Méthodologie : commenter une peinture religieuse

Méthodologie : commenter une peinture religieuse

 

1e Exemple : L’entrée de Jésus à Jérusalem, le « Dimanche des Rameaux » des frères Limbourg.

Freres Limbourg Entrée a Jérusalem, Très riches Heures du duc de Berry 1416-1413. Musée Condé, Chantilly.

Dans toute oeuvre il s’agit d’abord d’identifier l’iconographie, le sujet, les personnages et les détails signifants. En effet, tout oeuvre religieuse dans l’art occidental se distingue d’abord par son sujet et la manière de le représenter donc une double source.

D’une part les textes sacrés (Bible des Hébreux, l’Ancien Testament, pour simplifier celle des Hébreux et surtout Bible chrétienne, le Nouveau Testament dont les Quatre évangiles qui racontent essentiellement les dernières années de la vie de Jésus, sa mort, sa résurrection et les quelques semaines qui l’ont suivie. D’autres livres y ont été ajoutés, notamment une relecture de l’ancien Testament à l’aune du christoanisme, les Actes des Apôtres qui racontent des épisodes de la vie de quelques uns d’entre eux, notamment de Saint Pierre et secondairement de Saint Paul (dont ses Epîtres), les premiers temps de l’Eglise et l’Apocalypse de Saint Jean.

Sur le plan formel, la source est soit archéologique les artistes puisant dans des oeuvres de l’Antiquité qui ont pu leur servir de modèles (reliefs de sarcophages ou de monuments comme La Mort de Méléagre du Louvre ou Relief d’un monument honoraire de Marc Aurele- soumission des Germains Musees Capitolins :

Relief d’un monument honoraire de Marc Aurele, soumission des Germains, Marbre, IIe siècle ap. JC, Musees Capitolins, Rome.

ou également dans les images des premiers chrétiens (mosaïques du mausolée de Gala Placidia à Rome, fresques des catacombes de Rome avec des thèmes comme le Bon Pasteur, enfin une iconographie qui s’est perpétuée dans l’art byzantin et qui a influencéé l’art occidental au moins jusqu’aux XIIIe voire XIVe siècle.

I. Iconographie.

Dans toute oeuvre il s’agit d’abord d’identifier l’iconographie, le sujet, les personnages et les détails signifants.

Jésus monté sur une ânesse qu’on reconnaît à son petit ânon, s’approche des portes de Jérusalem, ici représentée comme une cité fortifiée. Les disciples suivent reconnus par leurs nimbes.
Devant lui, les habitants de la ville étendent leurs manteaux sous ses pas et coupent des branches aux arbres pour en joncher le chemin.

Le texte : Mathieu Ch. 21, 1, 11 :

« Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem et qu’ils furent arrivés à Bethphagé, vers le mont des Oliviers, Jésus envoya deux disciples 2 en leur disant: «Allez au village qui est devant vous; vous y trouverez tout de suite une ânesse attachée et un ânon avec elle; détachez-les et amenez-les-moi. 3 Si quelqu’un vous dit quelque chose, vous répondrez: ‘Le Seigneur en a besoin.’ Et à l’instant il les laissera aller.»
4 Or [tout] ceci arriva afin que s’accomplisse ce que le prophète avait annoncé:
5 Dites à la fille de Sion: ‘Voici ton roi qui vient à toi, plein de douceur et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse.’
6 Les disciples allèrent faire ce que Jésus leur avait ordonné. 7 Ils amenèrent l’ânesse et l’ânon, mirent leurs vêtements sur eux, et Jésus s’assit dessus. 8 Une grande foule de gens étendirent leurs vêtements sur le chemin; d’autres coupèrent des branches aux arbres et en jonchèrent la route.
9 Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient Jésus criaient: «Hosanna au Fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna dans les lieux très hauts!»
10 Lorsqu’il entra dans Jérusalem, toute la ville fut troublée. On disait: «Qui est cet homme?»
11 La foule répondait: «C’est Jésus, le prophète de Nazareth en Galilée. »

Comment l’image figure-t-elle la signification de l’épisode ?

C’est une entrée triomphale et joyeuse qui a lieu le dimanche précédent Pâques appelé « Dimanche des Rameaux » : les rameaux sont un symbole très ancien de VIctoire depuis la Mésopotammie et l’Egypte anciennes. Ils sont symboliquement assimilés aux palmes que tiennent les saints martyrs dans l’Apocalypse et que l’on voir p. ex. dans le Retable de l’Agneau Mystique des frères van Eyck :

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/c/c1/Ghent_Altarpiece_D_-_Women.jpg/698px-Ghent_Altarpiece_D_-_Women.jpg

Frères Hubert et Jan Van Eyck, Saintes martyres, détail du polyptyque achevé en 1432, qui mesure sans les cadres 3,75 × 2,60 m (en position fermée) et 3,75 × 5,20 m (ouvert) et est constitué de dix panneaux de bois de chêne.

Les vêtements posés au sol sont des signes d’humilité et d’adhésion de la population. Cela atteste de la lignée royale de Jésus, celle de David, il est le roi qui va délivrer le royaume d’Israël. L’âne est cité dans  la prophétie de Zaccharie (: Bible des Hébreux) annonçant la venue du Messie. Le cri « Hosanna ! » signfie « Bienvenue ! » au fils de David. L’âne est un symbole d’humilité car les rois se déplaçaient et combattaient à cheval. Il s’agit donc de montrer que Jésus n’est pas un chef politique. Son royaume n’est pas le territoire de la Judée, il est céleste.

Sujet très tôt représenté commen en atteste ce sarcophage romain du IVe siècle conservé au Vatican :

Entrée du Christ à Jérusalem, marbre, sarcophage du quatrième siècle, Musées du Vatican

Au XVe siècle , dans le monde germnique, des statues en bois de Jésus sur un âne se multiplient dans les églises. Le MOND de Strasbourg en possède un : (voir ici)

Christ des Rameaux, Kempten (Souabe), vers 1480, Tilleul et saule, 169 x 134 x 57 cm, Musée de l’Œuvre Notre-Dame, Strasbourg.

Plusieurs exemplaires de statues du Christ des Rameaux (« Palmesel » en Allemand) servant aux processions nombreux dans le monde germanique ici :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Christ_des_Rameaux

Parfois, le Christ monte comme dans cette statue pieds nus « à califourchon », parfois il monte en « amazone » comme dans celle enluminure :

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/0d/Miniatuur_intocht_van_Jezus_in_Jeruzalem.jpg/520px-Miniatuur_intocht_van_Jezus_in_Jeruzalem.jpg?uselang=fr

L’entrée du Christ à Jérusalem, Codex Purpureus Rossanensis, ou Évangéliaire de Rossano, manuscrit enluminé sur parchemin pourpre en écriture grecque onciale (byzantine) en or et argent et actuellement conservé au musée diocésain de Rossano en Calabre.

Lee Christ peut parfois brandir une palme lui même comme dans le vitrail de Chartres :

Ici la ville est absente.

Les disciples sont toujours représentés en cortège, ce qui renvoie à la procession qui caaractérise les manifsstations liturgiques du dimanche des Rameaux. L’apôtre non nimbé est Judas, celui avec la barbe blanche est toujours identifié à Pierre.

La foule :

Pietro Lorenzetti, Arrivée du Christ à Jérusalem, vers 1320. Fresque, Bassilique inférieure Saint François d’Assise.

Ici les habitants sont saisis sur le vif en train d’enlever leur manteau pour l’étaler par terre. Des enfants sont ajoutés alors que la figure du Christ est plus majestueuse par la préciosité de son manteau bleu lapis-lazuli dont la bordure est peinte à la feuille d’or, effets de couleur qui magnifient la figure du Christ parmi toutes les autres. On reconnaît le style précieux de l’école siennoise.

Zachée, un publicain (collecteur de l’impôt pour les romains) homme de petite taille qui serait monté sur un arbre, le sycomore, pour voir Jésus mais à Jéricho et non pas à Jérusalem où il est souvent confondu avec un personnage juché sur un arbre qui est peut-être en train de couper des rameaux d’olivier (le texte parle de palmier).

Duccio di Buoninsegna - Entry into Jerusalem - WGA06783.jpg

Duccio, Entrée de Jésus à Jérusalem, revers du retable de la Maestà, 1308-11
Tempera sur bois, 100 x 57 cm. Museo dell’Opera del Duomo, Sienne.

Duccio di Buoninsegna - Entry into Jerusalem (detail) - WGA06784.jpg

Détail du panneau de Duccio avec Zachée (?) et un enfant plus loin qui coupe des rameaux d’olivier.

Le geste d’agiter des rameaux d’olivier ou de palmier est une coutume ancienne en Orient pour acclamer un héros. Ces branches peuvent prendre diverses formes et tailles dans l’iconographie.

Quant à l’ânesse, elle descendrait de l’ânesse de Balaam, un devin à qui un roi de Jordanie ancienne aurait demandé de maudire les Hébreux qui l’avaient envahi. Sur le chemin, un ange freine l’animal et l’empêche d’avancer. Balaam le frappe violemment mais rien n’y fait. L’âne se met à protester contre la violence de son maître qui comprend le signe divin et finit par refuser de maudire les Hébreux, au contraire il les bénit. Voir un des tout premiers tableaux de Rembrandt (1626) conservé au musée Cognacq-Jay à Paris (voir ici)

La ville de Jérusalem.

De décor très sommaire elle devient une véritable représentation d’une ville contemporaine dans ses remparts comme dans le panneau de Duccio.

II. Technique.

L’enluminure : c’est la peinture d’un manuscrit (le codex) pratiquée dans les espaces que le scribe, le copiste, a laissés blancs sur la page appelée folio ou alors pleine page (page entièrement enluminée appelée « page tapis »). Sur le support, parchemin, (peau de brebis, d’agneau, de veau ou de chevreau)  nu ou couvert d’une couche de blanc d’oeuf et d’eau ou du blanc de céruse (carbonate de plomb de couleur blanche) ou de plâtre (pour le bois), le peintre ou pictor travaille à tempera (ou détrempe). C’est à dire que les pigments broyés sous forme de poudre sont mélangés avec de l’huile, de la colle, avec une sorte de gomme végétale ou une émulsion à l’oeuf. Ce travail soigneux de préparation du support et des couleurs incombe aux apprentis. Les teintes ainsi obtenues sont opaques, le terme de miniature vient de minium (en latin pigment rouge orangé obtenu par l’oxydation du plomb fondu et enlluminer signifie rendre lumineux, brillant. Rouge, bleu intense, jaune et vert sont les principales couleurs paefois mlangées à l’or ou à l »argent qui sont aussi appliqués directement mélangs à de la colle.  L’utilisation de l’oeuf donne un éclat merveilleux mais rend les ouleurs fragiles car la suface s’écaille.

III. Le contexte artistique.

C’est l’époque de l’Art courtois et dugothique international : période de l’art gothique qui s’étend des années 1380 à 1420 voire plus dans le nord de l’Europe peu touchée par la révolution du Quattrocento comme la profondeur (perspective) et la référence affirmée à l’antiquité et attachée à un naturalisme prononcé, au goût pour les formes très stylisées. Cependant, la modernité touche autant le Nord (Flamands) que le Sud (Florence) du continent.

Le gothique international est un art brillant, aristocratique marqué par :

-la souplesse de la figuration

-la courbe privilégiée

-le raffinement des couleurs et des attitudes

-le goût de la société princière pour les fastes et le cérémonial.

De nombreux artistes flamands et hollandais viennet travailler en France et en Bourgogne : sculpteurs (cf. Sluter) et surtout peintres de panneaux et enlumineurs comme les frères de Limbourg (pour le même mécène, Jean duc de Berry, on peut ajouter Jacquemart de Hesdin qui réalise peu avant les Très Riches Heures, les Grandes Heures dont il ne reste qu’une seule enluminure pleine page, le célèbre Portement de Croix  (voir ici). Par leur taille et la qualité de composition et d’exéution (même si le Portemet est très abimé), ces enluminures sont de véritables tableaux.

Par leur grande originalité,  les enluminures des frères de Limbourg sous le mécénat du duc de Berry, constituent un des sommets de la peinture française à la fin du Moyen Age. Alliant l’élégance gothique, la sensibilité naturaliste et une certaine conception de l’espace grâce à la présence d’oeuvres italiennes dans la collection de Jean, l’admirable travail des Limbourg (et de leurs successeurs qui ont aachevé le manuscrit) témoigne d’un intérêt croissant pour le réel. Dans le calendrier des Très Riches Heures, la permanence de l’ordre cosmique (zodiac) rejoint celle de l’odre social avec le château garant de l’odre terrestre auquels fait face le mouvement éternel de la succession des travaux et des saisons.

IV Le même sujet dans des oeuvres plus récentes.

Anton Van Dyck, L’entrée du Christ dans Jérusalem, 1617, huile sur toile, 151 cm × 229 cm  Indianapolis Museum of Art.

La toile de Van Dyck est conforme au récit biblique. L’ânot qu’il chevauche est presque entièrement enveloppé par ses drapés d’un riche bleu et rouge cramoisi. Il est entouré de ses disciples à pied et accueilli avec joie par une foule de personages qui déposent des rameaux sur son chemin. C’est un vigoureux travail de jeunesse plein de couleurs vives et de coups de pinceau dynamiques. L’agitation et la musculature des personnages attestent du style baroque. Le naturalisme et la grande taille des personnages leur confèrent une immédiateté extraordinaire, au service du drame et du récit.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/61/Benjamin_Robert_Haydon_-_Christ%27s_Entry_into_Jerusalem_-_WGA11207.jpg

Benjamin Haydon (1786–1846), Entrée du Christ à Jerusalem, entre 1814 et 1820
Huile sir toile, 396 x 457 cm. Athenaeum of Ohio.

Artiste anglais, forte personnalité et profondément croyant, Haydon,  a réalisé plusieurs toiles religieuses non commandées, il s’est ruiné alors que son objectif était de gagner en célébrité en s’adressant au sentiment religieux. Dans ce tableau, il aborde directement la question du doute, en prenant comme modèles des rationalistes tels que Voltaire et ses amis pieux, comme le poète romantique Wordsworth, dans la foule des assistants. Leurs réactions diverses à l’apparition du Christ constituent un débat sur la foi.

Hippolyte Flandrin (1809-1864), Entrée de Jésus a Jérusalem, 1842-1846, église Saint-Germain des Près de Paris. Fac-similé en chromolithographie (Collection particulière).

2e exemple : Les pèlerins d’Emmaüs de Rembrandt (Jacuqemart André).

https://drive.google.com/file/d/1UG0AJR_yLSdAHbyCg2lv5eE3lMcx95Nh/view?usp=sharing

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