriste. Aujourd’hui, qui pourrait raisonnablement leur dénier le droit à un état légitime, dans les contrées où ils résident ? 

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=o4sSXkrINVI[/youtube]

  En ce jour dédié aux Droits de la Femme, je ne peux qu’ajouter à cette page le très beau documentaire de Mylène Sauloy diffusé ce 8 mars sur Arte, Kurdistan, la guerre des filles, hommage à ces jeunes filles et femmes en lutte contre DAECH et l’intolérance. Un document, une fois encore, exemplaire !

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=WWdnAW83KTA[/youtube]

Rubrique « Placere et docere », suggestion de lecture !

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   Quelle est la nature du roman ? Un essai de Pierre Bourgeade, étudié en cours, nous pose la question, en nous proposant tour à tour diverses réponses: « La nature du roman est inconnue », « l’absence », « l’infini », « le sexe », « une femme rousse », « la guerre entre le désir et la mémoire », « l’impossible ».

  Un livre récent propose une belle illustration de ces éléments de réponse, un petit roman d’à peine 212 pages, publié au Livre de Poche et rédigé par l’écrivain italien Donato Carrisi, plus connu pour ses magnifiques romans policiers. Son titre ? Il rappelle celui de certains romans-feuilletons du XIXème siècle: La femme aux fleurs de papier. Très vite, le lecteur se laisse emporter et se rend compte, en fait, qu’il s’agit d’un formidable « récit à tiroirs », qui rappelle le très beau roman d’un autre écrivain italien, Océan Mer d’Alessandro Baricco. Ce récit nous livre une métaphore du jeu qui se crée entre le romancier, le narrateur et ceux qui le lisent ou l’écoutent… L’écriture en est nerveuse et imaginative, très stimulante, rappelant celle d’un grand romancier espagnol, Carlos Ruiz Zafon. On se divertit beaucoup et l’esprit est sans cesse mis en éveil. A chaque page on y comprend ce que suggérait le narrateur du Temps retrouvé de Marcel Proust, que « chaque lecteur est quand il lit, le propre lecteur de soi-même. »

  Pour préserver les délices de la lecture, je n’en dirai pas davantage sur l’intrigue, si ce n’est qu’on y apprend qu’un personnage peut avoir pour seule raison d’être de « pimenter les histoires » et qu’elle vous sera utile également pour enrichir votre réflexion sur l’objet d’étude « La question de l’Homme »

Roman_Carrisi

Roman_Carrisi_verso 

 

(Cliquez pour agrandir)    

Je vous souhaite un très agréable voyage !

Un peu d’air, de poésie: un inédit de Gérard Manset…

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Manset

Un inédit de Gérard Manset est toujours un événement. celui-ci, intitulé « Rimbaud plus ne sera » tire son origine d’une réflexion désenchantée de l’écrivain-peintre-poète et chanteur, évoquée dans une interview accordée aux Echos:

Les Echos : D’où vient ce titre, « Rimbaud plus ne sera » et quelle en est l’inspiration ?

Gérard Manset : Cela fait partie des allitérations ou des surprises qui quelquefois ne veulent pas dire plus mais qui s’imposent, à la tournure née de l’instinctif. Et en réalité Rimbaud veut dire plutôt le Roméo des galanteries perdues d’un siècle qui veut tout dire, tout expliquer, et en réalité par ce désenchantement amène à des relations stériles. Les jeunes filles maquillées, celles qui mâchent du chewing-gum, se croient des reines à la sortie des BEP et fument sur les trottoirs, vulgaires, mal éduquées par des parents qui ne savent plus lire et se veulent modernes.

Les Echos : Ecrit quand ?

G.M : Cela remonte à quelques années, l’album Manitoba, ou encore en amont ? Obok ? Je ne sais, j’en ai beaucoup, de ces repentirs ou de ces essais multipliés par les relectures et les hésitations, un jour blanc un jour noir, un jour peut-être et un jour gris, le lendemain ensoleillé.

Les Echos : Pourquoi aujourd’hui ?

G.M : Pour la pertinence décalée de ce qui va disparaître, car Rimbaud ou Verlaine bientôt reclus dans les bibliothèques destinées aux censeurs, à la paléontologie de l’écrit.

Un extrait de cet inédit dans ce petit fichier-son de France-Inter (lien ci-dessous), suivi d’un clip et des paroles de ce nouveau titre.

http://<iframe src= »http://www.franceinter.fr/player/export-reecouter?content=1179477″ width= »481″ frameborder= »0″ scrolling= »no » height= »137″></iframe>

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Kd5V9PLHVPY[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=WEWGM0cBQmM[/youtube]

Les images sont extraites du film muet de Fritz Lang, l’immense cinéaste allemand, Les Nibelungen, réalisé en 1924 et évoquant, entre autres, la mort du héros Siegfried.

Rimbaud plus ne sera

Pourquoi veux-tu que moi

Aille changer le monde

Je me réveille en somme

De ce long songe

Contre un carreau brisé

Tout au fond du passage

Ces deux-là s’aimaient

Il la tenait serrée

Lui mâchait le visage

Il la consolait

De n’être pas une autre

Contre un carreau brisé

Tout au fond du passage

Ces deux-là s’aimaient

Comme on peut se blesser

La main sous le lainage

Il la caressait

Rimbaud plus ne sera

Peut-être plus personne

Flambeau ne reprendra

Comme bête de somme

Pourquoi veux-tu que moi

Aille changer le monde

Je me réveille en somme

De ce long songe

Et le matin suivant

Il faisait jour à peine

Ils se sont enfuis

Par le bord de la Seine

Il faisait nuit

Mais le jour s’est levé

Tout au bout du couloir

Il la tenait serrée

Sur le parquet de chêne

L’un à l’autre collés

Ils se sont aimés

Printemps ne reviendra

Peut-être plus jamais

Peut-être plus personne, ne le verra

Pourquoi veux-tu que moi

Aille changer le monde

Lui disait-il encore

Et tant d’autres choses

Rimbaud plus ne sera

Peut-être plus jamais

Peut-être plus personne

Ne le verra jamais

Rimbaud plus ne sera

Peut-être plus personne

Flambeau ne reprendra

Comme bête de somme

Printemps ne reviendra

Peut-être plus jamais

Ni Roméo non plus

Et Juliette jamais, et Juliette non plus

 En bonus, la version 2014 de Genre humain superbe chanson sur les cruelles réalités de nos temps modernes. Question de l’Homme, Genre humain, parole au poète:

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=TMXfwYSvv04[/youtube]

Contre la réforme de l’orthographe !

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Je vous invite à lire ce bel article aussi pétillant qu’ironique de Jean-Paul Brighelli qui fustige dans Le Point du 4/02/2016 cette réforme affligeante imposée par la Ministre de l’Education Nationale…

La bonne ortograf du ministère de l’Éducation

L’accent circonflexe vit ses derniers jours et les enfants n’auront plus une « maîtresse » mais une « maitresse » – c’est moins chic –, « nénuphar » s’orthographiera désormais « nénufar » et « oignon » sera « ognon ». Sans tenir compte que le « i » devant « gn » n’est pas étymologique, mais marque la mouillure du « gn » pour le différencier de celui d’« agnostique », par exemple. Que les enfants finiront par prononcer « agniostique » – par contamination. Et « pognard » à la place de « poignard » – parce que parfois la prononciation a suivi l’orthographe, au mépris de l’étymologie. Sans doute allons-nous rectifier le nom dePhilippe de Champaigne – champagne pour tout le monde !

Le poids  du  ministere

Les propositions remontent en fait à 1990. L’Académie française avait donné cette année-là quelques conseils qui n’avaient pas forcément valeur de contrainte – ainsi, « événement »  (deux accents aigus en français traditionnel) peut désormais s’écrire, conformément à la prononciation, « évènement ».

La nouveauté, c’est le diktat du ministère sur les éditeurs, qui pourront à la rentrée prochaine orner leurs manuels d’un joli logo « Conforme à la nouvelle orthographe » sur des manuels dont le contenu sera, lui aussi, rénové. Dans un monde où le fromage et la crème fraîche (pardon : fraiche) sont allégés, le reste doit suivre.

Qu’une instance administrative donne ainsi son certificat de conformité est étrange – à moins de supposer qu’en transformant la langue Mme Vallaud-Belkacem espère changer aussi les êtres. AU Vème siècle, un tyran de Syracuse avait interdit l’usage du mot « démocratie », espérant qu’en supprimant le mot il supprimerait l’idée. Un peuple qui parle ou écrit de façon minimaliste pensera aussi minimaliste – et revotera Hollande, allez savoir…
En 1905, le gouvernement envisagea de supprimer l’accord du participe passé avec le COD antéposé – une règle inventée de toutes pièces par Marot au XVIe siècle. Il y eut une volée de boucliers : les Français sont attachés à leur langue, même à ses aberrations.

« Insupportable élitisme ! » s’écrie sans doute la Rue de Grenelle, qui envisage probablement sereinement de valider un de ces jours le langage SMS…

L’invention de l’eau tiède

Les premières réformes d’envergure proposées remontent à Jacques Peletier du Mans, dans son Dialogue de l’orthografe e Prononciacion francaese – en 1555. Nous sortions à peine des guerres d’Italie, nous leur avions piqué l’habillement, la tomate et le baiser avec langue en bouche (si !), pourquoi ne pas leur emprunter leur orthographe conforme à la prononciation ? « Je vien meintenant au second point que j’avoé antrepris a soudre, qui ét l’Etimologie », écrit le grand humaniste.

Ça n’a pas pris. Certes, la langue n’a cessé de se modifier, mais nous sommes un pays centralisé où l’on a vite parlé « la langue du roy », et aucune autre : « Le bon usage, dit Vaugelas, est la façon de parler de la meilleure partie de la cour, conformément à la façon d’écrire de la meilleure partie des auteurs du temps. » Et de statuer qu’amour, délice et orgue seront masculins au singulier et féminins au pluriel. Une aberration – mais notre langue se nourrit d’aberrations et d’exceptions.

C’est ce centralisme que condamne aujourd’hui le ministère, qui ne désespère pas de faire parler (et écrire) à toute la France la langue de la banlieue – faute de faire écrire et parler la banlieue en bon français.

On peut opérer des réformes de détail – ainsi, « rhythme » (orthographe conforme à l’étymologie) a été simplifié en « rythme » au XIXe siècle. Mais lorsque l’Académie a voulu passer de « paon » à « pan », arguant qu’on ne saurait confondre l’animal avec un pan de mur, Leconte de Lisle s’est écrié « si vous supprimez le o du mot paon, je ne le verrai plus jamais faire la roue » – et on en resta là.

D’autant que cette réforme est encore une demi-mesure. On supprime l’accent circonflexe sur u, i, o, mais pas sur le e. Bonne chance aux futurs apprenants !

On peut voguer avec son temps, décider que le h de « haricot » est désormais muet – je ne suis pas puriste à ce point. Mais vouloir changer plusieurs milliers de mots à la fois pour complaire aux néo-pédagogues qui eux-mêmes ne connaissent pas forcément bien la langue, c’est un coup de force inédit et qui fera long feu.

Du reste, il en est de ces consignes absurdes comme des nouveaux programmes du nouveau collège : les enseignants les appliqueront s’il leur plaît – et j’ai déjà dans l’idée qu’il ne leur plaît pas. Avec un circonflexe !

 A consulter aussi, l’avis cinglant de l’Académicien Jean D’Ormesson sur cette nouvelle initiative malencontreuse ! C’est édifiant !

cf http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/reforme-de-l-orthographe-je-me-demande-si-on-ne-se-fout-pas-de-nous-regrette-jean-d-ormesson-7781708326

Petite autopsie d’une dérive fatale à moyen terme…

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      Quel enseignant, de nos jours, peut s’estimer satisfait des conditions, des objectifs, qui sont celles de son enseignement, de l’efficience réelle de sa profession ? Où nous ont conduits ces réformes plus invraisemblables les unes que les autres, et surtout, la destruction du « sanctuaire » qu’était le milieu éducatif, pour en faire un marécage exposé à tous les modèles néfastes et si peu humanistes de notre société mercantile ?

   Le philosophe et psychanalyste franco-argentin Miguel Benasayag a traité la question  lors des Rencontres nationales de l’education, organisées à Rennes en octobre 2012. Dans cet entretien, nous pouvons découvrir une synthèse édifiante, qui fait prendre conscience de la dérive néfaste de la gestion de l’Education en France comme en Europe, qui livre aux puissances de l’économie des consommateurs formatés, obéissant comme des moutons. A cet égard, il est préoccupant de constater que, de plus en plus, l’Ecole est gérée à l’aune d’une entreprise, et que ce beau service public est de plus en plus soumis aux modèles sans âme ni conscience du privé…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=kUHTF-WHb4A[/youtube]

  De son côté, l’acteur Albert Dupontel propose une réflexion plus simplement formulée, mais imagée, qui rejoint le propos de Miguel Benasayag pour l’essentiel:

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=BYngmg2DdmM[/youtube]

L’impact des images comme arguments en politique…

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    L’argumentation ne passe pas uniquement par l’écrit ou la parole. On connaît l’emploi du graphisme comme relais de ces supports majeurs.

   De fait, l’image, la signalétique, le dessin, l’infographie sont extrêmement fréquents dans l’argumentation militante et politique. Leur impact persuasif n’y est pas étranger. Vous trouverez ci-dessous un petit aperçu des « armes graphiques » utilisées au cours de la récente campagne électorale par les militants anti-frontistes.

  Relevez les procédés utilisés, les références produites, les allusions et appréciez ces stratégies argumentatives. Classez-les selon l’efficacité qu’ils vous paraissent avoir, en vous donnant les moyens de justifier votre choix. Précisez ce qui vous semble judicieux ou au contraire contestable dans les procédés ou symboles utilisés.

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BLEU FETIDE…

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  Aux urnes, Citoyennes et Citoyens…

  Ils y sont allés… ou pas ! Ils ont suivi leur conscience, leurs convictions, parfois leur colère, leurs sentiments, leurs émotions.  Comment peut-on leur en vouloir ? Ils ont fait un choix, pris leurs (ir)responsabilités, braves gens qui se sont laissés mener… Si l’on doit en vouloir à quelqu’un, c’est à ces candidats qui les ont trompés ou laissés indifférents, mais pas à eux.

  Qu’en a-t-il résulté ? L’émergence d’un bleu que je n’aurais jamais pensé voir surgir, moi qui affectionne tant cette couleur…

  Moi qui aime tant le bleu Klein, (tel l’échantillon ci-joint),

Bleu Klein

j’ai assisté à la sournoise instrumentalisation de la couleur et de l’adjectif « marine »… Désormais je ne parlerai plus jamais de « mer » mais d’ « océan »… Il est des mots qui sont salis de façon irréversible.

  Je viens de voir émerger un bleu qui bave et dégueule toutes les belles valeurs de l’humanisme et de la République, un bleu haineux, un bleu odieux, un bleu qui hurle et vocifère, un bleu qui croasse, un bleu qui fait rougir de honte la voyelle « O » d’Arthur Rimbaud, un bleu nauséabond, prostitué, un bleu fétide… Le bleu des anathèmes, des blasphèmes et des ségrégations, un bleu qui vomit l’autre, le différent, un bleu qui refuse le vœu chrétien d’aimer son prochain…

  Certains nous avaient déjà confisqué le vocable « républicains », et les récents gouvernements de notre pays sentaient certes le rance et la basse cuisine, c’est indéniable. Mais voici que désormais la première couleur du drapeau est à son tour récupérée et pervertie. Nous vivons désormais dans un pays en deuil, beaucoup d’électeurs se sont avancés dans la nasse et le mécanisme du piège est prêt à se refermer pour étouffer ses proies : le bleu est désormais une couleur en berne et des relents délétères nous remontent tragiquement des égouts du passé…

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Fils de France (la nation des droits de l’Homme, de la tolérance…)

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Pour conjurer les affres de l’automne, je vous propose trois textes et trois clips de saison:

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=GPj1ozBHKPM[/youtube]

Damien SAEZ chante Fils de France

J’ai vu, les larmes aux yeux, et les nouvelles ce matin 
20% pour l’horreur, 20% pour la peur. 
Ivre d’inconscience, tous Fils de France. 
Au pays des lumières, amnésie suicidaire. 
Non Non Non Non. 

Nous sommes, nous sommes 
La Nation des Droits de l’Homme. 
Nous sommes, nous sommes 
La Nation de la Tolérance. 
Nous sommes, nous sommes 
La Nation des Lumières. 
Nous sommes, nous sommes 
à  l’heure de la Résistance. 

Pour les rêves qu’on a fait, et pour ceux qu’on fera. 
Pour le poing qu’on a levé, pour celui qu’on lèvera. 
Pour un idéal, pour une utopie. 
Allons marchons ensemble enfants de la Patrie. 

Fils de France ! 
ça, pour baisser la tête, Ah oui, ça t’aime bien les minutes de silence 
Fils de France ! 
C’était à  peine hier, et déjà  tu brandis le drapeau de l’ignorance 
Fils de France ! 
Nous n’oublierons jamais que nous sommes et seront les fils de la Résistance. 
Fils de France ! 
Au royaume des aveugles tu sais bien ce qu’on dit les borgnes sont les rois. 

Y a ces ombres derrière nous, y a ces idées vendues, 
y a ces drapeaux qui flottent et des hymnes dessus, 
et puis y a toi mon frère, Oui toi qui n’y croit plus 
et puis y a nos prières et nos causes perdues. 

Honte a notre pays, honte à  notre Patrie, 
Honte à  nous la jeunesse, honte à  la tyrannie, 
Honte à  notre pays, revoilà  l’ennemi, 
Allons marchons ensemble enfants de la Patrie. 

Nous sommes, nous sommes 
La Nation des Droits de l’Homme. 
Nous sommes, nous sommes 
La Nation de la Tolerance. 
Nous sommes, nous sommes 
La Nation des Lumières. 
Nous sommes, nous sommes 
à  l’heure de la Résistance. 

Nous sommes, nous sommes 
La Nation des Droits de l’Homme. 
Nous sommes, nous sommes 
La Nation de la Différence. 
Nous sommes, nous sommes 
La Nation des Lumières. 
Nous sommes, nous sommes 
à  l’heure de la Résistance

Nous sommes, nous sommes  La Nation des Lumières. 
Nous sommes, nous sommes  à  l’heure de la Résistance !

Manau chante L’avenir est un long passé

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=KhHwdFeyt_A[/youtube]

Une pupille noire entourée de blanc. 
Le visage fatigué braqué sur un lieutenant. 
L´ordre sera donné dans quelques instants. 
Deuxième assaut de la journée et Marcel attend. 
Il a placé au bout de son fusil une baïonnette 
pour lutter contre une mitrailleuse de calibre 12.7. 
Près de sa tranchée, placés à 20 ou 30 mètres, 
la guerre des bouchers, nous sommes en 1917. 
Tant de journées qu´il est là!  
A voir tomber des âmes. 
Tant de journées déjà passées sur le chemin des dames. 
Marcel sent que la fin a sonné. 
Au fond de sa tranchée, ses mains se sont mises à trembler. 
L´odeur de la mort se fait sentir, 
il n´y aura pas de corps à corps, il sent qu´il va bientôt mourir. 
Comment un homme peut-il accepter d´aller au combat? 
Et quand il sent au fond de lui qu´il ne reviendra pas. 
L´homme est-il un animal ? 
Comme à cette époque le mal est déjà caporal. 
La main du lieutenant doucement vers le ciel s´est levée. 
La suite, l´avenir est un long passé. 

Une pupille noire entourée de blanc. 
Le visage ciré, son regard est terrifiant. 
Placés à quelques pas de là, des allemands. 
1944 Jean-Marc est un résistant. 
Il a eu pour mission de faire sauter un chemin de fer. 
Lui qui n´est pas homme d´action est devenu maître de guerre. 
Après le cyclone qui frappa sa mère et son père d´une étoile jaune, 
idée venue droit de l´enfer. 
Tant d´années passées à prendre la fuite. 
Tant de journées consacrées à lutter contre l´antisémite. 
Jean-Marc sait qu´il n´a plus de recours. 

Le câble qu´il a placé pour faire sauter le train est bien trop court.
La mort se fait sentir, mais il n´a pas de remords, comment le définir? 
C´est la nature de l´homme qui l´a poussé à être comme ça. 
Se sacrifier pour une idée, je crois qu´on ne résiste pas. 
Le mal est maintenant général, 
de toutes les forces armées occultes de la mauvaise époque de l´Allemagne. 
Au loin le train s´approche et l´on peut distinguer sa fumée. 
La suite, l´avenir est un long passé. 

Une pupille noire entourée de blanc. 
C´est ce que je peux voir devant la glace à présent. 
Je viens de me lever, il y a quelques instants. 
C´est difficile à dire à fond ce que je ressens. 
Après la nuit que j´ai passé, dur à été mon réveil. 
A tout ce que j´ai pu penser avant de trouver le sommeil. 
A toutes ces idées qui m´ont causé que des problèmes. 
La réalité et toutes ces images de haine. 
Tant d´années passées à essayer d´oublier. 
Tant de journées cumulées et doucement il s´est installé. 
Je me suis posé ce matin la question. 
Est ce que tout recommence, avons-nous perdu la raison 
car j´ai vu le mal qui doucement s´installe sans aucune morale. 
Passer à la télé pour lui est devenu normal. 
Comme à chaque fois avec un nouveau nom. 
Après le nom d´Hitler, j´ai entendu le nom du Front. 
Et si l´avenir est un long passé, 
je vous demande maintenant ce que vous en pensez? 
Comme Marcel et Jean-Marc ma vie est-elle tracée? 
La suite, l´avenir est-il un long passé? 

Je vous demande ce que vous en pensez. 
Verrai-je un jour le mal à l´Elysée. 
La France est-elle en train de s´enliser ? 
L´avenir est-il un long passé?

La France est-elle en train de s´enliser ? L´avenir est-il un long passé?

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=3oibQ3Ibf9Y[/youtube]

HK & les Saltimbanks chantent Sur la même longueur d’ondes

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=B8rw7t1fBQA[/youtube]

Je veux sentir nos âmes sur la même longueur d’ondes 
positives et rebelles, nomades et vagabondes. 
Ce soir, la lune est pleine, les étoiles sont fécondes ; 
faisons attendre le ciel quelques milliards de secondes. 

Tous les chemins que nous avons suivis, 
tous nos détours nous ont menés ici, 
Ici ensemble et maintenant, 
tout devient tellement plus évident. 
Dans le froid nous nous sommes perdus. 
Dans le froid nous nous sommes cherchés. 
Dans le froid nous avons cru 
que jamais-oh-jamais nous ne pourrions y arriver. 
Soyons de ceux qui pensent encore 
qu’il y a bien une vie avant la mort. 
Si elle était là, juste dans nos yeux 
ne demandant qu’à briller de mille feux. 
Et quitte à nous bruler les ailes, 
si nous nous embrasions avec elle, 
si nous la laissions nous emporter, 
loin des vents mauvais 

Je veux sentir nos âmes sur la même longueur d’ondes 
positives et rebelles, nomades et vagabondes. 
Ce soir, la lune est pleine, les étoiles sont fécondes ; 
faisons attendre le ciel quelques milliards de secondes. 

D’une seule chose soyons coupables, 
d’avoir osé, nous et nos semblables 
ouvrir nos cœurs, nos corps et nos êtres 
à tous ces improbables peut-être. 
Toutes ces choses inaccessibles, 
pour qui ne croit pas en l’impossible, 
si elles étaient là, juste sous nos pieds, 
si nous n’avions qu’à les ramasser. 
Comme ceux-là qui ont écrit notre histoire, 
ces âmes rebelles en nos mémoires 
au pied du mur qu’ils ont bâti 
saurons-nous relever le défi ? 
Saurons-nous enfin nous reconnaître ? 
Saurons-nous enfin nous reconnecter ? 

Sommes-nous sur la même longueur d’ondes, 
Positives et vagabondes ? 

Je veux sentir nos âmes sur la même longueur d’ondes 
positives et rebelles, nomades et vagabondes. 
Ce soir, la lune est pleine, les étoiles sont fécondes ; 
faisons attendre le ciel quelques milliards de secondes. 

Je veux sentir nos âmes sur la même longueur d’ondes 
positives et rebelles, nomades et vagabondes. 
Ce soir, la lune est pleine, les étoiles sont fécondes ; 
faisons attendre le ciel quelques milliards de secondes. 

Avant qu’aujourd’hui ne s’achève, 
avant que demain ne nous enlève, 
profitons de ce voyage sans retour. 
Demain peut bien attendre encore un jour. 
Nos voix, nos rêves à l’unisson, 
nos sourires, nos larmes, nos frissons 
ici le temps ne nous est pas compté 
en cet instant d’éternité. 

Je veux sentir nos âmes sur la même longueur d’ondes 
positives et rebelles, nomades et vagabondes. 
Ce soir, la lune est pleine, les étoiles sont fécondes ; 
faisons attendre le ciel quelques milliards de secondes. 

Je veux sentir nos âmes sur la même longueur d’ondes 
positives et rebelles, nomades et vagabondes. 
Ce soir, la lune est pleine, les étoiles sont fécondes ; 
faisons attendre le ciel quelques milliards de secondes. 

Je veux sentir nos âmes sur la même longueur d’ondes 
positives et rebelles, nomades et vagabondes. 
Ce soir, la lune est pleine, les étoiles sont fécondes ; 
faisons attendre le ciel quelques milliards de secondes. 

Je veux sentir nos âmes sur la même longueur d’ondes 
positives et rebelles, nomades et vagabondes. 
Ce soir, la lune est pleine, les étoiles sont fécondes ; 
faisons attendre le ciel quelques milliards de secondes.

Je veux sentir nos âmes sur la même longueur d’ondes 
positives et rebelles, nomades et vagabondes !

Jacques Bertin pour « Passer l’hiver »…

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  Il est des moments où vacille la lumière des jours, où le frêle équilibre du monde menace de rompre, où le choix du pire emporte par bourrasques de braves gens exaspérés… Il est des jours où « ceux qui se font les complices des corbeaux, / Ceux qui possèdent la parole et qui la vendent,  […] / Ceux qui mettent des fleurs à vos chaînes, ceux qui vous flattent » 1 parviennent sournoisement à leurs fins. 

  Il est bon, dans ces instants de cruelle amertume, de se retremper dans le cours limpide et sain, l’onde poétique et humaniste des poètes, et j’ai choisi tout particulièrement en cette veille électorale la voix de Jacques Bertin, dont je sais qu’elle peut nous aider à « passer l’hiver » et ses « froides ténèbres » qui nous guettent…

Quand recevrons-nous des renforts, mon âme ?

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=15lWLnoblRI&index=121&list=PLF39DA8A30011588B[/youtube]

Quand recevrons-nous des renforts, mon âme ?
Souviens-toi du son des fifres, soudain si beau
Quand la colonne déboucha de la grande ombre des grands arbres
Les hommes s’embrassaient comme des fous et lançaient leurs chapeaux

Crois-tu que les renforts viendront ? Tu te souviens de l’embuscade
Où nous avons perdu du monde et nous sauvâmes nos drapeaux
Un messager aura passé un billet par la palissade
La nuit de la vie est si longue et dure à l’âme le manteau

Manteau de pluies gris et pesant et sale aussi manteau des peines
Recevrons-nous enfin un signe à travers les lignes, là-bas ?
Un signal, une infime lueur de l’infini où l’amour mène
Reste-t-il un peu d’eau, mon âme, pour la soif ? Ne faiblis pas !

Les renforts n’arriveront pas et nous fûmes si seuls au monde
Cette nuit-là quand soudain le son des fifres et des tambours,
Au moment qu’on allait lâcher, fit vibrer le ciel comme une onde
Tu te souviendras de cela, mon âme, et tiendras jusqu’au jour

Les traces des combats

Si la trahison des sources
Si l’embâcle de nos mains
Si la foi en fin de course
Si les charrois du chagrin

Si l’absence à la fenêtre
Si le mensonge des bras
Si la lassitude d’être
Si le bal finissait là

Si la vie ici s’arrête
Si tu ne revenais pas
Si la femme n’est pas prête
Si le convoi qui s’en va

Si le sauveteur qui flanche
Si l’amour t’arrache un bras
Si la blessure pas franche
Si le bras mort, le ciel bas

Les mots lâches, la vie veule
La valise vidée là
Les pleurs jetés sous la meule
Notre passé mis à bas

Si les fausses espérances
Si le train qui m’emporta
La brûlure de la lance
Si les traces des combats

En pleine voie on s’arrête
Si la mort nous prenait là
Si l’infirmière distraite
L’officier qui trahira

Si tout s’écroule à mesure
Si tout se vaut, tout s’en va
Si rien de l’amour perdure
Si tout ce qu’on avait là

À quoi bon la bonté même
Si le monde est ce qu’il est
Si l’on humilie qui aime
Si laid, si cruel, si laid ?

Carnet

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=9LNQLQSc5LY[/youtube]

Il y a beaucoup de morts dans le journal d’hier
Et beaucoup de misère mais partout
Beaucoup de gens qui restent indifférents
Le lendemain tout semble déjà moins grave

Je ne voudrais pas que tu vieillisses trop vite
Avant que nous ayons eu le temps de nous arrêter
Et de nous dire : nous sommes heureux
Que nous nous regardions encore une fois
Dans le miroir amoureux des sourires
Que je te trouve belle encore une fois
Je veux encore du temps pour offrir
Ton corps aux regards de passage
Gens de passage prenez cette femme
Possédez-la un jour elle ne sera plus rien
Montre-toi nue danse pour eux
Possédez-la qu’elle demeure
Et demeure l’empreinte de ses doigts dans le sol

Je sens maintenant que tout va un peu plus vite
Pourtant nous avons juste trente ans
Je m’arrête et je te regarde
Ai-je assez profité de toi ?
J’arrête le monde et je regarde
Car il est plus que temps aujourd’hui de vivre
Je cherche à écrire de plus en plus simplement
Je me préoccupe moins des rimes et des rythmes
Car il est plus que temps aujourd’hui de vivre
De repousser la porte que quelqu’un ferme sur nous inéluctablement

Dans le journal d’hier beaucoup de morts
Et puis partout beaucoup de gens indifférents
Nous sommes peu nombreux à veiller
Nous tenons la lampe allumée
Nous repoussons de toutes nos forces le sommeil
Et la lampe nous fait les yeux brillants

Nous tenons la lampe allumée
Nous ne vieillissons pas

     Il est effectivement urgent que nous devenions des « guetteurs », et que dans la nuit qui vient, menaçante, nous tenions la lampe allumée. Telle est notre mission ! Nous n’y faillirons pas.

Notes: Extraits du poème Ne parlez pas,  cf http://fr.lyrics.wikia.com/wiki/Jacques_Bertin/Ne_parlez_pas

Lien vers les textes de Jacques Bertin: http://fr.lyrics.wikia.com/wiki/Jacques_Bertin

Michel Houellebecq s’exprime sur les attentats du 13 novembre 2015:

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   L’un des écrivains que nous avons étudié cette année vient de prendre position sur les graves événements qui ont bouleversé notre pays. Il est fatalement intéressant de relayer ses propos, selon un principe proche de celui de la chaîne Euronews, qui propose des documents dans une rubrique intitulée « No comment ».  Sans commentaire, donc, libre à vous de vous forger une opinion, mais ce document complète évidemment de façon utile notre approche de la question de l’Homme.

Houellebecq_corriere

Six jours après les attentats du 13 novembre, le romancier Michel Houellebecq sort de son silence. «Au lendemain des attentats du 7 janvier, j’ai passé deux jours cloué devant les chaînes d’info, sans pouvoir détourner le regard, écrit le romancier dans une tribune qu’il publie dans le quotidien italien Il Corriere della Sera.

«Au lendemain des attentats du 13 novembre, je crois ne même pas avoir allumé la télévision. Je me suis limité à appeler des amis et des connaissances qui habitent dans les quartiers touchés (et on parle de beaucoup de personnes). On s’habitue aux attentats. En 1986, Paris a été visée par une série d’attaques à la bombe, dans différents lieux publics (C’est le Hezbollah libanais, qui je crois à l’époque avait revendiqué les attentats).»

Si, en guise de préambule l’auteur de Soumission évoque et se remémore les différents coups portés à la France, c’est pour mieux louer le courage du peuple français:

«La France va résister. Le Français résiste, même sans étalage d’un héroïsme exceptionnel, sans même avoir besoin d’un «déclic» collectif de fierté nationale».

En revanche, l’écrivain blâme haut et fort la classe politique à qui incombe, selon lui, la responsabilité du contexte actuel:

«La situation déplorable dans laquelle nous nous trouvons est due à des responsabilités politiques, et ces responsabilités politiques devront, tôt ou tard, être passées au crible. Il est très improbable que l’insignifiant opportuniste qui occupe le fauteuil de chef de l’État, tout comme l’attardé congénital qui occupe la fonction de Premier ministre, sans mentionner les «ténors de l’opposition» (LOL), sortent avec les honneurs de cet examen.»

Et Houellebecq d’étayer ses propos:

«Qui a décidé des coupes budgétaires dans les forces de police, jusqu’à les réduire à l’exaspération, les rendant presque incapables de mener à bien leurs fonctions? Qui a enseigné pendant de nombreuses années, que les frontières sont un non-sens à l’ancienne, symbole d’un nationalisme passé et nauséabond? Il est évident que ces responsabilités ont été largement partagées.»

Avant de conclure, péremptoire:

«La conclusion inévitable est malheureusement très grave: les gouvernements qui se sont succédé au cours des dix (Vingt? Trente?) dernières années ont lamentablement échoué, systématiquement et lourdement dans leur mission fondamentale, à savoir de protéger le peuple français confié à leur charge. On pourrait multiplier à l’infini les exemples de la fracture, aujourd’hui abyssale, qui subsiste entre les citoyens et ceux qui devraient les représenter. Le discrédit qui frappe aujourd’hui en France l’ensemble de la classe politique est non seulement répandu, mais aussi légitime. Il me semble que la seule solution qu’il nous reste serait celle de se diriger lentement vers l’unique forme de démocratie réelle, j’entends par là la démocratie directe.»

Petite analyse d’une rhétorique de l’apostasie.

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Vous pouvez, si vous le souhaitez, lire cet article en écoutant Baya, instrumental composé par le musicien oriental Abaji pour le documentaire de Jean-Charles Deniau, Le temps des Otages réalisé en 2008. Il vous suffit de cliquer sur le lien ci-dessous.

https://soundcloud.com/samir-almaghribi-2/abaji-baya

 Vendredi 13 novembre 2015, de lâches fanatiques ont semé la mort et la terreur auprès de victimes innocentes, un soir doux d’automne, qui débutait le week-end à Paris. Leur organisation, DAESH, a revendiqué l’attentat dans un communiqué qu’il serait intéressant de passer au crible de l’analyse de texte.

communiqué_daesh

   Il faut commencer par se débarrasser de tout syndrome fascinatoire par rapport à ce communiqué et démythifier l’ennemi, ce que sont loin de faire les médias, épris d’audience et de sensationnel.

  Tout d’abord, le niveau intellectuel dudit communiqué est assez dérisoire, dans sa forme et son contenu.

   Contrairement à ce qu’ânonnent certains medias, ce communiqué est loin d’être rédigé dans un français parfait…  Jugez-en par les lourdes erreurs syntaxiques, grammaticales,  ligne 13 « ayant divorcé la vie » au lieu de « divorcé de »,  ligne 15 « voulant humiliant » au lieu de voulant humilier »,  orthographiques « à jeter » ligne 17 au lieu de « a jeté », « ou » au lieu de « où » ligne 23, « ils ont déclenchés » ligne 32 au lieu de « déclenché », « Qu’Allah nous permettent » au pluriel ! ligne 34… Il a été rédigé par des français ou francophones qui maîtrisent médiocrement notre langue…

  Ensuite, la stratégie argumentative adoptée n’a rien de la noble conviction mais n’est autre que la plus aisée, celle de la persuasion. Ils ne visent pas à gagner les esprits, ils s’efforcent de toucher affectivement leurs cibles meurtries. Les arguments utilisés sont plutôt grossiers et parfois absurdes, dès la racine du texte : l’association initiale de l’adjectif « miséricordieux » à la revendication religieuse par exemple… Alors que durant tout ce texte, les auteurs se vantent d’actes purement criminels ! il serait bon qu’ils relisent le sens du mot miséricordieux (= qui pardonne facilement)… Si vraiment leur dieu est miséricordieux, alors il ne permet pas ce qu’ils ont commis ! Et il n’accepterait pas comme il est écrit lignes 29 et 30, d’être loué pour avoir autorisé des actes aussi barbares. De même, on imagine mal « Allah miséricordieux » « bénir » (titre) cette attaque ! Comme l’a si bien dit, dimanche 15 novembre, le Pape François, ces écrits de Daesh relèvent du blasphème par rapport à leur propre religion, pourtant brandie comme un étendard… De là à considérer qu’ils sont en fait eux-mêmes apostats, il n’y a pas loin.

  Ils opèrent également un détournement de la sourate du Coran qu’ils citent au début,

http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/59.html,

en l’extrayant de son contexte et en l’instrumentalisant à leur cause, comme l’a très bien montré le spécialiste du Coran Rachid Benzine qui observait : « C’est la première fois que je le vois sortir comme ça, de cette manière-là. On n’a pas l’habitude de l’utiliser. Je pense que les membres de Daesh ont vu la crainte que la société ressent. Ils viennent chercher un verset qui répond à leur volonté de créer la peur aujourd’hui. Ce verset est parlant. On est au 7e siècle dans la société de Mohammed. C’est un verset qui traduit un contexte politique d’expulsion. Les gens ne sont pas tués ici. On est à Medine. Il s’agit de l’expulsion d’une tribu juive appelée Banu Nadir au motif de trahison politique tribale. Rien de plus. Il ne s’agit pas du tout d’une tuerie. La tribu juive a trahi le pacte qu’elle avait avec Mohammed. On n’est pas dans le religieux. Mais il est utilisé comme tel par Daesh aujourd’hui. C’est une prédation du texte. Si vous introduisez la divinité, c’est de l’idéologisation. Ce verset est instrumentalisé par Daesh, c’est une lecture idéologique. On est dans un processus d’idéologisation du discours. Le Coran n’est pas programmatique. C‘est eux qui le rendent programmatique dans la manière dont ils l’utilisent. Il y a une manipulation du texte. C’est un processus classique de la délocalisation de la réalité de la société de Mohammed. De l’imaginaire. »

  Nous trouvons également d’autres procédés grossiers comme les rappels à l’antagonisme historique médiéval, le temps des « croisades », les français étant assimilés à des « croisés » lignes 18 et 28, Paris portant « la bannière de la Croix » lignes 11/12,  « France et Allemagne deux pays croisés »  ligne 22, visant à ranimer de très vieilles lunes, et les exagérations issues de ce temps révolu, exprimées dans un lexique d’une grande puérilité, les français étant des « idolâtres », au sein d’une « fête de perversité », lignes 24 et 25, des « hypocrites », à la fin du texte, reflétant toute l’intolérance et l’approximation de ces fanatiques empêtrés dans leur tropisme pseudo-culturel. Cela relève du flagrant délit d’incohérence.

  Les invectives ont pourtant perdu de leur intensité depuis le Moyen-âge, le Président François Hollande, considéré comme un chef des « croisés », n’étant taxé que d’« imbécile de France », ligne 23, ce qu’il faut sans doute comprendre au sens étymologique de « sans pouvoir », « faible », « sans appui » plutôt qu’au sens intellectuel, mais c’est peut-être accorder trop de mérite lexical aux auteurs d’un tel texte… 

  Enfin, si le but des auteurs était de jeter l’effroi, à court terme, il a été atteint. Mais lorsque l’on constate que partout dans le monde se répercute une solidarité en « bleu, blanc, rouge », en marseillaises reprises à l’unisson, on réalise à quel point la violence commise ce vendredi 13 novembre est un aveu de faiblesse et qu’à moyen voire long terme il s’agît d’une opération néfaste pour ses commanditaires.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=IyDF6ouzw7U[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=bVj4KrBE26Q[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=rXhSyl0qg9w[/youtube]

  Il me paraît bon que les derniers mots reviennent au Mahatma Gandhi, à l’opposé de la folie des fanatiques terroristes: « La non-violence et la lâcheté s’excluent. J’imagine facilement un homme armé jusqu’aux dents mais sans le moindre courage. Le fait de posséder une arme implique une certaine peur, pour ne pas dire de la lâcheté. » Seule la honte et le déshonneur peuvent accompagner les pas de ces jihadistes dans l’Enfer qu’ils ont eux-mêmes créé…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=wEPQX6-0Bxc[/youtube]

Cliquez sur ce lien : Hommage aux victimes de la barbarie

Les Particules élémentaires – Michel Houellebecq

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Les Particules Elémentaires : pourquoi ce titre ? de quoi s’agit-il ?

  Le titre est une métaphore émanant de la terminologie de la physique quantique, reflétant l’esprit scientifique du roman, la conception d’un univers social où chaque individu se perçoit comme une particule élémentaire. A cet égard, on perçoit l’influence du naturalisme scientiste de Zola, ce qui a parfois conduit les critiques à parler de Michel Houellebecq comme d’un auteur néo-naturaliste.

  Il s’agit d’une chronique du déclin d’une civilisation, la nôtre, illustrée par l’existence plate et morose de deux demi-frères, Michel Djerzinski et Bruno Clément que l’existence va mettre en relation… Le premier est un grand chercheur en biologie, d’où le titre, qui œuvre à créer une nouvelle espèce, asexuée et immortelle, pour remplacer l’Homme… Sa vie amoureuse est un perpétuel désastre. Le second est professeur et enseigne la littérature. Il compense son mal-être par une quête vaine et désespérée du plaisir sexuel…

Extrait du Prologue :

  « Ce roman est avant tout l’histoire d’un homme, qui vécut la plus grande partie de sa vie en Europe occidentale, durant la seconde moitié du XXe siècle. Généralement seul, il fut cependant, de loin en loin, en relation avec d’autres hommes. Il vécut en des temps malheureux et troublés. […] Les sentiments d’amour, de tendresse et de fraternité humaines avaient dans une large mesure disparu ; dans leurs rapports mutuels ses contemporains faisaient le plus souvent preuve d’indifférence voire de cruauté. »

Document vidéo: Michel Houellebecq parle de son roman Les Particules élémentaires

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xepabv_michel-houellebecq-les-particules-e_creation[/dailymotion]

Bandes-annonces de la fabuleuse adaptation théâtrale du roman réalisée par Julien Gosselin

(Souvenirs, souvenirs pour ceux qui ont eu la chance d’y assister en 2014 !…)

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=kyHw0ckL_Pg[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=FEsPOFYIcA4[/youtube]

GEORGES PEREC parle de son récit « LES CHOSES »

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georges Pérec

Cliquez sur le lien pour suivre une courte vidéo (12 ‘ 07) de la célèbre émission de l’ORTF Lectures pour tousGeorges Pérec explique à Pierre Desgraupes ses intentions lors de la parution de son livre.

http://player.ina.fr/player/embed/I00005530/1/1b0bd203fbcd702f9bc9b10ac3d0fc21/460/259/1

La Grèce antique et nous – Entretien avec Jean-Pierre Vernant.

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  L’un des plus grands hellénistes contemporains nous livre les raisons de sa fascination pour la Grèce, berceau de notre civilisation, clef pour comprendre notre présent et notre futur, pour demeurer « civilisés » face à l’influence de l’acculturation matérialiste venue d’outre-Atlantique. Pourquoi la langue, les textes, les principes de la Grèce antique nous sont indispensables. Une grande voix et des repères salutaires dans notre siècle matérialiste et épris de ridicules…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=nFbPZJtlcz8[/youtube]

André Malraux, prix Goncourt 1933 pour La Condition Humaine, un parcours singulier dans le siècle.

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En visionnant ces deux documentaires, audio pour le premier, enregistré au Panthéon, vidéo pour le second, vous pourrez vous faire une idée précise de la carrière et de l’oeuvre de cet immense écrivain et personnalité du XX° siècle, qui fut couronné dès 1933 par le Prix Goncourt pour son roman La condition humaine.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=qZcmg-t6DKw[/youtube]

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=sUS8cp8CbKM[/youtube]