A propos François Muller

Consultant en éducation et en formation et enseignant encore, auteur de nombreux livres sur l'éducation, l'innovation et le développement professionnel des enseignants (L'Etudiant, ESF), Concepteur du site Diversifier, de RESPIRE, réseau social professionnel et du site consacré à André de Peretti (http://andredeperetti.net)

Les contenus sont là, capital professionnel pour explorer d’autres formes

En cette fin d’année 2021, aprés deux ans bizarres de crise sanitaire, sécuritaire ou de crise tout court, quand l’Ecole a fermé, pour la première fois de son histoire, et que nous avons repris le chemin de l’enseignement en direct, depuis 2018, sans jamais abandonner les missions confiées depuis plus de vingt ans,nous tenons à ce blog dont les contenus restent d’une grande actualité, à la différence d’autres blogs plus contextualisés, liés à l’humeur du temps, ou du contexte.

voir https://www.francoismuller.net/auteur, 

Ce blog reste un lieu intéressant pour permettre la capitalisation de données développées au gré des rencontres et des expériences innovantes et formatives sur les questions d’éducation.

On en retrouve bien des traces dans des publications qui ont suivis comme par exemple https://www.esf-scienceshumaines.fr/education/283-enseignants-apprennent-eleves-reussissent.html

et annoncé pour septembre 2022, la 7ème édition du Manuel de survie de l’enseignant, voir https://www.editionsopportun.com/produit/440/9782817606361/manuel-de-survie-a-l-usage-de-l-enseignant

L’actualité, vous pouvez la suivre dans des formes plus interactives sur https://www.innoedulab.com/

et sur twitter avec la balise #eduinov

Ce blog reste un lieu de mémoire et souvent référencé ailleurs, une raison de plus pour le maintenir.

Merci à toute l’équipe

fm

L’Innovation et Education Lab, une rencontre entre chercheurs, praticiens, innovante et très internationale, c’est pour vous

L’Innovation et Education Lab diffuse et partage des connaissances scientifiques et professionnelles dans le domaine de l’innovation en éducation. L’ouverture et la comparaison internationale sont des ressources utiles pour mettre en évidence les changements de l’école et aider les professionnels à mieux les comprendre.

Ce site permet d’explorer les nouveaux mondes de l’éducation, de donner la parole aux praticiens et aux chercheurs, sans chercher à dispenser des recettes ou des prescriptions idéales. Il propose de partager différents types et contenus d’expertise au service d’une intelligence collective et de la réussite de tous.

Depuis plusieurs décennies, la recherche internationale s’est intéressée à  un certain nombre de problématiques relatives au changement des organisations scolaires et à l’accompagnement des professionnels de l’éducation. Se sont ouvertes de nouvelles pistes de réflexions pour l’école, à partir de multiples expériences, innovations, et expérimentations mises en œuvre à travers le monde.

 

Le MOOC propose de donner du sens à  ces transformations pour ceux et celles qui souhaitent comprendre les enjeux de l’école aujourd’hui et demain. Le but est d’éclairer ces évolutions à partir d’éléments de comparaison internationale, de réflexions de chercheurs, mais aussi de prises de parole d’enseignants et de cadres. Loin de se limiter à une vision française de ces questions, le MOOC part de l’idée que « le monde est notre salle de classe ».

Ce MOOC initie un voyage sans frontières et une exploration en terre inconnue, à la découverte d’autres visions de l’école. Il valorise les savoirs et les savoir-faire des professionnels tout en offrant un espace de développement au-delà du travail au quotidien : « L’expérience est une lanterne attachée dans notre dos qui n’éclaire que le chemin parcouru » (Confucius).

Explorez !

Dans ce Mooc en ligne, la navigation est soit linéaire, soit au gré du tableau d’auto-positionnement en préface, sorte de carte, ou de radar  de votre navigation tout au long de du parcours.

Il est fondé sur l’hypothèse que vous êtes ou allez devenir faiseur de projet, acteur du changement pour l’école de demain ;  et que vous cherchez ici des points d’appui pour étayer, enrichir , renforcer, élargir connaissances, compétences, opportunités, liens et faire de votre projet une action innovante et durable.

10 modules pour explorer les nouveau mondes de l’école. Elle se construit aujourd’hui avec les contributions des élèves et des enseignants sur le terrain, comme par le partage des acquis de la recherche au niveau international.

10 verbes pour rendre intelligible à tous les acteurs ce qui change dans l’éducation et chez vous.

  1. Explorer(inquiry)
  2. Apprendre (Cognition)
  3. Traduire (transfer)
  4. Créer (creativity)
  5. Expérimenter(innovation)
  6. Diriger (leadership)
  7. Accompagner(continuous professional development)
  8. Evaluer (assessement)
  9. Partager (community and stakeholders )
  10. Diffuser (scaling up and dissemination)

 

Chacun des 10 modules propose 4 possibilités pour parcourir le thème:

  • Un auto-test pour s’éprouver ou réviser, ou passer à autre chose; enrichir son « capital » (ou Mooc Box)
  • Un apport théorique en vidéo;
  • Des études de cas ou exemples qui permettent d’appréhender la variété ou les variations du thème;
  • Des techniques, méthodes ou outils pour s’engager dans la démarche du thème;

Le temps estimé par module peut être de 30 mn à 1 heure. Vous êtes le maître de votre temps.

Ce Lab propose différentes ressources (MOOC, blog, modules, etc.) afin de faciliter une exploration ouverte et aléatoire, à l’image d’un voyage cumulant expérience après expérience. Il s’enrichit progressivement de nouveaux contenus et outils pour les professionnels de l’éducation.

Curiosité et découverte sont deux vecteurs importants de l’apprentissage.

« Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions » (Confucius)

Bonne exploration !

Les auteurs

  • Romuald Normand, professeur des Universités, expert européen et Directeur du Centre Franco-Chinois pour l’Innovation en Education, Université Normale de Pékin (puisqu’on parle d’innovation);
  • François Muller, enseignant encore, concepteur de RESPIRE, réseau social de l’éducation, auteur de «Diversifier » (André de Peretti) et de plusieurs ouvrages en éducation et en formation;
  • Thierry Foulkes, enseignant, vidéaste et dronaute, d’autres choses aussi;
  • Ruth Bourchier, conseiller national pour l’enseignement du français, Nouvelle-Zélande, traductrice, formatrice;

lien: https://www.innoedulab.com/

Le lycée version 2018, identifier les concepts-clefs pour engager le travail avec les équipes

Un enseignant qui performe magnifiquement depuis vingt ans dans « son »  cours ‘à l’ancienne de 55 minutes devant « sa » classe » et dans « sa » discipline  » risque d’être très décalé dans cette nouvelle organisation du lycée où il pourrait perdre ses repères dans des modules de 3 heures semestrialisés, avec des élèves issus de différentes classes, ou encore dans un module d’accompagnement des élèves pour valider des compétences loin des contenus disciplinaires qu’il (le prof) reconnait.

Au moment d’une consultation intense des corps constitués et des autres aussi  par le ministère, il est intéressant de décoder les forces qui travaillent ce « monde » du lycée à la française, de sorte à ne pas perdre les compétences expertes de notre enseignant, mais plutôt chercher à les combiner avec d’autres ressources qu’une équipe peut mobiliser au service de tous les élèves et pour une formation plus performante dans la poursuite des études supérieures.

Nous ne pouvons modifier l’organisation du travail des élèves et des enseignants (temps, espaces, relations) sans penser à accompagner durablement le changement des pratiques, repenser la formation des personnels comme la valorisation des compétences et des ressources.

Je vous propose une page portail SPECIAL LYCEE, autour de cinq points à destination de l’enseignant et de trois domaines à destination des équipes:

Enseigner et former

Enseigner et apprendre au lycée (re)connaitre le nouveau cadre institutionnel du métier d’enseignant définition d’une situation d’éducation changer de point de vue pour l’enseignant changer aussi de posture: de l’enseignant au formateur les limites du cours magistral choisir sa guidance l‘enseignant-médiateur importance du contexte scolaire dans les performances

enseigner par situations-problèmes dévolution du projet les dilemmes du projet: réussir ou comprendre ?le travail sur dossier un travail en interdisciplnarité

Combiner savoirs et compétences

Une approche par compétences précise la place des savoirs, savants ou non, dans l’action: ils constituent des ressources, souvent déterminantes, pour identifier et résoudre des problèmes, préparer et prendre des décisions. Ils ne valent que s’ils sont disponibles au bon moment et parviennent à « entrer en phase » avec la situation. (…) in Philippe PERRENOUD, Construire des compétences dès l’Ecole, ESF, p.70 sq.

quelques éléments sur l’acte d’apprentissage Approche par compétence définition de la compétence penser la compétence comme facteur de motivation une analyse de la structuration de sa discipline Définir un objectif pédagogique des tableaux d’objectifs par discipline des savoirs gradués selon les profils d’élèves (ex. HG en 6ème) Croiser des compétences Transférer ? compétence transversale ou disciplinaire ?L’interdisciplinarité passer d’une logique d’enseignement à une logique de formation

Evaluer

« Toute différenciation de l’enseignement appelle une évaluation formative, autrement dit une évaluation censée aider l’élève à apprendre. quelques exergues sur l’évaluation

retrouver la définition d’évaluer et ses principales fonctions une évolution pour l’enseignant test: Q-sort évaluer, c’est…les dérives de l’évaluation scolaire traditionnelle pour une évaluation formatrice (Perrenoud)  des changements pour l’élève la place des savoirs dans l’élaboration des compétences penser l’évaluation comme facteur de motivation

différencier les types d’évaluation et éviter quelques dérives courantes Cerner l’objet à évaluer Définir un objectif petit test partir d’une taxonomie (verbes d’action) se méfier des effets pervers en évaluation (éléments de docimologie)

Une évaluation d’abord formative une pratique raisonnée et se méfier des dérives possibles apprendre en trois conditions prendre en compte l’erreur dans l’apprentissage partir des représentations (et en partir): une méthode et 12 techniques associer les élèves à la démarche passer d’une logique d’enseignement à une logique de formation les dilemmes du projet: réussir ou comprendre ? co-évaluation et auto-évaluation donner des rôles dans l’évaluation des outils pour évaluer analyser les types d’erreurs un travail sur le concept d’obstacle des alternatives à une note sur 20 évaluer le TPE Grille d’évaluation du TPE

Une évaluation sommative en fin de parcours le portfolio de l’élève

évaluer son propre dispositif évaluer sa pratique une technique: échelle de Cosgrove

Diversifier

Pour une définition de la diversification en pédagogie inventaire des techniques d’étude variété d’organisation de l’espace-classe

typologie des situations de cours diversifier les supports

le travail de groupe organiser la coopération le groupe d’apprentissage typologie des groupements variés pour une mise en rôles des élèves travailler avec les TICE

arbre de la pluralité des techniques et des ressources didactiques

Différencier

pour une définition de la différenciation différencier en cours une approche globale de l’élève pour une pédagogie de l’autonomie analyser les facteurs de la motivation scolaire analyser les profils d’apprentissage des élèves composer des groupes différenciés à partir du sociogramme les études dirigées différencier élève en difficulté et difficultés des élèves typologie des types de renforcement du travail le tutorat aide au travail personnel des élèves dans le cadre d’une pédagogie du contrat

arbre des différenciations potentielles


Coopérer et participer à des choix collectifs

Quelques conseils sur la démarche: S’appuyer sur les référentiels et autres textes réglementaires. Encourager le travail d’équipe. Responsabiliser chaque enseignant dans l’élaboration, la conduite et l’évaluation du projet. Préférer les projets modestes et favorisant l’autonomie des élèves. Instrumenter le projet (formaliser).

un travail d’équipe pour une définition de la « compétence collective » participer d’un processus d’innovation peut-on apprendre de l’expérience d’autrui ?

entendre les résistances et prendre en compte les expériences, avoir une réflexion sur l’intérêt professionnel faire évoluer les pratiques, d’une logique d’enseignement à une logique de formation faire collectivement un état des lieux des stratégies pédagogiques dans l’établissement

s’inscrire dans un ou des projets en évitant quelques dérives prendre en compte le choix de l’élève comme élément déterminant du projet du dispositif et de sa cohérence (liens entre les itinéraires, lien et variété entre itinéraires et cours), une planche pour faire le point pour élaborer son dispositif d’établissement : calendrier de mise en place veiller à l’information des différents partenaires, notamment les parents travailler en partenariat définir les objectifs, les objets et les modalités de l’évaluation préciser des besoins en formation complémentaires s’inscrire dans une dynamique de formation durable combiner plusieurs types de formation ou accompagnement du dispositif réguler collectivement le dispositif en s’inscrivant dans une évaluation plus globale de la politique d’établissement

Individualiser les parcours

page portail individualiser les parcours: concept une organisation en système, l’exemple des « parcours » définition d’une classe analyser les éléments du contexte d’apprentissage incitant à la performance scolaire identifier les facteurs d’efficacité de l’apprentissage, corrélés entre eux des changements pour l’enseignant mais aussi pour l’élève le choix de l’élève, un acte éducatif

Dérives possibles des modules en fonction de leur origine un exemple de dispositif  semestriel déjà réalisé au collège un parcours d’élèves entre différents modules un exemple de tableau de bord de module

la phase diagnostique, avant l’individualisation scénario générique d’un module en évaluation formative autour de la pédagogie de projet et de l’interdisciplinarité

apprendre des TPE: sujet, thèmes, compétence transversale évaluer le TPE Grille d’évaluation du TPE

test d’évaluation comparée des modules

Organiser le temps mobile

le concept du « temps mobile au lycée le temps mobile au lycée( IGEN 2001 et 2006) typologie des temps différenciés en établissement VIDEO: le temps mobile, expérimentation INRP d’aprés Aniko Husti des étude cas ou de dispositifs déjà en place enseignement différencié en cours d’HG aide individualisée en 2ème

Comment cela commence ?

Lors d’accompagnement d’équipes en établissement, j’ai toujours posé la question du « déclencheur »: « comment tout cela a débuté ?« . Plusieurs éléments reviennent de manière combinatoire, c’est à dire qu’un seul ne peut suffire, mais trois au moins corrélativement, à savoir:

1- une envie de faire qui se formalise dans une organisation de la réflexion interne cherchant à élargir la base du groupe

2- un « passeur » venu de l’extérieur, formateur, inspecteur, CARDIE, collègue-ressource, consultant,  qui vient éclairer projets, questions, problématiques, mettre en contact; point d’intrusion, mais de l’accompagnement au changement.

3- Avoir la possibilité d‘étudier de près des cas de pratiques, en co-formation: rencontrer une équipe, aller voir un chef d’établissement et aussi des élèves ou d’anciens élèves qui identifient explicitement ce qui marche de leur point de vue;

4- l’organisation plus structurée en une formation prospective, régulée et accompagnée, située aussi sur les objets concrets de l’équipe, autour de ses élèves, dans les conditions locales;

5- la mise en perspective dans une durée de trois ans, avec une année de franche réflexion, de préparation et de débats contradictoire;

Tout cela s’appelle « développement professionnel continu« , une clé pour la réussite d’un tel projet pour de telles ambitions.

Ces conditions seront-elles en partie réunies pour nos lycées de dans quelques mois ?

Retrouvez ces liens et d’autres ressources « spécial LYCEE »  sur la page portail ici

Shaking up Education – Reconstruire l’école en Guadeloupe

Après le cyclone Irma qui a ravagé les terres des îles de Saint-Martin et de Saint-Barth en Guadeloupe , c’est bien une « table rase » des biens et des infrastructures et des difficultés durables de tous ordres pour les habitants, pour les familles, pour nos amis et collègues de l’éducation.

C’est pourquoi il devient intéressant de s’attarder quelque peu sur une situation exceptionnelle, inédite, où la « table rase » n’a pas été le fait d’une « émotion » (dixit XVIIème siècle) populaire ou révolutionnaire, mais la conséquence d’un fait naturel catastrophique, le tremblement de terre de Christchurch en Nouvelle-Zélande au printemps 2011.  Catastrophe en grec a du sens: c’est mettre dessus-dessous. Quand tout est dévasté, par terre, bâtiments, infrastructures évidemment, mais aussi structures de commandements, réseaux matériels et immatériels, il faut donc tout reconstruire.  Oui, mais comment ? Et derrière le « comment », c’est le « pour quoi » qui jaillit;  il faut assumer cette question, la faire rouler, la partager au risque de tout faire comme « avant »; et de signifier que plus cela change, moins cela change.

Shaking up Education (bouleverser l’Éducation)

J’avais rencontré en 2011 lors du séminaire « créativité » à Hamilton des collègues enseignants de Christchurch, démunis en tout bien matériel et en toute structure scolaire, s’impliquaient pour leurs élèves, pour que tout vive et revive, dans l’invention d’une Ecole où on apprend. Quand les murs tombent, qu’est-ce l’Ecole ?

En septembre 2011, un groupe Shaking Up Christchurch Education (SUCE) se mobilise, coordonné par  Cheryl Doig, consultant de CORE-EDU, pour créer une vision pour l’avenir d’études dans la ville, en tentant de penser l’alternative  ‘au retour’ à leurs sites originaux et la reprise de leurs routines normales. C’est une occasion unique de  repenser l’éducation à un niveau systémique,  de mise sur des expériences nouvelles, et aussi de proposer à l’échelle locale des dispositifs à échelle mondiale.

Le groupe SUCE a mis en ligne et à notre disposition les premiers éléments de leur travail: il me semble intéressant d’en livrer quelques extraits, en en reprenant esprit, termes et formalisation.

Une approche globale et système de l’Education dans son territoire

Le groupe s’interroge d’abord sur les facteurs qui influent et conditionnent le fonctionnement de l’Ecole, et sur les modalités et processus: non seulement les ressources physiques, mais aussi les ressources humaines, le degré d’équipement technologique, la conception des écoles, ou encore (et surtout) le mode de gouvernance, tout en prenant en compte la dimension de la communauté à supporter budgétairement ces transformations.

Cette approche système a été aussi fondée sur un mode large de consultation des personnels et des acteurs pendant tout l’été, un processus toujours ouvert, nettement affiché dans leur conclusion: « In a networked world, the power is in individuals working together to co-create the future. It is a time for taking action. Education is a key driver in the recovery of our city – let’s make it extraordinary. »

Dans un monde en réseau, le pouvoir réside dans le travail collectif des individus, à créer ensemble le futur. Il est temps de passer à l’action. L’Education est la clé qui conduit à la restauration de notre Cité. A nous d’en faire quelque chose d’extraordinaire ».

Plusieurs facteurs conditionnent le futur en NZ (et seulement la NZ ?):

  • – le vieillissement de la population: qui travaillera ? Qui paiera les impôts ?
  • – l’accroissement de la diversité ethnique: quels seront nos collègues, nos voisins ?
  • – la répartition de la population: où vivront les personnes ? Sera-ce une répartition mixte urbaine/rurale ? Quel mode d’habitat sera privilégié ?
  • – le fait migratoire : peut-on lutter contre la fuite des cerveaux ? Quel sera l’impact en cas de changement de flux migratoires ?
  • – la mutation des emplois:  quels seront les besoins en emplois manuels ? Est-ce que l’agriculture restera le fer de lance de notre économie ? Qu’en sera-t-il du chômage des jeunes ?
  • – La question « sociale » : serons-nous capable de diminuer les troubles qui touchent les enfants (pauvreté, abus, santé) ? Qu’en sera-t-il des questions de violence et de suicide chez les jeunes ?
  • – Les nouvelles technologies:  quelles seront leurs évolutions et comment devons-nous nous adapter ? Quelles en sont les implications sociales, légales mais aussi éthiques ?
  • – développement durable: serons-nous capable de supporter notre économie, notre bien-être, notre environnement ?

Ces facteurs « sociétaux » sont à prendre en compte dans un système d’éducation NZ qui affiche clairement des objectifs ambitieux du XXIème siècle dans l’équivalent de notre « Socle commun ». Cependant, la région de Christchurch connait des difficultés scolaires avérées: en 2009, seuls 69,8 % des écoliers atteignent le niveau 2 du NCEA, les résultats des filles sont meilleurs que ceux des garçons. Mais seulement 47 % pour les écoliers maoris et 59,7 % des enfants « pasifika ».

He waka eke noa: A canoe where we are all in without exception
Ministry of Education 2010 Statement of Intent – Karen Sewell, Secretary for Education

L’analyse de la réalité et des besoins, et d’abord des élèves, permet dans une deuxième phase d’inviter les acteurs à « imaginer »; nombreux témoignages sont donnés. Ils permettent ainsi de définir quelques principes fondateurs du système éducatif:

  • – il sera clairement orienté vers l’apprenance
  • – il sera centré sur le futur
  • – il sera structuré en un système cohérent
  • – il sera durable dans son fonctionnement et dans ses coûts

 

Une approche orientée « apprenance »

Le « learning » est un principe fondateur du système NZ (depuis 1989, nous l’avons déjà signalé); ici, à Christchurch, la « refondation » permet d’en avoir une déclinaison actualisée:

  • il implique les apprenants en tant que partenaires dans leur apprentissage
  • il intègre la dimension culturelle des apprenants
  • il crée et offre des occasions d’apprendre aussi variées qu’il est possible
  • il définit le rôle des enseignants en fonction des besoins des élèves
  • il fournit explicitement les résultats définis pour l’apprentissage des élèves
  • il encourage la participation des élèves dans une série d’expériences diverses, conçues en fonction de résultats exigés et selon des pratiques efficientes
  • il assure la réflexion individuelle et institutionnelle; l’action est suscitée et soutenue par les données relatives aux apprentissages des élèves et aux performances institutionnelles
  • il met l’accent sur l’apprenance des étudiants dans les processus de recrutement, d’embauche, d’orientation, d’évaluation et de développement personnel
  • il conserve son attention sur le « learning », qui est constamment repris dans les documents institutionnels, dans la politique éducative, dans les efforts collectifs et dans le mode de management.
  • il garde une vision à long terme, en en garantissant ainsi l’investissement
  • il bénéficie d’une forte adhésion de la communauté qui encourage les étudiants à prendre des risques, à essayer de nouvelles choses et à persévérer.
  • Il promeut une conduite au niveau de l’institution cohérente et alignée sur la mission apprenante de celle-ci.

 

L’Ecole du futur, c’est pour aujourd’hui

“Mo tatou, a, mo ka uri a muri ake nei –(Pour nous et pour nos enfants après nous)

Le deuxième principe structurant est d’organiser le « futur », selon plusieurs domaines:

  • – une vision du curriculum (ou du parcours) qui évolue en s’ajustant au contexte
  • – de nouveaux modèles de direction et de rôles
  • – de nouveaux modèles de gouvernance
  • – de ré-imaginer des lieux et des places pour apprendre
  • – de nouveaux rôles pour les enseignants (qui il est et ce que nous faisons)
  • – une vision renseignée sur le rôle des technologies
  • – de nouvelles façons de penser et d’apprendre
  • – soutenir un apprentissage tout au long de la vie
  • – développer des capacités mentales et de résilience  afin qu’ils puissent répondre positivement au changement

Quelques développements suivent sur la politique éducative et sa prise en charge, de sorte à aboutir à la construction d’un modèle sous forme de HUB interreliés:

Le chantier reste en 2017 ouvert à Christchurch; faire en sorte que le « shake up » tellurique soit aussi un « shake up » sur la façon d’apprendre et d’organiser l’Ecole. Les propositions affluent et convergent sur l’intérêt et la nécessité de prendre appui sur une base très large, incluant d’évidence les élèves dans l’opération.

Apprendre de l’expérience de Christchurch

2017 – A l’épreuve des réalités et des choix politiques locaux et gouvernementaux, le plan de Shake up ne tient pas toutes ses promesses ; familles et équipes enseignantes n’ont pas toujours été associées aux projets de regroupement des écoles, de restructuration de la « carte scolaire » (dirait-on en France) et au plan des transports.

11 écoles ont fusionné pour créer cinq nouvelles écoles. Treize écoles ont été fermées, dont deux qui ferment volontairement leurs portes. Les familles ont dû faire face aux coûts supplémentaires liés aux transports et aux préoccupations concernant la conception de nouveaux espaces d’apprentissage, alors que le personnel de l’école s’inquiétait de la sécurité d’emploi. 68% n’étaient pas satisfaits du niveau de communication des fonctionnaires et du gouvernement. 58% ont estimé qu’ils ne pensaient pas avoir reçu les ressources appropriées à la suite de l’annonce.

La principale leçon : l’impact sur les enfants a été sous-estimé, en fonction d’experts en psychologie. – Le ministère aurait dû examiner plus attentivement les effets du stress vécu par le personnel de l’école de stress et les directeurs.

Faisons en sorte que notre organisation devienne « apprenante », que le territoire de Guadeloupe dans les composantes variées de sa population devienne « apprenant » avec l’aide de ses représentations politiques, institutionnelles, de ses forces vives.

photo prise sur le bateau en Guadeloupe, 2016, uniforme d’un collège.

Sources :

Site : http://www.rebuildchristchurch.co.nz/networks/shaking-up-christchurch-education

Groupe facebook : https://www.facebook.com/Shaking-Up-Christchurch-Education-237629182954820/?ref=nf

http://www.stuff.co.nz/national/education/82053224/education-ministry-admits-start-of-christchurch-schools-shakeup-not-handled-well

Quelques ressources pédagogiques aussi pour en parler avec les élèves

Les pages de Futura Sciences sur les catastrophes naturelles

Le dossier pédagogique Tsunami 2004 (Café pédagogique)

L’enfant face au traumatisme, Hélène Romano, 2013

Comment accompagner des élèves en deuil, dossier pdf, académie de Rouen, 2004,

Présence d’André de Peretti

André de Peretti nous a quitté le 6 septembre 2017, et je souhaite ici restituer tout ce que je lui dois, des choses que je lui ai dites, et des choses que je n’ai pas eu le temps de lui dire encore. 25 ans de compagnonnage ne peuvent se résumer en des mots.

André de Peretti a inscrit dans sa longue histoire éditoriale un livre précurseur en France ; il a permis d’introduire l’approche centrée sur la personne, développée en Amérique par Carl Rogers. « Présence de Carl Rogers », éd. ERES, en 1997 ; nouvelle édition actualisée de l’ouvrage paru aux éditions Privat en 1974, Pensée et vérité de Carl Rogers. Cet ouvrage constitue une présentation très complète et sans équivalent de la recherche et de la pratique rogériennes[1]. L’ouvrage est augmenté d’une partie inédite sur les développements actuels de cette pensée qui n’a pas manqué d’influencer tous les domaines du soin, de l’éducation, du travail social, de la formation, du management.

Par effet d’imitation mais plutôt par procédé de mise en abyme, ce titre donné à la présente contribution, « présence d’André de Peretti », semble adapté aux développements de cette contribution : la Personne, les contenus, le style et le genre, l’approche sont là, bien en présence de nous-tous, et j’oserai ici le « je ».

C’est d’abord une histoire personnelle, forcément personnelle, particulière, mais sans doute partagée, comme en témoignent les multiples témoignages qui affluent sur les réseaux depuis cette nouvelle ; et je fais donc l’hypothèse qu’en ouvrant un instant mon propre espace, d’autres pourront vraisemblablement se reconnaître et partagé des éléments, des sentiments, des souvenirs et une actualité toujours vivante. Je dirai donc « je ».

Prémices 

  • au collège, en formation avec Isabelle

J’étais jeune professeur d’histoire et de géographie, dans un petit collège parisien en ZEP ; cette seule phrase anodine présente quelques décalages avec les réalités d’alors de cet environnement spécifique : homme, jeune, agrégé (c’est-à-dire sans formation « pédagogique »)  ; l’exercice n’avait sans doute rien d’évident, mais le travail collaboratif et plus efficace a pu se déclencher avec la participation d’une autre jeune équipe d’EPS ; solidarité d’une classe d’âge, peut-être, attachement à la réussite de tous les élèves sûrement, perception de changements plus profonds sans doute ; nous portions des envies et nous en donnions les moyens : pédagogie de projets, enrôlement des élèves, responsabilité et appui sur l’extérieur ; les clefs étaient à notre disposition. Nous les avons prises.

Je « naissais » professeur en même temps que la grande Institution faisait siennes les politiques de  « projet d’établissement », de  « formation continue », de  projets pédagogiques et des « enseignements transversaux ». Je me souviens dans la même période recevoir du chef d’établissement une lettre circulaire académique annonçant la création d’une mission « innovation et valorisation des réussites » ; l’avoir tenu entre mes mains, et me dire ; « ce n’est pas pour moi », je n’ai pas le temps d’aller vers la recherche quand je suis entièrement mobilisé dans la découverte de ma propre profession, en reconnaissant pourtant que nous en remplissions tous les critères. André n’était pas loin, je le découvris un peu plus tard.

Un « stage » d’établissement fut décidé avec le chef d’établissement ; émergence d’une formule un peu bizarre à l’époque, inédite pour Paris ; la formation existait bien mais en catalogue et en offres individuelles. Nous avons été parmi les premiers à tester ce type de « menu » à la carte au service d’un collectif toujours à soutenir. Et oui, il existait bien une formation professionnelle continue. Elle se développait à peine.

Parmi les formateurs intervenants sont venues deux personnes : Jean-Michel Zakhartchoutck et Isabelle de Peretti. Leur écoute attentive, les analyses qu’ils firent de notre dispositif, les quelques éléments apportés alors résonnèrent comme des confirmations de nos travaux et validation de nos intuitions toutes professionnelles. Sans forcément en citer les sources, ils me mirent en présence d’un capital de savoirs que je pus identifier par la suite. « Tu devrais faire de la formation », fut une phrase lâchée au détour du dernier couloir, restée en plan, sans vraiment qu’elle correspondit à un projet de ma part.

J’avais bien relevé les correspondances, les échos, la valeur des mots, mais le tout resta encore sans visage. Présence et distance. André, pour moi, ce fut d’abord…. sa fille.

  • Retour aux origines : à la maison et au collège moderne

Le quotidien de l’enseignement pouvait reprendre son cours, la formation passée, sans grand mouvement, si ce n’est une légitimité accrue de notre action. : peu et beaucoup à la fois.

J’eus l’opportunité d’évoquer ces petits moments professionnels lors d’un retour à la maison familiale de mes parents. Quelle surprise en découvrant l’écho du nom d’André de Peretti chez mes propres parents ! L’un et l’autre avaient bénéficié de formations conduites par André de Peretti, et mieux, quelques éditions étaient déjà là dans la bibliothèque familiale. Rien pourtant ne nous prédestinait à cette convergence : ni l’un ni l’autre n’étaient enseignants, mais ils étaient versés dans l’éducation et la formation, l’un comme responsable de la formation à IBM France, l’autre, dans le développement du réseau de centres de documentation en milieu scolaire primaire.

Nous pouvions raisonnablement évoquer un « bain culturel » et une sensibilité accrue sur ces problématiques de développement, mais sans échanges construits et explicites sur ce genre de question. J’ai mis la main sur des ouvrages aussi importants que « Techniques pour communiquer », et « Organiser des formations », d’une actualité encore très vivace, prés de vingt ans plus tard, mais aussi un ouvrage plus ancien tel que « Chances et risques de la vie collective ».  Et je regardais mes parents autrement… que des parents. Les filiations devenaient affiliation. Avant d’être un visage, André, ce fut… une somme de savoirs.

De la sorte, la réalité de l’expérience vécue pouvait se relire d’un autre regard ; je remettais des mots par exemple sur l’engagement de mes parents dans la naissance du collège des années 1970 qui nous a accueillis, à Saint-Chéron, dans l’Essonne en plein essor démographique alors. Je me souviens à la Pérec : je me souviens de l’équipe des enseignants, dont une partie fut fortement engagée dans l’expérimentation audio-visuelle (cela fait désuet à présent, quoique), d’Arlette Appino, professeur de lettres, formatrice, puis consultante.

Le chef d’établissement, Madeleine Parat, ancienne professeur d’EPS, a su donner à cette structure nouvelle une coloration humaine, faite de bienveillance et d’exigences. Je me souviens du conseil des délégués, dont j’étais (hasard ?), de son regard et de son attente vis-à-vis de jeunes collégiens. Trente ans plus tard, c’est une empreinte dans mon parcours. Toutes ces personnes, je fais les recoupements après, en croisant les sources, ont été formées et accompagnées par André de Peretti ; sans l’identifier jusqu’alors, j’étais le produit  en partie d’approches convergentes. André, ce fut aussi… un réseau de compétences et un style professionnel. 

  • entrée dans la formation avec André de Peretti

Ce maillage fin de références, d’influences, de convergences, m’a incité à répondre à la sollicitation d’abord ponctuelle puis plus régulière en formation d’enseignants ; l’accession à cet autre ordre de l’éducation permit de toucher assez concrètement les nœuds du changement lent et difficile dans notre organisation et motiva alors la participation à une toute nouvelle formation de formateurs, genre encore trop rare, mobilisée par la Mafpen d’alors ; c’était (enfin) André de Peretti, en présence.

Si toute formation a pour objectif de (trans)former les représentations, celle-ci encadrée par André de Peretti, a été un véritable déclencheur : des images plein la tête, des résonances profondes avec ce que je portais sans trop finalement le savoir, une prise de rôle en dessinateur subjectif pour exprimer en quelques traits ce qui se traitait avec nous et par nous. Je me souviens d’une sorte de bouillonnement intellectuel, assez perturbant d’ailleurs, confronté à des modélisations ou graphes présentés (par exemple, la « grenade des pédagogies[2] ». Des petits récits, des ateliers variés, des mutualisations, proposés tout au long d’une semaine (si, cela existait encore), au tempo du groupe. Cette rencontre s’avérait décisive.

Finalement, en un espace-temps très court, André nous livrait une carte et une boussole, quand nous évoluions parfois à l’aveugle dans des établissements encore très scolaires, et déjà soumis à de fortes pressions d’un changement long, dans la mutation d’un métier autrement plus enrichissant que celui de la seule transmission. Une rencontre qui allait en augurer bien d’autres, et qui agissait en miroir : elle nous renvoyait à nous-mêmes, au potentiel du groupe, aux possibles professionnels et aux choix plus personnels… « Deviens ce que tu es.[3]»

Processus collaboratif, entre avant-garde, pari et expérimentations

  • développement professionnel

L’accès direct à l’auteur et la fréquentation régulière des sommes encyclopédiques conçues par André de Peretti ont véritablement jalonné mon propre « développement professionnel », ainsi que l’identifient nos amis québecois. A savoir un mélange dynamique  composé  au gré des opportunités entre l’action, l’analyse, la formation, la coopération et l’écriture.

Ayant été sollicité auprès du chef de la Mafpen d’alors pour développer le secteur dit « transversal » (quand cela n’entre pas dans les cases, on dit autre chose) ; en s’appuyant sur une équipe de formateurs intervenant sur site, je m’investis alors dans les quelques chantiers que l’Institution reconnaît comme « innovants », sans toutefois s’en donner tous les moyens ni y attribuer une valeur spécifique. Cela pu s’appeler « parcours diversifiés au collège », prise en charge de l’hétérogénéité des élèves, ou encore « enseignants débutants ».

Ce furent quelques mois d’intense réflexion, bousculée, de créativité en matière de supports, de compilation, de transposition, chère à André[4], d’essai-erreurs, en appui au développement d’un réseau de compétences dans d’autres académies ;  chaque terrain fut une occasion pour apprendre, et de se frotter à des organisations et des identités parfois rendues rigides par le poids de leur histoire ou de leur propre formation. André a été souvent un observateur attentif et critique de nos propositions.

André de Peretti a répondu présent par deux fois au moment de conseils académiques ou de réunions plus institutionnelles pour (re)dire le sens du changement et l’intérêt de telles démarches. Il fut écouté, quand on raillait quand même dans les couloirs les « sciences de l’éducation » (vous y croyez, vous ? dixit). André fut alors un tuteur, un de ceux qui aident à grandir.

Parallèlement, je complétais notre formation d’équipe par un approfondissement « métier » en ingénierie de la formation et en analyses de pratiques. Ce capital vivant me permit par exemple de faire la part des choses dans le changement de l’organisation de la formation en 1998/99, quand les Mafpen furent dissoutes pour les remplacer par un système plus professionnel, au risque de la dérive bureaucratique toujours présente[5],  entre prescripteur (rectorat) et prestataire (IUFM) ; dix ans plus tard, les IUFM disparaissaient. Je partageais avec André alors des doutes, des questions qu’il sut décoder, en « passeur », en traducteur du changement.

  • développement de l’internet

La découverte du monde « Peretti » a chronologiquement coïncidé avec l’émergence en France de la technologie de l’internet ; très tôt, je m’en suis ouvert à André de Peretti : à compulser les listes, les check-list, les Q-sort, la variété des situations et la diversité des techniques proposées, l’œuvre présentait une dimension encyclopédique ; la masse des connaissances pouvait alors s’avérer un frein à leur mobilisation ;  un ouvrage tel que l’encyclopédie de l’évaluation en éducation chez ESF pesait son kilo.

J’ai proposé alors à André, à mon tour, une « traduction » et une scénographie sur l’espace virtuel encore balbutiant. L’écriture d’André de mon point de vue préfigurait l’écriture hypertexte, la navigation en sérendipité, et les liens entre les différents niveaux des connaissances, de techniques et de pratiques. L’internet offrait une plateforme pour faire converger efficacement les savoirs que je devais quotidiennement mobiliser au service de la consultation.

Les contenus ont été progressivement, c’est-à-dire quotidiennement, agrégés au site « diversifier », faisant le lien direct et instantané entre des savoirs d’expérience, issus des terrains de formation, des savoirs d’expertise, issus de la recherche, et les écrits d’André de Peretti. En peu d’années, le site s’est enrichi de plusieurs centaines de pages, sa consultation et son référencement ont grandi de pair : l’internet fonctionnait comme une banque de savoirs, dans l’idéal qu’André avait anticipé en son temps, à l’époque de l’INRP et des CRDP.

L’écriture pour l’écran et la lecture sur écran agirent comme autant de contraintes « poétiques » ; elles diffèrent de celles plus linéaires de l’édition papier ; dès le début, j’avais préfiguré une liaison haut débit pour organiser une interface plus graphique, plus spatiale, haute en couleurs, dans l’esprit d’André. On peut donc facilement y intégrer des graphes, des arbres et des expressions lunaires pour en faciliter la navigation.

En l’espace d’une dizaine d’années, le site escompte plusieurs milliers de pages, sa consultation se compte en millions de visites ; son référencement est toujours d’une actualité vivante ; il compte parmi les dix sites de références listés par le Café pédagogique, à côté de sites institutionnels ou associatifs. Les requêtes sur le moteur de recherche en « vogue » reconnaissent parfaitement des entrées comme évaluation, rôles, autonomie, pédagogie de projet, interdisciplinarité, enseignant débutant, par exemple.

La banque des savoirs consacrée à la diversification en pédagogie s’est enrichie avec la phase dite web 2.0 de contenus multimédias ; nous avons pu exhumer une production réalisée par l’lNRP en 1979 consacrée aux temps et aux rythmes scolaires, à partir des travaux d’Aniko Husti ; des morceaux en or pour un débat toujours très ouvert en 2017[6].

Ils viennent utilement compléter des ouvrages à présent en ligne (après libération des droits de l’éditeur), comme par exemple,

Pour l’honneur de l’Ecole[7], éd. Hachette, 2000 ; nous l’avons rendu disponible en lecture hypertexte afin de permettre au lecteur de recourir librement et rapidement à la fois aux extraits et aux références.

Un blog est ouvert depuis 2007, en lien direct avec l’héritage vivant d’André de Peretti (« Chroniques parisiennes en innovation et en éducation[8]) ; il puise au gré de l’actualité dans les contenus stockés pour les remonter en mémoire « vive » ; nous avons également agrégé des entretiens audio (en fichiers mp3 ou podcasts) réalisés avec André, tout au long de ces derniers mois.

Ils ont été utiles pour préciser des points clés des enjeux de l’éducation, comme l’accompagnement des élèves, l’entrée dans le métier des enseignants, à l’heure de la suppression des Iufm, et de la création des ESPE en 2013 mais aussi de l’entendre sur des travaux qui lui tiennent à cœur comme par exemple l’ADN des civilisations. A ce jour, le blog a enregistré plus de 600 000 visites.

Pour reprendre un mot de Philippe Meirieu, nous sommes passés de la « révolution Gutemberg » à la révolution de l’internet, André de Peretti, son œuvre, son esprit en ont été des précurseurs.

  • accompagnement du changement en formation

Par une « ruse de l’Histoire », ce que j’avais reçu en établissement dans les années 1995 et que j’avais écarté, me rattrapa alors en 2000, quand le directeur de l’académie me sollicita pour prendre la responsabilité de la Mission académique Innovation pédagogiques. Mon adhésion s’originait il faut le dire par grande fidélité à l’esprit d’André qui avait présidé à son avènement en 1994, comme il le rappelait dans un extrait de « Pour l’honneur de l’Ecole », 165 :

« En 1994, création d’une sous-direction ministérielle chargée de la valorisation des innovations pédagogiques. A cet effet était placé auprès de chaque recteur un délégué académique à l’innovation. Et des comptes rendus importants, diffusant les procédures et les résultats d’innovations réalisées dans les établissements étaient en conséquence publiés dans chaque académie. L’encouragement, l’animation des initiatives, souvent associées à des recherches ou prolongées par celles-ci, s’avéraient et s’avèrent indispensables à la santé des corps enseignants.

Quoi qu’en pensent certains, la pédagogie, au cœur de l’acte d’enseignement, est l’art de la fraîcheur et du renouvellement pertinent ; elle est aussi l’expression d’une responsabilité créatrice. Et sa réalisation innovante a été soutenue par les enseignants français, sur le terrain. »

A l’aube d’évolutions profondes de notre système éducatif et de son pilotage (c’est le terme consacré) : nous passâmes alors de « plans nationaux d’innovation » commandités par le MEN à un accompagnement beaucoup plus intense des équipes sur le terrain, nettement plus orienté vers la conduite du changement local. Ce mouvement long d’autonomisation des établissements, mais aussi des écoles avec lesquelles nous avons dès lors pu travailler renforçait l’échelon local et questionna donc nos ressources et notre propre compétence, individuelle, mais aussi collective, à accompagner, dans leur développement, dans leur communication comme dans leur évaluation, les personnels.

D’une certaine manière, la partition restait et reste encore à écrire : la prescription nationale pouvait continuer, voire même se renforcer, au gré des politiques (parfois changeantes) ministérielles, l’accompagnement des réformes institutionnelles fut l’apanage des inspections ; ce dont il s’agissait transcendait les « ordres » existants et appelait d’autres types d’organisation et des compétences nouvelles pour nos équipes « françaises », comme pour le travail d’encadrement.

Les années 2000 furent bien marquées par l’internationalisation des questions éducatives et la focalisation sur les acquis des élèves. Dès lors, l’innovation, et à partir de 2005, le droit reconnu dans la Loi pour l’Avenir de l’Ecole, à l’expérimentation pédagogique, accordait au niveau local ce que des militants vingt ans plus tôt avaient appelé de leurs vœux. Temps du changement dans l’éducation.

Nous avons sur ces points longuement échangé avec André ; il revenait sur des points importants, autant de messages clairs pour moi : aider les acteurs à construire du sens – il rédigeait alors un ouvrage dont le titre était « le sens du sens » -, mais aussi proposer une variété d’ingénierie éducative, en organisation, en évaluation, en ressources, et enfin, et toujours, une organisation en rôles.

Ce triptyque représentait une sorte de matrice qui orienta et encore à présent l’action intense de formation et d’accompagnement non seulement des équipes, mais à présent des formateurs, des conseillers, des chefs d’établissement, dans plusieurs réseaux d’éducation, tant dans l’académie propre, qu’à l’échelon national, voire dans des missions d’expertise à l’étranger (Roumanie, Nouvelle Zélande par exemple). Partir loin pour revenir. « Captain André ».

Editions en éducation

Ce cheminement patient, alternant présence et distance, à l’image du colibri, animal totem issu d’une anecdote entre Rogers et Peretti, s’est matérialisé par un travail partagé d’écritures et de publications.

  • la matrice du Manuel et la grenade

Lors d’un colloque à Florence en 1993, André de Peretti avait imaginé un schéma en étoile, à la manière des fractales ; en cinq domaines et en trente actes identifiés, il dessinait une représentation du métier d’enseignant. Je l’ai interprété d’emblée comme une véritable « vision », combinant avec subtilité analyse du travail et synthèse puissante.

Cette formalisation a été fortement structurante dans mon propre exercice d’enseignant, puis de formateur. Je l’avais reprise dans une autre forme, à l’image d’une palette des couleurs d’un peintre. Avec le projet de le développer pour l’internet ; quelle fantastique « roue de navigation » qui multipliait les entrées possibles et proposait ainsi un plan de formation.

C’est seulement en 2003 qu’une rencontre avec les éditions de l’Etudiant qui recherchaient alors un ouverture vers le public enseignant fut le déclencheur ; je l’avais proposé auparavant au CRDP qui en avait décliné l’offre. Cette navigation professionnelle, avec des ajustements et actualisations de rigueur au contexte des années 2000,  constituerait donc la matrice même d’un ouvrage, préfacé par André, dont le titre lui doit bien aussi, par un jeu de mot sur la sur-vie (accroissement et développement professionnel) : « Manuel de survie à l’usage de l’enseignant, même débutant ».

Prenant acte du manque de formation de prés de la moitié des enseignants, et de l’évolution récente des dispositifs de formation initiale et continue, le Manuel, comme le site qui lui est dédié, est conçue comme un instrument d’auto-formation et de régulation de l’activité.

Chaque chapitre tente d’éclairer les actes et les gestes de l’enseignant, en proposant une combinaison faite de pratiques, de ressources, et d’apports. L’ingénierie pédagogique développée dans maints ouvrages d’André de Peretti perce tout au long de l’ouvrage, remettant en mémoire vive du métier des ressources parfois passées inaperçues au gré des éditions et/ou des éditeurs. L’ouvrage a été reconnu par le Prix Louis Cros (quel hommage et quelle filiation !) de l’Académie française en 2004, et objet de réédition en 2008 pour y inclure les nouveaux cadres de notre Ecole (Socle commun de connaissances et de compétences et nouveau référentiel enseignant). Plus qu’un héritage, les contributions d’André de Peretti agissent comme architecture souple et solide à la fois d’un métier en profonde mutation en France.

  • contes et fables

Les interventions d’André de Peretti ont pu soulever les publics, en émotion ou encore en enthousiasme. Elles sont marquées d’un registre parfois poètique, qui ne l’a jamais quitté, toujours métaphorique ; il connaît la puissance de l’évocation, et la quête de sens pour des acteurs de terrain qui peuvent parfois en manquer.

Ce constat nous a motivés pour rassembler en une courte publication images fortes et contes signifiants « à l’attention de l’enseignant moderne ». Nous avons alors passé quelques mois en entretiens et en écriture croisée pour compiler, en mémoires et en recherches, trente contes ou fables, courtes ou plus longues ; dont je pouvais dans ma pratique d’intervention en différentes situations tester leur efficacité.

L’écriture accompagnée ou encore le travail de mémoire, très évocateur pour moi, historien de formation, ont été des moments de changement et d’inspiration. Il s’agissait bien non de faire advenir quelque chose de nouveau, mais de partager des savoirs, en co-naissance, un jeu étymologique propre à Paul Valéry.

Le lecteur pourra y (re)trouver quelques métaphores chères à André, telles que le colibri, mais aussi la fable de la Forêt (sur la lourdeur des programmes), encore le « sortilège de l’effet Bunuel », rassemblant en peu de mots ce qui se joue dans notre propre organisation, de manière ressassante : un phénomène curieux et angoissant d’auto-enfermement collectif.

Confrontés à la complexité de notre système et à l’accélération des changements en éducation, nous pensons que l’approche analogique et sa transposition sont d’utiles opérations intellectuelles à maîtriser pour  renforcer la capacité des personnels à investir leur propre activité.

 

  • Mille et une propositions…

Peut-on engager à l’innovation et à la créativité en éducation, en formation, en animation, en enseignement en adoptant des formules plus « classiques » et attendues, plus respectueuses de notre coutume française et universitaire ? Sans doute, d’autres l’ont fait, avec talent. Combien de thèses sur l’éducation ont été produites, mais avec quel effet et pour quel public enseignant ? ; Les éditeurs comme les inspections déplorent le manque d’approfondissement didactique et professionnel de leurs enseignants ? A l’opposé, combien d’ouvrages et d’essais de rentrée, plus conformes, ont été publiés, pour dénoncer, décrier et déstabiliser finalement le monde scolaire ?

Notre choix est délibéré, il prend appui sur plusieurs éléments : d’une part, il nous semble intéressant, voire nécessaire pour notre public professoral, de parier sur une isomorphie entre situation d’enseignement et situation de formation ; il est difficilement tenable de dire à présent « il est possible de faire différent » et de tenir le cadre rigidement, sans soi-même ne rien changer. Ce n’est pas le moindre des paradoxes actuels de notre gouvernance.

D’autre part, nous avons conçu l’ouvrage pour que le lecteur puisse s’y plonger ; son premier titre avait d’ailleurs « voyage au centre de l’enseignement », en hommage à Jules Verne, telle une invitation au voyage, avec ses détours et trouvailles inattendus. La lecture n’est pas linéaire ; ouvrez-le sur une page quelconque, nous faisons le pari que vous pourriez y piocher un élément, un point d’appui pour étayer originalement pour votre enseignement.

Ce principe de lecture s’inspire beaucoup notre expérience de l’internet, que nous développons depuis quinze ans à présent, sur la démarche de sérendipité. Cela nous semble une réponse à la complexité de notre métier et aux interactions fortes actuelles entre pratiques de classes, organisation du travail et valeurs professionnelles. Quelle que soit l’entrée que vous aurez privilégiée, elle vous ouvrira sur une même réalité, dans sa riche complexité, dont vous ne pourrez ignorer les autres facettes. C’est ce principe que vous pouvez retrouver dans le « Manuel de survie à l’usage de l’enseignant, même débutant ».

Se perdre, mais c’est ne pas prendre de décision originale et stimulante; on retrouve vite la métaphore de Descartes de « l’homme dans la forêt ».L’ouvrage met le lecteur en situation de choix responsables et de micro-décisions à prendre, à tester, à analyser. En habilité et en évitant les risques de monotonie et d’ennui, contre-productifs.

Notre ouvrage illustre la confluence de trois sources : d’une part, il actualise les travaux engagés de nombres d’équipes de terrain qui avaient été formalisés dans le cadre d’une recherche à l’INRP sous la direction d’André de Peretti sous le titre de « Rapport sur les points d’appui de l’enseignant », à une époque où la diffusion et même la publication étaient encore à son balbutiement ; pourtant réédité, mais l’accès était rare, et aride ; c’était une véritable banque de données, dont bien des planches avaient été extraites pour animer des formations, jusqu’à en perdre la référence initiale. Le temps a joué son rôle de sédimentation, et nous avons choisi de prendre appui sur quelques éléments encore très actuels pour notre métier.

D’autre part, c’est toute l’expertise d’André de Peretti qui anime l’ouvrage ; il reste la personnalité qui a présidé à l’émergence de la professionnalité de l’enseignant, en engageant résolument la réflexion sur la nécessaire formation, initiale et continue, au sein de l’Education nationale en France. L’histoire institutionnelle en décida après autrement : avec la complication de nos organisations scolaires, administratives et universitaires ; les dispositifs ont été brouillés. A l’heure du débat de fond sur le métier lui-même, et partant, sur la formation nécessaire et utile des enseignants, il nous a semblé opportun de signaler l’obligatoire renforcement des compétences et des connaissances en matière de variété requise des pratiques et des organisations de classe, domaine pas forcément investi dans l’université.

Enfin, plus personnellement, mon positionnement institutionnel en tant que responsable de la mission « innovation et expérimentation » dans une académie (2001-2011), puis au niveau national dans ce Département Recherche et Développement (DRDIE, 2011-2017), m’invite depuis plusieurs années déjà à accompagner les changements profonds et durables des pratiques individuelles et collectives du premier comme du second degré ; cela passe autant par l’analyse partagée des dispositifs en place, par la formation des formateurs et des conseillers au niveau national, comme par la production de ressources et d’instruments issus de ces travaux.

Ainsi, inviter à la variété des pratiques n’est pas futile : elle prend appui non pas tant sur les possibles, dans une virtualité onirique, que sur des pratiques « déjà là », encore émergeantes. Les suggestions sont donc des expériences validées, affinées et diversifiées, qui permettent d’espérer une évolution de notre système d’éducation, non tant par la réforme, que par les pratiques. Changement du 3ème type, dirait Perrenoud. Andy Hargreaves évoque lui une quatrième voie que nous empruntons.

Le quotidien de classe, c’est l’environnement où tout se fait, ce sont ces micro-actes, gestes, paroles et interactions avec les élèves qui, à terme, fabriquent les performances ou les échecs ; c’est pourquoi il est important de porter notre attention sur ce domaine « allant de soi », et jamais bien exploré, comme si tout « allait de soi ». Qui le voit d’ailleurs ? Où en parle-t-on ?

Peut-on innover ? D’abord, dans la prise de décision, dans son style d’enseignement, s’agit-il de « pouvoir », c’est-à-dire de disposer, en responsabilité personnelle, de moyens ou de dispositifs particuliers éprouvés externes qui invitent à l’action ? Ou alors de « savoir », domaine où la formation peut agir mais aussi où il est important de faire l’inventaire expert des outils et des pratiques (c’est un peu le sens de notre ouvrage) ? Ou encore, de « vouloir » ; dans ce domaine, est-on sûr qu’il est acquis que tout professeur cherche à innover en classe ? Notre corps enseignant est très partagé sur ce point.

« Innover » n’est pas forcément le nouveau à tout prix ; c’est combiner, souvent chercher des alternatives quand on est confronté à un problème irrésolu, quand vous sentez qu’il n’y a pas d’ajustement entre ce que vous mettez à disposition des élèves et leurs résultats en ce qu’ils en font. Certains pourraient s’en contenter, en imputant les défauts à une causalité externe, d’autres vont tenter d’interroger ce microsystème subtil entre professeur/savoirs/élèves. Le point de vue est très différent, les conséquences aussi !

Avec André, nous invoquons « l’effet Bunuel » comme métaphore, à partir de l’analyse du film de l’Ange exterminateur, où tout un groupe se trouve enfermé, sans avoir osé une seule fois ouvrir la porte… pourtant ouverte. Mais il faudrait oser user de sa responsabilité personnelle pour sortir de l’enfermement stérilisant.

Bien des équipes n’attendent pas réformes et injonctions pour ajuster au mieux leur organisation scolaire, temps et espace, à la recherche de la performance de leurs élèves. Ce qui les différencie des autres, c’est qu’un collectif organisé, avec direction et formation dans le coup, s’applique à toucher à la loi d’airain de notre système : l’organisation tayloriste de nos établissements. Mais heureusement, toutes sortes d’établissements l’ont fait et le font actuellement, ce n’est pas réservé aux seuls élèves « décrocheurs » comme on le voit souvent, mais aussi pour des établissements parfois élitistes. C’est donc qu’il y a aussi une réelle plus-value, pour tous, dans une organisation du temps modulé avec efficacité.

Cette approche du « temps mobile » n’est pas nouvelle ; Aniko Husti l’avait déjà diffusé dans les années 80/90, ses conclusions reprises aussi dans les rapports de l’Inspection générale. Le réseau de l’innovation a engrangé tout cela depuis des années, et mis en ligne. Nous avons donc les études de cas, les outils, les évaluations, les « savoirs professionnels » à disposition. Mais… qu’en faisons-nous ? Et à quelle échelle de diffusion et d’expérimentation ?

Nous touchons ici des « fondamentaux » de notre métier et de notre culture professionnelle : chaque établissement a sa propre histoire, dispose d’une combinatoire spécifique entre compétences présentes, valeurs assumées, mode de direction ; nous sommes dans une organisation humaine et professionnelle complexe, où l’engagement n’est pas collectif, il reste du domaine de l’acteur ; nous savons ce qui « marche », nous savons en décoder la réussite ; mais nous sommes collectivement en incapacité de reproduire le phénomène, tout du moins en masse.

La question porte autant sur la responsabilité de chacun des acteurs, que dans la prise de décision au niveau politique. N’oublions pas un échelon, celui des « corps intermédiaires » (formateurs, conseillers pédagogiques, inspecteurs, directeurs) qu’il s’agit d’impliquer dans ce jeu. Le changement d’organisation impacte tous les métiers et les relations entre les gens, à tous les niveaux ; ce ne peut être seulement qu’une « affaire de profs » ! Il ne s’agit pas de foi, mais d’une analyse sur le fonctionnement des systèmes. L’égalité mathématique ne fonctionne que par la diversité des éléments et non leur identité. On dit bien A = B. Toute dynamique n’existe que par les différentiels.

L’article 34 de la loi de 2005 (repris dans le Code de l’éducation en 2013 dans l’article L 401-1)  donnant le droit à l’expérimentation pédagogique est une « ruse de l’Histoire » ; réclamé il y a 25 ans par la gauche, il est acquis par une loi ( !) dans un contexte de droite conservatrice. C’est donc qu’au-delà des péripéties des alternances politiques, des forces travaillent notre structure éducative, à présent plus rapidement qu’hier. L’expérimentation ne s’inscrit suffisamment pas dans une logique de libéralisme ; c’est pourtant le maillon qui complète le dispositif qui reconnaît depuis 1986 l’autonomie et la responsabilité de l’EPLE. On retrouve la logique qui agit dans le développement durable : « penser global, agir local ». Ce qui impressionne actuellement, c’est encore la paralysie des acteurs locaux à se saisir de cette carte blanche, à se saisir de toutes les dimensions possibles, collectives, créatives au service de tous les élèves. C’est le sortilège de l’effet Bunuel évoqué plus haut.

Il nous faut donc travailler à une véritable pédagogie de « l’empowerment » ; quand bien même les contraintes sont fortes, les conditions d’exercice plus difficiles, êtes-vous satisfaits de l’organisation, mécanique, répétitive et fastidieuse, de votre travail et des résultats produits auxquels vous participez ? Si oui, nous ne pourrons pas travailler ensemble ; si non, alors, un ouvrage tel que les « Mille et une propositions », et des missions d’expérimentation telles qu’elles peuvent exister dans les académies, peuvent alors nous entraider solidairement, dans l’enthousiasme de notre action professionnelle difficile mais plus que jamais essentielle pour la stabilité de nos sociétés en changement accéléré.

[1] Un article sur les « paradoxes de la présence », d’après l’œuvre de Carl Rogers par André de Peretti est disponible en ligne sur http://carl-rogers.fr/Carl%20Rogers%20ou%20le%20paradoxe%20de%20la%20presence.pdf

[2] Voir sur http://francois.muller.free.fr/diversifier/les_8_paradigmes.htm

[3] D’après Pindare, Ode  pythique, repris par Nietzsche, dans Le Gai savoir.

[4] Voir une technique qu’il développa, appelée JMT pour « jeu de transposition méthodologique », http://francois.muller.free.fr/diversifier/le_jmt.htm

[5] En référence à son ouvrage, L’administration, phénomène humain, éd.Berger-Levrault, 1960.

[6] http://francois.muller.free.fr/diversifier/TEMPS.htm

[7] http://francois.muller.free.fr/diversifier/ecole/index.htm

[8] http://lewebpedagogique.com/diversifier/

Nipédu 83 : Le développement professionnel des enseignants (textes et vidéo)

Nipédu 83 : Le développement professionnel des enseignants

Les deux compères Fabien et Régis, NIPEDU  ont souhaité faire le n°83 sur la question; c’est du podcast en ligne; et dans la préparation, nous avons écrit le script et proposé des compléments sur l’internet: vidéo et liens.

 

PARTIE I : LA CARTE ET LE TERRITOIRE (20 min)

  • Le développement professionnel, un gros mot ?

Equipes accompagnées dans le cadre de l’innovation, personnels enseignants en formation et cadres nous disent le sentiment d’isolement et le besoin d’être soutenus dans le travail au quotidien, dans les efforts collectifs des équipes à améliorer les pratiques et assouplir des organisations jugées trop routinières, en prenant au mot les objectifs d’apprentissage des élèves. Il s’agit alors de « s’engager dans un processus de développement professionnel »  (extrait du référentiel métier des enseignants).

« Des enseignants qui apprennent, ce sont des élèves qui réussissent ». Ce distique signale un changement important dans la conception de l’apprenance des professionnels en tant que collectif accompagné et coopératif, et dans les relations entre un rectorat et des unités éducatives. Renforcer l’apprentissage collectif des équipes,  faire que l’établissement devienne formateur pour ses propres personnels comme pour d’autres, favoriser les initiatives locales et soutenir les dynamiques d’innovation sont des objectifs ambitieux et durables pour nous, si nous nous en donnons les moyens.

Cette proposition s’appuie sur une conception de l’apprentissage professionnel qui reconnaît  l’expertise des enseignants en identifiant les conditions de son développement et les modalités les plus favorables qui y concourent, d’après la littérature internationale de recherche. Elle implique aussi la mise en ingénierie de nouvelles procédures dans l’organisation des services, d’aide et de conseil auprès des équipes ; elle sollicite de nouvelles compétences pour trois catégories de personnels : des conseillers en développement à la fois analystes des besoins et facilitateurs des travaux avec les équipes, les chefs d’établissement prescripteurs et coordonnateurs des plans de développement professionnel de leur unité éducative et des accompagnateurs ou formateurs en capacité  de suivre des équipes locales sur la durée.

Un développement professionnel de haute qualité répond à six critères: concentré, soutenu, intensif, collaboratif, intégré au travail, axé sur les données et en classe. Sarah Silverman, vice-présidente de Whiteboard Advisors, une firme de recherche sur la politique de l’éducation et l’un des auteurs du rapport, a défini des paramètres clés pour chaque catégorie:

  • Soutenu : se déroulant sur une longue période qui dure plus d’une journée. Seulement 13 pour cent des activités de PD où les enseignants inscrits se composaient de plus de trois réunions.
  • Intensif: se concentrer sur un concept discret, une pratique ou un programme. La durée moyenne des activités de PD était de 4,5 heures.
  • Job-built-in: se déroulant en temps réel dans la salle de classe. Soixante-trois pour cent des activités de PD étudiées ont été offertes dans le système scolaire.
  • Collaboratif: impliquant des éducateurs multiples travaillant sur le même concept ou pratique pour obtenir une compréhension partagée. Seulement 9% des activités inscrites étaient collaboratives.
  • Données axées sur les données: basées sur des informations en temps réel sur les besoins des enseignants et de leurs élèves. Seulement 8% des activités proposées sont alignées sur ce format.
  • Axé sur la classe: pertinent pour le processus d’enseignement. Quatre-vingt-cinq pour cent des activités de PD se sont alignées sur cette norme

Quelles sont les ambitions et objectifs qui ont présidé à la rédaction de cet ouvrage ?

Il y a quelque chose de fondamentalement pragmatique, coopératif et démocratique dans les dispositifs de développement professionnel. Aprés avoir écrit avec Romuald Normand “Ecole la grande transformation” comme une analyse croisée entre acquis de la recherche internationale et expériences en France, il convenait d’outiller les acteurs de l’éducation, des enseignants des Ardennes jusqu’aux décideurs du rectorat de Nice (pour faire large). Beaucoup sont convaincus que les choses en l’état ne fonctionnent pas comme cela devrait, que les organisations et accompagnements de type formatif peuvent être décalés; comment faire alors ? Plus, mieux, différent. Trois mots de l’innovation (more, better, différent).

Depuis plusieurs années, j’ai engagé des travaux sur les terrains des académies, et à l’étranger pour expérimenter avec les collègues, pour partager les ressources, pour échanger autour de leurs questions. L’ouvrage relève de l’ingéniérie éducative; il propose la découverte et la mise en pratique de nombre d’outils, de méthodologies éprouvées et expertisées par les pairs et validées par la recherche internationale le plus souvent.

Quand on sait votre engagement national (et au delà) à dénicher et valoriser les innovations qui font bouger les acteurs du système éducatif (et dont les exemples jalonnent l’ouvrage) on n’est pas étonné de ce choix du paradigme de la carte et du territoire. Quelques mots au sujet de ce choix ?

S’engager dans son développement professionnel reste une aventure, pas à pas, de port à port, souvent collective. Nous sommes issus d’une civilisation thalassocratique traditionnelle (voir les travaux de Fernand Braudel): le goût du voyage, de la découverte et du risque ( à la manière de Hegel), le travail en équipe (vient du Norois: skif, skip), la confrontation aux éléments externes et surgissants font la routine de nos collègues enseignants. Le voyage ne peut aboutir si nous n’avons pas de cap, ni de carte pour naviguer. Le XVIème siècle n’existe que par ces deux outils.  Quelle est donc votre propre boussole ? Et savez-vous dessiner la carte de votre profession ? Ce type d’exercice est à proposer à chaque équipe, vous seriez étonné.

Et pourtant, il est possible que nous vivions, passager et pilote confondus, au changement d’ère. Le numérique amplifie les changements et bouleverse les ordres. Sur un bateau, il y avait un pilote (du grec) qui donnait l’ordre aux rameurs. Dans notre ère “aérocratique” (internet, numérique, sans fil, réseau etc.), qui est pilote ? Les communautés se fédèrent autour de leurs questions, de leurs intérêts, de leur “trésor”; le développement professionnel est tout autant situé que partagé; c’est pourquoi les réseaux sociaux sont essentiels mais ne seront jamais primordiaux; car, au sens premier du terme, ce qui justifie le développement professionnel, c’est d’abord une centration forte et partagée sur ses propres élèves. C’est la relation humaine, physique, didactique, professionnelle avec ce collectif apprenant qui vous fera changer. Pas forcément le reste.

 

Partie II : TOUS ACTEURS & AGENTS DU CHANGEMENT ( 20 min)

Le titre de cette Partie II paraphrase une de vos citation : « Nous sommes tous autant acteurs du changement qu’agents : il nous traverse autant qu’il nous porte », on est en plein dans la pensée complexe d’Edgar Morin ou le tout est à la fois plus et moins que la somme des parties. D’après votre expertise quels seraient les 3 leviers sur lesquels chacun peut concrètement agir dès demain pour libérer le changement ?

Les leviers sont pour nous d’abord des questions sans réponse: non pas que la réponse n’existe pas, mais que le fait de se poser ensemble la question nous fait changer peu ou prou. “La réponse est le malheur de la question” écrivait Maurice Blanchot. Ce pourrait être par exemple:

  • que savez-vous de vos élèves ? (le vous s’adresse à un collectif)
  • Comment le savez-vous ?
  • Comment apprenez-vous ?
  • Le développement professionnel, à vous de jouer ! Exemples et variétés des pratiques en la matière

Série vidéo sur

 

  • Une question peut-être formelle mais éclairante pour les enseignants (formateurs, cadres…) qui voudraient non seulement se lancer dans la lecture de l’ouvrage mais plus généralement aborder la voie du développement professionnel enseignant: pourriez-vous définir chacun des 5 ports d’étape en quelques mots :
  1. L’enseignant et ses cadres: la connaissance “académique” du référentiel enseignant ne peut suffire à l’exercice professionnel; les situations professionnelles concrètes sont nettement plus combinatoires et complexes qu’une liste à cocher;
  2. L’enseignant et ses pratiques: une invitation à l’enquête sur les pratiques de soi et des autres, pour se faire une idée ou mieux, un inventaire des pratiques et des possibles, bénéficier d’une variété requise qui vous restitue du choix et de la liberté d’enseigner;
  3. Ce sont les élèves qui en parlent le mieux: les élèves agissent comme un “miroir des pratiques” dont on sous-estime la valeur; regardez-le et il vous changera;
  4. Conseils d'(ex)pairs: ce qui vous fait “compétent”, ce sont des regards des autres que vous sur votre propre pratique, le savez-vous ? Ecoutez-les, partagez et vous en sortirez meilleur pour vos élèves.
  5. Le développement professionnel continu pour l’enseignant : l’aventure ne vaut que si elle se partage avec les acteurs et dans une organisation qui se mobilise; le prof seul sera mis en difficulté si rien autour de lui ne change aussi; message pour les formateurs, les cadres et tous les autres…
  • La formule de “bon prof” revient régulièrement dans l’ouvrage, selon différents points de vus d’ailleurs (son propre retour réflexif, les élèves, les pairs etc.). Dans ce voyage à la recherche du bon prof (qui est en chacun nous), en quête des attitudes, gestes professionnels, expertises, réflexions et engagements…

C’est pour reprendre des expressions souvent lues ou entendues, des représentations passéistes qui relèvent de la croyance ou de l’idéologie; il s’agit bien de déconstruire ce mythe pour opter sur un développement professionnel continu qui rendent les enseignants “suffisamment solides” (titre d’un des Cahiers pédagogiques). C’est à dire propre à être présents pour leurs élèves, promoteurs de leurs progrès et de leurs réussites, et plutôt bien au sein de leur collectif de travail. On est donc loin du jugement sur la valeur.

INSPIRATION, COUP DE COEUR, COUP DE GUEULE (’)

André de Peretti,

http://andredeperetti.net

et la métaphore du colibi http://francois.muller.free.fr/contes/colibiri.htm

10 questions pour réussir avec ses élèves, à l’attention des enseignants débutants et sans doute des autres

Messages bienveillants et professionnels aux étudiants et aux jeunes enseignants, à partir des expériences et leçons tirées des recherches et pratiques développées  par des équipes engagées dans  l’innovation et plus particulièrement pour le raccrochage scolaire des élèves.

Nombre d’expériences actuelles en France sont tentées depuis dix ans pour proposer des solutions utiles et efficaces pour « refonder » l’école, ou juste améliorer les conditions d’apprentissage de leurs élèves.  Il ne s’agit pas de compiler  les recettes de « ce qui marche » mais bien les questions issues de ces mêmes expériences, celles que nous partageons et permettent de construire l’expertise du métier.  Vous entrez dans ce métier d’enseignant ; c’est à vous de construire vos propres réponses, car elles seront les plus ajustées à vos propres élèves et à votre propre système d’enseignement. Les meilleurs traducteurs, ce sera… vous.

1-Connaissez-vous l’histoire de votre école ?

Votre Ecole a une histoire et vous y participez : vous en êtes les « produits » autant que vous devenez les acteurs privilégiés pour les trente ans à venir. C’est pourquoi il est important, voire stratégique, d’en connaître les tendances, souvent longues, pour pouvoir mieux y participer.

2- Quel élève avez-vous été ?

« Je ne comprends pas que tu ne comprennes pas » : ce propos entendu en classe nous signale l’importance pour tout enseignant, débutant qui plus est, de s’interroger sur ses propres manières d’apprendre, quand il ou elle était élève.

S’intéresser à  favoriser le retour dans les apprentissages de vos élèves ou encore à prévenir le décrochage scolaire requierent donc d’autres compétences professionnelles et d’autres organisations du travail que les simples dispositions réglementaires. Enseignants, équipes et direction ont à développer des analyses plus «cliniques » pour mesurer la gradation ou dégradation réelle et subjective de l’élève dans sa relation au « Monde » de son école, attestant d’une modification sensible de son rapport au savoir (scolaire).

3- Savez-vous dire « c’est bien » de 10 manières différentes ?

Dans leur routine scolaire, les équipes disposent de moyens de « mesure » par l’évaluation sommative trimestrielle (écrite sur le bulletin), mais dans la plupart des cas, cela se borne au constat d’échec et aux injonctions sans effets sur la suite des opérations. Les enseignants éprouvent collectivement des difficultés à analyser des situations fort différentes.

Il est plus facile de construire des éléments positifs ; travaillez et expérimentez dix manières de dire « c’est bien ».

4- Avez-vous pensé au « climat » de votre classe ?

Les difficultés rencontrées par les élèves, et par contrecoup par leur enseignant, sont le produit d’une équation complexe à plusieurs variables. Un seul des facteurs cités ne suffit pas à expliquer le passage d’absences répétées à  l’arrêt de scolarité sans qualification ou sans diplôme. C’est le croisement de plusieurs facteurs qui peut y mener.

Chaque enseignant ne doit pas renoncer à interroger prioritairement les facteurs internes à l’école, qui sont de son ressort (et de toute l’équipe) comme le climat scolaire , le climat de travail,  le climat relationnel et éducatif entre adultes, le climat de justice.

5- Que savez-vous de vos élèves ?

Les élèves se construisent très tôt leur propre histoire scolaire et leur rapport au savoir ; ce sont des dimensions que l’enseignant peut explorer s’il prend le temps de les écouter et de créer les conditions adéquates. Par exemple, ce coffret produit par le PIL (Pôle innovant lycéen) à Paris,  regroupe, en deux DVD distincts, la parole d’élèves ayant rompu avec l’école avant d’y revenir, et de parents ayant été confrontés à cette situation.. http://www.parolesdecrochage.blogspot.fr/  Ils mentionnent souvent des besoins de sécurité, d’une relation de qualité, d’adultes bienveillants et structurants, de dignité et de justice.

Contrairement à une représentation « enseignante », courante en France, les parents ne sont pas « démissionnaires »  Les facteurs externes (liés la plupart du temps à l’environnement familial ou domestique) sont importants:  rythmes jour/ nuit (sommeil),’alimentation (en prévoyant des points de restauration dans l’établissement),  substances psychotropes (alcool, drogues etc),  écrans (internet, télé etc)

 

6- Changez-vous l’espace ou le temps de l’école ?

Quand vous prenez « en main » une classe, dans votre école, interrogez l’environnement d’apprentissage, c’est-à-dire, non seulement les contenus, les relations mais aussi les conditions telles que l’espace ou le temps scolaire.

Les équipes avec l’implication forte de leur direction bousculent le système  routinier et cloisonné de l’école (horaires, disciplines, programmes, notation, espaces) pour recréer un environnement d’apprentissage favorable. (voir l’étude du CERI-OCDE)

7- Votre projet permet-il aux élèves d’apprendre pour de vrai ?

Une bonne idée (de l’enseignant) peut ne pas suffire pour (ré)engager les élèves dans les apprentissages. L’analyse des pratiques expérimentées dans les équipes nombreuses suivies en innovation permet de retrouver des pratiques « efficaces » telles qu’elles ont été documentées par John Hattie (NZ): Visible learning, Routlegde, 2009. Chercheur néo-zélandais à l’université de Melbourne, il a réalisé une méta-analyse de plus de 800 études sur l’efficacité des pratiques d’enseignement. l’enseignement sera d’autant plus efficace qu’il rassemble plusieurs gestes professionnels qui font système entre eux et propose une cohérence et une continuité pour soutenir les apprentissages des élèves: ce peut être:

  • La mise en œuvre d’une évaluation pour les apprentissages
  • Le feed-back apporté aux élèves
  • La qualité de la relation
  • Les stratégies de méta-cognition (auto-verbalisation et auto-questionnement)
  • La résolution de problèmes dans la classe
  • L’apprentissage coopératif
  • L’étude des compétences des élèves
  • Le travail à partir d’exemples concrets
  • La cartographie mentale des concepts
  • Le tutorat par les pairs

8- Ouvrez-vous votre classe ?

La classe n’est plus un lieu clos car cette organisation produit du classement et de l’échec. On dit que la classe « classe » . Dans des centaines de collèges, lieu de la massification scolaire, ou encore de lycées professionnels,  depuis des années, des équipes explorent les voies d’une meilleure prévention en pensant l’inclusion par les pratiques, les passerelles par la souplesse des modules et parfois avec le recours à des compétences externes (partenariats).  Quatre caractéristiques font système :

–  Les équipes font le pari de l’éducabilité pour tous « Tout le monde est d’accord avec le fait que jusqu’à ce que chaque élève ait réussi son examen final, on ne se repose pas ». Concrètement, cette position veut dire que les établissements font attention aux résultats de tous et s’équipent de moyens ou supports d’évaluation pour soutenir les apprentissages, plus que pour les sanctionner.

– une différenciation  des approches. ce qui compte, c’est « la différenciation, pas la remédiation » ;

– ne pas hésiter à bouleverser l’organisation.

– l’importance de la communication entre enseignants. « On va dans la classe d’un collègue très régulièrement ».

Ce qui change, c’est fondamentalement le regard porté sur les élèves et sur ce qui arrive dans la situation d’enseignement.

9- Etes-vous un « ingénieur » ?

Même débutant dans le métier, vous serez amené à « bricoler » ou encore à inventer des cours, des supports, des nouvelles manières de s’y prendre. Mais penseriez-vous qu’un médecin doit réinventer la médecine pour exercer son métier ? Ou qu’un ingénieur les cinq méthodes pour construire des ponts ? Etes-vous un « ingénieur » pédagogique ?

 

10- Avez-vous pensé « durable » ?

Débuter dans le métier, c’est souvent parer à l’urgence d’une situation, sans avoir trop le temps de se projeter sur un mois, sur deux ans.  Pourtant, l’immédiateté n’est pas facteur de réussite pour les élèves. Il faut penser « durable » (pour développement durable des compétences).

Pour vivre, les expérimentations doivent relever le défi d’être « durables »; d’où l’importance de structurer professionnellement et financièrement les innovations au moment où tous les crédits sont à la baisse.

 

Nous espérons que ces dix questions seront pour vous et pour vos formateurs autant d’occasions d’explorer vos pratiques et d’expérimenter des dispositifs pour la meilleure réussite de tous vos élèves.

NB: si vous souhaitez poursuivre ce travail en ligne, retrouvez

le Kit de (se)cours de l’enseignant, en 30 fiches

 la série « Etes-vous un bon prof ? », en 5 épisodes interactifs


Autour du développement professionnel, note de lecture (Les Clionautes)

L’ouvrage ici proposé s’inscrit dans une collection « Pédagogies » qui propose aux « enseignants et formateurs …des œuvres de référence associant étroitement la réflexion théorique et le souci de l’instrumentation pratique ». C’est en effet ce qui frappe tout de suite à la lecture de ce livre, de vouloir envisager théorie et expérimentation ensemble. Cela a un avantage majeur qui est de ne pas verser, soit dans le catalogue de recettes de cours, soit dans la réflexion hors-sol.

Un dispositif pour impliquer le lecteur

Le livre comporte trois niveaux de lecture clairement présentés en introduction : cinq chapitres comme « cinq manières de comprendre » les mutations du métier d’enseignant. Ensuite, dix tendances durables qui changent l’éducation, déclinées en autant de points, soient cent balises, repérables grâce à un pictogramme spécial, et enfin des ressources, des auto tests identifiables également grâce à un liseré rouge qui ont pour but d’enrichir le quotidien des pratiques. L’ouvrage comprend un nombre important de prolongements sous forme de QR codes qui développent des exemples signalés dans le livre. Il propose de très nombreux tableaux de synthèse, schémas et questionnaires. Tous ces éléments sont également accessibles depuis le site Esf http://esf-scienceshumaines.fr/accueil/283-des-enseignants-qui-apprennent-ce-sont-des-eleves-qui-reussissent.html

Développement professionnel : de quoi parle-t-on ?

Ce chapitre introductif pointe dix tendances majeures dans l’éducation actuelle. Cela permet de faire le point en rappelant par exemple qu’on assiste aujourd’hui à l’internationalisation des questions d’éducation comme en témoigne l’importance accordée aux évaluations Pisa. Parmi les autres points saillants, François Muller souligne qu’il y a nécessité à entériner les acquis de la recherche des sciences cognitives, de croiser des disciplines et de développer les partenariats. Le chapitre se termine en interpellant le lecteur pour qu’il puisse se situer par rapport à toutes ces tendances de fond. Il propose également une réflexion sur la question du changement dans l’éducation et souligne que parfois un infime changement peut provoquer des bouleversements importants : c’est ce qu’il nomme le clinamen.

L’enseignant : ses cadres et ses pratiques

Après des exercices introductifs pour sensibiliser le lecteur, François Muller incite d’abord l’enseignant à réfléchir à sa gestion de classe au quotidien au moyen d’une grille avec onze rubriques elles- mêmes subdivisées en de multiples items. La deuxième partie de l’ouvrage est la plus fournie et elle ne peut néanmoins être exhaustive. François Muller choisit cinq points d’entrée : construire la relation, l’évaluation, l’organisation, la coopération et l’innovation. Parmi les ressources intéressantes, on peut signaler la liste qui propose vingt manières différentes de reconnaitre la valeur du travail des élèves. L’auteur incite le lecteur-enseignant à repérer les dix items qu’il met déjà en pratique et les cinq qu’il pourrait utiliser. Toujours dans cet esprit de réussite des élèves, il évoque les travaux de John Hattie en proposant une synthèse utile de quelques principes qui bénéficient aux élèves. Le chapitre se poursuit en proposant dix pistes d’action vers la différenciation pédagogique. A chaque fois, on trouve des prolongements à télécharger pour avoir des exemples plus précis. François Muller apporte d’autres documents de travail pour organiser des EPI par exemple. Il faut noter également une très intéressante approche sur les systèmes d’apprentissage. François Muller passe ainsi en revue un certain nombre de tendances qu’il définit en quelques lignes qui sont autant d’ouvertures, de suggestions pour l’enseignant. Parmi elles, il parle de « apprendre à apprendre », ou « amène tes appareils en cours » ou encore « l’apprentissage par le jeu ». Se voulant une trousse à outils, mais pas seulement, l’auteur envisage la question du numérique à travers une vingtaine d’idées.

Ce sont les élèves qui en parlent le mieux
François Muller commence ce chapitre par une question à la fois essentielle et difficile à trancher, à savoir qu’est ce qu’un bon professeur ? Il s’appuie sur les travaux de Stéphanie Leloup qui permettent d’envisager les réponses du côté des élèves et du côté de l’enseignant. Il aborde la question fondamentale des apports des neurosciences et met en évidence quatre facteurs qui facilitent les apprentissages. Il s’agit de l’attention et de la focalisation, de l’engagement et de l’autoévaluation, du retour d’information et de l’erreur et enfin de l’automatisation et les routines.

Conseils d’(ex) pairs

Ce chapitre plus court insiste néanmoins sur un point fondamental qui concerne les relations à l’intérieur d’un établissement avec quelques exemples d’interactions. Ainsi, qu’est ce qu’un bon professeur d’après cette fois les critères d’un chef d’établissement ? Il aborde aussi la question très récente de la réforme de l’évaluation des enseignants. Là encore, il propose de nombreux outils d’auto-positionnement qui sont autant de portes d’entrée pour réfléchir à ses pratiques.

Le développement professionnel continu pour l’enseignant

On peut signaler, dès l’amorce de ce chapitre, les dix questions à se poser pour s’engager dans son propre développement professionnel et réussir avec ses élèves. Par exemple, savez-vous dire à un élève « c’est bien » de dix manières différentes ? François Muller invite en permanence à se questionner sur ses propres pratiques. Parmi les autres points auxquels réfléchir, on peut s’interroger aussi sur le fait d’ouvrir ou non sa classe. Il faut reconnaitre que ces interrogations, si on veut bien se donner la peine de prendre le temps d’y réfléchir, aident à penser son métier et son évolution.

François Muller propose donc un ouvrage très utile et l’on pourra conseiller de le lire une première fois et de le garder à proximité de soi pour y revenir. En tout cas, il remplit pleinement son rôle en nourrissant la réflexion de l’enseignant sur ce qu’il est, sur ce qu’il fait car comme le dit l’auteur : « « Le développement professionnel a un début, il n’a pas de fin ».

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes

extrait de la note de lecture des Clionautes, 29 mai 2017, sur le site https://clio-cr.clionautes.org/des-enseignants-qui-apprennent-ce-sont-des-eleves-qui-reussissent-le-developpement-professionnel-des-enseignants.html

Merci pour cette contribution, les Clionautes.

La préface de Romuald Normand (autour du développement professionnel)

Faut-il miser sur le développement professionnel des enseignants ? Oui, si l’on en croit la recherche internationale. Lorsque sont mesurés et comparés les facteurs d’amélioration de la réussite des élèves, le développement professionnel se révèle un des leviers les plus efficaces. Mais pas à n’importe quel prix ! C’est le mérite du livre de François Muller, abondamment nourri de références et d’exemples, d’en préciser les termes et les conditions de possibilité. Ce n’est pas à partir d’injonctions, de règles, de plans de formation, que s’opère une transformation des pratiques pédagogiques. Ce n’est pas non plus entre les murs de la salle de classe, sur la base d’une expérience idiosyncrasique et d’une réflexion personnelle, au nom d’une liberté pédagogique assumée, que se règlent les problèmes et s’inventent les solutions pour faire progresser les élèves.

François Muller l’explique très bien tout au long de son livre : la clé de la réussite, c’est d’abord le collectif d’enseignants, échangeant idées et ressources, partageant expériences, connaissances et compétences. Comme le montre depuis longtemps la recherche internationale, étayée par de nombreux résultats et expérimentations, les pratiques collaboratives sont de loin les plus efficaces pour réduire les inégalités de réussite entre élèves. Pour autant, des groupes d’enseignants engagés dans ce type de démarche ne sauraient être livrés à eux-mêmes, au risque de s’enfermer dans des routines défensives, de « réinventer la roue », ou d’être dépassés par leur propre dynamique. Les enseignants ont besoin d’être accompagnés collectivement par un expert ou un groupe d’experts. C’est là un des premiers postulats du développement professionnel.
Se posent alors plusieurs défis. Il ne suffit pas de donner une feuille de route, parfois appelé « cahier des charges », pour que les enseignants adoptent et suivent le script qui leur a été assigné. Tout formateur un peu averti sait que la formation est un « voyage » avec ses différents chemins, rencontres, aléas, péripéties. L’usage de la métaphore, comme le montre si bien François Muller, y est d’ailleurs plus utile que les instructions, critères, consignes, et autres objectifs de « cadrage ». Etre à l’écoute, faire exprimer non pas les « besoins » mais les attentes, les non-dits, les angoisses, les incertitudes et les doutes, c’est ce registre émotionnel que le formateur doit travailler. Bien trop souvent passé sous silence, il constitue un déterminant essentiel dans la réussite d’une formation.
Un autre défi concerne l’authenticité et l’engagement des enseignants. Trop souvent, ces derniers sont enfermés dans certains rôles et postures professionnelles qui les empêchent de s’ouvrir à l’interaction et aux échanges, d’exposer leurs vraies difficultés, de mettre à jour les fondements de leur pratique parce qu’ils sont soumis à une pression sociale, qu’ils ont peur de du ridicule, qu’ils sont prisonniers de leurs valeurs et de leurs croyances. C’est là que le formateur entre en scène, comme le décrit si bien François Muller. Animateur, facilitateur, négociateur, accompagnateur, médiateur, il endosse des rôles différents en même temps qu’il en délègue certains aux membres du groupe d’enseignants pour libérer la parole, créer la confiance, et construire un sentiment collectif d’appartenance.
Alors peut commencer le voyage du développement professionnel et nous suivons François Muller, non pas dans un parcours d’obstacles, mais dans un processus par étapes, mobilisateur, intégrateur, fédérateur dans lequel chaque enseignant est engagé dans un apprentissage en équipe. Parce que le développement professionnel, c’est d’abord retrouver les voies d’un apprentissage professionnel construit sur l’expertise des enseignants eux-mêmes. C’est ce savoir pédagogique qui est au centre, reconnu comme tel, premier dans un effort de réflexivité conduisant le groupe d’enseignants à une prise de conscience progressive de ses atouts, intégrant des ressources au fur et à mesure qu’il progresse et prend conscience de ses forces, de ses faiblesses et des opportunités qui s’ouvrent à lui.
Exploration, créativité, imagination, prise de risque sont les maître-mots des sessions de développement professionnel qui font alterner mini-conférences, ateliers, travaux individuels et par groupes, selon une entrée en matière d’abord divergente, faisant appel à la pluralité des expériences individuelles, avant de converger sur des propositions et des résolutions qui déclenchant à leur tour des modes d’action en commun et des changements de pratique. C’est en parallèle une expertise et des ressources externes qui sont progressivement introduites pour opérer un changement dans les manières de penser et d’agir, sans qu’elles soient perçues comme une greffe artificielle ou une position surplombante.
Quel est donc le principe fondamental du développement professionnel ? C’est d’amener l’enseignant à enquêter sur ses propres pratiques, avec ses pairs, en partageant des rôles et des responsabilités, en cherchant à identifier collectivement une série de problèmes et de solutions par le partage de représentations, d’expériences, de pratiques, de connaissances et compétences professionnelles, de ressources cognitives et matérielles, en présence et à distance. Certes, le voyage ne s’accomplit pas en une journée : le développement professionnel exige du temps, de l’accompagnement par un tiers, et aussi une évaluation des effets de la formation sur les pratiques pédagogiques. C’est un processus cyclique, itératif, réflexif soutenant une dynamique d’apprentissage auto-entretenue par le formateur et par le groupe d’enseignants, centrée sur la recherche de ce qui marche dans l’amélioration de la réussite des élèves.
Le livre de François Muller nous guide à pas à pas dans ce long voyage, en le peuplant d’anecdotes, de récits, d’outils, et de métaphores qui jalonnent le parcours, avec ce talent de pédagogue auquel il nous a habitués Ses exemples, conseils, recommandations, analyses, ont été mis à l’épreuve des réalités du monde enseignant dans des environnements variés, de la maternelle au lycée, en formation initiale comme en formation continue, au sein de groupes de recherche-action et d’innovation, dans le cadre de programmes de recherche-développement initiés par le ministère. Le livre relaie aussi les principaux résultats de la recherche internationale sur le développement professionnel.
Plus qu’un guide ou un manuel, c’est un livre-ressources avec de multiples entrées dans lequel chaque enseignant ou formateur peut puiser au gré de ses envies et de ses préoccupations. C’est aussi une carte et une boussole pour explorer les territoires et les océans de l’innovation pédagogique.
Enfin, ce nouveau et innovant Guide du développement professionnel rend hommage à tous ces enseignants et formateurs engagés dans une dynamique de changement, créatifs, innovants, passionnés, qui ne comptent pas leur temps auprès des élèves en contribuant chaque jour, avec dévouement et désintéressement, à la transformation silencieuse de l’école.
Romuald Normand

Professeur des Universités Professeur Visitant en Management, Innovation et Politiques de l’éducation Associé au Centre Thésée pour l’éducation, l’innovation et l’égalité des chances, Département Management, ESSEC, Cergy-Pontoise & Co-directeur du Centre Franco-Chinois pour l’Innovation en Education Université Normale de Pékin

 

Le développement professionnel comme un voyage (teaser)

« Ceci n’est pas seulement un livre. Bien sûr, le lecteur y trouvera des développements d’un grand intérêt sur le métier d’enseignant aujourd’hui. Bien sûr, il pourra en suivre le développement rigoureux tout au long des pages. Mais il pourra aussi s’en faire un véritable « compagnon de travail », avec qui échanger tout au long de sa formation et de sa vie professionnelle.

Un « compagnon » à consulter et à interroger. Un « compagnon » avec qui réfléchir aux situations auxquelles on se trouve confronté. Un « compagnon » qui invite à découvrir des propositions nouvelles, à explorer des pistes qui n’apparaissent difficiles ou inquiétantes que tant que l’on n’a pas essayé.

Un « compagnon » avec qui débattre aussi, sans préjugés ni dogmatisme, des perspectives à envisager pour progresser dans son métier, mieux faire réussir ses élèves et être plus heureux de reprendre tous les matins le chemin de la classe.

François Muller, qui connaît parfaitement de multiples innovations scolaires, qui a étudié longuement aussi bien leurs conditions de réussite que leurs effets, nous offre, avec ce nouvel ouvrage, non pas une série d’injonctions techniques ou moralisatrices, mais un formidable ensemble de ressources. Ses exemples et ses outils, ses réflexions et ses « exercices » sont là pour aider chacun et chacune à trouver sa voie. Sans avoir à tout réinventer à chaque instant. Mais sans être enjoints, non plus, à exécuter mécaniquement des instructions.

Son livre est plus qu’une invitation au voyage, c’est un « compagnon de voyage ». Un voyage dans un monde et un métier où nous devons relever sans cesse de nouveaux défis. Des défis pour construire une École de l’avenir. »

Philippe Meirieu, texte de 4ème de couverture du livre édité en mars 2017, « Des enseignants qui apprennent, ce sont des élèves qui réussissent« , le développement professionnel des enseignants,  François Muller.

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Nous serons présents au Salon du livre, sur le stand d’ESF, A5, le vendredi 24 mars, à partir de 14 h. Nous serons heureux d’échanger avec vous.

Faisons-nous le même métier ? Autour de l’identité enseignante et du développement professionnel

article paru dans Résonances, mars 2017

Enseigner, un métier impossible ? Comme tous les métiers, l’enseignant est sujet à toutes sortes d’interrogations:   quelles sont les ressemblances et les dissemblances lorsque le métier est exercé au primaire, au secondaire 1 et 2 ou au tertiaire ou encore lorsque l’enseignant devient formateur d’enseignants. Bref, y a-t-il un ou des métiers? S’il y en a plusieurs, ont-ils néanmoins des caractéristiques communes fortes ?

C’est bien d’identité professionnelle dont il s’agit.  Ses éléments constitutifs de quatre ordres : la qualification (le diplôme), la compétence, une culture professionnelle (faite d’objets, de valeurs, d’actions, de symboles), une déontologie.

La déontologie du métier d’enseignant s’apprend-elle ?

La déontologie est constitutive de la professionnalité du métier, au même titre que les compétences et le statut et elle reste pourtant un impensé de la formation en l’état, au contraire d’autres métiers dont la régulation est conçue en interne (le code de déontologie du journalisme en 1918, celui des médecins à la fin du 19e s). La maîtrise des techniques variées et la connaissance du référentiel ne peuvent suffire si elles ne sont pas aimantées par un corpus de règles intérieures et partagées qui en assurent l’usage et la régulation à l’épreuve du quotidien.

Pour Erick Prairat[1], la déontologie enseignante repose sur quatre principes : l’éducabilité, qui ne laisse personne hors de l’école, l’autorité, qui permet la distance nécessaire à l’enseignement, le respect qui oblige à considérer la valeur de chacun, et la responsabilité, qui obligé à assumer décisions et actions.

Leur formulation doit obéir à trois règles : la sobriété normative, pour en éviter l’inflation intenable, le souci de stabilité, pour des normes raisonnables et acceptables, et l’exigence de neutralité, afin d’éviter tout préjugé discriminatoire. Pragmatiquement, on pourrait se retrouver dans trois mots : le tact, la justice et la sollicitude ; ce sont des qualités morales et professionnelles à la fois, qui ne peuvent se décréter, et qui font la différence auprès des élèves.

La déontologie, c’est une manière et des modalités pour la construire, la débattre et l’incarner ; Prairat propose trois voies possibles ;  un travail d’analyse notionnelle, pour explorer les acceptions et formes du devoir afin d’en clarifier les présupposés et les implications ; un travail à partir des dilemmes pour la réflexion ou « exercices de pensée » permettent d’interroger divers cas concrets sur des problèmes singuliers d’où l’induction de la règle pratique générale pose problème. ; ce sont enfin des exemples de chartes empruntées à différents pays (Suisse, Belgique, Canada) qui ont tenté de résoudre les difficultés de formulation ou d’arbitrages .

Le serment de Socrate en Belgique francophone[2] définit le métier en une phrase pour tout enseignant :« Je m’engage à mettre toutes mes forces et toute ma compétence au service de l’éducation de chacun des élèves qui me sera confié. ». En France, l’effort d’unification des métiers de l’éducation se formalise dans un référentiel métier 2013 développé en 10 compétences, et quelques variables objectives selon les degrés d’enseignement ou la situation (par exemple, la documentation, la vie scolaire). La réponse institutionnelle est explicite : il s’agit d’un même métier.

Dans le genre professionnel,  trouver son style (thème et variations)

Pour autant, compétences et culture professionnelles cependant ne s’acquièrent pas comme la qualification par une préparation et un acte validé (le concours). Ils s’élaborent dans l’expérience et dans le temps. On ne prescrit pas un acte comme on l’a appris en faculté de médecine, on n’enseigne pas comme on a appris à l’école, ou comme on nous a enseigné à l’université. L’écart est important entre formation initiale et exercice professionnel, et c’est normal. Pour cette raison,  les cursus des facultés de médecine ont intégré depuis longtemps des séances d’analyse de pratiques et des formations par alternance.

Un professeur peut être statutairement et fonctionnellement enseignant toute sa vie, aura-t-il  acquis les compétences requises pour autant ? Vraisemblablement pas, comme toutes ces professions fondées sur le « travail à autrui », médecins et professions sociales notamment, la compétence s’élabore acte par acte, en ajustement réciproque avec ceux qui en bénéficient et en adaptation à un contexte forcément spécifique.

Développer des compétences professionnelles dans l’enseignement dépend au moins de cinq facteurs  en interaction permanente :

– les grands changements sociétaux qui peuvent affecter d’une manière ou d’une autre votre exercice localement (mondialisation, flux d’immigrations, réseaux…);

– l’évolution rapide des connaissances, de leur élaboration à leur transmission plus diversifiée, dans ou hors du champ scolaire, depuis sa propre formation initiale, quelle que soit la discipline ;

– le changement profond des publics scolaires et leur grande diversité selon les milieux, les niveaux, les classes, les zones, etc.; et aucun enseignant n’est épargné ;

– les mutations non moins rapides du cadre institutionnel prescrit (projet politique redéfini en « refondation », politique d’établissement affirmée, régionalisation développée);

– le mûrissement de votre propre parcours professionnel, participant en cela de votre identité à multiples facettes (personnelle, familiale…). Toutes choses qu’on ne maîtrise pas, mais qu’il importe d’appréhender comme variables dynamiques pour se construire professionnellement tout au long de la vie.

 

Entre dimension identitaire fortement personnalisante où chacun trouve son sens dans l’exercice professionnel et déontologie partagée (sans être universaliste), il importe de souligner la dimension contextuelle du travail enseignant et la grande variété des situations d’exercice et des pratiques. Ce qui peut faire dire à plusieurs enseignants en éducation prioritaire: « On ne fait pas le même métier » (sous-entendu : « que tous les autres enseignants qui ne travaillent pas en REP »).

On peut reprendre la matrice professionnelle sur la base des « 30 compétences de l’enseignant moderne »[3]. Sur cinq « familles de compétences », dit Perrenoud, viennent s’ancrer trois aires concentriques plus ou moins dilatées :

  1. Le socle, au centre, correspond au « prescrit» du métier, ce qui est partagé par tous : la reconnaissance d’une aptitude à enseigner, par voie de concours (CAPES, CAPET, concours de recrutement des professeurs des écoles, agrégation), ou par recrutement complémentaire (maître auxiliaire, adjoint d’enseignement, recruté local, etc.). La base est donnée par le texte du BO (Bulletin officiel) du 29 juillet 2013. Ce socle est invariant, tout du moins théoriquement : « on fait le même métier.».
  2. L’aire des «variables objectives » de la situation d’exercice : niveaux d’enseignement (maternelle, élémentaire, collège, lycée, supérieur), zonage (centre-ville, périurbain, néorural, rural), degré de difficulté (REP, zone sensible), charges ou rôles assumés dans l’établissement (professeur principal, chef de projet, coordonnateur de discipline), spécificités des groupes d’élèves (classes « normales », à projet, spécifiques…). Ainsi, une même compétence peut être objectivement amplifiée dans une situation d’enseignement ou complètement mise en sommeil dans une autre. On ne fonctionne pas constamment à plein régime et à 100 % des compétences possibles. On retrouve ici la logique qui préside au profilage des postes, actifs dans certains cas (dans les établissements REP, ou encore sur les postes dits DNL, pour « discipline non linguistique»).
  3. La troisième aire correspond à la « dimension personnelle » que vous donnez à votre exercice, ce qu’on pourrait appeler « style d’enseignement », mais pas seulement. Vous pouvez vous appuyer sur des compétences extrascolaires qui ne sont que très peu mobilisées dans la classe – 80 % des enseignants sont équipés d’Internet, mais seulement 45 % l’utilisent avec leurs élèves. Ou reprendre un cursus de recherche. Ou bien nourrir une secrète passion pour la fréquentation des musées d’art et vous contenter du simple manuel en cours… de mathématiques. Vous pouvez aussi choisir de nourrir votre activité de ces inclinations pour « colorer » votre pratique.

Empirique quant à l’appréciation du prescrit et la dimension personnelle, la méthode permet de dépasser le stade de la focalisation sur un seul aspect du métier. C’est une question d’estimation des charges de travail et de temps investi dans la tâche. La seule unité de mesure pourrait être une intensité en « énergie », chère à André de Peretti (en germe, normale, intense).

Ainsi, une carte de navigation professionnelle se dresse  progressivement, qui fait apparaître des espaces pleins, des écarts plus ou moins grands entre ce qui est mobilisé objectivement (espace clair) et ce que vous mettez en oeuvre personnellement (espace foncé). La carte rend possible une analyse partagée de besoins en formation, notamment en jaugeant les zones des variables non couvertes par la dimension personnelle.

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Variations temporelles à l’échelle d’une vie professionnelle

Cette carte est une photo d’une dynamique plus mouvante pour l’enseignant. On peut être dans une dynamique identitaire professionnelle différente de celle qu’on connait dans le champ familial, social ou culturel. La question se pose alors de la gestion de la cohérence entre ces dimensions identitaires ; on peut se retrouver en situation de conflit identitaires quand certains projets peuvent entrer en tension avec d’autres (par exemple : projet professionnel et projet familial…).

Ces stratégies permettent  de gérer ces tensions, d’aller vers plus de cohérence pour garantir un certain équilibre, sinon c’est la crise.  Quatre grands types de dynamiques sont repérées :

la dynamique de continuité identitaire :  les gens sont satisfaits de leur identité actuelle qu’ils ont envie de reproduire, de prolonger ou d’entretenir dans le futur (les « satisfaits »);

la dynamique de transformation identitaire : il s’agit de la personne qui a quelque part une certaine insatisfaction de son identité actuelle et qui cherche, qui a une démarche d’acquisition d’une nouvelle identité. C’est le cas des enseignants débutants (les « évolutifs »);

la dynamique de gestation identitaire : l’individu se trouve à un carrefour de sa vie : il a des interrogations, il n’est pas encore clair sur ce qu’il va devenir. Ce sont peut-être des personnes qui vivent une blessure identitaire ou qui ressentent une rétrogradation professionnelle. et qui se demandent ce qu’ils vont devenir. C’est le cas pour quelques-uns des « nouveaux enseignants » avec un passé professionnel externe (les « réservés »);

la dynamique d’anéantissement identitaire : il s’agit là de personnes qui sont sans énergie ni ressort : ils ne sont plus dans une stratégie de sauvegarde de soi, mais plutôt dans une démarche d’anéantissement de soi (les « statiques »).

D’autre part, la dynamique identitaire est corrélée à l’ancienneté de l’exercice dans le métier, aux variables objectives locales (en cas de mutation par exemple), et au sens que l’on se construit en interaction ;

Hexagone du prof innovant4b75cbf82ee3a5e2f1eacb48fdf0b58d.jpg

Reprendre sa  navigation professionnelle[4]

Cette reconfiguration de l’identité professionnelle déplace l’expertise du côté de l’enseignant, pour peu qu’elle soit partagée et accompagnée ; elle s’inscrit dans un développement favorisé par des modalités renouvelées sur le terrain, que des enseignants collégialement peuvent expérimenter ; en voici cinq exemples concrets :

  1. Ouvrez les salles de classe :  profitez d’un « trou » dans votre emploi du temps pour vous faire inviter ; soumettez l’idée au conseil des maitres ou en conseil pédagogique ; profitez du conseil école-collège pour « aller voir ailleurs » ; avec quelques collègues, soutenus par un « accompagnateur », déterminez un objet d’étude ; cela peut être les pratiques relatives à la différenciation, ou à l’évaluation valorisante, à la gestion de classe, partagé par tous. Puis, en un retour d’expérience, partagez votre observation pour souligner la variété des pratiques, les bonnes idées,. Cette déprivatisation de la pratique a des effets formatifs sur une durée suffisante; elle permet de donner de la cohérence à des dispositifs et à d’autres expérimentations.
  1. Regardez le travail des élèves – Lors de ces « voyages pédagogiques », et plus quotidiennement, dans votre propre classe, prenez le temps d’observer les manières de travailler de vos élèves; faites construire la trace écrite par un élève au tableau et prenez sa place au sein de la classe, aux côtés des autres élèves ; lors de travaux en groupe, mettez vous à la hauteur d’un groupe, et soyez attentifs aux échanges et aux démarches, de sorte à mieux comprendre comment ils comprennent, comment votre message se transforme dans la trace du cahier d’un élève. A partir de ces petits signes, vous serez amené à adapter votre propre manière d’enseigner.
  1. Faites-vous « coacher » – Sollicitez un « ami critique », maître formateur dans une école, spécialiste, enseignant expérimenté ; en quelques séances d’observation, puis d’entretien autour de thèmes choisis ensemble (soutien des plus faibles, différenciation, oral des élèves),  l’observation gagne à être outillée par un graphique, par un radar ou par un sociogramme pour mesurer les interactions et envisager des améliorations.
  1. Partagez les études de leçon – les enseignants planifient ensemble une série de leçons ; et en accueillant des observateurs en classes, ils développent ou améliorent une leçon, en recueillant des données pour percevoir l’impact de la leçon sur l’apprentissage des élèves. Cela se produit sur une période de plusieurs mois, à l’échelle d’une école ou d’un établissement, puis en réseau d’établissement.
  1. Participez à des groupes d’étude-  Au sein d’un bassin, ou d’une circonscription, des enseignants ou coordonnateurs échangent autour d’une problématique choisie, par exemple le décrochage scolaire, ou l’évaluation par compétences, ou les pratiques de l’oral. En séances régulières, sur deux ans et accompagnée par un animateur, on partage en réseau études de cas, analyses de pratiques, élaboration de ressources, visites d’études, et dispositifs d’évaluation, de sorte à les transposer au sein de sa propre équipe.

Au travers de ces modalités éprouvées à l’échelle de l’unité éducative, les enseignants interagissent régulièrement avec des pairs  construisent leur métier et améliorent souvent leur performance. Le processus est itératif et plus évolutif. Enseigner reste toujours une aventure au long cours.


[1] Erick Prairat, La morale du professeur , éd.PUF, 2013

[4] A paraitre Guide du développement professionnel pour les enseignants et leurs accompagnateurs, éd. ESF, mars 2017, voir https://www.francoismuller.net/

innovation, créativité, formation, accompagnement, que des gros mots ?

Congrès Association Nationale des Conseillers Pédagogiques et Autres Formateurs – Le Havre – 2016 – Interview de François Muller à l’issue de l’intervention consacrée à la fonction des conseillers pédagogiques, voir http://www.lepetitjournaldesprofs.com/diversifier/2016/09/08/le-meilleur-ami-des-enseignants-la-grande-transformation-du-conseiller-pedagogique/

La transformation ou la désarticulation de systèmes logiques (en images)

Un système logique dispose d’une cohérence interne qui lui permet de fonctionner sur la durée, au gré des épreuves; sa désarticulation commence quand il est confronté à un autre système logique; ici lego et kapla sont d’extraordinaires mondes en eux-mêmes; pourtant, les combiner réduit leur performance.

Dans la continuité des conclusions de Marcel Gaucher caractérisant « le désenchantement du monde», comme d’autres sociologues signalent la fin des idéologies, en appui à l’analyse partagée par des travaux communs avec des psychiatres et des cliniciens du travail (CNAM), il est possible d’évoquer une désarticulation des systèmes logiques : nous tous sommes mus par un système de valeurs, de représentations, qui président à nos actes. Ces représentations sont elles-mêmes issues de la combinaison entre des expériences initiales et des modèles issus de notre propre formation initiale (s’il y en a eu d’ailleurs), ou encore d’éléments appris sur le tas, en « salle des profs», ou encore par affiliation à quelques prises de position portées médiatiquement…

Ce système peut vous sembler logique et coutumier (« J’ai toujours fait comme cela »). Nous avons pu nous construire, nous former, nous faire guider par des systèmes, composés d’institution (« ce qui institue»), de sécurité, d’assurance et de stabilité. Ce constat se vérifie dans tous les métiers, et ceux de l’enseignement ne font pas exception. Cependant, il suffira de quelques gestes, ou paroles, d’un élève, d’un collègue, ou d’un parent, pour que votre système de pensée, votre « représentation du monde », soit ébranlé. Enseignants, tous niveaux confondus, mais aussi directeurs, chefs d’établissement, inspecteurs, formateurs, nous sommes confrontés à des tensions ou des renforcements paradoxaux qui, selon les cas, nous tirent à hue et à dia, élargissent nos compétences, mais parfois désarticulent nos actions, nous laissant en perte de repères traditionnels (« c’était mieux avant »?).

Bien des témoignages recueillis en de multiples endroits nous renvoient une image en mosaïque de perceptions des évolutions troublant les métiers de l’éducation et de la formation comme autant de forces telluriques travaillant les structures rigides de l’écorce terrestre, Ainsi, nous pourrions, à l’envie, identifier des couples ambivalents, sans opposition mais en tension, tels que :

Juger Comprendre
Fatalisme sociologique Acte pédagogique
Évaluer Accompagner
Indicateur Indication
Contrôler Vérifier, réguler
Confidentialité Élargissement du cadre
Militantisme Professionnalisme
Didactique Transversal
Formation Développement professionnel
Identités professionnelles Changement
Application de réforme Résolution de problème
Statuts Fonctions, compétences
Hiérarchie à la « française » Leadership partagé
Tâche Activité
Performance immédiate Temps du projet
Je sais Je ne sais pas (faire) (tout seul)
Expertise Co-élaboration, négociation convenable
Approche scientifique Prégnance des « idées sur les choses »
Absolutisme Modestie et pragmatisme

La métaphore tellurique est signifiante : si la perception sensible se fie à la stabilité rassurante de la surface, tous savent que la réalité dynamique et magmatique de la Terre fera en sorte que la Californie peut disparaître en un jour dans la faille de San Andréas : d’une certaine façon, moins cela bouge à présent, plus cela va bouger (id est : plus le rattrapage des retards structurels sera important et violent).
Faut-il déplorer ces incohérences qui risquent de mettre à mal les dispositifs de terrain et parfois certains acteurs? Elles marquent un changement, trop lent pour certains mais durable, de toute institution, la nôtre comme d’autres. Ce qui peut sembler incohérent ou rétrograde n’est souvent que l’expression de forces en pleine mutation ; il est tentant de retrouver les formes du passé pour accepter celles du présent futur et de l’avenir déjà là.

Praticiens, experts, cliniciens sont pourtant d’accord pour signaler aux responsables qu’il est important de reconnaître ce malaise pour ce qu’il est et d’autre part, de tenter ensemble d’en proposer une explicitation partagée, « problématisée », sans rechigner à la complexité des choses; de distinguer des analyses « macro » du ressenti « micro », l’une et l’autre étant réelles. C’est très «aidant» pour les personnes et pour les structures. Travailler dans le non-sens ou dans la désorganisation non assumée, « résister » représente un vrai coût sur le plan psychologique. À l’heure où l’on peut évoquer publiquement le « travail émietté », parcellisé dans les organisations, il devient salutaire, en prévention de traiter notre organisation comme «apprenante ». C’est un des enjeux de nos années actuelles et à venir.
Retrouvez 20 images de cette transformation “silencieuse” en vingt couples de mots en tension et 40 photos sur https://fr.pinterest.com/diversifier/transformation-ecole-la-grande/

dialogique

Dix idées reçues sur l’innovation en éducation

L’innovation est un mot qui peut déranger ; il n’est pas directement recherché par les équipes et les usages sociaux ou médiatiques du terme lui-même sont sources de malentendus ; on oscille entre le nouveau, le produit, le projet, le changement ou le numérique. Le concept est irréductible à tout cela et il s’avère polysémique, on pourrait dire à l’enquête sur les pratiques, polymorphe ; c’est un processus qui partage les caractéristiques de tout processus (comme la vieillesse par exemple) : invisible, durable, puissant, marquant, irréversible, systémique. Afin de mieux cerner cette transformation (silencieuse) de l’Ecole[1], débusquons ensemble dix idées reçues, preuves à l’appui ; les pratiques et dispositifs évoqués dans l’article sont tous lauréats de prix nationaux remis lors de la Journée nationale de l’innovation à Paris, 2015 et 2016. Ils sont accessibles en de courtes vidéos sur la chaine ici

1- l’innovation, c’est pour le collège

Le niveau du collège (11-15 ans) est pourvoyeur d’innovations depuis des années, dans une recherche jamais aboutie de gestion de l’hétérogénéité et de la différenciation ; l’école serait le lieu de la stabilité ou de la routine, de l’histoire d’un enseignant face à sa classe ; le mot « innovation » n’est pas reconnu par ses acteurs. Débarrassons-nous du mot pour être attentifs au processus.
Deux exemples :RObeeZ, Ecole élémentaire Louise Michel/Jean Biondi, Creil, académie d’Amiens : en introduisant deux éléments exogènes à l’école élémentaire, l’apiculture et la robotique, une enseignante a transformé sa manière d’approcher des apprentissages complexes en faisant de ses élèves des chercheurs cultivateurs en ingéniosité.

l’école primaire Jules Verne, Chavagnes-en-Paillers, académie de Nantes, s’inspirant de la «pédagogie Freinet » et des travaux de Maria Montessori, les enseignants ont repensé la manière d’enseigner et refondu le projet d’école autour du respect du bien-être et du rythme de l’enfant

2-L’innovation, c’est du numérique
L’amalgame est fréquent et les politiques publiques ou la communication n’aident pas ; dans le champ de l’éducation, pourtant, sur une base de 5400 actions documentées, le numérique comme vecteur d’innovation tient une part d’environ 20 % ; c’est-à-dire que 80 % relève plutôt des innovations sociales, de processus, d’organisation. Il conviendrait de reformuler l’hypothèse : à l’ère du numérique, comment les enseignants modifient les pratiques et changent l’organisation.
Deux exemples :Ouverture aux langues à l’école maternelle : apprendre à parler et à penser avec une mascotte voyageuse, Ecoles maternelles La Serinette et Le Jonquet, Toulon, académie de Nice

Au collège Vercors, Grenoble, académie de Grenoble, par une réflexion basée sur l’initiation à la pensée philosophique, les enseignants donnent du sens aux apprentissages et font retrouver le goût d’apprendre. C’est redonner de l’importance à la parole en s’appuyant sur des exigences fortes : problématiser, conceptualiser, argumenter, développer l’esprit critique.

3- L’innovation, c’est pour les élèves en difficulté (et pour les profs aussi)
A dire que les établissements en éducation prioritaire seraient tous des laboratoires d’innovation, ce serait dédouaner tous les autres d’une capacité créative à transformer l’école. La réalité est plus complexe, et l’innovation se niche partout, et souvent dans les marges ; deux exemples.Autonomie et responsabilisation sont les deux principes organisateurs de l’équipe, inspirée par les pratiques expérimentées en Nouvelle-Zélande ; ils se conjuguent en une variété d’ateliers et de dispositifs qui changent la relation aux autres et à l’apprentissage, c’est au collège Aubrac, Doubs, académie de Besançon.

En partenariat avec des chercheurs, les lycéens ont accompagné l’odyssée de la sonde, grâce à une maquette grandeur nature, Lycée général et technologique Diderot, expérimentation Philae.

4- L’innovation, c’est que pour le prof dans sa classe ; mon boulot, c’est pas de vague ;
La pédagogie devient plus que l’affaire du prof ; la diversification des parcours, l’approche par compétences, la conduite de projet engage la politique d’un établissement, par effet de système, en modifiant le leadership scolaire. Par exemple, penser autrement le temps scolaire conduit toute l’équipe du, collège Debussy, Nantes, académie de Nantes, à modifier les modules et les groupes pour rendre les apprentissages plus efficients.

5- L’innovation, c’est encore une mode et de la comm ‘
L’innovation peut pâtir d’effet d’affichage ou de vitrine, sans que finalement rien ne change, les contenus restent inchangés, les routines trop prégnantes pour être interrogées. La dérive est réelle. En revanche, redessiner l’éco-système des apprentissages en introduisant le numérique au service des Intelligences Multiples pousse l’équipe à trouver d’autres noms pour de nouvelles réalités : l’exemple du FabLab, catalyseur d’espaces collaboratifs, Collège Albert Samain, Roubaix, académie de Lille .

6- L’innovation, c’est dérogatoire
Expérimenter serait forcément déroger à des règles, des règlements, des programmes, des organisations ; ce serait coûteux institutionnellement, et jugé comme contrevenant ou dangereux. Pourtant, s’inscrire dans le cadre institutionnel n’induit pas une observance stricte, c’est prendre au sérieux la prescription et adhérer aux objectifs pour investir pleinement et créativement les manières de faire. En développant la coopération en classe de 6ème , les pratiques d’élèves et d’enseignants ont profondément mutées, au collège Joseph Sébastien Pons, Perpignan, académie de Montpellier, sans être pour autant « dérogatoire ».

Au lycée professionnel Ile-de-Flandre, Armentières, académie de Lille, le projet croisé entre l’enseignement professionnel et général permet de donner de la cohérence et de l’intérêt aux enseignements littéraires (expression, amélioration de la maîtrise de la langue) en s’appuyant sur des compétences communes aux enseignements professionnels.

7- L’innovation, c’est du vent (pas de résultats)
En tant que processus, l’innovation se vit dans le présent et les équipes éprouvent des difficultés réelles à communiquer sur la valeur (résultats, acquis, plus-value) ; la plupart du temps, ils expriment empiriquement des observations qui ne rentrent pas dans les indicateurs d’un tableau de bord institutionnel. Cette récurrence interroge et il faudrait mieux prendre en compte l’expertise des professionnels en les aidant dans l’enquête sur leurs pratiques, quitte à modifier les évaluations « institutionnelles ». Evaluer l’innovation, ce peut être aussi innover dans l’évaluation.Dans l’académie de Clermont-Ferrand, les compétences langagières donnent lieu à de fortes inégalités qui font encore obstacle à la réussite scolaire des élèves de milieux populaire. Deux écoles maternelles de REP + de Clermont-Ferrand ont sollicité le laboratoire ACTé pour faire évoluer leurs pratiques en les basant sur les résultats de la recherche.

8- L’innovation, c’est l’application de la réforme
La voie de réforme est classique en France depuis une trentaine d’années, on touche aux contenus, aux programmes, aux horaires, aux dispositifs, faute de pouvoir intervenir plus directement sur le changement des pratiques. Cela ne peut se faire qu’en sollicitant les acteurs premiers dans l’intelligence de la prescription, en partant des questions des professionnels et en les accompagnant durablement dans la mise en œuvre de routines positives, c’est un des principes du développement professionnel. Dans ce sens, l’innovation est une autre voie pour upgrader les pratiques, et parfois anticiper, si ce n’est inspirer ce qui sera la prochaine « réforme ».

Deux exemples. Apprenance : PENSER et AGIR autrement pour les élèves, la formation et l’enseignement : un réseau d’écoles a reconfiguré le dispositif de formation en se fondant sur l’analyse clinique des pratiques, la mutualisation et des apports experts en matière d’enseignement explicite, en veillant au couplage entre pratique fine, coordination de l’équipe et éclairage théorique. L’ inspection académique de la Drôme, Valence, académie de Grenoble, transforme son mode d’intervention.

A l’école élémentaire La Chapelle, Freyming-Merlebach, académie de Nancy-Metz, l’équipe n’a pas attendu une réforme : avec la « twictée », dispositif collaboratif d’enseignement et d’apprentissage de l’orthographe, les élèves font des propositions d’écriture qu’ils soumettent à plus de 400 classes participant au challenge orthographique.

9-L’innovation, c’est du désordre
Les organisations scolaires sont normées et routinières, les projets ou contrats d’objectifs exigent une planification qui tend parfois à rigidifier paradoxalement la capacité d’une équipe à accueillir l’imprévu et les opportunités de développement. Pourtant, le désordre (ou l’impression de) est le signe d’une reconfiguration en vue d’une stabilisation prochaine. D’une certaine manière, c’est plutôt un signal positif.Au, Lycée des métiers de la structure métallique et de la vente Jules Verne, Guingamp, académie de Rennes, élèves et profs se sont engagés dans la construction d’un voilier accessible aux handicapés ; cela a agi comme une aimentation de toutes les énergies, avec des partenariats ambitieux et réussis (La mer pour horizon).
Au collège Jean-Philippe Rameau, Champagne-au-Mont-d’Or, académie de Lyon, ECLA ou « Ecole pour L’Avenir » porte sur le thème de l’environnement scolaire et du mobilier comme enjeu pour mieux apprendre. L’équipe a repensé les espaces de travail pour rompre radicalement avec le schéma traditionnel d’une salle de classe classique et permettre ainsi davantage d’ouvertures pédagogiques. Elle a aussi travaillé sur les espaces de travail collaboratifs pour les enseignants, lieux de rencontres et d’échanges de pratiques.

10- Encore un truc du privé
Historiquement, l’innovation tenait pour être l’apanage du privé (Ecole des Roches à la fin du XIXème siècle) et actuellement, bien des établissements du privé communiquent sur cette dimension, gage d’une efficacité scolaire. A l’examen, il ne s’agit pas de moyens supplémentaires mais de changements opérés dans la gouvernance, dans l’organisation et dans les pratiques professionnelles au regard de valeurs explicites. L’enseignement public peut le revendiquer sans souci de mise en concurrence. C’est prendre au sérieux les objectifs assignés par la Nation.

Au collège Edmond Bambuck, Le Gosier, académie de Guadeloupe, établissement réputé difficile, une équipe d’encadrement et d’enseignants se donne les moyens d’assurer la réussite éducative pour chacun, de développer les ambitions et d’accéder aux excellences. pédagogie différenciée appuyée sur des projets transversaux et interdisciplinaires vise la valorisation et l’épanouissement de tous les élèves, en développant le sentiment d’appartenir à une communauté.

11- Ca demande encore des moyens supplémentaires
Pendant des années, l’innovation a été synonyme pour les chefs d’établissements et pour les rectorats de moyens supplémentaires. La réponse à un appel à projet devait s’accompagner de financements complémentaires au moment où les dotations étaient rognées. L’innovation, c’est faire plus sans doute, mais aussi, mieux et autrement. Réinterroger la pratique et l’organisation, accroitre la capacité d’une équipe à s’auto-former et à réguler son activité, élargir ses domaines de compétence requièrent d’abord du temps. La créativité professionnelle autorise aussi à s’appuyer sur toutes les ressources déjà là, et souvent à proximité.
Au collège Paul Langevin, Saint-Junien, académie de Limoges (trois prix d’innovation) , des activités pédagogiques innovantes de création littéraire et artistique et des ateliers de lecture accompagnés par des bénévoles. Les élèves de 6e partent faire un « Tour de France » des salons de littérature jeunesse avec leur ouvrage édité à 2 000 exemplaires : Montreuil, Brive, Limoges et Angoulême deviennent les salons de lecture de ces élèves.

Dans le même établissement, la résidence d’artiste est devenue foyer d’innovation (Quand la main d’élève devient main d’artiste. Petits et grands partageons nos chimères.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=-GM56RuFKP8[/youtube]

[1] C’est le titre de l’ouvrage co-écrit avec Romuald Normand, Ecole, la grande transformation ? Les clés de la réussite, éd. ESF, 2013

Cet article a été publié dans la revue de l’Ecole valaisanne, Résonances, nov. 2016, et consultable en pdf ici : https://issuu.com/resonances22/docs/3._resonances_les_innovations

Le complexe de Perceval ou le devoir d’oser la question dans notre éducation

La droiture chevaleresque repose-t-elle sur la discrétion ou sur l’audace ? Notre devoir de personnes « adoubées » (professionnellement) est-il de questionner ou de freiner les curiosités ? L’exemple de Perceval peut nous instruire.

Ce Perceval[1], fut par sa mère, dit-on, mis à l’écart du monde, son père et ses deux frères étant morts en des combats de chevaliers, Naïvement, il prend cependant le large un jour et dans les campagnes moyenâgeuses, il est amené à se saisir d’armes et à se battre par souci de justice ; il fait si bien qu’il est amené bientôt auprès du Roi Arthur qui l’ordonne chevalier à l’encontre de la volonté de sa mère.

Il pourrait rester tranquille à la cour du Roi Arthur, mais là, comme dans tous les autres lieux de son errance incohérence, il s’en va. Au hasard des chemins et des rivières, il rencontre sur un bateau un homme infirme à propos duquel il ne s’informe pas. Mais celui-ci l’invite dans sa demeure, par delà une colline. Perceval découvre alors un superbe château dans lequel il est alors noblement accueilli. De multiples serviteurs s’ingénient à le débarrasser de sa cuirasse, de ses cottes de mailles et de ses armes. Il se voit alors invité à la table de son hôte. Des mets succulent se succèdent.

Chaque fois qu’ils sont à portée, Perceval voit passer devant leur table une demoiselle tenant une coupe (Le « Graal » ) suivie d’un homme tenant une lance dont perle une goutte de sang : il entrevoit également dans une pièce voisine un malade, mais à propos de tous ces faits surprenants, il s’abstient (poliment ?) de poser des questions. Car il a reçu une solide formation de bienséance. Il importe de ne pas être indiscret, ni de se montrer curieux. Mais il faut prendre les choses telles qu’elles sont.

Toutefois, Perceval se propose d’éventuellement questionner son entourage, sur ces faits qui l’ intriguent et le troublent dès le lendemain.

Cependant, le lendemain, Perceval se retrouve tout seul dans le château, toutes les portes sont fermées sauf celles qui le conduisent vers la sortie. A peine a-t-il dépassé le pont-levis que celui-ci se referme. Perceval doit continuer son erre qui le conduit bientôt vers une « pucelle » en « gran’douleur » tenant couchant sur elle le corps d’un chevalier dont la tête est tranchée.

Comme il indique à cette pucelle qu’il vient du château, celle-ci lui révèle que c’est celui du riche Roi pécheur qui perdit l’usage de ses jambes au cours d’une bataille ; elle lui demande alors s’il a questionné le Roi à propos du défilé répété des personnes tenant le Graal et la lance. Il répondit qu’il n’avait rien osé dire. Et se souvient alors de son propre nom : « Perceval le Gallois ».

Courroucée, la demoiselle, d’un coup se dresse devant lui, et le traite de Perceval « le chétif », lui révélant que s’il avait posé les questions utiles, il aurait redonné la santé à ce Roi qui était son parent et lui révèle aussi qu’elle est sa cousine germaine et que sa mère est morte de douleur pour lui. Perceval comprend alors qu’il a manqué de recevoir le saint Graal et la lance qui lui étaient destinés et qu’il lui faudra errer de combat en combat, de détour en détour, ne restant jamais un jour de plus aux endroits où il lutte et demeure vainqueur, avant de retrouver parents, Graal et lance.

C’est-à-dire pour Chrétien de Troyes et ses successeurs au terme de milliers et milliers de vers !

Se frotter à l’incertitude et à autrui, des principes pour la formation

Cet exemple fâcheux d’un silence qui condamne à l’errance fut proposé par un participant d’un séminaire de formation, faute de n’avoir pu ou su ou oser poser la question qui s’imposait pourtant pour lui.

Lors des Journées de l’innovation, organisée au siège de l’UNESCO à Paris en 2011 (video) par le Ministère de l’Education Nationale (Dgesco),  en conclusion de tables rondes et de présentations d’équipes sélectionnées pour leurs pratiques, Edgar Morin reprend le haut intérêt pour tous, élèves comme adultes, d’apprendre l’incertitude, le questionnement méthodique et la compréhension d’autrui. Il répond de certaines manières à la résolution du complexe de Perceval. Oser questionner, varier les questionnements,  analyser sur plusieurs niveaux ce qui nous parait pourtant s’imposer, pour en discerner ce qui peut changer, ce qui peut s’améliorer, ce qui aura de l’intérêt pour nous, pour la suite, pour d’autres.

La fonction publique  requiert une responsabilité de réflexion et d’interpellation, pour assurer correctement l’application de procédures et de réglementations. Tout ce qui pose question doit être examiné sans délai, avec initiatives responsables. A défaut de quoi, la fonction publique dégénère en bureaucratie : en ce que celle-ci se bloque pour une application stricte, sans question ni ajustement, les processus et règlements, enrayant les possibilités d’une correcte solution.

Il nous faut, à nous enseignants, toujours savoir poser la bonne question à temps, sans perdre les justes occasions. Ce peut être pour la vie de la classe, l’interprétation des programmes, l’évaluation de nos élèves, l’organisation même de nos équipes. Mais la préparation et la mise en œuvre des changements adéquats nous importent au premier titre.

Comme un répertoire de questions roulantes…

Ainsi, parce que Perceval est resté interdit devant une scène qu’il ne parvenait pas à comprendre, il nous faut nous saisir des questions pour interroger notre propre cadre, notre propre organisation; et que les réponses s’élaborent progressivement, créativement, rappelait Edgar Morin.

A titre de répertoire de questions,  nous vous proposons les 120 questions du « Jeu du changement« , en forme de carte à tirer aléatoirement.


[1] Héros du romain de Chrétien de Troyes, Nous ne savons presque rien de ce grand écrivain du XIIème siècle. Au service de Marie de Champagne (fille de Louis VII) et de Philippe d’Alsace (comte de Flandre, il est mort en croisade), son activité littéraire est située entre 1164 et 1190. Homme d’église puisqu’il sait écrire, Chrétien de Troyes est un écrivain de cour, puisqu’il a lié son activité aux besoins intellectuels et esthétiques d’une élite aristocratiques qui lui commandait des romans. Cinq œuvres font de Chrétien de Troyes le plus grand romancier du Moyen Age et le véritable fondateur du genre romanesque. Ces œuvres sont: Erec et Enide , Cligès , Lancelot ou Le chevalier à la charrette , Yvain ou Le chevalier au lion, Perceval ou Le conte du Graal . Ce dernier roman reste inachevé, ce qui rend difficile son interprétation. écrit vers 1180 en langue romane. De nombreuses continuations furent entreprises par ses successeurs. L’intention de Chrétien de Troyes est d’illustrer un idéal chevaleresque fondé en grande partie sur des valeurs religieuses. Avec ce roman, la quête chevaleresque change d’ordre, l’épanouissement social et individuel de Perceval qui est naïf n’est qu’une étape, la perfection mondaine doit être dépassée par le perfectionnement spirituel. La quête du Graal doit le conduire à recouvrer la grâce. Ce récit, en racontant l’initiation et les aventures chevaleresques de Perceval, est à l’origine du mythe du Graal.

Une page synthétique est disponible sur http://www.educanet.ch/home/bac3m3/autre/Perceval.htm ; une étude plus exhaustive sur http://yz2dkenn.club.fr/chretien_de_troyes__perceval_ou_.htm