L’aventure d’Œdipe vers la paix intérieure

Per Wickenberg, Œdipe et Antigone, 1833, huile sur toile. Source : https://fr.vikidia.org/wiki/Antigone#/ media/Fichier:Per_Gabriel_ Wickenberg_-_ Oedipus_och_Antigone.jpg

Tout le monde connait le complexe d’Œdipe, la passion qu’une personne éprouve pour un de ses parents. En revanche, moins nombreux sont ceux qui connaissent l’histoire de celui qui a permis à cette expression d’exister. Alors, pour tout comprendre, faisons un petit rappel sur la mythologie grecque : Œdipe est le fils de Laïos et de Jocaste qui dirigent le royaume de Thèbes. Il est l’héritier du trône mais en est au final éloigné pour une raison que les dieux lui imposent. Vous l’avez deviné, on parle ici du complexe d’Œdipe. Sans le vouloir, dès la naissance, il représente déjà une menace pour ses parents. Tirésias, le devin aveugle de Thèbes, a lui-même confié ses prédictions à Laïos, lui affirmant qu’il allait le tuer et se marier avec sa femme. Bien entendu le père d’Œdipe fera tout pour empêcher le destin de s’accomplir, avec des pratiques absolument abominables comme la maltraitance et l’exil. D’ailleurs, si on surnomme Œdipe « pieds enflés », c’est à cause des attaches que ses parents lui ont mis aux pieds pour qu’il ne puisse s’enfuir. Malgré tout, Œdipe parviendra « à ses fins ». Il va tuer son père et aura quatre enfants avec sa mère, dont deux fils, Étéocle et Polynice, qui s’entre-tuerons pour la couronne de Thèbes, et deux filles, Ismène et Antigone.

Œdipe , un personnage complexe

Ce rappel assez long reste essentiel pour comprendre la suite. L’auteur Henry Bauchau a voulu imaginer la suite de l’histoire de notre personnage antique. Ainsi Œdipe, roi aimé de Thèbes, est banni de la cité lorsque ses sujets sont informés de son double sacrilège, à savoir le parricide et l’inceste. Il décide lui-même de se crever les yeux et d’aller par les routes, aveugle, errant tel un mendiant… d’où le titre du roman. Changement de vie radicale ! De plus Œdipe est un personnage assez complexe qui a commis des actes plus que discutables. On peut même se demander comment un homme peut tomber amoureux de sa mère et être aussi cruel avec son père. Cependant, inconsciemment, au fur et à mesure de ma lecture, j’ai pu éprouver comme un sentiment de pitié pour lui. Il s’inflige de la douleur et vit dans une extrême pauvreté. Œdipe ne veut rien ni personne pour l’aider, il veut prendre du recul et sûrement souffrir comme il a fait souffrir sa victime !

D’où le titre de notre livre : Œdipe sur la route. Il entame lui-même le périple de sa vie pour espérer trouver la paix, la sérénité dans son esprit, la clairvoyance. Pour cela, il va falloir qu’il prenne sa vie en main et qu’il aille de l’avant en faisant face à la fatalité de son destin, son fatum !

Des compagnons fidèles !

Source : https://0620056z.esidoc.fr/ document/id_0620056z_ 32002.html

Deux autres personnages jouent aussi un rôle très important. La première n’est autre que la fille d’Œdipe, Antigone. Elle est, selon moi, le personnage qui suscite le plus d’admiration. Elle a changé de vie du jour au lendemain. Elle est passée d’une vie royale, je dirai même parfaite, à une vie déplorable ! A seulement 14 ans elle choisit de suivre son père pour ne pas le laisser seul, aveugle dans la nature, quitte à en perdre toute sa richesse et son confort personnel. Je trouve qu’elle est admirable et incroyablement courageuse, elle affronte ses peurs, ses faiblesses et cela la rend plus forte.

Notre autre protagoniste est Clios. Son passé me semble très triste. Fils d’un fermier, il avait une vie confortable avant que le malheur ne lui tombe dessus, le faisant devenir un bandit connu de tous pour ses méfaits. Mais quel est ce fameux malheur ? A vous de la découvrir ! Au fil de ma lecture j’ai pu apprendre à le connaitre, comme les autres personnages en ont appris sur lui. Il raconte avec tristesse la mort de son père, le mariage de sa mère avec son oncle et son amour impossible avec Alcyon. Cependant, n’oublions pas que Clios est un bandit ce qui évidement alimente la mésentente et les conflits entre nos protagonistes au début de leur rencontre. Pour preuve, Clios voulait violer et soumettre Antigone puis la tuer, elle et son père. Heureusement, Œdipe réussit à contrer ses plans et le rallie à sa cause. Dès lors, nos trois personnages deviennent compagnons de route…

Une belle découverte !

A vrai dire, avant que M. Deteuf ne me conseille ce récit, je n’étais pas forcément attirée par celui-ci. Je ne connaissais pas non plus le mythe d’Œdipe et ce fut un réelle découverte pour moi. Au final après avoir lu ce roman j’ai changé d’avis. Pourquoi ?

En voici les raisons :

Grâce à chaque personnage, leur histoire et leur propre destin qui se croisent, Henry Bauchau recrée tout un univers antique. Cela m’a permis d’en savoir plus sur la mythologie grecque qui est très intéressante. Par ailleurs, fait important, dans cette mythologie les personnages sont souvent frappés par une tragédie liée à la fatalité, ce qui forcément attire la compassion des lecteurs. Ici Œdipe va tuer son père et se marier avec sa mère : c’est son destin !

De plus, si nous réfléchissons davantage aux problématiques posées par cette œuvre, nous pouvons nous rendre compte qu’elles soulèvent des réflexions que nous pouvons encore avoir aujourd’hui. À travers les aventures que vivent les personnages, nous pouvons tirer des leçons. Par exemple la violence ne résout rien… Certains évènements ou faits peuvent aussi donner suite à beaucoup d’interprétations différentes. Pour ma part, le fait qu’Œdipe erre sur la route sans savoir où il va, sans rien, mais heureux, me fait réfléchir sur ma propre existence ! Est-ce qu’au final le bonheur ne serait pas basé sur la simplicité, une vie sans trop d’argent, sans luxe, sans artifices, mais remplie de bons moments avec les autres, de moments de joie pure, de moments inoubliables ? Ne faudrait-il pas trouver par tous les moyens son bonheur et la paix intérieure, quitte à prendre des risques, plutôt que de répondre aux attentes de notre société et de nos proches en s’oubliant soi-même ? Ne faudrait-il pas s’écouter, prendre en considération nos attentes sans pour autant écraser les autres, en essayant de modifier et choisir notre destin comme nous le souhaitons ? Revenons-en au roman, et si Œdipe, après le châtiment divin dont il est la victime, ne se forge-t-il pas enfin son propre destin ?  

Maintenant, parlons de l’ensemble des événements du récit : rappelons-nous qu’Henry Bauchau (passionné de mythologie grecque) à adapté pour le théâtre Œdipe roi de Sophocle (un célèbre tragédien du Vème siècle avant J-C). Cette pièce est une très célèbre tragédie aux événements passionnants et à l’histoire émouvante. D’ailleurs la morale de son histoire est, je cite : « Gardons-nous d’appeler jamais un homme heureux avant qu’il n’ait franchi le terme de sa vie sans avoir subi un chagrin ». Un homme heureux ne peut mourir sans être passé par le malheur au moins une fois dans sa vie. Cela ne vous rappelle pas quelque chose ? La morale de notre roman évidemment ! Le sujet de nos deux auteurs est très clair mais diffère quelque peu : Sophocle aborde le destin et la fatalité quand Bauchau redonne à Œdipe le pouvoir d’agir sur son destin et donc sa vie.

En outre, Bauchau écrit selon moi très bien ! Chaque scène est décrite et presque immersive de par la précision de ses mots. Même les scènes les « plus banales » restent intéressantes à lire. Ce que j’ai moins apprécié, c’est le « coté froid », si je puis dire, de ce roman. Henry Bauchau nous compte son histoire sans y ajouter du « piquant », de l’action, des réel conflits. Or, c’est ça que j’aime, l’action, le palpitant. Peut-être même des histoires d’amour. Mais bon, on ne peut pas tout avoir !

En revanche, l’auteur ne lésine pas sur les émotions. Chaque événement est le reflet du changement de comportement des trois personnages principaux. Chacun évolue, devient une meilleure personne. Pour commencer Œdipe devient plus empathique et prend du recul sur son sort. Antigone finit par vaincre sa grande timidité. Pour terminer, Clios laisse son passé de bandit derrière lui. De plus, on peut ressentir les liens d’amitié et d’amour qui se crées entre ces trois compagnons et qui deviennent de plus en plus forts au fil de leur périple. C’est ce que j’ai aimé le plus !

En fin de compte, le roman m’a transportée, m’a apaisée et m’a fait réfléchir. Il m’a fait me rendre compte qu’il faut profiter des moindres petits plaisirs de la vie, et être bien accompagné. Alors je vous invite, si je vous ai convaincu, et si votre cœur vous en dit, à lire Œdipe sur la route d’Henry Bauchau. J’espère que, tout comme moi, vous serez transporté  par ce récit !

J’attribue la note de 4 étoiles à ce roman.

Bonne lecture à vous !

Bauchau, Henry. Œdipe sur la route. J’ai lu, 03/2000. 281 p. J’ai lu Roman, 5501. ISBN 978-2-290-30152-4

Alysée CAULIEZ, 1ère 2

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